Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) : l'avant-garde du 6ème rapport expliquée pour les Nuls

  Encore un excellent cours de vulgarisation pour les béotiens que nous sommes, pour certains d'entre nous...
   À lire et à partager sans modération.

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Le rapport du GIEC en 18 graphiques 

Sylvestre Huet
Journaliste scientifique - Membre de l' Association des journalistes scientifiques de la presse d'information (Ajspi)

   Plus précis. Plus alarmant. Plus fiable. Plus pédagogique. Le groupe-1 du GIEC vient de publier son rapport dans le cadre de la préparation du 6ème rapport de ce Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat. Le premier fut publié en 1990. Il servit de base scientifique à l’élaboration de la Convention Climat de l’ONU, signée à Rio de Janeiro en 1992.
   Le GIEC se divise en trois groupes de travail.

  • Le premier s’occupe de la physique du climat, comment il fut, est et sera dans le futur en fonction des différents scénarios possibles d’émissions de gaz à effet de serre par l’Humanité.
  • Le second analyse les conséquences de ce changement climatique sur les écosystèmes naturels et agricoles et sur les sociétés humaines ainsi que sur les adaptations possibles de ces dernières à ces menaces. 
  • Le troisième s’interroge sur les politiques à conduire pour diminuer ces menaces en réduisant nos émissions de gaz à effet de serre.

   Les groupes 2 et 3 doivent approuver leurs rapports en février et mars 2022. Le rapport de synthèse est prévu pour fin septembre 2022.
   Cette note présente le résumé pour décideurs du groupe 1 et son document « réponses aux questions fréquentes », FAQ en anglais, à travers une sélection de graphiques rapidement commentés. Elle ne porte donc que sur la physique du climat.

1. Ce que l’on savait en 1990, ce que l’on sait en 2021

 

 



  Ce graphique est une sorte de réponse à une thèse aujourd’hui fréquente « on savait tout déjà en 1990, voire en 1979 ». Il souligne qu’en 1990 la légère hausse des températures était « suspectée » de trouver son origine dans les émissions de GES, mais sans pouvoir être démontrée. Que les observations climatiques et les données paléoclimatiques étaient certes déjà importantes mais qu’elles ont été considérablement améliorées depuis. Que les modèles numériques du climat utilisés pour simuler le futur devaient se contenter de mailles de calcul de 500 km de côté, donc effaçant nombre de reliefs, et ne comportaient ni chimie atmosphérique, ni l’usage des sols et leurs transformations, ni la biogéochimie terrestre et marine, ni les interactions entre nuages et aérosols. En 2021, les faits climatiques sont bien mieux établis, la cause du réchauffement prouvée, le niveau marin surveillé par satellites, les modèles plus précis, plus complets. Si le rapport de 1990 était suffisant pour répondre positivement à la question des gouvernements à l’origine de la création du GIEC – « est-ce que le changement climatique est suffisamment menaçant pour nos sociétés pour justifier une politique drastique de réduction de nos émissions de gaz à effet de serre et donc de privation volontaire de l’usage des énergies fossiles qui représentent 80% des énergies utilisées pour subvenir à nos besoins ? » – les rapports qui ont suivi ont considérablement amélioré la précision de la réponse. Le 6ème rapport s’inscrit dans cette évolution du savoir. 
 
2. Comment le climat évolue t-il ?
Les températures :

 


  La température moyenne de la planète, mesurée à un mètre au dessus des sols, stations météorologiques, et à la surface des océans depuis 1850 et la reconstruction de ces températures par des études paléoclimatiques remontant à 2000 ans montre l’amplitude et la rapidité du réchauffement observé. Au secours, vont crier les climatosceptique, la courbe en crosse de hockey revient ! Logique, puisque c’est de la bonne science.
  Les signes du changement climatique :

 

  La Terre montre dans toute sa géographie et dans toutes les composantes de ses écosystèmes les signes du changement climatique, causé par son réchauffement.
   Les vagues de chaleur se multiplient

 


  L’augmentation de la température ne se manifeste pas seulement sur les moyennes mais également par la multiplication et l’intensification des vagues de chaleur dont les effets peuvent être dévastateurs pour les écosystèmes, l’agriculture ou la santé humaine.
  La banquise arctique se rétrécit

  


  En 30 ans, la surface moyenne de la banquise arctique en fin d’été a diminué de 2 millions de km². Les projections climatiques montre qu’elle pourrait presque disparaître certaines années en fin d’été à partir de 2050.

3. La cause du changement
 

 


  L’intensification de l’effet de serre atmosphérique par nos émissions de gaz à effet de serre – la plupart dues à l’usage des énergies fossiles, charbon, gaz et pétrole – est la cause du réchauffement climatique. Cette intensification a bousculé l’équilibre entre l’énergie solaire qui entre dans le système climatique planétaire et l’énergie que la Terre rayonne vers l’espace. L’énergie supplémentaire ainsi acquise par la planète se distribue surtout vers les océans (91%), la surface des continents (5%), est utilisée pour la fonte des glaces (3%) et seulement 1% est stockée dans l’atmosphère.
  La preuve de la cause anthropique du réchauffement

                                     


  Lorsque les climatologues simulent par modèles et calculs le climat depuis 1850, seules les simulations qui tiennent compte du changement de la composition chimique de l’atmosphère par nos émissions de gaz à effet de serre parviennent à reproduire les températures observées. Les simulations qui ne tiennent compte que des facteurs naturels simulent un climat stable, très éloigné
du réel observé.

4. Les climats futurs possibles

  Le rapport focalise son résumé sur trois futurs possibles. Un premier où le réchauffement est limité à 1,5°C, un second où il monte à 2°C, un troisième où il grimpe jusqu’à 4°C. Cette présentation pédagogique ne doit pas induire en erreur : ces trois scénarios ne sont pas du tout équiprobables

  1. Le premier supposerait une diminution drastique des émissions mondiales dès aujourd’hui à un rythme très élevé. Sa probabilité économique, sociale et politique est nulle. 
  2. Le second suppose l’engagement de politiques très sévères de restriction de l’usage des énergies fossiles et de nombreux autres éléments d’une politique climatique efficace. Sa probabilité est faible, mais si ces politiques étaient engagées dans les 10 ans qui viennent au plan mondial, ce scénario ne peut être écarté. 
  3. Le troisième correspond… à la trajectoire historique des émissions des gaz à effet de serre depuis 1992, l’année de Convention Climat de l’ONU. Autrement dit, pour le réaliser, il suffit de continuer comme aujourd’hui.

  Les cartes des températures de ces trois simulations ; les cartes montrent des moyennes de l’ensemble des simulations réalisées par les équipes scientifiques :
  Echelle des températures 



                                           




                                 
 

  Et voici les simulations pour les précipitations selon les trois cas

                              


  Les moyennes de températures ou de précipitations vont changer, mais les fréquences et intensités des épisodes météo ou climatiques extrêmes également. 

  La relation entre moyennes et extrêmes climatiques et météorologique est différente pour les températures et les précipitations. Similarité pour les premières mais parfois opposition pour les secondes.
  Ainsi, les zones qui risquent le plus d’être affectées par des sécheresses sont très inégalement distribuées à la surface de la Terre

 


  Le pourtour de la Méditerranée et de la Mer Noire, l’Amérique centrale et le sud-est des USA, le Chili, le sud de l’Afrique, la côte ouest, entre Sénégal et Côte d’Ivoire, Madagascar, l’Amazonie sont les régions les plus menacées par des sécheresses fréquentes et intenses. En Amazonie, cela pourrait déclencher une transformation profonde de l’écosystème forestier.
  Des vagues de chaleurs beaucoup plus fréquentes et intenses

 



  Une vague de chaleur dont la fréquence dans le climat d’il y a 50 ans était d’une fois tous les 50 ans surviendra beaucoup plus souvent, 14 fois pour un réchauffement de 2°C, 40 fois pour un réchauffement de 4°C, et la température sera de 2,7°C et de 5,3°C plus élevée. Pour la France, cela signifie des canicules à 50°C, sur une vaste partie du territoire dans ce dernier cas.
  Le niveau marin futur

  La montée du niveau marin est inéluctable. Mais son évolution à court terme dépend peu de nos émissions actuelles. En revanche, à l’horizon 2100, ces émissions peuvent en changer considérablement l’amplitude. À plus long terme, 3 siècles, un scénario à 4°C en 2100 peut aboutir à une hausse de plusieurs mètres.
  L’acidification des océans

 

  La diminution du pH moyen de l’océan, en raison de dissolution du CO2 dans l’eau, est en cours et va s’accentuer. Elle menace de nombreuses espèces du plancton marin, la base de la chaîne
alimentaire océanique, qui ne parviennent plus à former leur squelette calcaire.
  Et le Gulf Stream ?

 

  Le Gulf Stream risque t-il de s’arrêter ? Non répond le rapport du GIEC, mais il pourrait ralentir. Cela provoquerait un moindre réchauffement de l’Europe du Nord-Ouest.

5. Le budget carbone de l’Humanité 

   

Alors que l’Humanité a émis 2 560 milliards de CO2 depuis 1750, il faudrait n’en émettre que 500 de plus pour limiter le réchauffement à 1,5°C. Pour le limiter à 2°C, 1 150 milliards de tonnes. Ces objectifs supposent de ne pas utiliser la majeure partie des énergies fossiles disponibles en sous-sol.   Et donc des transformations technologiques, économiques, sociales, culturelles et politiques majeures.

Les auteurs du résumé pour décideurs :



Origine des graphiques tirés de la FAQ :

  IPCC, 2021: Frequently Asked questions. In: Climate Change 2021: The Physical Science Basis. Contribution of Working Group I to the Sixth Assessment Report of the Intergovernmental Panel on Climate Change [Masson-Delmotte, V., P. Zhai, A. Pirani, S. L. Connors, C. Péan, S. Berger, N.
Caud, Y. Chen, L. Goldfarb, M. I. Gomis, M. Huang, K. Leitzell, E. Lonnoy, J.B.R. Matthews, T. K. Maycock, T. Waterfield, O. Yelekçi, R. Yu and B. Zhou (eds.)]. In Press.

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