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que ces personnes indignées furent le dénoncer au comité de leur section qui est la Halle-au-Blé [n°10 ; secteur compris entre le Palais-Royal et les Halles centrales], qui, au lieu de le faire venir au comité pour s'assurer des faits, se contentèrent de lui écrire et en restèrent là. Ledit Dardevillier vient d'être placé au Département, et, comme ceux qui occupent des [emplois] salariés de la Nation sont obligés d'avoir leur certificat de civisme, et que ceux qui l'avaient dénoncé en furent instruits, ils parlèrent à quelques [citoyens] du comité de leur dénonciation : ils leur fut répondu qu'ils n'avaient rien à craindre, et qu'il ne l'aurait pas. Cependant il en est arrivé tout autrement, Dardevillier a obtenu son certificat de civisme, et de plus on lui a donné à lire la dénonciation qui avait été faite contre lui. Il a eu le loisir de connaître ceux qui l'avaient dénoncé comme étant de ses voisins, et à présent les personnes qui l'on dénoncé sont menacées par lui, car sa belle-mère a dit, au Théâtre de la République, qu'il leur brûlerait la cervelle.
Dans une maison de la section de la Halle-au-Blé, plusieurs citoyens parlaient des affaires du temps avec un membre du comité révolutionnaire de la même section. Une personne dit : " Il est bien étonnant, nous, (sic) à la veille de manquer de toutes sortes de comestibles, et la Convention a décrété116 des visites domiciliaires, pourquoi n'en fait-on pas? " Le citoyen Labadie, membre du comité révolutionnaire, dit : " Vous voudriez que l'on fît des visites pour connaître ceux qui sont approvisionnés pour quelque temps ; cela ne se peut, parce qu'il est permis aux riches de s'approvisionner pour six mois et un an s'il le veulent. - Si c'est ainsi, dirent les citoyens, quand nous ne trouverons plus rien nous irons chez les riches. " Ensuite Labadie leur dit : " L'on se plaint que les riches ne font pas travailler. Comment peuvent-ils faire travailler puisqu'on les incarcère, et ceux qu'on laisse chez eux sont obligés de payer leurs gardiens? " Voilà les individus que la scélératesse et l'intrigue met en place. Ce Labadie demeure chez l'épicier, rue Mercier n° 15.
Rapport de Pourvoyeur, W 191
Le peuple observe que la plupart des marchands n'ont pas leurs magasins dans Paris, mais à une lieue ou deux ["... de définition très variable, anciennement utilisée en Europe et en Amérique [...] La lieue métrique française vaut exactement 4 km ; la lieue terrestre ou lieue commune de France vaut 1/25 de degré du périmètre terrestre, soit exactement 4,444 8 km [...] Il y a plusieurs définitions de la lieue comme unité de mesure sous l'Ancien Régime et la révolution ; source] hors de Paris, et qu'il serait important d faire des visites aux environs de Paris. Le Peuple observe encore qu'il y a des personnes qui accaparent la viande et qui la salent afin qu'elle se garde.
Borne d'Ancien Régime de Moret-sur-Loing [77]. Elle indique les 36 demi-lieues qui séparent Moret de Paris, soit environ 70 kilomètres. Elle était initialement gravée d'une fleur de lys qui a été martelée à la Révolution. Photo : Pierre Hamelin @CC BY-SA 4.0
Le Peuple dit que le peu de marchandises que l'on lui vend est entièrement dénaturé, notamment les denrées.
Le Peuple observe et se plaint qu'il y a des bouchers qui tuent des vaches pleines ; l'on dit encore que le mouton se vendait à la halle 20 sols, que cette viande était très malsaine, soit qu'on tue des moutons morts ou autrement ; il en résulte que plusieurs personnes ont été malades d'en avoir mangé.
Le Peuple demande pourquoi, lorsque la plupart des citoyens se sont épuisés pour subvenir à tous les besoins urgents qu'exige le moment présent, il est des citoyens qui n'avaient rien avant la Révolution et maintenant affichent une opulence insolente.
Ce sont ces mêmes gens, se dit le Peuple, à qui rien ne coûte et qui achètent les denrées aux prix que les marchands veulent ; l'on trouve chez ces mêmes gens toutes sortes de marchandises en provision.
Le Peuple désirerait que l'on examine la fortune de plusieurs individus, et savoir comment ils l'ont acquise, et quel emploi ils en font.
Le Peuple ne cesse de louer les travaux de la Convention nationale et l'activité de ses représentants.
Rapport de Prevost, W 191
On dit dans le public que les sociétés populaires s'opposent à la pétition que doivent présenter les sections à la Convention nationale relativement aux prisonniers117, et pour obtenir d'elle l'élargissement de ceux d'entre eux qui ne seraient pas coupables. D'autres veulent que tous les détenus y restent jusqu'à la paix. Enfin d'autres veulent et entendent qu'ils soient déportés ["...En France, l’idée d’une politique de déportation n’était pas à l’ordre du jour. Depuis le traité de Paris en 1763, la France n’avait plus les moyens de mener une telle politique et l’expérience désastreuse de la colonisation de Kourou, entre 1763 et 1765, n’avait fait que confirmer tragiquement cet état de fait. [...] Cependant l’ouverture de pénitenciers dans un lointain Pacifique, mais aussi l’expérience de la colonisation qui y est menée, à la veille de 1789, ne pouvaient que susciter la curiosité et l’intérêt des acteurs de la Révolution française, soucieux de créer une société nouvelle et des pénalités plus modernes et plus humaines parmi lesquelles la déportation, à l’instar de l’exemple australien, pouvait trouver sa place. [...] C’est au cours de la séance de la Constituante du mercredi 1er juin 1791, que Brillat-Savarin, interpelle le rapporteur du projet de Code pénal en ces termes : " Je demande que l’on discute d’abord si l’on admettra la déportation. " ; la déportation concernait les criminels récidivistes, les mendiants, les politiques, dont les prêtres réfractaires, les citoyens dénoncés pour " incivisme " ; source], et qu'après la paix on les rappelle dans le sein de la République, leur annonce qu'on les pardonne, et qu' alors ils aient à vivre parmi nous en frères.
On dit aussi que Westermann, ayant désarmé les rebelles de la Vendée, a rendu ces mêmes armes aux municipalités par où il passait118 ; qu'il a eu un très grand tort, qu'il aurait dû les envoyer à Paris ; que, si l'on n'y prenait garde, que (sic) bientôt ces mêmes armes se tourneraient contre nous ; que Westermann devrait à cet instant mis en arrestation.
Il est arrivé au port beaucoup de bateaux chargés de vin et beaucoup de bois. Le bateau qui, dit-on, a péri119, le vin a été repêché. Il y a toujours à la Halle-aux-Vins des citoyens qui en achètent pour le revendre sur le champ, moyennant 10 à 15 livres par pièce de bénéfice.
Inhumation des corps de déportés en Guyane, gravure extraite de Voyage à Cayenne dans les deux Amériques… par Louis-Ange Pitou : contre-révolutionnaire déporté en Guyane en 1798. Source
Rapport de Rolin, W 191
Les gens comme il faut, et non comme ils devraient être, font courir le bruit qu'il est certain que nous avons perdu 15.000 hommes dans une affaire à Worms120 [ "... Grâce à l’avance du Général Custine de Landau à Mayence par Spire et Worms en septembre-octobre 1792, pour les Allemands qui vivaient là, la Révolution avait cessé d’être uniquement l’objet de discussions théoriques qui enthousiasmaient beaucoup de gens, mais n’engageaient personne. Dans ces conditions exceptionnelles, les personnalités éclairées les plus conséquentes ont trouvé le chemin de l’action révolutionnaire qui englobait nécessairement la mobilisation du peuple et l’utilisation de la violence révolutionnaire. Ainsi, les Lumières allemandes aussi ont prouvé leur capacité fondamentale à se réaliser dans le jacobinisme. Le résultat fut la proclamation le 18 mars 1793 de l’État libre rhéno-germanique qui, pour des raisons de sécurité, sollicita la réunion à la France, sans pour autant trahir le moins du monde la nation allemande. [...] Lorsque les troupes d’occupation françaises de Mayence capitulèrent le 23 juillet 1793 devant les assiégeants prussiens, la République de Mayence prit irrévocablement fin, après avoir déjà perdu, plus de cent jours avant, tout l’arrière pays entre Landau et Bingen et avoir été réduite au cercle étroit de la ville. L’État libre rhéno-germanique avait été de courte durée... " ; source], et plus encore à l' Armée du Nord121. Ils ajoutent que nos prises de vaisseaux anglais122 sont des fables ; que les Espagnols ont le dessus123, que Perpignan est peut-être en leur pouvoir, que le département des Pyrénées-Orientales est en pleine contre-révolution124 ; que Charette est ressuscité, qu'il a repris Noirmoutier125 ; que l'intention des tyrans coalisés est de nous miner petit à petit, sans vouloir s'exposer à nous livrer bataille rangée, vu notre grand nombre ; et mille autres choses semblables, qui, malheureusement, ne prouvent que trop qu'il existe encore des monstres qui désirent et travaillent à opérer notre perte et celle de notre liberté. Vigilate!
Prise de Spire, Allemagne, par l'armée du général Custine, 29 septembre 1792. Swebach-Desfontaines, Jacques François Joseph, 1769-1823, dessinateur ; 1792. Source
Malgré toutes les précautions de nos magistrats, il se commet encore des abus dans la délivrance des cartes pour le bois126, le charbon et autres marchandises. Celui qui n'a point le moyen d'acheter une voie de bois [unité de volume valant 2 stères de bois ou la moitié d'une corde : quantité de bois déterminée par la longueur d'une corde entourant les morceaux de bois coupés de façon semblable. Cette mesure varie énormément, car la corde utilisée mesurait entre 6 m et 13,60 m en fonction des régions et des localités. En moyenne, elle équivaut entre 2 à 5 stères ; La politique de la forêt sous le Consulat et l’Empire. L’exemple du département de la Meurthe], va chercher une carte et cède à un autre pour la somme de tant, de même pour autres choses.
On se plaint que la commune de Rouen ne laisse venir aucune provision à Paris. On assure que, depuis que la rivière est marchande, il n'est encore arrivé qu'un seul bateau chargé de quelques épiceries venant de Rouen, au lieu qu'on prétend qu'il devrait déjà en être arrivé au moins soixante ou quatre-vingts.
Pour la dernière fois, je réitère qu'il existe un plan de descente en Angleterre127 qui m'a paru délicieux, avec ses cartes hydrographiques et topographiques. Le propriétaire va partir sous peu de jours. Ce plan a été vu, quoique superficiellement, par le citoyen Jean Bon-Saint-André [André Jeanbon, dit Saint-André, 1749-1813 ; "...il se rend à Lausanne, au séminaire fondé par Antoine Court en 1724 (avec l’appui du « Comité français de Genève »). Il s’y prépare au ministère pastoral et sa consécration a lieu le 21 avril 1773. Avant de quitter Lausanne, Jeanbon, selon la coutume du Désert, prend le pseudonyme catholique de Saint-André, de même, Rabaut prend celui de Saint-Étienne. [...] Élu à la Convention le 6 septembre 1792 comme député du Lot , le Tarn et Garonne ne sera créé par Napoléon qu’en 1808, [...] président de la Société des Jacobins le 2 novembre 1792 [...]Arrêté le 28 mai 1795, à la suite du soulèvement de Prairial, il est enfermé au Collège des Quatre-Nations, l’actuel Institut, avec David qui racontera que, pendant deux jours, la guillotine fut dressée dans la cour de la prison. [...] libéré au bout de six mois de réclusion. [...] En 1809, il est fait baron d’Empire... " ; source], député à la Convention, qui l'a trouvé sublime. J'en ai parlé aux citoyens Billaud-Varenne [Jacques-Nicolas, 1756-1819 ; avocat ; député à la Convention nationale, 1792, membre du Comité du Comité de salut public, 1793 ; "... L’apport révolutionnaire de Billaud-Varenne est pourtant considérable : le refus de la guerre extérieure, la Commune du 10 août 1792, la proclamation de la République, le représentant en mission dans les départements du Nord et de l’Ouest, le membre influent du Comité de Salut public, le rapporteur des discours sur le gouvernement révolutionnaire, son rôle décisif dans l’élimination puis l’exécution de Louis XVI, Marie-Antoinette, le duc d’Orléans, les Girondins, les Hébertistes, les Dantonistes, etc., l’acteur majeur du 9 thermidor et de la chute de Robespierre, le Crétois Montagnard face à la réaction thermidorienne ; tout cela c’est Billlaud-Varenne, et ses multiples facettes sont encore largement à défricher dans des études nouvelles à venir... " ; source ; lire : " Lettre de Billaud-Varenne à son père, Thermidor An VIII "] et Danton [Georges Jacques, 1759-1794 ; avocat ; fondateur du Club des Cordeliers, 1790 ; Ministre de la Justice, 1792 ; membre du Comité de salut public, 1793 ; Président de la Convention nationale, 1793 ; Député de la Seine, 1792-1794 ; "... Au début de 1794, il s'oppose à la continuation de la Terreur. Désapprouvant totalement la politique extrémiste des hébertistes, Danton, à son retour de province, voit dans leur chef l'homme à abattre. Il veut mettre un terme aux violences : " Je demande qu'on épargne le sang des hommes " ; mieux vaut cent fois être guillotiné que guillotineur ".[...] Après la chute d' Hébert, en mars 1794, Robespierre se retourne contre Danton et Desmoulins [...]À son procès, Danton n'a aucune peine à démentir les accusations portées contre lui. L'éloquence de ses dénégations est telle que l'assistance, d'abord hostile, commence à se retourner en sa faveur. Sur la demande de l'accusateur public, Fouquier-Tinville, Saint-Just obtient de la Convention un décret de mise hors la loi des accusés, qui seront ainsi jugés sans être entendus, et finalement condamnés à mort. Le 5 avril, Danton monte sur l'échafaud avec treize autres condamnés... " ; source], il y a cinq ou six mois, mais ils ne l'ont point vu. Si on le désire il est encore temps.
Au cours de leur emprisonnement, David dessine Jeanbon Saint-André. © S.H.P.F
Danton conduit à l'échafaud. Dessin à la sanguine, 1794, d'Alexandre Wille. Musée Carnavalet, Paris. Ph. Jeanbor © Archives Larbor
Des citoyens qui disaient être arrivés depuis deux jours des départements du Calvados et d' Eure-et-Loir assuraient que ces départements étaient bien éloignés d'être à la hauteur de la Révolution, et qu'il y avait lieu d' appréhender quelque contre-révolution dans cette partie de la République.
On assure que le citoyen Lacroix128 [Jean François Delacroix, dit Lacroix, 1754-1794 ; Député à la Législative, 1791, puis à la Convention, 1792, ami de Danton, il fut accusé d'avoir pillé les églises lors de sa mission en Belgique et fut guillotiné avec les dantonistes : 5 avril 1794 ; Larousse], député est arrêté.
24 Pluviôse an II - 12 février 1794
Rapport de Bacon, W 191
La Société des Cordeliers [club révolutionnaire fondé à Paris en avril 1790 sous le nom de Société des Amis des droits de l'homme et du citoyen et qui siégea dans le couvent des Cordeliers, désaffecté, aujourd'hui rue de l'École-de-Médecine, à Paris, jusqu'en mai 1791. Ses principaux chefs étaient Danton, Desmoulins, Chaumette, Hébert, Marat, le brasseur Santerre, le boucher Legendre. Son recrutement était plus populaire que celui des Jacobins. Agissant par pétitions et manifestations, ayant un grand ascendant sur la population ouvrière des faubourgs, Saint-Antoine et Saint-Marceau, il exerce une grande influence dans toutes les « journées » révolutionnaires. Organisateur de la manifestation qui aboutit à la fusillade du Champ-de-Mars, 17 juillet 1791, il joue un rôle prépondérant dans les journées des 20 juin et 10 août 1792. Passé sous le contrôle des hébertistes à la fin de 1792, il disparaît lorsque ces derniers sont guillotinés : mars 1794 ; Larousse] était assez nombreuse, et j'ai trouvé qu'il y avait plus de femmes que d'hommes aux tribunes. Un citoyen, appelé Perault129, ex-procureur, a donné lieu à de longues discussions. Comme ce Perault est de la Société des Jacobins, différents Cordeliers ont annoncé qu'ils l'y avaient dénoncé comme un fier intriguant, et qu'ils avaient été mal accueillis. Un peu de bruit. Différents autres citoyens voulaient parler ; mais, sur l'observation d'un membre qu'il fallait laisser à part les individus pour ne s'occuper que de la chose publique, on a passé à l'ordre du jour.
On a lu une lettre et des imprimés du député Châsles [Pierre Jacques Michel, 1753-1826 ; prêtre constitutionnel ; maire de Nogent-le-Rotrou, novembre 1791 ; député " Montagnard " à la Convention nationale, 1792-1795 ;"... De l’automne 1792 à l’été 1794, le Montagnard Chasles se distingua de deux manières : en demandant, un des premiers, des mesures de réquisition des grains stockés par les spéculateurs, en participant de près, comme représentant en mission, aux opérations de l’armée du Nord. [...] Chasles eut, avant Babeuf, le mérite de donner avec l’imprimeur Lebois un organe au sans-culottisme, L’Ami du Peuple, présenté comme la suite du journal de Marat, le 29 fructidor an III, 15 septembre 1794. [...] " Au moment, où sous les yeux de l’égalité naissante, une classe d’hommes s’élève insolemment au-dessus du peuple, ne fallait-il pas rappeler cette vérité de calcul, qu’aujourd’hui le peuple, ou la classe ouvrière, est au public — l’honorable million — ce qu’était en 88 le tiers état aux ordres privilégiés ? Il n’existe plus, je le sais, de privilèges ni d’ordres ; mais qu’importe au peuple le changement des noms, des hommes et du régime, si, sous des formes et des dénominations nouvelles, de nouveaux dominateurs le méprisent, l’humilient et l’enchaînent ? Quand le peuple a voulu calculer et sentir ce qu’il est et ce qu’il vaut, la Révolution s’est faite. Quand le peuple voudra calculer et sentir ce qu’il fut, ce qu’il est et ce qu’il doit être, la Révolution finira ", L’Ami du Peuple, n° 11, pp. 7-8. ; compromis à peine dans la conspiration de Babeuf [La Conjuration des Égaux, 1796-1797] — il fut un des nombreux anciens jacobins chez qui l’on fit des descentes de police — Chasles reprit son métier de professeur et tenta de faire prospérer des « institutions » d’enseignement ; source] inculpé et malade à Lille130. Ce citoyen est connu à la Société pour être un vrai républicain. D'après mes observations, il m'a paru que la fraternité n'était pas bien établie entre les Cordeliers et les Jacobins ; je m'en suis aperçu lorsqu'on a parlé de l'affaire Perault. La séance n'a pas été bien intéressante ; aussi j'ai entendu des femmes dire en s'en allant : " Allons aux Jacobins ; ici on ne s'occupe que de personnalités. "
Gracchus Babeuf : François Noël Babeuf, dit..., 1760-1797 ; créateur du Journal de la Liberté de la Presse, 1794 ; fonda le Comité insurrecteur, 1796 ; "... cet organisme clandestin dirigea une propagande parmi les soldats et parmi les ouvriers parisiens [...]Le babouvisme avait ainsi des associés, et le complot risquait de devenir dangereux pour le Directoire. [...] Dénoncé à Carnot par un traître, le complot, où l’on en était à préparer l’acte d’insurrection sans très bien savoir ce qu’il devait être, avorta avec les arrestations du 10 mai, 21 floréal an IV ...] " Regarderiez-vous au-dessous de vous, citoyens Directeurs, de traiter avec moi de puissance à puissance ! Vous avez vu de quelle vaste confiance je suis le centre. Vous avez vu que mon parti peut bien balancer le vôtre ! Vous avez vu quelles immenses ramifications y tiennent. J’en suis plus que convaincu, cet aperçu vous a fait trembler ! " Babeuf incarcéré écrivant au directoire ; condamné à mort, 10 mai 1797, et guillotiné. Source
L'assemblée populaire de la section des Arcis [n°19 ; son territoire était compris entre le Châtelet et l’Hôtel de Ville ; elle se réunissait dans l’église Saint-Jean-en-Grève, située derrière l'Hôtel de Ville, aujourd'hui : rue de Lobau] était peu nombreuse. La séance a presque toute été consacrée à crier, brailler, à se dénoncer mutuellement. On a ensuite lu le Journal du Soir131, et j'ai remarqué que, lorsque le lecteur a dit : " Il faut que la Convention rende justice, dût le Père Duchesne se mettre six fois en colère ", tous les auditeurs ont craché, mouché ou toussé. Lorsqu'on a lu l'article de la Vendée, j'entendais des femmes, ayant des enfants à leurs bras, dire que les brigands de la Vendée reprenaient plus de force que jamais132, et que là-dessus le peuple était trompé.
J'ai vu ce matin un administrateur du directoire du district de Bourg-l'Egalité133 qui m'a dit que depuis quelques jours ils avaient beaucoup de farine, que le peuple ne murmurait plus, et que l'esprit public était bon. Cet administrateur s'appelle Gervaise134.
Dans un cabaret de la Nouvelle-France135, on s'entretenait des fournisseurs, qu'on regarde tous comme des ennemis du peuple, parce qu'ils ne cherchent qu'à faire fortune. Des femmes qui étaient à boire, et qui, aussi, juraient, se plaignaient de ce que la Nation payait 30 sols une chose que les fournisseurs ne payaient à ceux qui l'avaient faite que 15. Elles disaient aussi : " Dans les sections, on a parlé de cet objet, et depuis ce temps les friponneries redoublent plus que jamais. "
Il est arrivé aujourd'hui beaucoup de vin sur le port Saint-Paul [quai de l' Arsenal, comme la section populaire du même nom, n°34]
Porte Saint-Martin, on s'est battu pour avoir du lait. Les laitières vous donnent pour consolation que, faute de nourriture, on tue les vaches, et qu'à présent on est bien heureux de prendre le lait tel qu'elles le donnent.
J'ai été jusqu'à Montmartre, et j'ai trouvé tout tranquille.
Rapport de Beraud, W 91
Plusieurs particuliers venant du département de la Charente-Inférieure [1790 ; appellation conservée jusqu'en 1941, date à laquelle, le département prendra le nom de " Charente-Maritime "] ont démenti les bruits qu'on faisait courir à Orléans que Charette marchait avec une armée formidable sur cette commune136. Les rebelles, ont-ils dit, ne sont pas ce que l'on veut faire croire au peuple ; ce ne sont plus que des restes languissants, qui, ne sachant pas où s'évader, errent de tous côtés pour ménager leur vie. Dans ce département, comme ceux qui l'approximent, on désapprouve très fort la conduite de Westermann137, celui de la Vendée ne renfermant que des hommes qui, malgré le fléau de la guerre qui a passé chez eux, conservent encore un venin dans le coeur. Le département de la Charente-Inférieure jouit de la plus grande tranquillité, les esprits y sont à la hauteur de la Révolution, les gens suspects y sont incarcérés. Le pain, la viande, sans être abondants, n'y manquent pas, et on y travaille beaucoup, tant à élever des forts, qu'à confectionner des vêtements pour les troupes. Le café, qui vaut huit livres deux sols en grains à Paris, ne s'y paye qu'une livre huit sols.
Le peuple témoigne son grand étonnement sur le silence qu'on garde envers les députés détenus138. [Chabot, François, 1754-1794 ; vicaire général de l'abbé Grégoire, évêque constitutionnel de Loir-et-Cher, il fut élu député, 1791. Compromis dans la liquidation de la Compagnie des Indes, 1793, il fut jugé et condamné à mort en même temps que Danton ; Larousse. Basire, Claude, 1764-1794 ; député de la Côte-d'Or, 1791-1792 ; député de la Convention nationale, 1792-1794 ; membre du premier Comité de sûreté générale ; compromis dans la fameuse affaire de la Compagnie des Indes. Ami de Danton et de Chabot, il est guillotiné en leur compagnie ; Larousse] Ou il y avait une conspiration, ou il n'y en avait pas. Dans le premier cas, on ne doit point les épargner ; dans le second, l'humanité veut qu'on ne les laisse pas souffrir plus longtemps. Il demande de toutes parts que le Comité de sûreté générale mette en liberté les citoyens incarcérés innocemment par les comités révolutionnaires, surtout les pères De famille et ceux qui faisaient vivre les ouvriers.
Rapport de Charmont, W 191
On continue de s'assembler aux portes des bouchers, la disette de viande augmente de plus en plus ; on menace les bouchers, on voudrait que la Commune remédie bien vite au mal qui empire. On demande qu'elle ne s'amuse point à entendre les dénonciations, on désire qu'elle porte un arrêté pour déjouer ce nouveau complot. Le remède, dit-on, c'est de délivrer la viande comme le pain.
On répand dans le public que nous sommes cent fois plus heureux que dans les départements, qu'il y a de certains départements où le pain vaut 15 sols la livre et qu'il n'y a presque point de viande et fort peu de légumes, que les citoyens de Paris sont trop heureux et qu'ils ne doivent point se plaindre.
La section Beaurepaire [n°44 ; son territoire : le quartier Latin actuel ; ses assemblées se déroulaient dans l’église des Mathurins ; actuellement le n° 7 de la rue de Cluny] est indignée contre la Commune de ce qu'elle n'a point voulu agréer le nouveau nom qu'elle s'est donné139 [la section changea quatre fois de noms : Thermes-de-Julien, à l'origine, jusqu'en 1792 ; Beaurepaire ou, parfois, Beaurepaire régénérée ; en 1794 ; Chalier ; pour finir par reprendre son nom original, 1795], ils furent même reçus fort mal, disent-ils, et, malgré la municipalité, nous prendrons notre nouveau de Chalier ; néanmoins, jusqu'à présent, elle se sert toujours de Beaurepaire.
Cette même section vient de rétablir l'infâme usage de la corvée. Voyant qu'elle dépensait trop dans son établissement pour le salpêtre ["...La récolte du salpêtre organisée par la Convention nationale pour fabriquer la poudre de guerre nécessaire au pays en état de siège, a mobilisé 83 départements, 600 districts, 48 000 municipalités. La production, entre le 14 frimaire an II et le 14 frimaire an III, a été, selon Prieur de la Côte-d'Or, de 16 754 039 livres de salpêtre [...] La décapitation de Louis XVI, le 21 janvier 1793, a déclenché la première coalition de l'Europe contre la France. Il faut de la poudre et des armes. La poudre de guerre était de la poudre noire constituée pour environ 75 % de salpêtre ou nitre, nitrate de potassium, le reste étant formé à parts égales de soufre et de charbon de bois. Le salpêtre ou nitre est un mélange de nitrates de calcium, potassium, magnésium, additionnés de chlorures et de carbonates. Avant la Révolution, plus de la moitié du salpêtre employé en France provenait de l'Inde par l'entremise d'importateurs anglais. Cette source était désormais interdite. Longtemps aussi le royaume de France fut essentiellement pourvu en poudres et salpêtre indigènes par la province d'Anjou. La production nationale de salpêtre va passer en 1794 de quatre millions de livres obtenus par la Régie à près de dix-huit millions, plus que suffisante pour couvrir les besoins des armées... [...] On lessive ou on lave les matériaux salpêtres trois fois successivement avec le moins d'eau possible. Les lessives sont jugées bonnes à évaporer quand elles contiennent 12 à 15 % de nitrates. Elles sont alcalines. On ajoute à la lessive du carbonate de potassium (appelé potasse) qui a pour effet d'entraîner la précipitation, dans le bac de décantation, des carbonates de calcium et de magnésium, il reste en solution les nitrates et chlorures de potassium et sodium. Le chlorure de sodium n'est pas beaucoup plus soluble à chaud qu'à froid tandis que le nitrate de potassium, lui, est moins soluble à froid qu'à chaud. On concentre par évaporation en chauffant la solution, qui porte le nom de cuite. Par refroidissement le nitrate de potassium cristallise, on le sépare de la solution qui est à nouveau chauffée pour être concentrée, elle abandonne alors une nouvelle masse cristalline constituée de chlorure de sodium... " ; source], elle a ordonné que deux hommes pris dans une compagnie, alternativement les uns après les autres, seraient tenus de donner une journée de leur travail, et que ceux qui manqueraient seraient déclarés suspects. L'exécution de cet arrêté a déjà lieu, mais il fait bien des mécontents ; beaucoup se récrient contre cet usage odieux et barbare. Qui est-ce qui a excité la section à faire cela? disait-on aujourd'hui. Ce sont ceux qui sont à la tête de cette organisation, afin de trouver mieux leur compte. C'est ce que les trois quarts des citoyens de cette section disent.
Le salpêtrier s'occupait de fabriquer, de collecter, de réquisitionner du salpêtre, récolté sur les murs des étables et des écuries. Le salpêtre ou nitrate de potassium servait à fabriquer la poudre noire ou poudre à canon, une des rares matières explosives connues depuis la fin du Moyen Âge en Europe... Source
On assurait aujourd'hui que nous venions d'éprouver un échec du côté de Worms, ainsi que l'armée du Nord, et que dans ce moment-ci Perpignan est peut-être cerné par les Espagnols, et qu'on nous cache tous ces évènements140 ; et que, lorsque nous avons un avantage, on nous le fait sonner on ne peut pas plus ; que la Convention ne devrait jamais taire au peuple ses avantages comme ses désavantages. La vérité et rien que la vérité, voilà ce que veut le peuple.
On devrait bien recommander aux sections de faire un peu plus attention dans la distribution qu'ils font pour le bois et le charbon. Elles ne tiennent aucun ordre, de manière que l'on voit très souvent les mêmes personnes revenir en chercher, dont on assure qu'il y a des gens qui en font un commerce.
On est surpris de ne pas voir la rivière mieux approvisionnée qu'elle n'est ; on attribut encore cela à la malveillance des gros marchands en gros. On demande que la Commune invite, par une circulaire, toutes les municipalités qui sont sur les bords de la Seine, à l'effet de faire descendre ou monter les approvisionnements qui sont pour Paris, car on craint que la rivière ne diminue et qu'il n'y ait rien à Paris.
Beaucoup de citoyens paraissent bien contents du décret141 qui exclut des travaux publics le citoyen Giraud [Pierre Marin, 1744-1814 ; architecte du Département de la Seine ; il adressa une pétition à la Convention nationale pour contester le décret] ; il est regardé partout comme un ambitieux, que la Convention a bien fait de chasser ; une grande partie en sont au comble de leur joie.
Cette affaire donne lieu à réclamer contre le Département qui n'ordonne pas de faire les réparations que le temps occasionne dans les maisons nationales. Seulement celle que je tiens pour le profit de la Nation, voilà plus de vingt fois que je demande des couvreurs pour réparer les toits, ainsi qu'une cheminée, qui est beaucoup endommagée. On me promet beaucoup, mais on ne tient rien, et mes locataires en souffrent. Si cela était possible, que le ministre réclame pour la ci-devant maison de Mathurins142 que je tiens à bail, afin d'y faire les réparations qu'exige l'entretien d'une propriété nationale.
CV de Pierre Marin Giraud. Source
Rapport de Dugas, W 191
Dans une affiche intitulée : Westermann général de brigade, à ses frères d'armes et à ses concitoyens, ce général143 se plaint des calomnies qu'on ne cesse de répandre pour lui faire perdre sa liberté et l'empêcher d'être encore utile à la République.
À suivre...
Pierre Caron, Paris pendant la Terreur, rapports des agents secrets du Ministère de l' Intérieur, tome IV - 21 pluviôse an II - 10 Ventôse an II, 9 février 1794 - 28 février 1794, , La Société de l' Histoire de France, Librairie Marcel Didier, Paris, 1949, pp. 50-60.
116. Nous n'avons pas trouvé trace d'un tel décret.
117. Cf. ci-dessus, p. 34.
118. Cf. ci-dessus, p . 20.
119. Cf. t. III, p. 380.
120. Cf. t. III, p. 163, note 1.
121. Cf. t. II, p. 200, note 3.
122. Cf. t. III, p. 38, note 1.
123. Cf. t. II, p. 170, note 4.
124. Cf. t. III, p. 171.
125. Inexact. Noirmoutier avait été reprise par les républicains le 14 nivôse [3 janvier 1794] et resta entre leurs mains.
126. Cf. t. II, p. 211, note 1.
127. Cf. t. III, p. 276, et note 1.
128. Lire : Delacroix, cf. t. Ier, p. 202, note 1. - Bruit inexact.
129. Perault Antoine, né en 1738 à Verdun, Cher, procureur au parlement de Paris depuis 1778. Arrêté le 23 germinal an II [12 avril 1794] par ordre du Comité de sûreté générale, et détenu au Luxembourg, il fut mis en liberté, au début de fructidor [août 1794], Arch. nat., F7 4774/68. Il était en effet membre des Jacobins, où il avait prononcé le 3 pluviôse [22 janvier 1794] un discours sur les crimes du gouvernement anglais, et avait subi avec succès, le 13 du même mois [1 février], l'épreuve de l'épuration : Aulard, La Soc. des Jacobins, t. V, p. 919, 637.
130. D'où il allait revenir à Paris trois jours plus tard. Le rôle qu'il avait joué dans le Nord était très discuté ; cf. le Dictionnaire des Conventionnels de Kuscinski - La Bibliothèque nationale possède de lui un imprimé de l'an II qui peux être un de ceux dont parle Bacon ; cf., A. Martin et G. Walter, Catal. de l'hist. de la Révol. française, t. Ier, n° 6952.
131. Cf. t. II, p. 343, note 2. - Le propos relaté par le Journal, n° 507, est mis par lui dans la bouche de Legendre et aurait été tenu au cours du débat relatif à Delacroix, à la Convention, le 24 pluviôse.
132. Cf. ci-dessus, p. 27, note 1.
133. Bourg-la-Reine.
134. Pas de renseignements.
135. Cf. t. II, p. 20, note 3.
136. Cf. ci-dessus, p. 27.
137. Cf. ci-dessus, p. 20.
138. Chabot et Basire ; cf. t. Ier, p. 309, note 2, et t. II, p.13, note 6 , Fabre d' Églantine ; cf. t. II, p. 329, note 3.
139. Cf. ci-dessus, p. 18, note 1. - C'est le 22 pluviôse que le Conseil général avait refusé d'approuver le changement de nom qu'était venu lui notifier une députation de la section Beaurepaire ; Moniteur, réimp., t. XIX, p. 599.
140. Sur ces bruits, voir ci-dessus, p. 53.
141. Du 22 pluviôse [10 février] destituant le citoyen Giraud de sa place d'architecte du département de Paris. - Sur les protestations de Giraud Pierre contre la mesure qui le frappait, et sur ses autres écrits, voir Tourneux, Bibliographie, à la table, et le t. II du Catal. de l'hist. de la Révol. franç. de A.Martin et G.Walter - cf. ci-dessus, p. 49, n. 2.
142. L'enclos des religieux de la Sainte Trinité, ou Mathurins, s'étendait entre les rues Saint-Jacques et de la Harpe ; mais la " maison des Mathurins " dont parle Charmont pouvait être située ailleurs.
143. Cf. t. II, p. 205, note 5. - Pas de renseignements sur l'affiche dont parle Dugas. Les calomnies dont se plaignait Westermann pouvait concerner notamment le rôle qui lui était prêté dans l'affaire des 30.000 fusils remis aux Vendéens ; cf. ci-dessus, p. 20.
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