Ségolène Royal sait-elle qu'elle est ministre de l'Écologie ?




Par Morgane Bertrand
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Publié le 09-12-2014 


Feux de cheminée, écotaxe... Elle multiplie les annonces démagogiques et les déclarations provocantes. Et après ? Le grand vide.

Ségolène Royal le 4 décembre 2014. (CHARLY TRIBALLEAU / AFP)


Et si c'était elle ? Et si, après la trop rebelle Delphine Batho et le trop gentil Philippe Martin, c'était Ségolène Royal qui parvenait, enfin, à faire tenir la rose socialiste sur sa tige chlorophylle ? Elle, tête de pont revendiquée de la cause écolo dans sa région Poitou-Charente. Elle, forcément entendue par le président Hollande. Las. Il aura fallu neuf mois pour que Ségolène Royal devienne, au contraire, la ministre du fiasco écologique. Elle communique, elle communique même bien. Mais pour rien.


Royal est contre l'écologie punitive et ne se lasse pas de le répéter. Vrai que c'est populaire. Dernière sortie en date : sa volonté de revenir sur l'interdiction des feux de cheminée en Ile-de-France, gros pourvoyeur de particules fines. La décision, selon elle, "ne va pas dans le bon sens" :

On nous a fait croire que les feux de cheminée polluaient plus que les voitures diesel".


Derrière cette rhétorique complotiste, qu'en est-il vraiment ? Selon les mesures de l'organisme AirParif effectuées dans Paris (à l'écart du trafic routier il est vrai), les deux tiers de la pollution aux particules fines en Ile-de-France émanent de sources situées hors de cette région. Mais le tiers restant, qui provient de l'Ile-de-France-même, se décompose ainsi :

  • 8% des particules sont émises par le trafic routier ;
  • 9% par le chauffage dont 7% par le chauffage au bois.

On nous a donc "fait croire"… la vérité. Mais qu'importe, puisque la ministre n'est "pas favorable à une société des interdictions". Et qui le serait ?


Les chiffres, pourtant, ne sont pas anodins. Il y a un an exactement, lors du pic de pollution du 13 décembre 2013, les rues de Paris étaient aussi polluées qu'"une pièce de 20 mètres carrés occupée par huit fumeurs" (AirParif). Dès qu'un Parisien respire, il inhale 100.000 particules fines. Un type de pollution qui fait 2 millions de mort chaque année dans le monde (OMS).


"L'écologie punitive" ou... le vide ?


Si l'on suit le raisonnement de Ségolène Royal, il faut donc dire non à la fiscalité écologique : Christian de Perthuis, président du comité mis en place en 2012 pour y réfléchir, s'est senti si abandonné par elle qu'il a jeté l'éponge en octobre. Les Français ne s'en plaindront pas.


Non, encore, à l'écotaxe, ce méchant impôt sur les poids lourds destiné à limiter les dommages environnementaux qu'ils occasionnent. Ségolène Royal lui a d'abord préféré le"péage de transit poids lourds", applicable sur 4.000 kilomètres au lieu des 15.000 initialement prévus... Avant d'enterrer à son tour cette "écotaxe light". Tant pis pour les 390 millions d'euros de recettes escomptés chaque année pour financer des lignes de bus et de tramway. Tant pis pour le milliard d'euros qu'il faudra verser à Écomouv' pour résiliation de contrat. Tant pis pour les 200 emplois supprimés. Le tout, en faisant revenir l'écotaxe – finalement pas si mal - par la petite porte en Alsace. Tout le monde est content. 


Déesse du vent


La ministre est écolo. Elle recycle : les 173 portiques, plutôt que d'être démontés - ce qui coûterait encore 7 à 13 millions d'euros – seront utilisés par les gendarmes pour "mesurer les embouteillages et prévenir des intempéries" !


Elle compense aussi. En puisant dans les "super-profits" des sociétés d'autoroute. Facile ! Sauf que son collègue aux Finances, Michel Sapin, a tout de même dû lui rappeler que les contrats négociés avec ces sociétés ne permettaient pas de mettre gratuitement les doigts dans la confiture. Il faudra donc augmenter en contre-partie les péages.


Et là-dessus, quelle idée fulgurante a eu notre ministre de l'Ecologie ? Une nouvelle provoc : rendre les autoroutes gratuites le week-end ! Vous ne voyez pas le rapport ? Nous non plus. Ni le bénéfice écologique d'une incitation à utiliser sa voiture à l'oeil le dimanche. Mais par les temps qui courent, qui va s'en plaindre ? 


Le grand flop de la voiture électrique


Est-ce aussi au nom de l'écologie non-punitive que Ségolène Royal, également ministre de l'Énergie, n'entre pas en guerre contre les drones qui survolent nos centrales nucléaires ? Voilà ce qu'elle en dit :

Les survols de centrales aujourd'hui ne font peser aucun risque sur ces centrales, qui sont construites pour résister aux secousses sismiques et même aux chutes d'un avion sur une centrale".

Nous voilà rassurés. Même si c'est faux. Comme le rappelle Guillaume Malaurie dans "Libération", les centrales ne sont pas invulnérables : les réacteurs sont peut-être solides, mais pas les piscines, pleines de combustibles usagés qui ne demandent qu'a s'enflammer au contact de l'air, nous inondant du même coup de fumées radioactives. Les drones peuvent également filmer les installations. Ou diffuser des gaz toxiques. À part ça tout va bien.


Ne nous leurrons pas. La Suède a réussi sa transition écologique en donnant, avant tout, un prix au carbone. Aujourd'hui, tout émetteur paie ses émissions. Environ 120 euros la tonne. Mais en France, non, non et non à l'écologie punitive. On se contentera donc de taxer un peu le diesel et surtout, dans le cadre de la loi de transition énergétique, de promouvoir la voiture électrique. Cet objet de désir que les Français sont censés s'arracher : entre le 1er janvier et le 30 novembre 2014, seulement 847 voitures électriques se sont vendues. Soit 77 par mois. Voilà qui ne va pas encombrer les autoroutes gratuites le dimanche. Au passage, la ministre se garde bien de dire que ces véhicules sont sont méga-subventionnés par... le contribuable. 

Commentaire : Encore un volet du développement des énergies renouvelables auquel nous allons contribuer sans avoir été consultés, comme l'éolien. 

«Populisme est le nom commode sous lequel se dissimule la contradiction exacerbée entre légitimité populaire et légitimité savante [...] Ce nom masque et révèle en même temps le grand souhait de l'oligarchie : gouverner sans peuple, c'est-à-dire sans division du peuple ; gouverner sans politique». Jacques Rancière; La haine de la démocratie; La fabrique éditions  http://www.lafabrique.fr


Quelles ambitions ?


Les voitures hybrides en revanche, marché sur lequel les constructeurs français sont très en retard, intéressent bel et bien les automobilistes : selon une étude du cabinet Xerfi, ils représenteront 16,5 % des immatriculations françaises en 2020. 5 fois plus que les voitures 100% électriques. Royal n'en parle pas. Idem pour les camions à hydrogène, qui ne rejettent que de la vapeur d'eau, et dont Ségolène Royal semble ignorer jusqu'à l'existence. Trop compliqué à expliquer ?


Une dernière pour la route. Comme écrit dans "l'Obs", après avoir condamné sur Twitter la pêche au chalutage, hautement destructeur des fonds marins, Ségolène Royal s’est vue remettre un "trophée" par Blue Fish, le pire des lobbys de la pêche profonde. Croit-elle vraiment à ce qu'elle dit ? Pense-t-elle vraiment qu'il n'y a toujours qu'une seule réponse - oui ou non - à l'incroyable complexité des problèmes environnementaux ? De cadeaux coûteux en annonces illisibles pour l'opinion, notre ministre avide d'amour sait-elle elle-même où elle va ? 


Morgane Bertrand



nmnj

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