mardi 27 janvier 2015
Source: http://www.reporterre.net/
Le droit à la vie privée de l’exploitant agricole est un rempart juridique qui empêche la diffusion d’images dénonçant les conditions de vie des animaux. Mais les associations n’acceptent pas cette atteinte au droit à l’information, qui dénie la possibilité de dénoncer les dérives de l’agro-business.
L’article 9 du Code civil et l’article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme proclament le droit pour toute personne au respect de sa vie privée. Cette protection s’étend aux correspondances, au domicile du particulier, au siège social et aux locaux professionnels.
Un droit à la vie privée si bienvenu
Les locaux d’élevage bénéficient donc d’une protection au titre de la vie privée de l’exploitant. Le quotidien des animaux qui y sont détenus « relèvent de la vie privée et doit rester dans la sphère privée ».Aussi, hors les images autorisées par l’exploitant, souvent si prompt à montrer des animaux heureux, gambadant dans les verts pâturages, bien soignés, bien nourris, toute autre image est interdite.
Interdite car seul l’exploitant peut autoriser la diffusion d’images provenant de son exploitation et toutes celles prises, sans qu’il ait pu donner son accord, doivent être interdites de diffusion.
Les associations de protection animale qui diffusent des images prises à l’insu de l’exploitant, pour dénoncer les conditions de vie des animaux, sont régulièrement condamnées à une interdiction de diffusion desdites images, ainsi qu’à des dommages-intérêts et des frais de procédure, lourds pour des budgets souvent contenus et dont chacun préférerait qu’ils ne profitent pas à ceux que l’on dénonce !
Tel est aujourd’hui l’état du droit et la position d’une majorité de tribunaux de première instance et de cours d’appel : l’éleveur protégé au titre du droit à la vie privée, l’association condamnée pour avoir porté à la connaissance du public des images « non autorisées » mais traduisant la triste réalité de l’animal détenu dans un élevage.
- Lapins morts dans un élevage industriel -
Cachez ces animaux que je ne saurais voir
Consciente du questionnement croissant du public sur le sort des animaux, y compris ceux destinés à la consommation humaine, l’industrie agroalimentaire veille, avec une vigilance sans cesse accrue, aidée en cela par de puissantes agences de com’ et de « gestion de crise », à cacher les images de l’élevage, les images des trop longs transports et les images des dernières heures en abattoir.Ces conditions de vie misérables choquent la majorité d’entre nous, lorsqu’elles parviennent à être portées à notre connaissance. Or, tout est fait pour nous en« préserver ». Remercions donc tous ceux qui érigent ces parois opaques entre nous et ces animaux nés, élevés et abattus…
L’ignorance est un état confortable. Ne pas savoir nous exonère de toute action. Ne sachant pas, comment pourrions nous agir ?
Crois en moi… Aie confiance… Que je puisse veiller sur toi ...
Mieux encore, pourquoi les associations devraient-elles s’inquiéter du sort des animaux d’élevage, alors que, nous dit-on, des services de l’État (ministère de l’agriculture et ses services) sont spécialement dédiés et habilités à constater les irrégularités, et à assurer la mise en œuvre de mesures correctives et conformes à la réglementation applicable.
Les animaux ont leurs protecteurs d’État, leur « service de protection dédiée », et sont donc protégés comme il se doit.
Mais, à y regarder de plus près, la vigie d’État connaît quelques faiblesses… L’Office alimentaire et vétérinaire européen épingle la France à chaque visite tandis que le Syndicat national des inspecteurs en santé publique vétérinaire (SNISPV) tire la sonnette d’alarme depuis plus de dix ans. « Oui, nos effectifs sont inférieurs aux normes européennes, qu’on considère trop élevées », répond le Directeur général de l’alimentation (DGAL) interrogé par l’AFP en janvier 2014.
Si les services de l’État connaissent de telles défaillances, si l’industrie agroalimentaire refuse toute transparence sur les lieux d’élevages et d’abattage en France, des associations de protection animale ont décidé, publiquement, de « nommer et de dénoncer » (to name and shame) des élevages en infraction avec la législation et des animaux en grande détresse aux fins de prise de conscience large.
Si le droit à l’information et la protection des animaux « de consommation »sont très favorablement accueillis dans leur principe, leur mise en œuvre soulève de délicats problèmes juridiques.
Résumons simplement :
1. L’exploitation agricole est un élément de la vie privée de l’exploitant.
2. Seules les images autorisées par l’exploitant sont autorisées, celles prises, à son insu, par ses salariés, ses fournisseurs ou autre sont interdites.
3. Les associations, destinataires de ces images, ne peuvent les diffuser, car prises sans que l’exploitant ait pu s’y opposer.
4. Il est fort peu probable qu’une exploitation diffuse de sa propre initiative des images montrant qu’elle ne respecte pas la réglementation, des images montrant des animaux blessés, mal en point ou agonisants ou des images montrant que des actes de maltraitance sont commis sur des animaux.
5. Il est tout aussi peu probable que les services de contrôle de l’État, lors de leur inspection, constatent ces comportements répréhensibles, les exploitants étant souvent prévenus d’une inspection. Et il y a peu de chances pour que les comportements de maltraitance soient exercés en présence des services de contrôle… chacun peut le comprendre…
Les actes de violence, quel qu’en soit l’auteur et quelle qu’en soit la victime, se réalisent à l’abri des regards et non en place publique.
Ne pas se résigner
Les associations ne se résigneront pas à rester de simples spectateurs silencieux d’une réalité qu’elles se sont donnée pour objet de dénoncer, aux termes de leurs statuts.La justice, par les récentes décisions rendues, dit aux associations : « Ces signalements de mauvais traitements que vous recevez, vous ne pouvez les diffuser car ils portent atteinte à la vie privée de l’éleveur. » Aux animaux concernés, on dénie tout droit à voir leurs conditions de détention questionnées et sanctionnées lorsqu’elles sont non conformes.
L’animal est absent de la réflexion et n’est pas dans le périmètre de protection du droit. Les associations ne sauraient s’y résoudre.
Le droit au respect de la vie privée n’est pas un droit absolu. L’état de la jurisprudence française, tend à conférer aux prérogatives de chacun, un contenu raisonnable préservant les intérêts contradictoires en conflit.
Les associations ne se satisfont pas de positions conciliant ou préservant les« intérêts contradictoires en conflit ».
Les associations, peu adeptes du grand écart, espèrent pouvoir faire primer la liberté d’expression et d’information, sur le principe de respect de la vie privée d’un exploitant en infraction avec la réglementation ou détenant des animaux dans des conditions contraires à l’éthique.
« La résignation, c’est se soumettre au silence pour ne plus déranger». Les défenseurs des animaux entendent encore déranger.
Source : Brigitte Gothière (porte-parole de l’association L214) et Caroline Lanty est avocate.
Photos : Images d’enquêtes de L214
Commentaire: «Crois en moi… Aie confiance… Que je puisse veiller sur toi! ...» Cette phrase s'applique aussi au genre humain. Elle résume la philosophie des «maîtres du monde». La grande différence entre ces animaux enfermés et nous, les Êtres Humains, c'est que nous POUVONS REFUSER CES MALTRAITANCES. Il nous suffit de dire NON! Mais au fonds, à bien y regarder, sommes-nous, dans notre grande majorité, si différents des lapins, des poulets, des cochons, etc.?
Bonne nuit et bonne chance!
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