Lisa Giachino
19 août 2016
Commentaire: Mines, éoliennes, nucléaire, pesticides, santé publique: nos affaires à tous! Mobilisons-nous!
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Alors que les ravages provoqués par les anciennes mines commencent à peine à être pris en compte, le gouvernement et les industriels parlent d’en ouvrir de nouvelles. Mais notre approvisionnement en matières premières doit d’abord faire l’objet d’un débat citoyen.
Pour faire marcher vos ordinateurs, il faut 5 grammes d’or, et s’il n’y a pas des mecs qui vont les chercher dans les entrailles de la terre, vous aurez pas d’ordinateurs, les petits.» Ancien mineur et syndicaliste, Robert Montané (1) n’a pas fini de voir mourir ses anciens collègues : dans un rayon de 15 km autour de l’ex-mine de Salsigne, dans l’Aude, le taux de cancers de l’estomac et des poumons est nettement plus élevé que la moyenne française.
Fermée en 2004, la dernière mine d’or de France, qui fut aussi l’une des plus importantes mines d’arsenic du monde, devrait empoisonner l’eau, la terre et les êtres vivants de la région pendant encore des milliers d’années. Depuis vingt ans, le préfet avait d’ailleurs l’habitude de publier chaque année un arrêté interdisant aux habitants de six communes riveraines de vendre ou de donner des carottes, des salades ou encore des poireaux (2), qui contenaient des quantités dangereuses d’arsenic, de plomb, de mercure et de cadmium.
Un gros passif enterré
Le cas de Salsigne n’est que la partie émergée d’un énorme iceberg. Déchets radioactifs dans le Limousin, mouvements de terrain en Lorraine et dans le Nord-Pas-de-Calais, remontée et pollution des nappes phréatiques, émanations de gaz, déchets riches en métaux lourds… Régulièrement, la loi du silence qui empêche les mineurs de « cracher dans la soupe » est brisée, et de nouveaux scandales sanitaires sont révélés – sans compter les territoires socialement et économiquement dévastés. « Sur une période de 150 ans, des centaines de sites miniers ont ouvert en France, rappelle un ingénieur des mines, membre de l’association Ingénieurs sans frontières – Systèmes extractifs et environnements (ISF SystExt). Il y a un gros passif à assumer. » Mais la plupart du temps, ce passif est enterré. En 1990, la dernière usine de charbon a fermé dans le Nord-Pas-de-Calais. En 1998, c’était le tour du fer de Lorraine, et en 2001, celui de l’uranium du Limousin. Les gisements les plus riches en minerais avaient déjà été exploités, et ceux qui restaient n’étaient plus assez rentables face à la concurrence internationale. L’industrie minière semblait appartenir au passé. Elle n’a pourtant jamais complètement disparu. Ouverte en 1991, une petite mine de bauxite, dans l’Hérault, fonctionne encore. En 2012, une autre a ouvert dans le même secteur. Et en 2013, patatras : pour la première fois depuis une trentaine d’années, l’État a accordé des permis d’exploration en vue d’exploiter des métaux. Huit permis ont été attribués à des sociétés privées, et neuf autres sont en attente (3). La trêve minière, en France hexagonale, aura duré à peine une dizaine d’années.
Une question de rentabilité
Pourquoi ce regain d’intérêt pour le sous-sol français ? C’est avant tout une question de rentabilité : la hausse des prix des métaux rend économiquement intéressants des gisements qui ne l’étaient pas auparavant. Cette hausse des prix s’explique, en partie, par une croissance de la demande. Les objets fabriqués sont de plus en plus complexes, et les pays émergents consomment davantage de matières premières minérales qu’autrefois. (4) On parle également de la posture d’Arnaud Montebourg, ancien ministre du Redressement productif, qui voulait relancer l’industrie minière, et de la volonté de l’Union européenne de sécuriser son approvisionnement en matières premières stratégiques.
Mais il y a des raisons plus profondes à ce renouveau : l’industrie minière est inscrite dans les gènes de l’économie française. « Pendant cent ans, la France a été l’un des plus grands pays miniers d’Europe, souligne notre militant d’ISF SystExt. Le pays s’est forgé sur cette industrie qui a fait sa richesse, et a développé de grands savoirs. Des batteries de gens du BRGM (Bureau de recherches géologiques et minières, Ndlr) partaient en expatriation pour ouvrir des mines. Ce sont eux, par exemple, qui ont découvert le site de Yanacocha, au Pérou, qui est aujourd’hui une gigantesque mine d’or à ciel ouvert et qui constitue un scandale humain et écologique. » Les écoles des Mines sont encore un lieu de formation des élites françaises, signe que ce corps de métier a marqué durablement le tissu social et économique du pays. Il existe donc toujours, en France, un vivier d’ingénieurs et d’investisseurs convaincus de l’intérêt d’exploiter les minerais.
Ce qui a changé, c’est que les citoyens revendiquent désormais un droit de regard et de décision sur cette activité opaque. Un peu partout en France, des collectifs s’opposent aux nouveaux projets et se mobilisent pour que les dégâts provoqués par les anciennes exploitations soient pris en compte. Extraire des métaux : pour qui, pour quoi ?
Cette question mérite des réponses collectives, et ne peut être laissée aux seules mains du petit monde de l’industrie minière.
Documentation et entretien téléphonique
1 – Citation tirée du webdocumentaire En son âme et conscience, A. Bertrand, M. Eslami, A.
Huguet, J. Mas, C. Thirion – à voir sur ensoname.com
2 – Le collectif Gratte Papiers a obtenu l’annulation de l’arrêté préfectoral. Il espère obliger l’État à recenser précisément les pollutions, d’après La Dépêche du Midi.
3 – Au moment du bouclage de ce cahier, juin 2016.
4 – La hausse des prix a aussi été provoquée par un décalage entre la demande et
l’offre. Aujourd’hui, l’offre a rattrapé la demande.
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