Héloïse Patcina
le 01/02/2017
Par un arrêt rendu le 25 janvier 2017, la Cour de cassation confirme un arrêt rendu en appel selon lequel la juridiction judiciaire est incompétente pour connaître de la demande de particuliers tendant à obtenir l’enlèvement d’éoliennes au motif que leur implantation et leur fonctionnement seraient à l'origine d'un préjudice visuel et esthétique et de nuisances sonores. Cela impliquerait en la matière une immixtion du juge judiciaire dans l'exercice de la police administrative spéciale appartenant à l’administration.
La Compagnie du vent - David Richard Après la réalisation d’une étude d’impact et d’une enquête publique, puis l’obtention d’un permis de construire, la société La Compagnie du vent a fait édifier, sur des terrains qui lui ont été donnés en location, deux parcs éoliens constitués chacun de cinq aérogénérateurs ayant une hauteur supérieure à 50 mètres.
Lors de leur mise en service, la SCI Freka et ses associés, propriétaires du château de Flers se situant à proximité des parcs éoliens, ont invoqué les nuisances visuelles, esthétiques et sonores résultant de leur implantation, ainsi que la dépréciation dudit château et ont, à ce titre, saisi la juridiction judiciaire sur le fondement de la théorie des troubles anormaux de voisinages afin d’obtenir l’enlèvement des installations litigieuses et le paiement de dommages-intérêts. Toutefois, la cour d’appel a déclaré d’office la juridiction judiciaire incompétente pour connaitre de leur demande tendant à obtenir le démontage et l’enlèvement des éoliennes et a renvoyé les parties à mieux se pourvoir de ce chef. La SCI et M. et Mme A. se sont donc pourvus en cassation.
La Cour de cassation considère tout d’abord que la cour d’appel a violé la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III ensemble le principe de la séparation des pouvoirs « en se déclarant incompétente pour connaître de la demande d'enlèvement d'éoliennes formulée par la SCI et M. et Mme A., au motif d'une immixtion dans la police spéciale en matière de production d'énergie, quand ces derniers avaient sollicité l'enlèvement des éoliennes litigieuses en raison des nuisances qu'elles leur causaient, pour des motifs étrangers aux impératifs généraux de santé, salubrité publiques et de protection de l'environnement ». Néanmoins, la Haute juridiction judiciaire considère qu’il résulte de l’article L. 553-1 du Code de l’environnement « que les installations terrestres de production d'électricité utilisant l'énergie mécanique du vent ayant fait l'objet de l'étude d'impact et de l'enquête publique […] sont soumises au régime des installations classées pour la protection de l'environnement institué par les articles L. 511-1 et suivants du même code ; que, dès lors, les tribunaux judiciaires ont compétence pour se prononcer tant sur les dommages-intérêts à allouer aux tiers lésés par le voisinage d'une telle installation classée que sur les mesures propres à faire cesser le préjudice que cette installation pourrait causer dans l'avenir, à condition que ces mesures ne contrarient pas les prescriptions édictées par l'administration en vertu des pouvoirs de police spéciale qu'elle détient ; que le principe de la séparation des autorités administratives et judiciaires s'oppose, en effet, à ce que le juge judiciaire substitue sa propre appréciation à celle que l'autorité administrative a portée sur les dangers ou inconvénients que peuvent présenter ces installations, soit pour la commodité du voisinage, soit pour la santé, la sécurité, la salubrité publiques, soit pour l'agriculture, soit pour la protection de la nature, de l'environnement et des paysages, soit pour l'utilisation rationnelle de l'énergie, soit pour la conservation des sites et des monuments ainsi que des éléments du patrimoine archéologique ; que c'est donc à bon droit que la cour d'appel a retenu que la demande tendant à obtenir l'enlèvement des éoliennes litigieuses, au motif que leur implantation et leur fonctionnement seraient à l'origine d'un préjudice visuel et esthétique et de nuisances sonores, impliquait une immixtion du juge judiciaire dans l'exercice de cette police administrative spéciale et qu'elle a, en conséquence, relevé d'office, en application de l'article 92 du Code de procédure civile, l'incompétence de la juridiction judiciaire pour en connaître ». La Cour de cassation rejette le pourvoi.
Cour de cass., 1ère civ., 25 janvier 2017, n°15-25526
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