(Crédits : DR)
Économiste, ancien membre du cabinet du Commissaire européen à l'énergie
A ceux qui s'interrogent sur la fiabilité de l'énergie nucléaire, surtout en période de grand froid, il faut répondre simplement: notre mix énergétique est le bon.
La vague de froid qui a frappé la France n'a pas manqué, comme souvent, d'échauffer certains esprits, prompts à voir une catastrophe au coin de la rue : le risque, jusqu'ici parfaitement infondé, d'un gigantesque black out, laissant la France grelotter de froid. Et là encore, comme souvent, faisant flèche de tout bois, les adversaires de notre mix énergétique qui accorde une place essentielle au nucléaire, de pointer l'arrêt temporaire, à la fin de l'année 2016, de plusieurs réacteurs pour des travaux de mise à niveau sur certains éléments. Au fond, la question posée est toujours la même, mais cette fois au prétexte du froid : l'énergie nucléaire est-elle suffisamment fiable pour offrir aux français le niveau de sécurité énergétique nécessaire ?
Disons-le tout net : si les situations extrêmes ont le mérite de conduire à se poser des questions pertinentes, l'énergie nucléaire n'est nullement en cause dans cette affaire.
En premier lieu, l'énergie nucléaire, de toutes les énergies qui composent le mix énergétique, fait partie de celles qui présentent l'avantage d'un haut niveau de prédictibilité, qu'il s'agisse de la production ou du prix. Ce n'est nullement le cas des énergies renouvelables, qui, soit sont vulnérables aux saisons (que l'on songe à l'énergie solaire en vigueur), soit pâtissent de l'évolution erratiques des matières premières sur lesquelles elles sont fondées (que l'on songe ici à l'évolution du prix du pétrole ou du gaz au cours des 12 derniers mois). Dans ce contexte, les écarts entre la nécessité de la production et les besoins en consommation peuvent être considérables et coûteux. A cet égard, il est sans doute plus avisé de raisonner en considérant l'énergie nucléaire cœur de notre mix énergétique comme une base solide d'alimentation en électricité, qui puisse être en tant que de besoin complétée par le recours à des centrales thermiques ou des installations renouvelables.
Quelle résistance au froid?
En second lieu, fasse aux intempéries, il n'est pas inutile de s'interroger non pas seulement sur les flux d'énergie et de matières premières, mais également sur la résistance au froid des grandes installations comme les centrales nucléaires. Or celle-ci est incontestablement bien meilleure que celle des énergies renouvelables comme les éoliennes, très sensibles au gel.
La question posée par la vague de froid ne se limite il est vrai pas à celle des conditions de production de l'énergie, de sa sécurité et de son coût. Raisonner ainsi, c'est omettre, comme l'a bien montré dès le début des années 2000 la Commission européenne dans le rapport De Palacio sur l'autonomie énergétique de l'Europe, que la question énergétique est ambivalente : une face concerne les modalités de production ; l'autre face tient au niveau de consommation énergétique. Il n'est en la matière pas de doute : la résolution des problèmes énergétiques exige à la fois de produire mieux, et de consommer mieux c'est à dire moins.
Des gaspillages d'ampleur
Dès lors, la question qui se pose n'est pas celle de la source d'énergie, mais celle des bâtiments (électricité, chauffage), qui avec les transports constituent le plus gros poste de consommation d'énergie. Quelles que soient les sources de production, les problèmes sont induits par des bâtiments (habitation, locaux professionnels) mal isolés du froid, ainsi que par des appareils excessivement consommateurs d'énergie. A cet égard, faut-il rappeler, en dépit des efforts réalisés y compris sous le coup d'incitations fiscales, que plus de la moitié du parc de logement français est antérieur au début des années 1970 ? On comprend mieux, dès lors, l'ampleur des gaspillages et des tensions qui sont imposées au système électrique. Surtout, la question du chauffage doit nous rappeler que l'énergie se pense avant tout comme un réseau dans lequel de nombreux intervenants et sources d'énergie sont impliqués, souvent en complément les uns des autres. La modernisation de ce réseau s'effectue de manière constante, et vise à réaliser un smart grid ou réseau électrique intelligent. Le déploiement d'un smart grid français, a déjà commencé. Sa première brique technologique est le compteur Linky, dont le déploiement est prévu d'ici à 2021 en Métropole.
Ailleurs, beaucoup plus d'inquiétudes...
Enfin, en fait de froid en hiver, ceux et celles qui critiquent avec tant d'ardeur la place supposée démesurée de l'énergie nucléaire seraient peut-être avisés de regarder au delà de nos frontières, et en particulier en Europe centrale et orientale. Ils constateraient que ces pays, qui ne disposent pas du parc nucléaire français, font face chaque hiver à des inquiétudes en matière de froid autrement plus sérieuses, au gré des tensions avec leurs fournisseurs extérieurs (gaz Russe). Ils constateraient également que le coût de l'électricité pour les ménages est deux fois plus important en Allemagne qu'en France, notamment en raison des subventions accordées aux renouvelables.
php
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire