Elle travaillait pour un petit journal local. Les journalistes je ne sais pas si il y en a encore dans la presse écrite, je n'en ai pas rencontré beaucoup. Plutôt des gens qui dispose d'un espace à remplir et qui composent un texte qui tient la route et qui si possible accroche sans déranger. Je crois que c'est cela un bon journaliste aujourd'hui, quelqu'un qui ne dérange pas plus que nécessaire tout en donnant l'illusion d'informer.
Bref, cette journaliste m'a posé cette question lundi. Ce qui m'a plongé dans ce constat: Je vis entre deux. Quand le vent ne s'en mêle pas, je vis normalement: j'aime, je sens, je vois et j'écoute le paysage qui me rend heureuse, je ris, je bouge, j'ai des projets, de l'énergie. J'oublie comment c'est autrement. Peut-être même que je me dis que c'est fini, que ce ne sera plus, que je me suis habituée et que les nuisances ne m'affectent plus. On est bien fichu quand même, on oublie vite et on retrouve le chemin du normal sans trop se faire prier. Après une longue période de canicule qui a réduit au silence les deux monstres de Saint-Brais, j'en étais là.
Mais quand le vent revient et qu'il s'installe, alors gentiment les choses changent. Les petits signes réapparaissent: mal de tête, d'oreilles. Puis les réveils nocturnes, la perte d'énergie, des sentiments comme les doutes, l'insécurité, la tristesse, une forme de solitude aussi parce que personne ne croit vraiment que ce mal être provient de l'agitation des pales autour de vous. On sait tous que le bruit est malsain, on sait qu'il peut rendre malade, on nous bassine sur les coûts qu'il engendre en terme de santé, mais quand vous le reconnaissez comme celui qui vous rend malade, alors plus personne ne le croit. Comme si on avait peur de la contagion en y croyant ou peur d'en payer les coûts, selon qui vous interpelez. J'en suis là. Depuis samedi elles ont repris du service alors les maux d'oreilles d'abord, les mâchoires serrées, les nuits courtes et le cortège d'effets secondaires qui les suit reprennent les rennes de ma vie.
Je vis entre deux.
Dans ces moment là je pense à mes compagnons d'infortune, à ceux et celles qui se battent et dont les cris atteignent au mieux quelques journalistes et quelques amis solidaires. À ceux et celles qui ont abandonné leur maison, qui dorment dans leur sous-sol ou qui subissent seuls chez eux les effets sur leur corps des machines qu'on leur a imposées. Je pourrais les toucher tellement je me sens proche d'eux à travers ce que je ressens.
Demain peut-être une nouvelle période d'accalmie me permettra de retrouver une vie normale, moins portée vers la tristesse, la fatigue, la désillusion. Je penserai moins aux alertes que ces machines ont déclenché dans mon corps et je retrouverai du sens. Par exemple je serai moins perplexe en lisant la tranquillité de ceux qui dorment sur leurs deux oreilles dodues, dans leurs appartements Minergie, avec la conscience verte et tranquille de ceux qui s'en acquittent fièrement chaque mois via leur facture d'électricité. C'est tellement simple les humains qu'entre deux, ils m'énervent.
P.S. Myrisa Jones qui nous a fait le grand plaisir d'apparaître dans un commentaire sous le post d'hier, nous replonge dans cette réalité noire derrière cette pseudo magie verte. Pour ceux qui en demande un peu plus à la vie que de pouvoir la fuir en faisant abstraction de ce qui cloche, un petit tour du côté des liens de Myrisa s'impose.
image: letigre-oubli.blogspot.ch
Commentaire: « Si ta parole n'est pas plus importante que le silence, tais-toi!»... alors, je me tais.
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