Vincent Grimault
19/09/2016
Conserverie de poisson dans le Finistère. Les Français figurent parmi les plus productifs d’Europe. Michel Gaillard - Réa
Le refrain est connu : la France serait un pays peuplé de travailleurs fainéants et protégés par un droit du travail trop confortable. Ce n'est pas si simple. Démonstration en trois points.
1/ Les Français ne sont pas des paresseux
Les comparaisons internationales en matière de temps de travail sont difficiles pour des raisons méthodologiques. Mais elles permettent tout de même de constater que les salariés français travaillent en moyenne presque autant que leurs homologues allemands et plus que dans les pays scandinaves, par exemple. Certes, les salariés français à temps plein travaillent moins que leurs voisins européens, notamment en raison de vacances plus longues.
A temps plein, les Français travaillent moins
-Durée de travail effective annuelle moyenne de l’ensemble des salariés en 2015, en heures
Coe-Rexecode et Eurostat
Mais si l’on tient également compte des salariés à temps partiel et des indépendants, la France se situe dans la moyenne.
Tous salariés confondus, les Français proches des Allemands
-Durée de travail effective annuelle moyenne de l’ensemble des salariés en 2015, en heures
COE-Rexecode, Eurostat
Surtout, les travailleurs de l’Hexagone sont parmi les plus productifs d’Europe.
2/ Les Français ne sont pas trop protégés
Le droit du travail trop protecteur pour les salariés est lui aussi un mythe. Depuis l’introduction de l’intérim en 1972 et l’inscription du contrat à durée déterminée (CDD) dans la loi en 1979, la France a régulièrement flexibilisé son marché du travail. Résultat : au deuxième trimestre 2016, 87 % des embauches étaient des CDD. Pire, 70 % des contrats signés durent moins d’un mois.
L'explosion des CDD courts
Évolution des embauches dans les entreprises françaises selon les types de contrat
En France, les travailleurs en contrat court ont des contrats encore plus courts que dans la plupart des pays riches.
En France des CDD particulièrement courts
Structure des CDD selon la durée des contrats en 2015, en %
A l’inverse, les salariés français dans leur ensemble occupent leur emploi depuis plus longtemps que leurs homologues étrangers. L’occasion de rappeler que si l’emploi se précarise pour les plus précaires, 75,7 % des employés français étaient encore en CDI en 2015.
Une ancienneté plus élevée des salariés français
Part des salariés étant dans leur emploi depuis plus de 10 ans (en 2015), en %
3/ Faut-il abandonner le CDI ?
Mais pour les partisans d’une flexibilité encore plus grande, le problème vient des salariés en CDI. Ils seraient trop protégés et fermeraient du coup la porte aux outsiders, abonnés aux CDD. Il faudrait donc copier le Royaume-Uni, où le CDI est plus flexible et les CDD moins nombreux. Mais c’est oublier que beaucoup de Britanniques subissent des temps partiels contraints. En fait, chaque pays fait le choix de sa dualité du marché du travail, soit sous la forme de CDD, soit sous la forme de temps partiel. Flexibiliser encore plus n’est donc pas le remède à la précarité.
Une dualité généralisée du marché du travail
Part de l’emploi salarié fractionné, travail temporaire et temps partiel court
Les pays dans lesquels le recours aux contrats précaires est le plus fréquent sont en effet, à quelques exceptions près, ceux où les emplois à temps partiel sont les moins nombreux. Et inversement. Pour Olivier Passet, directeur des synthèses économiques de Xerfi : « la plupart des pays ont préféré la solution des temps partiels courts ou ultracourts à celle des CDD intermittents. Mais […] la logique est la même : réduire la quotité horaire de travail par tête des moins qualifiés pour produire numériquement plus d’emplois. » L’argument d’un CDI français trop protecteur qui condamnerait les précaires à enchaîner des CDD est donc à relativiser.
Enfin, ces comparaisons ne doivent pas faire oublier que les droits sociaux ne sont pas que des contraintes pour les employeurs, mais surtout des avancées pour les salariés. Travailler moins et être mieux protégé contre les risques de la vie ont été deux avancées majeures du XXe siècle. Et cela n’a pas empêché le développement économique.
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