Quand le contribuable français finance l’industrie étrangère

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Loïk Le Floch-Prigent
26/09/2016

Commentaire: (...)« arrêtons la machine et réfléchissons». Non, monsieur: ARRÊTONS LA MACHINE... TOUT COURT!
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Au pays du mistral la réflexion de Loïk Le Floch-Prigent nourrit la réflexion nécessaire à chacun. Merci à lui de nous donner ce texte.

« La grandiose performance de notre « État stratège » conduira le contribuable français à subventionner General Electric et Siemens pour fabriquer des éoliennes, dont, par ailleurs, il n’existe aucune certitude sur la faisabilité …


L’histoire du parc éolien français mérite d’être contée. Comme tous les autres pays, la France a développé les moulins à vent pour moudre le grain et pomper l’eau des puits, mais nous n’en avons pas fait une gloire nationale, comme les Néerlandais ou les Danois. Nous avions d’autres solutions basées sur les fleuves ou les marées, et nous ne manquions ni des uns ni des autres. La machine à vapeur a mis fin graduellement aux moulins et il n’en reste plus désormais que quelques souvenirs épars à travers le pays.

Ce n’est qu’en 1973, lors des « chocs pétroliers » que l’on a commencé à reparler des moulins sous le nom d’éoliennes, mais les efforts de recherche ont beaucoup plus porté sur l’énergie solaire avec la création du COMES, Commissariat à l’énergie solaire, qui devait son nom à l’immense Commissariat à l’énergie atomique, CEA. Dans le même temps, les pays du Nord de l’Europe, moins aptes à recueillir les rayons solaires que nous, s’étaient orientés vers le vent dont ils ne manquaient pas, et c’est ainsi que la plus grande compagnie de production des éoliennes, VESTAS, créée dès 1945 au Danemark a connu depuis une progression extraordinaire. Elle produit aujourd’hui près du quart des turbines mondiales et a comme concurrents principaux l’allemand Siemens et l’américain General Electric.

Rien n’empêchait le concurrent français de s’intéresser à ce secteur d’activités, mais le marché français (EDF) était étroit, essentiellement orienté vers l’énergie nucléaire, et La CGE, devenue Alcatel-Alstom, puis Alstom n’avait pas envisagé d’attaquer les marchés à l’étranger qui avaient tendance, eux, à se développer. Seule une petite compagnie, Vergnet, sise à Orléans, installait des turbines de faible puissance dans les DOM-TOM, qui avaient la particularité d’être escamotables en cas de cyclones, on les appelait donc éoliennes anticycloniques.

Le « Grenelle de l’environnement » en décembre 2007 modifie la donne énergétique française en prévoyant 20% d’énergies renouvelables en 2020 avec des subventions importantes pour favoriser les énergies solaire et éolienne. L’État favorise ainsi la construction d’éoliennes qui commencent à fleurir sur tout le territoire, des éoliennes à terre ou on-shore, avec une attractivité incontestable pour les investisseurs dans les « fermes éoliennes ». Le courant produit est vendu à un tarif préférentiel à EDF, ce tarif permet une belle rentabilité à l’investisseur sur 20 ans, et l’État permet à EDF de se rembourser à partir de la ligne CSPE de la facture, c’est-à-dire celle qui permet un tarif unique pour les consommateurs quelle que soit leur implantation géographique, c’est la contribution au service public de l’électricité, conquête sociale issue de la création même d’EDF et du service universel de l’électricité. Il apparait rapidement que l’appétit des investisseurs est tel que la CSPE va doubler ou tripler la note d’électricité des consommateurs et on en arrive à réduire le nombre d’autorisations « des fermes » tandis que les riverains créent des associations de protection de la nature pour empêcher les installations. On dénonce pêle-mêle, le bruit des turbines, les atteintes aux paysages, la mort des oiseaux et bientôt les difficultés des vaches laitières, tandis que les dossiers montrant l’intéressement de certains édiles locaux commencent à sortir.

Les matériels sont achetés à l’étranger, mais qui s’en soucie ? Personne ! On peut rechercher, en vain, les joueurs de trompettes du « made in France », d’ailleurs à cette période, Vergnet qui est allé courageusement en Éthiopie pour construire un champ d’éoliennes est prêt de disparaitre et seule l’intervention de l’État lui permet de survivre.

Il n’y a donc pas de constructeur d’éoliennes en France concurrent de Vestas, General Electric ou Siemens, tandis que notre plan d’investissements fait beaucoup d’heureux, y compris dans les gouvernements qui parlent en termes d’emplois d’installateurs et non en termes économiques globaux comprenant le poids des importations de matériels. Germe alors l’idée que nous allons contourner les difficultés des riverains avec des éoliennes en mer, ou off-shore, et que nous allons bâtir une filière nationale de ces engins qui vont être, bien sur les meilleurs du monde. Alstom qui n’est pas présent dans les alternateurs de moyenne puissance voit dans l’off-shore qui rend possible des puissances supérieures une occasion de s’ouvrir des marchés (6 GW au lieu de 1,5 à 3 GW pour l’on-shore) et Areva qui veut « verdir » son image se pose en challenger. Ainsi dans un métier où nous ne sommes pas, où les sociétés existantes sur le marché ont dépensé des sommes folles, et où elles ont contourné les difficultés en installant les turbines dans des petits fonds marins dans des zones très industrielles, deux sociétés bercées par les sirènes du Grenelle de l’Environnement, vont se porter candidates à industrialiser rapidement des perches immenses dans des zones à profondeur conséquente. Dès le départ, industriellement, c’est une folie. Déjà réussir à installer une entreprise dans ce secteur allait couter très cher, et seul l’État pouvait y trouver un intérêt politique « cocorico », mais imaginer que les deux allaient réussir c’était impensable. Mais, comme d’habitude, les grands commis de l’État ne savent pas choisir et l’argent du contribuable n’est pas le leur. En outre, leur carrière ne souffrira pas d’un échec puisqu’ils seront déjà partis ailleurs. La politique industrielle ira très loin, le Ministère de l’Environnement définira les lieux d’implantation des fermes d’éoliennes en mer, lancera des appels d’offres en s’assurant d’une excellente rentabilité pour les contractants, six fois le prix de l’alternative fossile et 30 % au-dessus des subventions accordées dans les pays nordiques qui ont essuyé les plâtres. Justification de ce cadeau ? la création d’une nouvelle filière industrielle française qui sera « la meilleure du monde » dans un secteur d’avenir, les énergies renouvelables, avec les créations d’emplois claironnées par tous les politiciens. En plus, comme la mer c’est breton, on met en œuvre, avec le Conseil Régional de Bretagne, une implantation à Brest de la construction de ces engins en investissant 220 millions d’euro dans un « polder » dans la rade ! L’enthousiasme ne faiblit pas avec le changement de majorité politique, les appels d’offres sont maintenus, d’autres sont en préparation et donneront lieu encore à autosatisfaction et à calculs sur les créations d’emplois, la vie est belle, et certains de dire que cette aventure sera un exemple que le monde entier nous enviera. Que nous soyons les premiers à envisager des fonds importants et des pylônes de près de 200 mètres n’a l’air d’effrayer personne, il est vrai que nous sommes les meilleurs !

Avec les malheurs d’Areva et la vente du pôle énergie d’Alstom à General Electric, que reste-t-il de cette géniale idée de constituer une filière française « ex nihilo » ? Rien. Siemens a repris l’espagnol Gamesa qui avait racheté la part d’Areva dans les éoliennes et General Electric a repris la branche énergie d’ Alstom. La filière française est morte ! Notre performance va conduire le contribuable à travers la CSPE à subventionner General Electric et Siemens pour faire des engins dont nous n’avons aucune certitude de la faisabilité. Les spécialistes de l’off-shore que sont les pétroliers et les parapétroliers ont été soigneusement mis à l’écart de ces dossiers, car ils représentent les affreux défenseurs des énergies fossiles…

Serait-possible, un jour, d’avoir enfin une politique de l’énergie intégrant une politique industrielle sans idéologie ? Je doute, quant à moi, du murissement réel de cette filière d’éoliennes en mer dans des profondeurs d’eau importantes comme elles sont envisagées en France. Nous nous lançons donc dans des programmes non optimisés techniquement sans recourir aux compétences des spécialistes de la gestion des grands projets off-shore, c’est une absurdité. Mais, en plus nous n’avons pas encore résolu le problème économique de ces grandes fermes off-shore compte tenu du réseau électrique que nous possédons. Dans cette affaire, nous marchons sur la tête depuis près de dix ans en prenant nos désirs pour des réalités, et dépensant sans compter l’argent des contribuables pour satisfaire des lubies et des égos. Revenons sur terre et reprenons ces dossiers d’éoliennes en mer. Notre pays peut-il se payer le luxe de subventionner l’industrie étrangère pour satisfaire des besoins hypothétiques ? Nous n’étions pas prêts, nous ne le sommes encore moins aujourd’hui puisque nous n’avons plus d’industriels nationaux, arrêtons la machine et réfléchissons. »

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