Côte d' Or , Dijon : la rénovation du Musée des Beaux-Arts, de l’art du XVIIe au XXIe siècle

Didier Rykner
vendredi 30 août 2019


La rénovation du Musée des Beaux-Arts de Dijon

Il y a quelques mois rouvrait le Musée des Beaux-Arts de Dijon, après de longues années de travaux déjà marqués par une réouverture partielle qui concernait le parcours du Moyen Âge et de la Renaissance (voir l’article). Cette fois, de 2016 à 2019, les travaux ont porté sur l’art du XVIIe au XXIe siècle. Comme pour les plans-reliefs de Lille (voir l’article), nous sommes donc très en retard pour en rendre compte, mais cela n’est pas très grave : ce type de travaux est fait pour longtemps et, réussi ou pas, le résultat peut en être apprécié (ou pas) pendant des années. Comme pour les premiers travaux il y a du bon dans ce réaménagement complet, et du très mauvais, heureusement moins intrusif que celui que nous dénoncions en 2013.



1. Ajout d’Yves Lion au Palais des ducs de Bourgogne...
Photo : Didier Rykner 
 


2. Grille d’entrée du musée conçue par Yves Lion. On remarquera comment elle s’adapte élégamment à la façade... 
Photo : Didier Rykner

Nous commencerons donc par l’inévitable : la participation importante de l’extraordinaire Yves Lion à ces travaux. Cet architecte à nul autre pareil se montrant fort soucieux des critiques (voir cet article), nous ne pouvons dire de lui que du bien. C’est donc avec une admiration sans borne pour l’architecte et une incompréhension complète pour sa réalisation que nous signalerons l’aberrante excroissance qu’il a pondue sur les toits du musée (ill. 1). Après avoir marqué la cour de Bar de son génie, il voulait en faire profiter tous les Dijonnais même lorsqu’ils sont à l’extérieur du musée. C’est ainsi que cette protubérance s’est ajoutée aux toits du monument. Et qu’une grille en métal, plaquée sur la façade du XVIIIe siècle (ill. 2), est venue se greffer à l’entrée du musée, déplacée sur son côté est. Ouverte, elle cache les colonnes de part et d’autre de la porte. On s’étonne qu’un architecte de cette envergure ait pu avoir une pareille idée. On est hélas moins étonné que la DRAC Bourgogne ait pu l’accepter...



3. Faux plafond dans le musée, s’insérant tout sauf délicatement dans l’architecture préexistante  
Photo : Didier Rykner 

 


4. Vitrine consacrée au sculpteur Jean Dubois 
Photo : Didier Rykner

Après avoir donc vu l’apport d’Yves Lion à l’extérieur, nous parlerons de l’intérieur du musée. À l’exception de quelques éléments, comme ces faux plafonds qui viennent couper la partie supérieure des arches (ill. 3), nous en dirons plutôt du bien. Le musée a incontestablement beaucoup gagné dans cette opération, au moins autant que le monument historique a perdu. Si tout n’est pas parfait, au moins le parcours est-il réellement cohérent, mélangeant les techniques et essentiellement chronologique à l’exception de quelques accrochages thématiques. On l’aurait souhaité parfois un peu plus dense : si des œuvres ont pu être sorties des réserves (notamment des objets d’art et du mobilier, beaucoup y demeurent encore, dont certaines pourraient être montrées. Prenons comme exemple les sculptures de Jean Dubois : malgré une vitrine qui lui est consacrée (ill. 4), ses œuvres - qu’on ne peut voir quasiment qu’à Dijon - pourrait être exposées en plus grand nombre [1].




5. Nouvelles salles de la donation Granville 
Photo : Didier Rykner 
 



6. Jacques de Baerze(actif à la fin du XIVe siècle) Melchior Broederlam (actif de 1381 à 1410)
Retable de la Crucifixion Bois doré et polychromé 

Dijon, Musée des Beaux-Arts 
Photo : Didier Rykner


La plus grande réussite est incontestablement l’étage de la donation Granville. On se rappelle comment cette collection, qui doit rester réunie, était présentée avant les travaux. Une muséographie tellement datée qu’elle l’était sûrement déjà au moment de son ouverture. On trouve désormais de vraies salles (ill. 5), et les œuvres sont bien mises en valeur. Cela permet de constater que malgré son hétérogénéité, elle conserve nombre d’œuvres de qualité.




7. Une des salles du XVIIIe siècle du Musée des Beaux-Arts de Dijon avec son décor d’origine 
Photo : Didier Rykner

Signalons aussi que certains objets médiévaux ont été à nouveau déménagés, les retables sculptés de la chartreuse de Champmol (ill. 6) étant désormais montrés dans une galerie dont les murs ont été ouverts sur les côtés alors qu’ils servaient naguère de cimaises pour les tableaux du XVIIe siècle. Les salles du XVIIIe siècle (ill. 7) ont pour leur part été simplement restaurées, mais plutôt fort bien (l’architecte en chef des monuments historiques est Éric Pallot).




8. Pierre-Paul Prud’hon (1758-1823) Plafond à la gloire du prince de Condé, gouverneur de Bourgogne, 1786-1787 
Huile sur toile 
Dijon, Musée des Beaux-Arts 
Photo : Didier Rykner 
 

Il faut saluer le chantier de restauration des œuvres (plus de la moitié ont été au moins dépoussiérées, beaucoup d’autres ont bénéficié de restaurations plus approfondies). On remarquera notamment celle du grand plafond de Prud’hon (ill. 8) sous lequel, comme avant les travaux, sont présentées une grande partie des sculptures de François Rude. Dans la salle suivante, plusieurs toiles de grand format ont également pu être sorties des réserves et montrées au public pour la première fois depuis bien longtemps, comme La Mort de Sénèque par Jean-Charles-Nicaise Perrin (ill. 9) et Les Deux veuves d’un chef indien se disputant les honneurs du bûcher par Louis-Jean-François Lagrenée (ill. 10). Lors de notre visite, au moment de l’ouverture, des toiles de Yang Pei Ming reprenant des compositions de Poussin y remplaçaient, dans le cadre d’une exposition temporaire, d’autres grands tableaux des collections permanentes.





9. Jean-Charles-Nicaise Perrin (1754-1831) La Mort de Sénèque, 1788 
Huile sur toile 
Dijon, Musée des Beaux-Arts
Photo : Didier Rykner 


10. Louis-Jean-François Lagrenée (1725-1805) Les deux veuves d’un chef indien se disputant les honneurs du bûcher, 1783
Huile sur toile
Dijon, Musée des Beaux-Arts
Photo : Didier Rykner


Le coût total de cette seconde phase du chantier est de 60 millions d’euros, un montant qui semble particulièrement élevé. Même si l’idéal - un temps envisagé mais qui n’a jamais reçu l’accord de la mairie - aurait été de transformer tout le Palais des Ducs de Bourgogne en musée, au moins les collections richissimes de celui-ci sont-elles désormais en grande partie exposées, dans un musée au parcours cohérent, et qui reste un des plus importants musées de province français. Il est dommage qu’il ait fallu associer pour cela un architecte que le monde entier nous envie, et à qui nous aurions pu le laisser, sans grand regret.


Notes


[1] Pour n’en citer qu’un de plus : le Portrait de l’abbé Louis Gougenot par Greuze dont il fut l’un des principaux mécènes... 



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