Assemblée nationale, impact des énergies renouvelables : audition de Pascal Poncet, maire

Assemblée nationale
20/06/2019


Commentaire :  "Par ailleurs, j’ai expliqué pendant des années à ma population, que notre environnement était une richesse incommensurable [...] et que nous devions, par conséquent, ne pas faire n’importe quoi, en termes de visibilité [...] Comment pourrais-je, aujourd’hui, expliquer aux habitants à qui j’ai demandé de respecter certaines normes, qu’un projet d’implantation d’éoliennes de 150 mètres, ne pose aucun problème, en termes de visibilité ? [...] Lorsque nous sommes à la tête d’un territoire, aussi modeste soit-il, nous ne sommes pas forcément là pour accumuler de la trésorerie, notamment si nous n’avons pas élaboré une véritable vision de ce territoire. [...] Notre bien-être actuel et la qualité de vie que nous offrons aux habitants et aux touristes valent bien plus que cela. Les personnes qui motivent leur position uniquement sur la base de versement de revenus financiers n’ont pas cette capacité à avoir une vision de leur territoire [...] nous en avons assez de la suffisance de ces personnes qui arrivent avec une armada d’ingénieurs qui ont tous raison. Le débat n’est pas possible, la grande partie de la population n’étant pas assez qualifiée pour comprendre le projet dans sa complexité."

"Je les juge importants, car ils vont au-delà de mon territoire. Je suis venu porter la parole, non pas du maire de Saint-Just-en-Chevalet, mais celle qui est de plus en plus partagée. "

À noter du côté de Madame la rapporteuse, toujours le désir de faire apparaitre la contradiction dans les propos tenus par l'auditeur ; cela consiste à faire la démonstration que les propos négatifs tenus sur l'éolien, dont la perte d'attractivité du territoire, entrent en contradiction avec ceux exprimés sur le développement de l'activité touristique. Et de là, laisser planer le doute sur la qualité du témoignage.  Elle avait déjà utilisé la même méthode lors de l'audition de M Grangeon, au sujet de l' Allier.

Qu'elle soit députée La république en marche n'a, bien entendu, aucun rapport et penser le contraire, ce serait faire du mauvais esprit...😕

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Audition de M. Pascal Poncet, maire de Saint-Just en Chevalet (Loire), accompagné de Mme Christine Poncet

M. le président Julien Aubert. Mes chers collègues, nous accueillons M. Pascal Poncet, maire de Saint-Just-en-Chevalet, dans la Loire. Nos auditions ont apporté deux versions très différentes des relations entre les élus locaux et les développeurs de projet éolien.

D’un côté, des élus locaux, des entrepreneurs ou des particuliers, qui ont fait état de démarches marginalisant les élus, qui peuvent avoir une première connaissance du projet d’implantation une fois l’étude de celui-ci déjà très engagée. Cette marginalisation serait d’autant plus à craindre qu’ils ne seraient pas élus de la commune d’implantation du parc éolien.

De l’autre côté, des développeurs, ou les représentants de leur profession, insistent sur la distinction à faire entre ce qui relève des premiers repérages de zones propices à l’installation d’éoliennes, démarches qui ne nécessitent pas, selon eux, à ce stade, d’informations des élus, et ce qui relève de l’engagement du processus en vue d’implanter un parc.
Ils insistent également sur leurs bonnes pratiques professionnelles, qui mènent nécessairement les élus dans la boucle le plus tôt possible, et cela même à l’égard des élus n’appartenant pas à la commune sur le territoire de laquelle aura lieu l’implantation du parc. Une telle démarche s’imposerait d’elle-même, car en son absence, le risque de complication ultérieure, qui fragile la bonne réalisation du projet, augmenterait sensiblement.
Une autre interrogation a porté sur l’inconfort de la situation du représentant de l’État, pris entre l’existence d’une politique nationale de développement de l’éolien, qu’il personnifie dans les territoires, et sa fonction arbitrale, qui implique de prendre en compte chaque projet, dans toutes ses caractéristiques et ses conséquences locales. De sorte que nous avons souhaité auditionner un maire, concerné par cette question, pour avoir son point de vue.

Je vous propose, monsieur le maire, dans un temps d’exposé liminaire de 15 minutes, de nous livrer votre sentiment sur les questions qui nous animent. Ensuite, nous vous poserons des questions.
Avant de vous donner la parole, je rappelle que l’article 6 de l’ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires impose aux personnes auditionnées par une commission d’enquête de prêter serment de dire la vérité, toute la vérité, rient que la vérité.
Je vous invite à lever la main droite et à dire « je le jure ».

(M. Pascal Poncet prête serment.)

M. Pascal Poncet, maire de Saint-Just-en-Chevalet, Loire. Monsieur le président, je termine mon second mandat de maire de Saint-Just-en-Chevalet, commune de la Loire de 1 200 habitants, et de 3 000 hectares s’étageant de 600 à 1 000 mètres d’altitude. Nous avons, par ailleurs, la caractéristique d’être une centralité d’un bassin de vie de 5 000 habitants, possédant deux collèges, deux écoles, une caserne de sapeurs-pompiers, La Poste, une piscine communale, un espace de loisirs et sportif, des campings, une trentaine de commerces, des entreprises, une maison de santé pluridisciplinaire (MSP) flambant neuve, un établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD), etc.
La commune de Saint-Just-en-Chevalet est située entre Saint-Étienne et Clermont-Ferrand, nous avons la chance d’être à une heure et quart de Lyon, via l’A89, une quatrième couronne pour les résidences secondaires. Elle est par ailleurs classée station verte, et une labellisation est en cours pour qu’elle devienne « village sport nature ».
J’en viens à ce qui nous intéresse aujourd’hui. 


Un projet est né dans les années 2007-2008 portant, initialement, sur une trentaine d’éoliennes, qui ont été ramenées à cinq, dans la commune de La Tuilière, et à quatre dans la commune de Cherier. Soit un projet de neuf éoliennes d’une puissance de 2,5 mégawatts et d’une hauteur de 155 mètres.



@2018Google


Ces neuf éoliennes font partie du projet Éole 76, rapidement racheté par la société Énergie du Portugal renouvelable (EDPR). Je vous dirai pourquoi, après avoir recueilli différentes informations, j’ai peu à peu changé ma posture et mon opinion sur cette affaire. Le projet Éole 76 a donc été racheté par EDPR avec des fonds très importants en provenance de Chine, du Qatar et, me semble-t-il, d’Arabie Saoudite. Les fonds chinois proviennent de la société qui a réalisé le barrage des Trois-Gorges, en Chine. Un barrage qui a fait l’objet de nombreuses critiques s’agissant du déplacement des populations et des 600 km2 d’emprises agricoles. Le projet Éole 76 est aujourd’hui porté par la société les Monts de la Madeleine Énergie, qui fait presque office de faux-nez. Initialement, j’étais curieux face à ce projet et j’avais adopté une posture du « pourquoi pas ». Face à l’enjeu, et en tant que chef de village, je devais jouer mon rôle et préserver les intérêts de mes concitoyens et de notre pays. J’ai d’abord été alerté par une partie des habitants, inquiets. À court de réponse, je me suis informé. Le schéma régional éolien (SRE) de Rhône-Alpes – nous n’étions pas encore liés à l’Auvergne – était un document de bon sens, à l’époque, je l’ai donc lu. 


Le SRE donnait les très grandes lignes du développement éolien à l’échelle régionale et apportait des éléments qui me paraissaient en contradiction avec le projet tel qu’il nous avait été présenté. Il indiquait notamment que les paysages naturels – Natura 2000 et autres paysages préservés et authentiques – « offrent très peu de potentiel à l’accueil d’éoliennes, au risque réel de faire évoluer leur identité vers une image plus industrielle. En effet, l’introduction de l’éolien génèrerait un changement d’image et d’identité, par un saisissant effet de contraste sauvage-artificiel… » Plus j’avançais dans mes investigations, plus j’étais inquiet – ainsi que ma population. Je suis donc passé du « pourquoi pas » à « un peu sceptique ». De sorte que je me suis intéressé encore d’un plus près au secteur de l’éolien et que je me suis rendu aux réunions publiques – deux me semble-t-il – organisées par le promoteur. Là, j’ai été frappé par la légèreté avec laquelle le projet nous était présenté. J’avais l’impression de me retrouver en CM1 ou CM2 ! Le promoteur nous a en effet présenté un projet qui tenait sur des feuilles A3 que je n’arrivais à voir qu’en me tordant ; de temps en temps, j’apercevais un morceau d’éolienne dans le blanc des nuages.


J’ai, bien entendu, trouvé la méthode critiquable, notamment s’agissant de la transparence du dossier. D’autant que j’avais, demandé aux représentants du projet qu’une réelle communication soit menée – au motif que nous étions une commune limitrophe, une station verte, que nous développions une politique modeste mais efficace en matière de tourisme – et qu’une maquette soit réalisée ; en guise de maquette, nous avons eu la réunion telle que je viens de vous la décrire. En tant qu’élu de la République, même si mon territoire est modeste, je pense mériter d’être traité d’une autre manière. Mes doutes se sont donc amplifiés. Nous avons, dans cette région, un certain nombre de contraintes, bien légitimes, du fait des sites Natura 2000 que nous avons la chance de posséder. Très souvent, des agriculteurs se font même « gronder » pour avoir mis leurs roues de tracteur ici ou là. Or, le promoteur vient nous présenter un chantier d’une ampleur incroyable, au milieu de sites Natura 2000 et de véritables châteaux d’eau, qui ne semblait leur poser aucun problème. Alors même que le projet exige, par exemple, de transporter de l’énergie sur un poste à 15 ou 20 kilomètres, entre des mâts qu’il faut relier, des chemins d’exploitation… Bref, un projet très inquiétant.
J’ai ensuite été amené à interroger une personne, qui avait travaillé à Météo France, qui avait produit un rapport sur le Massif central – qui a les caractéristiques topographiques que notre région. Je n’étais alors que dans une recherche d’arguments factuels, puisque le projet me semblait important en matière de développement économique. Seulement la colonne des inconvénients ne devait pas être supérieure à la colonne des avantages. Dans son compte rendu, toute ressemblance avec la réalité serait fortuite ou involontaire ! Rien à voir avec ce que présentait le promoteur. Par ailleurs, je ne comprenais pas pourquoi le développeur n’avait pas eu l’idée de faire le bilan du parc éolien, implanté trois ans auparavant, à quatre kilomètres de notre site. Il aurait ainsi pu avoir une ambiance globale de ce qui se passe au niveau du vent. Non, il a préféré planter un mât de mesure. Un mât qui, pour la petite histoire, est tombé quelques mois plus tard. Une enquête a été diligentée, mais nous n’avons jamais su qui avait fait tomber le mât – ce n’est pas moi. Une façon de faire qui a renforcé mes doutes. 


De mon côté, je me suis procuré les résultats du parc existant ; des résultats catastrophiques. Si je n’ai aucun moyen de m’assurer de la véracité de ces résultats, bien entendu, je pense qu’il s’agit des vrais résultats. J’ai contacté le maire de la commune voisine, qui, après une période de doutes, est aujourd’hui radicalement opposé au projet. Il m’a confirmé que tous ceux qui avaient accueilli ce projet s’en mordaient aujourd’hui les doigts. Ce même maire m’a raconté que des journalistes de France culture étaient venus l’interviewer sur l’éolien, et que ce jour-là des techniciens étaient en train de démonter les pales pour poser des résistances électriques, car à cette altitude, la glace qui se formait était de nature à gêner le bon fonctionnement – quand elle fonctionnait – de l’éolienne. Si nous devons produire de l’énergie pour chauffer les pales, où allons-nous !
Concernant l’hydrogéologie, ma commune est un peu le château d’eau du secteur. Je n’avais aucune confiance en l’hydrogéologue qui avait été incorporé dans l’équipe d’ingénierie du promoteur – des équipes qui sont les mêmes d’une opération à une autre – car il me semble difficile d’être à la fois juge et partie sur un sujet aussi sensible que l’eau. S’il était moins sensible à l’époque, nous subissons depuis deux ans, une sécheresse rarissime ; je n’ai jamais vu nos cours d’eau aussi bas. Nos pompiers ont même été obligés d’approvisionner la commune de La Tuilière. J’ai donc demandé à l’agence régionale de santé (ARS) d’aller vérifier les dires de l’hydrogéologue, missionné par le promoteur. Si les conclusions étaient similaires, l’ARS recommandait un grand nombre de précautions et de réserves, contrairement à l’hydrogéologue. Or, quand nous débattons d’un sujet aussi sensible que l’eau, je me demande si nous pouvons encore opérer ce type de réserves ; je ne le crois pas. Aujourd’hui, l’eau est vitale. Nous prenons des arrêtés que nous n’avions jamais pris dans l’histoire locale ! Le président du syndicat des eaux (SE) organise, certainement la semaine prochaine, une réunion de « crise » sur ce sujet. 


J’ai également interrogé les personnes habitants près des éoliennes. Nous sommes bien loin de la vérité, bien loin des propos du promoteur, tant sur le plan sonore que visuel – ces personnes vivent avec ces mâts 24 heures sur 24. Une photo n’est qu’une photo, dans la réalité, les éoliennes bougent et captent votre attention en permanence. Les habitants ont l’impression, quand ils sortent de chez eux, de se trouver sur un autre territoire, en tout cas pas celui qu’ils ont choisi initialement. Les inconvénients des éoliennes sont parfois opposés au nucléaire, mais ce n’est pas mon propos. Et des personnes sont favorables au parc éolien, je tiens à le dire. Mais combien d’éoliennes pour une seule centrale ? C’est aussi cet impact qu’il convient de prendre en compte – et qui a été négligé. Les habitants de notre région, comme cela est indiqué dans des études de l’Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE), perçoivent de petites retraites – de 700 à 900 euros. J’ai compris que le promoteur avait choisi ce territoire pour sa docilité et non pour la performance du vent ou pour des motifs écologiques. D’ailleurs, quand nous analysons le passé des investisseurs en ce domaine, nous pouvons légitiment nous interroger. Et les résultats que j’ai récupérés ici et là démontrent que le rendement ne serait pas des meilleurs. 


Toutes ces éléments ont définitivement fait basculer mon opinion et j’avais pris l’habitude de dire au promoteur « mais pourquoi n’allez-vous pas implanter des éoliennes à Saint-Tropez ? ». Je suis désolé de ce raccourci, mais la suffisance du promoteur n’était pas supportable : « Croyez-nous, nous sommes les sachants, nous allons venir vous faire du bien… » Depuis l’implantation du premier parc, aucun emploi n’a été créé, nous ne faisons que regarder les éoliennes tourner. Le promoteur a choisi un territoire docile, avec une opposition passive. Les habitants s’interrogent sur ce que vont devenir leurs biens. Car la moins-value est bien réelle. Et les notaires ne font que la confirmer. Si les projets éoliens n’avaient aucune incidence sur la vie d’une région, nous ne serions pas aussi attentifs. Par ailleurs, et c’est mathématique, si, par exemple, 50 % des personnes sont défavorables à un projet, vous vous privez forcément de 50 % d’acquéreurs potentiels. 


Mon inquiétude s’est renforcée, en 2014, quand j’ai rencontré le maire d’une commune de l’Ille-et-Vilaine qui avait acheté une vieille ferme dans ma commune et qui était en contact avec le groupe Pierre et Vacances. Je vous lis le courrier de ce maire, datant du 25 novembre 2014, que je tiens à votre disposition ; il écrit à Mme Buccio, alors préfète de la Loire : « Madame la préfète, je suis porteur d’un projet Pierre et Vacances, au lieu-dit la Condamime, Saint-Just-en-Chevalet. Je suis propriétaire de bâtiments et de plusieurs hectares qui intéressent ce spécialiste du tourisme convaincu, comme moi, du potentiel de cette région… ». Notre territoire est en effet appelé la Petite Suisse, il possède de nombreux atouts et nos efforts portent aujourd’hui leurs fruits.
Le bassin de vie que je vous ai présenté en introduction est d’une extrême précarité, mais fonctionne bien. L’acceptabilité de ce projet, qui était correcte, initialement, est devenue inacceptable.

Je continue la lecture du courrier : « Le canton et ses environs pourraient ainsi bénéficier d’une dynamique économique intéressante, construite autour de son image de nature préservée. Hélas, je viens d’apprendre qu’un projet éolien est susceptible de s’implanter à quelques centaines de mètres du secteur pressenti. Vous comprenez mon étonnement, n’ayant jamais été informé. Je trouve cette situation surprenante et tenais à vous faire part de mes interrogations, quant au manque évident de transparence entourant une telle situation. Je suis par ailleurs maire de la Chapelle-des-Fougeretz, en Ille-et-Vilaine et ainsi parfaitement informé de la nécessité d’une large information pour associer le plus possible les populations, notamment celles de toute proximité ».
Le projet Pierre et Vacances a été tué, dès lors que le terme « parc éolien » a été prononcé.

Par ailleurs, ce projet a clivé la population, dans une période où nous n’en avions pas besoin – mais vraiment pas besoin. Preuve en est les mouvements que nous avons connus. Tous les jours, j’appose des pansements sur les blessures des uns et des autres. Je vous garantis, comme tous les élus de proximité, que j’ai senti les choses arriver. Pourquoi ? Parce que parmi les personnes favorables au projet, se trouvaient celles qui avaient été ciblées comme « dociles » ou percevant une petite retraite. En leur proposant de doubler leur retraite – par un dédommagement, par exemple, de 600 ou 700 euros par mois pour l’implantation d’un mât, de 300 euros pour un survol de pales ou de 150 euros pour une tranchée sur leur propriété –, le promoteur a perturbé l’équilibre de notre population.

Pour la petite histoire, le promoteur n’a pas démarché la baronne de Rochetaillée, il n’avait aucune chance ! Non, la cible était cette population que je viens de vous décrire. Et je comprends parfaitement qu’elle soit intéressée par ces fameux 600 ou 700 euros par mois. Le pire, car il y a pire, ce sont les personnes qui ne toucheront pas ces fameux 600 euros par mois, car, manque de pot, le mât sera implanté, non pas chez eux, mais juste à côté. Leur terrain en sera dévalué et elles ne seront pas indemnisées. Une injustice que je ne peux admettre, en tant que maire. J’ai reçu, par ailleurs, un témoignage émouvant d’un agriculteur relatif à l’impact des éoliennes sur sa production de lait – si je ne connais pas les données scientifiques, l’actualité commence à lui donner raison. Je tiens ce témoignage à votre disposition. Cet agriculteur n’a jamais été contredit et j’ai retrouvé des rapports vétérinaires constatant les mêmes faits.

Alors que je n’étais que sceptique, j’en suis aujourd’hui à souhaiter vivement que nous ne voyons jamais l’arrivée de ces éoliennes, pour la santé de notre micro pays, mais plus largement, pour la santé du patrimoine si cher aux Français, mais également au monde entier. Notre opportunité, liée à l’A89, à la liaison Lyon-Clermont-Ferrand-Saint-Étienne, dont nous sommes le poumon vert, et qui nous plaçait en quatrième couronne, s’est vue menacée. Tous les efforts qui ont été réalisés dans la région – les services publics, des sociétés de recyclage de plastique, de ressources hydrologiques – seraient anéantis par cette puissance, cette énorme boule, qui vient vous dire « c’est nous qui avons raison ».

Le préfet, dans sa grande sagesse, a refusé l’installation classée pour la protection de l’environnement (ICPE). Nous l’avons accompagné dans sa décision, car il a aussitôt été attaqué par EDPR – je ne prononce pas le nom de la société les Monts de la Madeleine Énergie, qui n’est que le vernis ; nous sommes chez les Chinois. Je n’ai rien contre les Chinois, le Qatar, l’Arabie Saoudite ou les Portugais, mais utiliser le nom « Monts de la Madeleine Énergie » est trompeur.
Autour du préfet – qui s’est présenté au tribunal administratif, ce matin – un certain nombre d’institutions ont adopté une démarche volontaire et sont venues le soutenir, lui et la direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement (DREAL).

Nous le savons tous, les investisseurs ont les moyens financiers de tenir le temps d’une longue procédure, contrairement aux associations qui ne peuvent pas suivre et de l’État qui, à un moment donné, passe à autre chose. Toutefois, la Ligue de la protection des oiseaux (LPO), France nature environnement (FNE), la fédération départementale des chasseurs français (FDCF), la fédération départementale de pêche (FDP), le syndicat mixte des Monts de la Madeleine, qui regroupe une cinquantaine de communes, ma commune et des communes voisines, se sont engagés dans cette démarche, aux côtés du préfet.
A priori, ce matin, le rapporteur aurait invité le président du tribunal a débouté la requête de l’investisseur.

Telle est ma triste expérience sur ce projet. Une question qui m’a beaucoup occupé. Car même à Saint-Just-en-Chevalet, nous recevons la télévision et la fibre, nous sommes donc capables de nous renseigner pour ne plus prendre les promesses et les projets pour argent comptant. Les sonneurs d’alerte ont également joué un rôle important. 


M. Vincent Descoeur, député, remplace M. Julien Aubert à la présidence.

Vincent Descoeur, président. Comment se situe votre commune par rapport à ce projet ?


M. Pascal Poncet. Ce serait trop long. Cette audition est enregistrée, vous pourrez donc réécouter mon propos liminaire. Je suis le maire de Saint-Just-en-Chevalet, commune de la Loire de 1 200 habitants, de 3 000 hectares s’étageant de 600 à 1 000 mètres d’altitude. Nous avons la caractéristique d’être une centralité d’un bassin de vie de 5 000 habitants. Notre région a une qualité d’authenticité qui est en fait aujourd’hui une région assez rare. Située entre Saint-Étienne et Clermont-Ferrand, nous avons la chance d’être à une heure et quart de Lyon, via l’A89, et d’être devenue une quatrième couronne pour les résidences secondaires. Nous disposons d’un grand nombre de services publics, dont une MSP où exercent trois jeunes médecins de 30 ans, trois cabinets d’infirmière, des pompiers, La Poste, d’une gendarmerie. Tout cela est fragilisé quand des personnes viennent, sans connaître la situation de la région et tous les efforts qui ont été déployés pour parvenir à ce résultat, chambouler la politique du territoire. Il y a là un côté cavalier, suffisant.

M. Vincent Descoeur, président. Les éoliennes devraient être implantées dans des communes voisines à la vôtre, si j’ai bien compris. Font-elles partie de la même intercommunalité ?

M. Pascal Poncet.
Oui, tout à fait.

M. Vincent Descoeur, président.
Une concertation a-t-elle eu lieu entre les élus ou avez-vous vécu cela isolément ?

M. Pascal Poncet. Non, l’intercommunalité était, au départ, engagée. Mais aujourd’hui, une espèce d’omerta s’est installée, et elle est un peu coupée de l’avancement du projet. Je reste pour ma part informé, parce que je suis le maire de la commune centre et que, disposant notamment d’une piscine communale extérieure et d’un camping qui a pris plusieurs étoiles, elle sera la principale impactée.
Plus nous avançons dans la connaissance du sujet, plus nous comprenons que tout ne va pas dans la colonne des avantages, de sorte que, au sein de l’intercommunalité – notamment lors de la dernière délibération – des personnes et des communes ont changé leur fusil d’épaule. Une bonne moitié de l’intercommunalité est opposée au projet. Et les habitants évitent ce sujet en famille.

M. Vincent Descoeur, président
. Oui cette division a été évoquée lors de la précédente audition.
M. Pascal Poncet
. Elle est énorme et je la vis au quotidien

M. Vincent Descoeur, président. Le préfet a-t-il pris un arrêté en rapport avec ce projet ?

M. Pascal Poncet.
Nous sommes encore sous « l’ancien régime », avec une autorisation de défrichement, un permis de construire, etc. Le préfet a pris un arrêté concernant l’ ICPE, en n’autorisant pas l’exploitation du site, en raison des impacts sur les sources d’eau, la faune, la flore, etc. C’est la raison pour laquelle il a été attaqué par le promoteur.

M. Vincent Descoeur, président.
Vous considérez donc que le préfet a pris en compte vos arguments. Un vrai sujet au regard des objectifs du Gouvernement, en termes de parcs éoliens. Les représentants de l’État pourront se retrouver, demain, dans des situations très inconfortables.

M. Pascal Poncet.
Le préfet a en effet fait preuve d’un grand courage et d’une très grande honnêteté intellectuelle. Mais il s’est fondé sur les éléments qu’il a, lui aussi, accumulés au fil du temps.
Le temps a d’ailleurs été un facteur important, car il a permis à toutes les parties de s’informer. Tous les éléments ont été portés à la connaissance du préfet, ses services ont pris le temps de les examiner et M. le préfet a pris le temps de se faire son opinion. La France peut s’honorer de la qualité de ses représentants de l’État. Face à des projets très limites, voire irresponsables, l’homme et le bon sens prennent le dessus.

M. Vincent Descoeur, président. Quelle a été votre place, dans ce processus de concertation, étant donné que vous n’êtes pas l’élu d’une commune d’implantation ?

M. Pascal Poncet. Ma commune est la commune centre, qui sera la plus impactée par le projet. Les commerces se situent dans ma commune, nous possédons deux collèges, deux écoles, une piscine communale, un gymnase, un complexe sportif d’un kilomètre de long… Le débat ne pouvait pas se faire sans moi. Par ailleurs, il est obligatoire, à un moment plus avancé des projets, d’inviter les communes limitrophes à participer au débat. Mais ce sont les pouvoirs publics qui sont venus nous questionner, non le promoteur.  Les deux communes concernées ne possèdent pas tous les équipements que je viens d’évoquer, elles seront donc certainement moins affectées. Mais si la commune-centre est affectée, toutes les communes limitrophes le seront aussi. De même, si la ville de Roanne est affaiblie, ce sont l’hôpital, le lycée et autres structures qui seraient impactés.


Par ailleurs, j’ai expliqué pendant des années à ma population, que notre environnement était une richesse incommensurable, comme notre vieux quartier, d’ailleurs, et que nous devions, par conséquent, ne pas faire n’importe quoi, en termes de visibilité – interdiction d’utiliser des couvre-joints blancs, ou du PVC blanc. Nous étions arrivés à un consensus sur cette question d’urbanisme, d’architecture. Comment pourrais-je, aujourd’hui, expliquer aux habitants à qui j’ai demandé de respecter certaines normes, qu’un projet d’implantation d’éoliennes de 150 mètres, ne pose aucun problème, en termes de visibilité ? Si je me comporte ainsi, le discours politique de l’élu de terrain est discrédité en quinze secondes. Je précise à Mme la rapporteure, que je n’étais pas hostile au projet. Je suis passé de curieux, à sceptique puis à hostile. Je ne sais pas si mes propos vous seront rapportés. C’est assez déstabilisant de parler devant des députés qui vont et viennent, car je viens de loin et je ne sais pas si tout le monde aura l’entièreté de mon audition.

Mme Marjolaine Meynier-Millefert, rapporteure. Vous avez effectivement droit à une explication s’agissant du jeu des chaises musicales auquel nous devons nous plier aujourd’hui.
Le projet de loi relatif à l’énergie et au climat est en ce moment même débattu en commission des affaires économiques. Or l’actualité législative prend le pas sur notre commission d’enquête, ce qui est compliqué et cavalier par rapport à vous, monsieur, qui venez de loin. Je vous rassure, les propos que vous tenez ici sont filmés, ils seront donc partagés et pris en compte lors de l’élaboration du rapport.

M. Pascal Poncet. Je comprends, madame la rapporteure, mais si vous n’avez pas entendu le début de mon propos, vous ne pouvez pas comprendre ma conclusion. Et, de fait, vous pouvez être amenée à me poser des questions qui n’entrent plus dans le contexte que j’ai évoqué. C’est la raison pour laquelle, tout cela me perturbe un peu. Aurez-vous le temps de réécouter l’entièreté de mes propos ? Je les juge importants, car ils vont au-delà de mon territoire. Je suis venu porter la parole, non pas du maire de Saint-Just-en-Chevalet, mais celle qui est de plus en plus partagée. Encore une fois, j’aurais souhaité que vous entendiez l’entièreté de mes propos, vous comprendriez que ma parole s’exporte bien au-delà des 3 000 hectares que je représente modestement. 


Aujourd’hui, nous ne pouvons plus entendre des propos tels que « nous allons faire pour vous, nous disposons de tous les ingénieurs de la terre à nos côtés » ; propos autoritaires et suffisants. Cela me fait penser au film « Manon des sources », quand on vient expliquer au paysan qu’il faut mettre du grillage pour que les lapins ne passent plus ; qu’il faut galvaniser. Nous ne vivons plus à cette époque. L’information parvient jusqu’à Saint-Just-en-Chevalet. Et tout ce qui nous est raconté, nous pouvons le vérifier. Alors, cela prend du temps, mais les éléments que j’ai réunis m’ont fait changer d’opinion. Je suis aujourd’hui sûr de mon raisonnement, pour avoir vécu la situation de près, ainsi que les déchirements des familles, de la population, dans une période où nous n’en avions vraiment pas besoin. Nous sommes en train de vivre des clivages entre les familles, certains membres ayant été contactés pour toucher 600 euros par mois, pour un mât implanté sur leur propriété.
C’est la raison pour laquelle mes propos sont très largement exportables.

Mme Marjolaine Meynier-Millefert, rapporteure. Votre audition fait suite à un nombre important d’autres auditions, et vous n’êtes pas le premier à tenir des tels propos. Mais c’est aussi de l’intérêt de la commission de constater qu’un certain nombre de témoignages se recoupent.
Je vous rassure, vous n’êtes pas le seul à tenir ces propos et je ne pense qu’ils soient ignorés ou balayés. La preuve en est que cette commission d’enquête s’en saisit.


M. Vincent Descoeur, président. En votre absence, madame la rapporteure, j’ai interrogé M. Poncelet sur l’aide que leur a apporté le préfet, qui a bien relayé les arguments avancés par les communes, défavorables aux projets. Un point important dans ce cas particulier, mais qui va, comme le dit M. Poncelet, bien au-delà du seul traitement de sa commune. Votre audition, monsieur Poncelet, témoigne des difficultés que peuvent rencontrer les élus, et du désordre social que créent ces projets. Je trouve votre témoignage parfait.

 
M. Julien Aubert, président de la commission d’enquête, remplace M. Vincent Descoeur à la présidence.

M. le président Julien Aubert. Monsieur Poncelet, vous êtes donc concerné par ce projet, qui doit se réaliser dans des communes limitrophes à la vôtre. Votre commune va-t-elle ou non bénéficier de gains financiers ?

M. Pascal Poncet. Il est prévu que le bloc communal – l’intercommunalité et les deux communes – touche 150 000 euros, et la région 70 000 euros, me semble-t-il. Un dédommagement qui n’est absolument pas à la hauteur du préjudice – le préfet, je le rappelle, a refusé l’autorisation d’exploiter.
Lorsque nous sommes à la tête d’un territoire, aussi modeste soit-il, nous ne sommes pas forcément là pour accumuler de la trésorerie, notamment si nous n’avons pas élaboré une véritable vision de ce territoire. Par ailleurs, si ce type de projet était bénéfique, apportait du bien et de l’énergie publique, ces propositions de compensation n’existeraient pas.

M. le président Julien Aubert. Il n’y avait aucun sens caché à ma question. Je souhaite comprendre les enjeux. S’agit-il de 150 000 euros versés une fois, ou par an ?

M. Pascal Poncet. J’ai toujours écarté ce débat et il s’agit de chiffres qui datent de 12 ans. Il me semble qu’il s’agit d’un unique versement.

M. le président Julien Aubert. Des taxes, telles que l’imposition forfaitaire sur les entreprises de réseaux (IFER) ne doivent-elles pas être reversées au bloc communal ?

M. Pascal Poncet. Effectivement, cela était prévu pour la communauté de commune et les deux communes concernées. Nous ne pouvons pas raisonner à partir d’un intérêt financier, car non seulement, le bénéfice serait de court terme, mais surtout, nous sommes dans une dynamique qui va bien au-delà. Notre bien-être actuel et la qualité de vie que nous offrons aux habitants et aux touristes valent bien plus que cela. Les personnes qui motivent leur position uniquement sur la base de versement de revenus financiers n’ont pas cette capacité à avoir une vision de leur territoire ; elles m’inquiètent beaucoup.

M. le président Julien Aubert. Vous avez indiqué être allé chercher des informations auprès du parc existant et avoir rencontré un ancien employé de Météo France. Vous parlez bien de données en termes de vent ?

M. Pascal Poncet. Oui, mais ils n’ont pas voulu nous les donner. Il est cependant facile de calculer le nombre de kilowattheures produits – il s’agit du chiffre d’affaires divisé par le prix du kilowatt.

M. le président Julien Aubert. Je ne comprends pas, car vous évoquez le rapport de Météo France, qui comporte des données techniques sur le vent, puis des éléments d’informations du parc existant. Or là, vous me parlez de chiffres d’affaires. Que voulez-vous dire quand vous indiquez « je me suis procuré les résultats du parc existant, par voie détournée, et ils sont catastrophiques » ?

M. Pascal Poncet. Son discours était crédible, car il avait fourni un rapport sur le Massif central et avait travaillé dans la région. Il disait que les chiffres annoncés par le promoteur étaient fantaisistes et que s’il avait donné ce type d’information, lorsqu’il exerçait à Météo France, il aurait été viré dans le quart d’heure. Le second sujet concernait le rendement du parc existant – que nous aurions pu communiquer au promoteur, la topographie, le relief étant identiques. Les responsables ont refusé de nous communiquer les résultats. Mais il est simple de calculer le nombre de kilowatts produits : il s’agit du chiffre d’affaires divisé par le prix du kilowatt.

M. le président Julien Aubert. Pouvez-vous nous transmettre ces informations ?

M. Pascal Poncet. Les informations que j’ai recueillies ne sont pas officielles, mais l’écart entre ce qui était annoncé et la réalité est de 80 %, voire 100 %.

M. le président Julien Aubert. Vous voulez dire du simple au double ?

M. Pascal Poncet. Tout à fait. Pour la petite histoire, madame, le mât de mesure est tombé. Une enquête de police a été diligentée, qui a entraîné une forte tension ; nous n’avons pas de bandits chez nous, personne ne fait cela. Il eut été si facile, pour ces gens, dont c’est le métier, d’aller frapper au parc voisin pour demander des informations. Ils ne l’ont pas fait. J’avais demandé une maquette, pour que nous puissions nous faire une idée – pour un projet de 18 millions d’euros, cela ne doit pas poser de problème – nous ne l’avons jamais eue. Pourquoi ? Parce que la réalité est édifiante. Ma commune a de la chance d’avoir de beaux hôtels – deux étoiles, trois étoiles –, de beaux gîtes, or tous les propriétaires sont inquiets.

Mme Marjolaine Meynier-Millefert, rapporteure. Vous redoutez que la défiguration du paysage ait un impact sur le tourisme ?

M. Pascal Poncet. Vous n’étiez pas là quand j’ai indiqué que le maire de la Chapelle-des-Fougeretz, en Ille-et-Vilaine, M. Jean-Yves Chiron, avait acheté une vieille ferme dans ma commune, pas très loin du parc envisagé. Et qu’il avait écrit à Mme Buccio, alors préfète. Je relis le courrier : « Madame la préfète, je suis porteur d’un projet Pierre et Vacances au lieu-dit la Condamime, Saint-Just-en-Chevalet. Je suis propriétaire de bâtiments et de plusieurs hectares qui intéressent ce spécialiste du tourisme convaincu, comme moi, du potentiel de cette région. Le canton et ses environs pourraient ainsi bénéficier d’une dynamique économique intéressante, construite autour de son image de nature préservée. Hélas, je viens d’apprendre qu’un projet éolien est susceptible de s’implanter à quelques centaines de mètres du secteur pressenti. Vous comprenez mon étonnement, n’ayant jamais été informé ». Il existe un cadastre en France, quelqu’un aurait pu lui dire. 


Je reprends : « Un parc éolien de cette nature aurait mérité une large communication et une large concertation. Je trouve cette situation surprenante et tenais à vous faire part de mes interrogations, quant au manque évident de transparence entourant une telle situation. Je suis par ailleurs maire de la Chapelle-des-Fougeretz, en Ille-et-Vilaine et ainsi parfaitement informé de la nécessité d’une large information pour associer le plus possible les populations, notamment celles de toute proximité ».
L’information était d’ailleurs recommandée par le schéma régional éolien initial, qui était alors plein de bon sens.

Mme Marjolaine Meynier-Millefert, rapporteur. Ce projet de Pierre et Vacances était-il déjà en cours d’élaboration ou simplement projeté dans la tête de cette personne ? Car le maire est informé, non pas avant, mais quand un projet démarre. Si le projet que vous évoquez n’avait pas commencé, il n’est pas surprenant que personne n’ait eu l’idée d’informer cette personne.

M. Pascal Poncet. Vous parlez de l’obligation du maire – et des notaires – d’informer. Il existe des jugements sur cette question. Le maire m’a appelé pour me présenter son projet, quand celui-ci était suffisamment avancé avec le groupe Pierre et Vacances. Je l’ai alors informé du projet éolien ; j’ai senti un grand vide. Il en a parlé aux responsables de Pierre et Vacances qui, au bout d’un de réflexion, ont décidé de ne pas investir. Par ailleurs, sachez que l’obligation d’information du maire et des notaires entraîne la perte d’un potentiel d’acquéreurs. Des personnes ne supportent pas l’éolien – pour sa pollution visuelle, sonore, etc. Par ailleurs, je le répète, grâce à l’A89, mettant Lyon à une heure et quart de chez nous, nous sommes devenues la quatrième couronne, en termes de tourisme et de résidences secondaires. Imaginez le nombre de personnes qui ont changé d’avis en apprenant l’existence de ce projet éolien. J’ai d’ailleurs été alerté, à l’époque, par des promoteurs immobiliers qui avaient senti le bon plan et anticipé les retombées de l’A89. Je suis donc passé de curieux à totalement hostile au projet. Et, je le répète également, nous en avons assez de la suffisance de ces personnes qui arrivent avec une armada d’ingénieurs qui ont tous raison. Le débat n’est pas possible, la grande partie de la population n’étant pas assez qualifiée pour comprendre le projet dans sa complexité. Nous devons aller chercher l’information pour comprendre la réalité de ce projet. J’ajouterai que ces personnes n’inspirent pas confiance.

Mme Marjolaine Meynier-Millefert, rapporteure. Vous ressentez une asymétrie dans le rapport de forces avec les promoteurs ?

M. Pascal Poncet. Nous avons l’impression qu’ils causent ailleurs. C’est désagréable. Leur suffisance est désagréable. Je vais vous citer une anecdote. TF1 nous a contactés pour faire un sujet pour le 13 heures de Jean-Pierre Pernaut. Les promoteurs se sont présentés dès 7 heures du matin à la mairie, demandant à être intégrés dans le sujet. Je ne sais pas qui les a informés, car nous n’avions prévenu personne. Je leur ai expliqué que non, je ne souhaitais pas qu’ils interviennent. Qu’ils avaient toujours la parole, et que donc, pour une fois, il devait laisser la parole aux gens de terrain, et qu’il n’était pas question qu’ils prennent l’antenne, alors que nous étions chez nous ! Ces gens viennent chez nous, nous dire ce qu’il faut faire. Vous imaginez combien cette situation a été très mal vécue. Qu’est-ce que c’est que cette façon de faire ? En tant qu’élus, nous récupérons la souffrance de nos administrés, et depuis quelque temps maintenant, nous sommes obligés de vivre avec ces gens qui amènent le désordre, en plus du vent qu’il n’y a pas. Des gens qui viennent contrarier notre politique locale. Un élu local n’avance qu’un pas après l’autre, il fait évoluer une politique choisie ; or ces personnes sont venues nous percuter !

M. le président Julien Aubert. Je souhaite revenir sur vos propos, monsieur Poncet. Vous nous avez expliqué que, initialement, il s’agissait du projet Éole 76, qui a été racheté par EDPR et qui est maintenant porté par les Monts de la Madeleine Énergie.

M. Pascal Poncet. EDPR devant faire face à des difficultés financières majeures a accepté des investisseurs chinois, ceux-là même qui ont réalisé le barrage des Trois-Gorges, en Chine. Un investisseur qui décrédibilise un peu plus le projet, quand on sait que pour ce barrage, 600 km2 de terres agricoles ont disparu et que des millions de personnes ont été déplacées. Nous avons du mal à accepter des leçons de bonne conduite données par de tels investisseurs.

M. le président Julien Aubert. Ce n’est pas ma question, monsieur le maire. Aujourd’hui, quel est le rôle des Monts de la Madeleine Énergie dans cette affaire ?

M. Pascal Poncet.
Il s’agit d’une société par actions simplifiées (SAS), rachetée par EDPR qui est elle-même est détenue par les Chinois qui ont construit et exploitent le barrage des Trois-Gorges, et qui a accepté des fonds provenant du Qatar et de l’Arabie Saoudite. Enfin, ce projet a été saupoudré de façon très minime de fonds publics, provenant de la Sem’ Soleil, via le syndicat intercommunal d’énergies de la Loire (SIEL). J’aurais préféré que les choses soient dites.

Mme Marjolaine Meynier-Millefert, rapporteur. Vous êtes maire depuis combien de temps ?
M. Pascal Poncet. Je termine mon second mandat. Je vis avec cette affaire depuis deux mandats.

Mme Marjolaine Meynier-Millefert, rapporteur. Votre commune compte 1 600 habitants…
M. Pascal Poncet. Non, 1 200 et nous sommes une centralité d’un bassin de vie de 5 000 habitants.

Mme Marjolaine Meynier-Millefert, rapporteur
. Une commune tournée vers le tourisme et le patrimoine, vers ses racines…

M. Pascal Poncet.
Sur l’authenticité, qui a été très peu touchée par l’industrie, malgré l’implantation de scieries, des métiers du bâtiment, d’une usine de textile qui travaille pour tous les plus grands couturiers du monde. Par ailleurs, des personnes se sont récemment installées pour faire du recyclage de plastique. Notre zone est vivante, elle ne vit pas uniquement du tourisme. Nous avons développé une vraie politique économique, ce n’est pas un hasard si ma commune compte encore deux pharmacies et trois médecins de 30 ans.

Mme Marjolaine Meynier-Millefert, rapporteur.
Ainsi que de nombreux commerces…
M. Pascal Poncet. Trente commerces, deux écoles, deux collèges, une maison d’enfants, un EHPAD, une caserne de sapeurs-pompiers construire il y a six ou sept ans, et une station d’épuration visant à protéger notre rivière classée Natura 2000, de 2 850 équivalents habitants et dont les performances sont extraordinaires au niveau du traitement des eaux – nous sommes juste un peu gênés par un industriel qui fait du fromage, mais la situation évolue. Nous proposons également énormément de loisirs. Cet équilibre a été difficile à mettre en place et il est fragile. De sorte que, quand de telles personnes viennent tout bouleverser, nous ne pouvons que réagir.

Mme Marjolaine Meynier-Millefert, rapporteur.
Ce n’est pas le sujet, je constate juste que votre commune est exemplaire pour une zone rurale. Votre écosystème est bien différent de celui que nous imaginons en ruralité. Comment expliquez-vous la richesse de la commune ?

M. Pascal Poncet. Nous ne sommes pas, en termes de recettes, une commune riche. Sa richesse, c’est son positionnement géographique qui la place ni trop près ni trop loin des centres urbains et ses commerces de proximité – vêtements, papeterie, mini grande surface, deux stations de distribution de carburant, pharmacies, etc. –, que nous avons réussi à maintenir.

Mme Marjolaine Meynier-Millefert, rapporteur. Et ce malgré ce parc éolien ?

M. Pascal Poncet. Non, non. L’investisseur a attaqué la décision du préfet, qui était ce matin au tribunal, où le rapporteur a proposé au président du tribunal de rejeter la requête. Les habitants qui sont encore là-haut, dans nos communes, ou les personnes qui veulent s’y installer, adhèrent immédiatement à la cause qui est la nôtre.

M. le président Julien Aubert. Je vous remercie, monsieur le maire. Vous avez disposé d’un temps de parole plus important que les associations, mais il était important d’entendre le témoignage d’une personne qui n’avait, initialement, aucun a priori contre l’éolien, voire qui y était plutôt favorable. Mais également d’un élu local qui, confronté à cette situation, a dû se positionner.


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