16/07/2019
"La commission européenne a créé il y a un an un "technical expert group" chargé de guider les investisseurs vers les investissements "verts", sachant que pour l'Europe "vert" est avant tout ce qui évite des émissions de gaz à effet de serre. Avec cette définition, et compte tenu du fait qu'il a de nombreux autres avantages environnementaux en cycle de vie (faible consommation de matériaux et d'espace par kWh produit, peu d'émissions de polluants locaux - NOx, SO2, etc -), et qu'il faut aller très très vite dans la baisse des émissions, le nucléaire aurait pu/du faire partie du panier des objets éligibles (éligible ne veut pas dire obligatoire, mais "pas interdit"). Mais ce n'est pas ce qu'a conclu ce groupe, qui s'est appuyé sur des "sentiments" plus que sur des faits quantifiés, et il est donc logique que la société française d'énergie nucléaire fasse preuve d'une certaine perplexité. Rappelons que pour diviser les émissions par 3 en 30 ans il n'y a q pas le temps de faire 2 essais. Donc si l'option prise en première intention n'est pas la bonne, nous avons perdu sans possibilité de recours..."
Jean-Marc Jancovici
Crédit photo ©EDF - Conty Bruno
Créer un système de classification unifié pour orienter les investissements du marché dans des activités économiques durables. Tout un programme, que les membres du groupe d’experts techniques missionnés par la Commission européenne, viennent de rendre public sous le nom de « taxonomie européenne ». Un label vert ambitieux qui exclut les combustibles fossiles, les infrastructures gazières et… l’énergie nucléaire.
En mai 2018, le Vice-président de la Commission européenne, Valdis Dombrovskis, présente un plan d’action de financement de la transition énergétique. Pour l’ancienne majorité, la décarbonation de l’économie européenne ne pourra se faire sans le soutien des acteurs du marché. C’est l’officialisation du concept de « finance verte » : soutenir la croissance économique tout en réduisant les émissions de CO2 et plus généralement toute externalité négative pour la planète (artificialisations des sols, déchets…).
Un besoin de financement estimé entre 175 et 290 milliards par an
Pour bien comprendre cette initiative, rappelons qu’elle se situe dans un contexte d’ensemble d’un intérêt croissant de la communauté financière pour orienter l’investissement vers les activités dites « durables ». La période actuelle étant plutôt orientée vers un excédent de capitaux, les investisseurs cherchent des rendements de long terme. Pour répondre aux marchés financiers, les travaux se multiplient sur la définition de critères de classifications pertinents et communs.
Les besoins de financements nécessaires sur le volet climatique de l’Union Européenne sont estimés entre 175 et 290 milliards par an. Une somme que les pouvoirs publics ne peuvent satisfaire seuls. L’enjeu est donc de taille, réussir à mobiliser le système financier pour réussir la décarbonation de notre économie.
La Commission européenne a créé un groupe d’experts techniques sur la finance durable (TEG, Technical expert group) avec pour lettre de mission d’établir cette fameuse classification. Après une année de travail et l’analyse de 67 secteurs économiques, le TEG vient de rendre public son rapport et ses recommandations.
Le cas du nucléaire
Dans son rapport, le TEG reconnait que l’énergie nucléaire, en tant qu’énergie bas carbone, contribue aux objectifs d'atténuation du changement climatique. Les experts soulignent toutefois que la contribution substantielle à un objectif environnemental doit être analysée également au regard des autres objectifs environnementaux en prenant en compte le critère de préjudice significatif à l’environnement.
Ainsi le TEG estime qu’en ce qui concerne les dommages potentiellement importants pour d'autres objectifs environnementaux (économie circulaire, gestion des déchets, biodiversité, systèmes d'eau, pollution de l’air…) les impacts de l'énergie nucléaire sont complexes et plus difficile à évaluer. Les experts prennent pour exemple la question du stockage géologique profond des déchets HAVL. En dépit d’un consensus international sur ce mode de gestion, les experts estiment qu’il est impossible pour l’heure, d’entreprendre une évaluation approfondie en l’absence de site permanent et opérationnel avec des données empiriques de long-terme. « Compte tenu de ces limites, il n'a pas été possible pour le TEG, ni ses membres, de conclure que la chaîne de valeur de l'énergie nucléaire ne cause pas de préjudice significatif à d'autres objectifs environnementaux sur les échelles de temps en question. » peut-on lire dans le rapport.
Le TEG recommande néanmoins que des travaux techniques plus approfondis soient entrepris par un groupe d’experts pointus sur l’analyse du cycle de vie du nucléaire et de son impact environnemental. Pourtant, en France, le Centre industriel de stockage géologique (projet Cigéo) a connu de nombreuses études et modélisations, témoignant toutes du faible impact de l’installation sur l’environnement.
Un champion écologique
Une position étonnante étant donné que l’énergie nucléaire est reconnue pour ses performances environnementales.
Le GIEC, qui a publié des données sur l’impact carbone de la filière nucléaire, estime que la production d’électricité d’origine nucléaire dégage en moyenne 12g CO2/kWh au plan international, soit quatre fois moins qu’un panneau solaire photovoltaïque et à peu près autant qu’une éolienne. Depuis 1970, l’atome a par ailleurs permis d’éviter le rejet de plus de 60 Gt de CO2 dans le monde, soit l’équivalent de cinq années d’émission de CO2 du secteur électrique.
Le nucléaire s’affirme également comme un réducteur efficace et rapide de la pollution de l’air. Si l’on prend en compte l’ensemble des centrales nucléaires du parc français, celles-ci permettent d’éviter le rejet annuel de deux millions de tonnes de SO2, un million de tonnes de NOx et quelque 80 000 tonnes de particules fines.
Enfin la faible emprise au sol des installations est également considérée comme un facteur clef pour préserver la biodiversité, permettant ainsi de prévenir la bétonisation des territoires. Les centrales nucléaires fournissent une quantité importante d’énergie sur une petite surface de terrain. D’après l’AIEA, les énergies produisant le plus d’énergie par m2 sur l’ensemble de leur cycle de vie sont les centrales nucléaires, les centrales à gaz et les centrales hydro-électriques.
Make Our Planet Great Again
Un débat que la France a connu en 2015 quand le Ministère de l’Environnement et du Développement Durable, alors dirigé par Ségolène Royale, avait ouvert une consultation portant sur le projet de décret relatif au label « Transition énergétique et climat » pour le secteur financier. Similaire dans ses critères et son objectif à la taxonomie européenne, le label exigeait également une gestion active de tout risque majeur de controverse environnementale, sociale ou de gouvernance. Déjà à l’époque, ce référentiel excluait les sociétés dont l’activité relève de l’« ensemble de la filière nucléaire ».
Depuis, l’alternance a rempli son office, et un nouveau slogan porte les ambitions climatiques de la majorité : « Make Our Planet Great Again ». Comme le rappelle le dernier rapport de l’ AIE sur le nucléaire publié en mai 2019, il serait pratiquement impossible d’atteindre nos objectifs climatiques sans l’énergie nucléaire. Une conclusion proche des experts du GIEC qui prévoient également dans ses scénarios une augmentation de la part de l’énergie nucléaire jusqu’à 501 % à l’horizon 2050. Avec le premier parc d’Europe et le second parc nucléaire mondial, la France porte la responsabilité de défendre une technologie unanimement reconnue pour ses bienfaits environnementaux.
Si l’Etat français peut encore se manifester pour porter l’excellence d’une filière engagée de longue date dans la lutte contre le changement climatique. Les citoyens européens peuvent eux aussi agir en faveur de l’énergie nucléaire grâce à une consultation en ligne jusqu’au 13 septembre.
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