L'effet pervers des subventions à l'environnement

Matthieu Glachant
Matthieu Glachant est économiste de l'environnement et professeur à Mines ParisTech.

 
LE CERCLE - La subvention par l'Etat de produits moins néfastes pour l'environnement revient à dépenser de l'argent public pour des produits qui polluent quand même. Les explications de Matthieu Glachant, économiste.


La prime à la casse décidée par Nicolas Sarkozy en 2008 a eu pour effet paradoxal d'augmenter les émissions de CO2. Shutterstock

Dans un contexte de défiance vis-à-vis de la fiscalité écologique, l'option consistant à subventionner les solutions permettant de réduire la pollution a aujourd'hui le vent en poupe.

La subvention environnementale est pourtant un instrument délicat à manier qui peut paradoxalement augmenter la pollution. Son principe consiste à augmenter la rentabilité économique de solutions suscitant moins de dommages à l'environnement que d'autres solutions : le recyclage des déchets plutôt que la mise en décharge, le véhicule électrique plutôt que le véhicule à moteur thermique…

Or, si le recyclage pollue moins que la mise en décharge, il reste qu'il pollue. Il nécessite en effet de transporter les matières et de les incorporer dans des processus industriels polluants. Même chose pour le véhicule électrique. Il consomme de l'électricité produite en partie par des moyens qui génèrent des dommages environnementaux. Sa batterie utilise des terres rares que personne, sauf les Chinois et quelques pays en développement, ne tient à produire sur son territoire tellement leur extraction et leur traitement sont polluants.


Bonus-malus automobile
Pas de problème si les options non subventionnées polluent plus. Mais c'est justement là que le bât blesse. Au lieu de recycler les déchets, on peut éviter de les produire en consommant des produits moins emballés et éco-conçus. Au lieu d'acheter un véhicule électrique qui risque d'être utilisé intensivement puisque le « plein » d'électricité est moins cher, on peut réduire le kilométrage parcouru en choisissant ses destinations de vacances ou en raccourcissant la distance entre son lieu de travail et son logement. Ces stratégies de prévention ou de réduction à la source de la pollution restent le plus souvent non subventionnées car difficilement « subventionnables ». Il s'agit en effet de payer un ménage ou une entreprise pour qu'il ou elle ne fasse rien. Une contrepartie de subvention difficile à mesurer.
Pour montrer que l'argument n'est pas que théorique, prenons l'exemple du bonus-malus automobile. En 2008, le gouvernement de Nicolas Sarkozy lance un système combinant une subvention à l'achat de véhicules neufs émettant peu de carbone par kilomètre avec une taxe sur les modèles plus polluants. Dans la pratique, cela conduit à une subvention massive du marché automobile puisque le coût budgétaire des bonus dépasse largement les recettes des malus. Le dispositif est ainsi en déficit de 500 millions d'euros en 2009.

Automobile : la prime à la conversion rabotée, le diesel d'occasion exclu du dispositif

Une étude très sérieuse de Xavier D' Haultfoeuille, Pauline Givord et Xavier Boutin parue dans « The Economic Journal » montre que la mise en place de ce système a en fait augmenter les émissions de carbone des véhicules particuliers de 1,2 % en quelques mois par rapport au scénario de référence sans bonus-malus. Elles auraient même augmenté de plus de 9 % à long terme si le système n'avait pas été réformé. Pourquoi ? L'effet vertueux sur la composition de la flotte automobile, des véhicules « bonussés » se substituant à des véhicules « malussés », a été plus que compensé par l'augmentation des ventes et, donc, par la croissance du parc automobile, sur un marché dopé par l'injection d'argent public. Une option restait en effet non subventionnée : ne pas acheter de voiture.

Nous vivons dans un pays qui tend à juger l'ambition d'une politique publique à l'aune de la somme d'argent public qui y est consacré. Cette posture est dangereuse pour l'environnement car des subventions mal conçues peuvent avoir un effet inverse de celui attendu. Il ne s'agit pas ici de disqualifier totalement la subvention environnementale mais de l'utiliser avec précaution et dans des domaines, tel le soutien à l'innovation, dans lesquels ses effets pervers sont limités.

Au lieu d'inciter à recycler les déchets, mieux vaut éviter de les produire.


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