Les USA relancent la course aux super-ordinateurs

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El Capitan, image du futur supercalculateur exaflopique des Etats-Unis

Et de trois ! Avec la commande du El Capitan, un super-ordinateur de la classe « exascale », que vient de passer le ministère de l’énergie du gouvernement américain, c’est le troisième « croqueur de nombres » de cette nouvelle catégorie acheté par les pouvoirs publics des Etats-Unis. Il promet de réaliser un milliard de milliards d’opérations (ou 1018) par seconde. Contre un chèque de 600 millions de dollars au constructeur Cray. Il sera destiné aux recherches sur les armes nucléaires. Livraison promise fin 2022. Même constructeur pour pour que les deux précédents, Aurora qui sera installé à l’Argonne National Laboratory et Frontier au Oak Ridge National Laboratory (ORNL), qui seront livrés dès 2021.

 

Simulation numérique d’un voilier. Les points modélisent la trajectoire des particules d’air. LMF/CNRS.

Avec ces trois supercalculateurs, le gouvernement américain n’entend pas seulement doter ses scientifiques de capacités de calculs phénoménales. Pour des sciences fondamentales (physique, chimie, astrophysique, géosciences, climatologie, biologie, écologie…) mais aussi des recherches technologiques (nucléaire civil et militaire, spatial, aéronautique, robotique, prospection pétrolière, pétrochimie…). Il réagit à la course aux armements informatiques, en concurrence avec très peu d’acteurs dans le monde : la Chine, l’Europe et le Japon. Sans ces outils de calculs, des pans entiers de la science contemporaine sont hors de portée des chercheurs : simuler le climat futur (ou la météo du lendemain), concevoir un engin spatial ou un avion sans en passer par des dizaines de tests coûteux, étudier la thermodynamique d’un réacteur nucléaire ou explorer l’immensité des données recueillies sur la biologie moléculaire et la génétique, utiliser les flux de données envoyés par les satellites d’observation de la Terre…

Un club des pétaflops
Cette course hisse les capacités de calcul haute performance à des niveaux sans cesse plus élevés. Ainsi le Top-500 des supercalculateurs mondiaux – il met en jeu les plus puissants des croqueurs de nombres, qui rivalisent de vitesse sur un programme standard, le Linpack benchmark, conçu uniquement pour cette comparaison – est devenu un « club des pétaflops » lors de sa dernière livraison, en juin 2019. Autrement dit, le plus mal classé des 500 affiche déjà au moins un pétaflop, soit un million de milliards (1015) d’opérations par seconde.



Nombre de supercalculateurs du Top 500 par pays. La Chine occupe la première place avec 44% soit 219 systèmes. La France compte 19 systèmes dans ce classement, le Royaume-Uni 18 et l’Allemagne 14.


Parts des capacités de calcul du Top 500 par pays. Les USA reprennent la première place. Mais celle de la Chine, avec près de 30% indique que les scientifiques chinois n’ont pas de soucis quant à leur accès au calcul haute performance.

Depuis déjà une dizaine d’années, le concurrent le plus sérieux des Etats-Unis est… la Chine. En 2010, elle prenait provisoirement la tête du Top-500. En 2016, son croqueur de nombres TaihuLight frolait les 100 pétaflops ! Soit 93 millions de milliards d’opérations par seconde. Il était à l’époque le plus puissant du monde. Mais la riposte d’IBM ne s’est pas fait attendre. Au classement de juin 2019, le géant américain occupe les deux premières places avec Summit et Sierra, au Oak Ridge National Laboratory (ORNL) dans le Tennessee et au Lawrence Livermore National Laboratory en Californie.

Summit affiche 148 petaflops/s, tandis que Sierra ne dépasse que d’un chouïa le chinois avec 94.6 pétaflops. Un supercalculateur chinois occupe la 4ème place. Puis, on trouve un américain (Texas University), un Suisse, encore un américain, un Japonais, un Allemand et un autre américain complètent le Top 10. Puis, surprise, la 11ème place est occupée par Pangea-III, le supercalculateur de Total, avec 17,8 petaflops/s, le premier possédé par un industriel privé dans le classement. A la 18ème place, on trouve le second français, le BullSequana du CEA, avec 11 petaflops/s (le lien permet de voir qu’en deux ans, il passe de la 14ème à la 18ème place, doublé par les nouveaux arrivants).


Un seul fabricant européen





Côté constructeurs, ceux qui assemblent les éléments d’un supercalculateurs (processeurs, accélérateurs graphiques, mémoires, connexions, refroidissement… dans une architecture qu’ils conçoivent) la place de la Chine est également remarquable, puisqu’elle place Lenovo, Inspur et Sugon sur le podium en nombre de systèmes. Mais IBM, HPE et Cray ne sont dépassé que par Lenovo en puissance de calcul installée. Le seul fabricant européen est Atos, avec 22 systèmes installés (sous le nom de Bull dans la liste). Côté technologies, c’est Intel qui rafle la mise avec 478 des 500 supercalculateurs construits avec ses processeurs. Les co-processeurs destinés à accélérer les calculs, notamment pour les images, sont presque tous de Nvidia (125 supercalculateurs sur 133 concernés). Il n’y a qu’un seul segment de cette technologie qui soit capté à 100%, c’est le système d’exploitation qui est toujours… un Linux.

Reine rouge

Le classement du Top-500 fonctionne comme la Reine Rouge du monde d’Alice au pays des merveilles : qui ne court pas se fait dépasser. Ainsi l’Europe fait pâle figure en comparaison de l’accélération chinoise – La liste des supercalculateurs en opérations en France est tenue à jour ici et le dernier achat début 2019 du CNRS ne fait que 14 pétaflops (pour 25 millions €), le Jean Zay, qui doit entrer en service avant la fin de l’année.

Pourtant, la situation pourrait bien changer en raison du succès croissant des supercalculateurs de la gamme BullSequana de la firme Atos (qui a racheté Bull en 2014). Ce sont les seuls supercalculateurs européen, face aux géants américains, chinois et japonais.

Selon Atos, sa technologie XH2000 aurait déjà le potentiel permettant l’assemblage d’un supercalculateur de puissance exaflopique. Si cela n’est pas prévu immédiatement, c’est qu’il y a un petit hic : cela nécessiterait toutefois 400 racks, sur une surface de 1000m² et le besoin électrique du monstre serait de plus de 30MW. Le coût de ce système ? Au moins 600 millions d’euros, trop au regard des budgets disponibles en Europe… même si l’on note que c’est justement l’ordre de grandeur du chèque que le gouvernement US vient de faire pour sa troisième commande de supercalculateur à Cray.


L’ exaflopique en Europe dès 2023



la gamme BullSequana d’ Atos semble en mesure de rivaliser dans les années qui viennent avec les machines les plus puissantes du Top 500 des supercalculateurs (photo Atos).

Mais l’affaire n’est pas close, car Atos annonce pouvoir améliorer ses performances et dès 2021, ses nouvelles technologies permettraient de réduire la taille d’un système exaflopique de moitié, limitant sa consommation à 20MW, le tout avec un prix d’environ 500M€. Cela pourrait déboucher sur une commande d’une machine exascale (au moins 2 exaflops) à l’horizon 2023, via le consortium européen EuroHPC qui additionne des financements nationaux et une contribution du budget de l’Union Européenne. Cette super commande sera t-elle pour Atos en totalité ? Ce serait logique, mais le texte officiel d’ EuroHPC indique seulement qu’au moins un des deux systèmes devra être de technologie européenne. Cela hisserait le vieux continent aux hauteurs atteintes par les craqueurs de nombre de Cray au Etats-Unis en 2021, un écart aussi faible étant historique depuis le début de l’aventure des supercalculateurs.

Le budget actuel EuroHPC, d’environ un milliard d’euros, doit financer et permettre d’installer dès l’an prochain, cinq systèmes pétaflopiques et surtout trois systèmes «pré-exascale» d’environ 200 petaflop/s (le cinquième d’un exaflop/s) avec pour chacun un budget d’environ 120 M€. Une nouvelle démonstration de ce que l’Union peut faire la force… si l’on s’en sert.

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