Electricité pour les Nuls : construire 1 GW de nucléaire ou 1 GW d'éolien/photovoltaïque, cela revient-il au même en terme de puissance garantie ?

  Même l' Agence internationale de l'énergie (IEA) reconnaît le LCOE favorable de l'énergie nucléaire depuis décembre 2020
 
 
Source : Pierre Tarissi

   Il ne faut pas trop compter non plus sur les futurs miracles du stockage

    
 

Source : Pierre Tarissi

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Pour avoir l ‘équivalent d’un 1 MW garanti de nucléaire pendant 70 ans, il faut construire 15 à 22 MW d’ ENR et de backup au total

Petit calcul physique simple basé sur l’essence d’un système électrique

Jean-François Raux
Diplômé de l’Institut d’Études Politiques de Paris et titulaire d’un DESS de Droit Public Européen, Jean-François Raux a effectué la majeure partie de sa carrière au sein d’Électricité de France et de Gaz de France.
2021 03 17

  Tout a été dit sur la méthode de calcul utilisée pour comparer les projets éoliens entre eux, la méthode LCOE [ Levelized Cost of Energy, « coût actualisé de l’énergie ». Il correspond au prix complet d’une énergie, l’électricité dans la plupart des cas, sur la durée de vie de l’équipement qui la produit] , normative, sert de juge de paix dans les AO [appel d'offre] des ENR et de base au calcul des mécanismes de soutien de prix, donc de subvention, des ENR. Elle est aussi abusivement détournée pour prouver tout et n’importe quoi… contre le nucléaire.
  Pour comparer simplement Nucléaire et ENR je propose une autre approche simple et compréhensible : raisonnons en grandeurs physiques, en MW, sur la base des fondamentaux d’un système électrique.
  Intéressons nous à la seule question qui vaille : comparons le nombre de MW de nucléaire et d’ ENR, et de leur complément, back-up, qu’il faut construire pour avoir pour avoir l’équivalent d’un MW garanti sur un durée donnée ?

Commençons par le plus simple : la durée de vie.
  Une centrale nucléaire est construite pour durer entre 60 ans et 100 ans. Aux USA, des modèles proches des réacteurs PWR français actuels ont eu un licence pour 80 ans ; la prolongation à 100 ans de ces réacteurs est à l’étude.
  Démontons au passage un des mensonges écolos favoris : les centrales nucléaires auraient une durée de vie max de 40 ans... Fessenheim ! C’est faux : il s’agit de la durée d’amortissement comptable qui n’a rien d’une norme et d’une durée de vie industrielle.
  Prenons 70 ans de durée de vie industrielle pour une centrale nucléaire, chiffre raisonnable ni mini, ni maxi, raisonnable si on ne veut pas jeter l’argent par les fenêtres comme on l’a fait pour Fessenheim.  C’est un sport favori de la France.
  Prenons le cas de la durée de vie des ENR : on peut espérer actuellement une durée de vie autour de 25 ans. Je dis « espérer » au sens statistique, car on a peu de retour d’expérience, notamment pour l’éolien en mer, alpha et oméga du futur de l’éolien si l’on suit la dernière mode.
  Donc pour avoir 1 MW pendant 70 ans, il faut construire 1 MW de nucléaire et 2,8MW d’ ENR, 70/25, soit en gros trois fois plus. Il faut donc investir, près de 3 fois plus en ENR qu’en nucléaire, pour une période type de 70 ans.
  Regardons ensuite la puissance disponible, les usines sont en état de produire, et la puissance garantie, la puissance disponible est garantie, quasi certaine.
  1 MW installé, n’est pas un MW disponible 100% du temps.
  Que nous dit-on ? Qu’en gros, 1 MW nucléaire est disponible entre 70% du temps, mauvaise performance - France, et 90% du temps, bonne performance - USA ; pour prendre un chiffre raisonnable, on retiendra, 80%. La France peut s’améliorer, mais le débat n’est pas là ! Pour avoir 1 MW nucléaire disponible en moyenne, il faut donc construire de 1,2 MW. Sauf aléa exceptionnel, rare, lorsque le nucléaire est disponible pour produire, sa puissance est garantie : il produit.
  Pour les ENR la situation est complètement différente. On peut espérer dans notre horizon de temps, un coefficient de disponibilité des ENR de 25%, chiffre admis aujourd’hui. C’est la disponibilité moyenne, non pas de la machine, mais du vent ou du soleil, pour l’essentiel. Je ne compte pas les indisponibilités machine. Les ENR sont intermittentes car le vent et le soleil ne sont pas constants. L’expérience récente le montre, la puissance utilisée ENR peut être proche de zéro sur de longs jours !
  Dès lors on peut dire que pour avoir l’équivalent d’1 MW disponible nucléaire, il faut 4 MW d’ ENR.  C’est pour cela qu’il faut installer beaucoup plus de puissance dans un système ENR que dans un système à base de nucléaire. En gros, on a actuellement environ 30 GW de puissance installée en ENR, hors hydro, pour 60 GW de nucléaire : la production d’énergie, puissance X temps, du nucléaire est de 67% du total de la conso France, 500 TWh ; celle des ENR, hors hydro, de 11%. La puissance installée des ENR est la moitié de celle du nucléaire, mais la production des ENR est 6 fois moindre.
  Donc si on combine puissance et durée de vie, on peut dire que pour avoir 1 MW disponible sur 70 ans, il faut construire 1,2 MW de nucléaire, puissance installée, ou 11,2 MW d’ ENR.

Mais quid de la puissance garantie ?
  Ce concept bien étrange et très spécifique, essentiel, dans les système électrique, c‘est quoi ? C’est très simple : lorsque les consommateurs appellent une puissance de 1 MW, il faut que le système électrique « produise, fournisse » la même puissance, a l’instant T, sinon c’est le blackout, la panne, le noir. On doit pouvoir compter sur le moyen de production, ou d’effacement des appels de puissance, pour que la puissance soit dite garantie : le garanti, c’est j’appuie sur le bouton, cela marche.
  C’est ce qui se passe avec le nucléaire disponible. Il promet d’être sur le réseau, il y est, sauf exception rarissime couverte par le système.
  Ce n’est pas le cas des ENR : si l’on veut se couvrir du risque d’absence longue des ENR, il faut du back-up, du secours qui remplace les ENR en cas de situation climatique sans vent et sans soleil, anticyclone long en hiver le soir avec grand froid. Le backup c’est quoi ? C’est de la production par d’autres moyens, par exemple du gaz ; c’est du stockage, en fait déstockage, comme des STEP [Stations de transfert d'énergie par pompage], barrage que l’on remplit et vide ; c’est de l’effacement de puissance, baisse organisée et certaine de la puissance appelée par les consommateurs. Dans tous les cas, il faut maintenir l’égalité instantanée « 1 MW appelé = 1 MW produit ». Il faut donc investir pour le back-up, produire avec du gaz, stocker, baisser de manière garantie la puissance appelée : rien n’est gratuit et ce sont des investissements générés par les ENR, donc imputables aux ENR. Si j’ai un MW  d’ ENR installée, je dois avoir 1MW de backup, au sens ci-dessus, pour garantir le fait que le système électrique ne s’effondre pas ! C’est exactement ce que fond les Belges : ils ferment le nucléaire, investissent dans les ENR, et... construisent du gaz pour avoir du back-up. Le bilan financier est évidemment catastrophique. On peut aussi penser au fameux foisonnement comme « backup mutualisé » : une zone sans vent est compensée par une zone avec vent si...les lignes de transport de l’électricité existent et le permettent : 1 MW de puissance de transport a aussi un coût et une longue durée d’installation en plus ! En faisant le pari, fou, d’un foisonnement de 30% entre les différents systèmes ENR, régionaux ou européens on peut faire baisser le niveau de back-up proprement dit, mais il faudra des lignes de transport, et personnellement, je ne crois pas à ce chiffre de 30%. Mais prenons le comme hypothèse.
  Au total, pour avoir en ENR l’équivalent d’1 MW de puissance garantie nucléaire, il faut investir dans 22,4, 2 X 11,2 MW d’ ENR et de back-up au sens défini ci-dessus. En faisant le pari d’un foisonnement de 30% entre les différents systèmes ENR, régionaux ou européens, on peut faire descendre ce chiffre à 15 MW : 22 X 0,7 = 15,4, arrondi à 15.
  On peut donc dire en conclusion que pour avoir l’équivalent système d’un MW garanti sur 70ans, il faut construire 1,2 MW de nucléaire ou... 15 à 22 MW d’ ENR + back-up équivalent, selon les hypothèses de foisonnement.
  On mesure mieux ainsi physiquement, les différences entre les deux approches. Mais il faut cesser de dire que les ENR sont moins coûteuses que le nucléaire, ne serait-ce que pour des raisons physiques. Pour avoir une puissance garantie au même coût que le nucléaire, il va falloir que les ENR baissent sérieusement leur coût !
  J’espère avec cet exemple simplifié vous avoir fait toucher du doigt les variables physiques essentielles d’un système électrique garanti, c’est à dire où l’on a du courant quand on en a besoin. C’est à la fois simple à concevoir et difficile à réaliser. Et c’est très très loin des mensonges des promoteurs des ENR…

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