Espagne, 1936 : Mujeres Libres (femmes libres), les pionnières des organisations féministes

France, Ière Guerre mondiale, 1914-1918
"...en novembre 2017, Clemenceau revient  à la présidence du Conseil, désormais sans la participation des socialistes, et intensifie l'effort de guerre autant que la répression contre les pacifistes et les grévistes.
L'arrestation puis la révocation d' Hélène Brion, secrétaire de la Fédération des instituteurs et des institutrices, en est le symbole. Traduite devant le conseil de guerre de Paris en mars 1918, sous l'inculpation de propagande défaitiste, elle défend son combat pacifiste au nom de son engagement féministe. Elle conteste le fait qu'on la juge pour un délit politique alors même que sa condition de femme l'exclut de la citoyenneté politique. Devant le conseil, elle déclare : "Je suis ennemie de la guerre, parce que féministe. La guerre est le triomphe de la force brutale ; le féminisme ne peut triompher que par la force morale et la valeur intellectuelle ; il y a antinomie absolue entre les deux. Je ne pense pas que dans la société primitive, la force de la femme ni sa valeur étaient inférieures à celles de l'homme ; mais il est certain que dans la société actuelle, la possibilité de la guerre a établi une échelle de valeurs toutes factices, au détriment de la femme." Puis elle ajoute : "la guerre, telle que la voyons actuellement sévir, est la résultante inévitable de l'organisation de cette société masculiniste si étrangement construite , société où une infime fraction seulement des nations est arrivée à la conception des droits de l'homme - le mot Homme étant pris dans le sens étroit d'individu masculin -, société où aucune nation encore n'est arrivée en son entier à la conception - et encore bien moins à la proclamation - des Droits de l' Homme, au sens large du mot, des Droits de l'être humain, homme ou femme, société toute basée sur le mensonge."
Julian Mischi, Le Parti des communistes, Histoire du Parti communiste français de 1920 à nos jours,p.58, Faits et Idées, Hors d'atteinte, 2020
Hélène Brion est condamnée à trois ans de prison avec sursis.
  « Nous sommes, nous femmes, avec la masse des travailleurs, parce que partout où elle est opprimée, et que nous sommes, nous femmes, également, partout opprimées, beaucoup plus même que n’importe quelle classe de travailleurs. »
  « Vous n’avez jamais été justes, travailleurs, vis-à-vis des femmes qui vous ont aidé dans vos luttes. »
  « Le jour où les femmes seront initiées aux questions sociales, les révolutions ne se feront plus à coups de fusils ! »
  Extraits de " Adresse féministe au Comité pour la reprise des relations internationales",  1916 10 23

Hélène Brion devant le Conseil de guerre du 25 au . Elle est révoquée de l'enseignement, avec rétroactivité au . Elle ne sera réintégrée que sept ans plus tard, en .

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Femmes libres : les anarchistes qui ont révolutionné la classe ouvrière


beatriz asuar gallego
2017 12 24

 

Les femmes libres, le plus grand groupe de femmes anarchistes / CGT

  À la fin de la Seconde République, environ 21 000 femmes anarchistes se sont réunies pour former le premier mouvement féministe radical ayant une authentique base populaire en Espagne. Il a été l'un des groupes précurseurs des revendications pour la libération des sexes qui, tant d'années plus tard, sont toujours présentes aujourd'hui.
  On dit que l'histoire est écrite par les vainqueurs, mais ce qui n'est pas dit, c'est que les vainqueurs, presque tous, sont des hommes. Et on dit aussi qu'ils ont tendance à oublier les femmes : si nous regardons en arrière et pensons aux grands moments de changement dans l'humanité, ou aux grandes révolutions, aucun ou presque aucun nom de femme ne nous vient à l'esprit.
  L'histoire de l'Espagne n'a pas été moins impitoyable pour les femmes, occultant pendant de nombreuses années le rôle qu'elles ont joué pendant la période la plus révolutionnaire du pays, la guerre civile. Néanmoins, les syndicats tentent constamment de les faire revivre dans la mémoire collective et ainsi, les sortir de l'oubli national. À titre d'exemple, le Collectif Mujeres Libres fêtera cette année 2017, en collaboration avec la CGT et Mujeres Anarquistas, les 80 ans de sa naissance. Une structure qui se présentait alors comme le premier mouvement féministe radical de base populaire authentique et précurseur dans la lutte pour des revendications qui, tant d'années plus tard, sont toujours présentes aujourd'hui.
  Quand et comment ce mouvement est-il né ? À la fin de la Deuxième République, dans une dynamique politique et culturelle qui ouvrait de nouvelles possibilités de participation des femmes à la lutte sociale. La CNT, Confederación Nacional del Trabajo, était le principal syndicat anarchiste depuis 1910 et il deviendra plus tard la CGT*, un syndicat à forte présence féminine, qui reconnaissait les droits fondamentaux du travail, tels que la liberté économique et l'égalité de rémunération, mais dans lequel il y avait peu d'initiatives pour des luttes spécifiques.
  Face à cela, les femmes devaient tracer leur propre chemin. À Barcelone, principal noyau du mouvement anarchiste, le Grupo Cultural Femenino a été fondé en 1934, pionnier des mouvements des femmes au sein du syndicalisme. Mais le déclenchement de la guerre civile a changé le cours des choses, devant l'urgence de la situation, les femmes ont décidé de sauter le pas, en créant leur propre organisation. Le 2 mai 1936, plusieurs femmes publient le premier numéro de la revue Mujeres Libres qui, comme le raconte Paula Ruíz Roa, responsable du secrétariat des femmes de la CGT, "a servi de base à la constitution du groupe libertaire et à l'organisation de son premier - et unique - congrès, qu'elles ont pu tenir en août 1937". En peu de temps, ils comptaient 147 groupes locaux et 21 000 femmes membres.

Le premier groupe autonome de femmes
  Dès le début, Mujeres Libres s'est voulu totalement autonome. La plupart des militantes faisaient déjà partie d'autres organisations du mouvement libertaire - CNT, FAI, Juventudes Libertarias - mais pas question que la nouvelle structure soit subordonnée à toute autre organisation.

 

 

 

  Une organisation constituée uniquement de femmes suscita un rejet parmi les autres militants anarchistes, ce qui déboucha sur une inévitable lutte en interne : "Ce sont elles qui ont convaincu qu'il était nécessaire de séparer les organisations de toute la classe ouvrière des organisations de femmes afin de différencier les revendications des unes et des autres, au prétexte, qu'au sein de la lutte de la classe ouvrière, on ne leur accordait pas l'importance qu'elles avaient", explique à Public l'actuel secrétaire de la CGT, José Manuel Muñoz Poliz.
  L'écrivain et historienne américaine Martha Ackelsberg note que la plus grande réussite de l'organisation a été d'être les "pionnières des organisations féministes" et "d'unir la lutte contre l'exploitation capitaliste à l'oppression patriarcale". En fait, Mujeres Libres a suivi la ligne idéologique de la CNT, mais a développé son propre objectif : émanciper les femmes du triple esclavage :

  • esclavage de l'ignorance, 
  • esclavage de la femme,
  • esclavage productif
  Avec le début de la guerre, elles se sont fixées un autre objectif, "apporter une aide ordonnée et efficace à la défense de la République".

Des revendications toujours présentes aujourd'hui
   "Ce qui est le plus frappant dans ce collectif, c'est la manière dont il aborde la question des femmes. Surtout à cette époque, avec des questions allant de l'abolition de la prostitution, de la coéducation, des soupes populaires ou des garderies à l'amour libre. Des revendications qui ont atteint la majorité de gauche bien plus tard, dans les années 1970", explique l'historien brésilien Thiago Lemos Silva, qui a étudié l'histoire de ce groupe pendant plus de dix ans.
  Dès le début, elles ont milité de l'importance de l'incorporation des femmes dans le travail salarié, en exerçant des emplois multiples, en plus des activités de "traditionnelles" : de l'alphabétisation à la formation sur le tas dans tous les secteurs de travail. Et, pour que cette incorporation ne soit pas un double fardeau pour les femmes, elles ont exigé - comme elles le font aujourd'hui - la mise en place de cantines et de garderies sur les lieux de travail.
   Elles ont rompu avec l'idée que le foyer et les relations de couple étaient privés : elles ont dénoncé avec ferveur le contrôle exercé au sein du couple lui-même par l'État et l'Église catholique. Elles proclamèrent l'amour libre et dénoncèrent le fait que le modèle familial traditionnel favorisait les inégalités : d'une part, parce qu'il maintenait les dépendances économiques de la femme, sur lesquelles le patriarcat est basé ; d'autre part, parce qu'il incluait la soumission des femmes aux hommes de la famille, où la parole leur était interdite.
   L'éducation des enfants est l'un des thèmes qui a le plus retenu l'attention. Elles affirmaient que dans les écoles s'acquiert une mentalité bourgeoise, et qu'il était donc essentiel que l'éducation fasse un virage complet, en promouvant une école de la liberté. Dans ce cadre, elles ont également revendiqué la nécessité d'une éducation sexuelle, soulevant des questions jusqu'alors taboues, comme la contraception ou l'avortement.

La répression contre les anarchistes
  Comme pour presque tous les groupes révolutionnaires, la répression pendant la guerre par les troupes franquistes a été colossale. D'autant plus avec des groupes de femmes comme celui-ci, qui représentaient un double danger puisqu'elles luttaient non seulement pour l'émancipation de la classe ouvrière, mais aussi pour leur propre émancipation.
  Il semble impossible de recenser le nombre exact de femmes qui ont subi des tortures, des assassinats, des disparitions et des violences sexuelles. Mais nous savons que, comme la majorité des milices et des militants, les membres de Mujeres Libres se sont retrouvés en prison, en exil ou, dans le meilleur des cas, soumis à un silence absolu, niant avoir participé à cette organisation. Même à l'étranger, elles n'ont pas réussi à maintenir des structures organisées dans la clandestinité, de sorte qu'au bout de trois ans, en 1939, Mujeres Libres a fini par se dissoudre. Bien qu'elles aient conservé un héritage : "elles ont créé chez les femmes un grand désir de liberté chez nous tous", déclare Ruiz Roa. Et, comme le souligne également Thiago, "il faut connaître l'histoire de ces femmes pour pouvoir remettre en cause le machisme".

 

 La résistance au régime de Franco ne peut être comprise sans le rôle des femmes. Des femmes qui, ciblées par le dictateur pour leur idéologie et leur sexe, ont dû élever leur famille avec leurs hommes abattus.

*Il s'agit d'une scission qui s'est produite au sein de la CNT à la fin des années 1970. De cette scission est née la CGT, et la CNT a continué et continue d'exister sous ce même acronyme.











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