À bien y réfléchir, le choix opéré par la France pour son mix électrique du futur, moins de nucléaire, plus d' EnR, plus de gaz, dans la perspective de lutter contre les émission de gaz à effet de serre, apparait, de plus en plus, comme le fait unique des "rois", qui se sont succédés à la tête de l'Etat depuis les années 2000. En effet, à lire les nombreux avis des experts, il se détache que l'option retenue, parmi d'autres, ne s'est pas imposée grâce à :
- sa technologie,
- ses moindres impacts sanitaires et environnementaux,
- son coût économique.
"...par un mémoire en défense, enregistré le 23 juin 2020, la ministre de la transition écologique et solidaire conclut au rejet de la requête en soutenant notamment que ... en ce qui concerne l’objectif d’augmentation des énergies renouvelables, celui-ci est indépendant de celle des gaz à effet de serre ...😮 »
"Il est plus facile de tromper que de détromper"
Napoléon Ier
Énergie : une polarisation des débats au détriment du climat
Kako Naït Ali
Dr-Ingénieur en chimie des matériaux.
OPINION. La publication du rapport RTE/AIE le 27 janvier dernier a malgré elle accentué la polarisation des débats sur l'énergie. Certains y ont vu une confirmation de la viabilité d'un mix électrique 100% renouvelable, d'autres au contraire des freins insurmontables. La question de la décarbonation du système électrique est donc débattue entre partisans de technologies faiblement carbonées, en oubliant l'objectif de réduction des énergies fossiles dans le système global.
Etat des lieux
D'ici 2035, la France réduira la part de nucléaire de son mix électrique, passant de 75% à 50%. Quatorze réacteurs seront arrêtés, incluant les deux réacteurs de Fessenheim fermés en 2020. La raison invoquée est celle de la pluralité des sources et la volonté d'augmenter la part de renouvelables dans le mix électrique. Le nucléaire n'étant pas une énergie renouvelable et occupant une place jugée trop importante, il a été décidé de réduire sa part dans le mix électrique français.
La décision est donc politique, il est important de le souligner. La stratégie de remplacement par des sources renouvelables pose la question de la flexibilité du système électrique. Leur intermittence doit en effet être compensée par une production pilotable, nucléaire, fuel, charbon, gaz, hydraulique, biomasse, du stockage ou par une adaptation de la demande à la production électrique. Or, le potentiel hydraulique de la France est limité. Les filières biomasse et stockage n'en sont qu'à leurs prémices industrielles. Si bien que la réduction du nucléaire risque de contribuer à l'utilisation de sources de compensation fossiles, comme ce fut le cas temporairement en Allemagne et comme cela le sera en Belgique.
Il est difficile, notamment en France, de sortir des débats passionnés sur les sources électriques. Et pas seulement sur le nucléaire qui en pâtit depuis son développement dans les années 1970-80. Les sources d'électricité renouvelables subissent un schéma comparable, avec des problèmes conséquents d'acceptabilité de la population.
La faute à une vision étriquée de la question énergétique et électrique souvent focalisée sur les technologies et non sur l'ensemble du système de production, d'approvisionnement, sur son fonctionnement, sa complexité, son impact environnemental, son coût et son acceptabilité. Le sujet n'est donc pas binaire.
La stratégie du 100%
Le rapport RTE/AIE démontre la possibilité d'un mix « 100% renouvelable » sous certaines conditions très précises, notamment avec des développements technologiques, industriels conséquents. La communication de ce rapport a été maladroite, les résultats présentés de manière incomplète. Ce qui a contribué à amplifier les oppositions nucléaire vs renouvelables. Il implique par exemple l'utilisation, en faible proportion (15GW) d'une base nucléaire, scénarios M1 à M3, jusque 2060.
Ce rapport est une simulation du système électrique permettant d'évaluer les axes de travail permettant d'atteindre l'objectif du « 100% renouvelable ». Il ne préjuge du caractère « souhaitable ou attrayant » de ce mix mais présente les hypothèses prises et les développements techniques et technologiques permettant d'obtenir la flexibilité du réseau électrique nécessaire à l'atteinte de cet objectif.
Une grande partie des hypothèses prises dans ce rapport implique des technologies qui n'existent pas encore ou qui n'ont pas démontré leur faisabilité aux échelles visées. C'est le principe même de la simulation dont l'ensemble des hypothèses et conditions doivent être associées à la lecture des résultats.
Malheureusement, la plupart des commentateurs du rapport RTE/AIE n'a pas pris la peine de le lire. Se contentant de la synthèse voire du résumé. Insuffisant pour une analyse pertinente, mais tout à fait
approprié pour satisfaire à certaines opinions préétablies.
Dur retour à la réalité
Les récents évènements climatiques du Texas (USA) nous rappellent que le sujet est bien plus complexe qu'une simple question technologique. La vague de froid apportée par la tempête URI a immobilisé les principaux systèmes de production de l'Etat : les éoliennes et les centrales à gaz qui constituaient respectivement 23% et 40% de la production électrique de l'Etat en 2020 (ERCOT) ont vu leurs équipements geler.
Cette dramatique défaillance est le fruit d'une politique énergétique dérégulée, obstacle à la maitrise de la production en fonction des aléas climatiques. Il est techniquement possible d'anticiper ce type d'évènement par une maintenance adaptée, un dimensionnement des procédés selon les hypothèses d'aléas ainsi que par une gestion du système électrique inter-états efficace.
En Europe, trois pays présentent un mix électrique décarboné : la Norvège grâce à l'énergie hydraulique, la France et la Suède grâce à leur système constitué de nucléaire et de renouvelables. Récemment, la Suède a été obligée d'importer massivement de l'électricité carbonée, issue de centrales fossiles, à la suite d'une vague de froid. En parallèle, le pays a fermé deux centrales nucléaires fonctionnelles.
L'histoire se répète et l'exemple de l'Allemagne aurait dû être un exemple dissuasif. Le développement sans véritable stratégie d'un mix électrique renouvelable, sans se soucier de la nécessité d'une base pilotable décarbonée et capable de répondre aux aléas climatiques, contribue au maintien de centrales à charbon. Le choix de se passer de nucléaire pour des raisons idéologiques, sans alternative satisfaisante,
a un impact CO2 que l'on ne peut se permettre aujourd'hui.
Recentrer les débats
La France a l'avantage de posséder un mix électrique peu carboné grâce à l'énergie nucléaire. Au regard des enjeux climatiques, l'urgence est aujourd'hui de réduire la part du fossile dans le mix énergétique, remplacé par une électrification décarbonée.
Le débat sur l'énergie doit donc dépasser rapidement cette polarisation stérile entre sources électriques décarbonées. Sans omettre les avantages et inconvénients de chacune d'entre elles et l'analyse de risque associée. Ni la nature politique de la décision finale.
Ce débat doit prendre en compte d'autres aspects comme la souveraineté énergétique du pays, la gestion du réseau et des interconnections notamment avec nos voisins européens, le maintien d'une électricité décarbonée, les défis du remplacement des fossiles par l'électrique décarboné.
Pendant que plusieurs pays comme le Royaume-Uni ou la Chine développent simultanément les énergies renouvelables et nucléaires en fonction de leur contexte local pour réduire massivement l'impact carbone de leur mix électrique, la France se focalise sur le soit l'un soit l'autre, alors que les deux peuvent et devront être associées efficacement. Nous devons apprendre des erreurs de nos voisins, il est encore temps de revoir nos priorités : les objectifs climatiques ne doivent pas devenir des objectifs de moyens ou de technologies.
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