2016
Commentaire : (...) A l’exception du bois, les productions nouvelles d’énergies renouvelables (solaire, éolien, petite hydroélectricité) ne sont pas suffisantes pour susciter directement un développement économique local, même si les politiques de développement des EnR ont évolué ces dix dernières années de politiques sectorielles vers des politiques plus intégrées suscitant un élargissement des possibles en matière de stratégies énergétiques territorialisées au travers des Schémas Régionaux Climat Air Énergie (SRCAE) et des Plans Climat Énergie Territoriaux (PCET). Si les productions énergétiques renouvelables sont nécessairement localisées, elles ne constituent pas pour autant une ressource directement favorable à un développement local des territoires. Elles ne s’inscrivent pas dans des cercles vertueux de dynamiques de développement, ne participent pas à l’émergence de districts industriels et génèrent très peu d’emplois. Les ressources énergétiques renouvelables sont en effet captées par des acteurs exogènes aux lieux d’exploitation et positionnés sur le marché international de l’énergie comme par exemple le Groupe ENGIE (ex-GDF/SUEZ). [...] -Comme pour toute activité présente sur un territoire, les propriétaires des terrains supportant des installations dédiées à la production d’énergie sont soumis au paiement de la taxe locale pesant sur les propriétés foncières bâties.[...]
-Les installations de production d’énergie renouvelable comme les parcs éoliens et les centrales solaires au sol sont très faiblement affectées par ces deux impôts (CFE et CVAE) pour deux raisons : l’absence d’ouvrages d’art les met à l’abri des impôts fonciers et le calcul de la CVAE basé sur le montant du chiffre d’affaires leur est favorable. Les installations solaires et éoliennes sont en effet souvent exploitées par des sociétés dédiées uniques (société à actions simplifiées (SAS) ou société à responsabilité limitée (SARL)). La gestion d’une installation de production d’énergie renouvelable par une société unique permet de réduire le chiffre d’affaires et de diminuer le montant de la CVAE. Les grands groupes procèdent aussi à une optimisation fiscale par la création de filiales et de sociétés à actions simplifiées, évitant ainsi les effets de la progressivité de la CVAE selon le chiffre d’affaires.
[...]
-La réforme de la taxe professionnelle (2010) dont l’objectif était d’améliorer la compétitivité et de diminuer la pression fiscale sur les entreprises a eu de ce fait les effets escomptés dans le secteur des énergies renouvelables ; elle a été favorable au développement du solaire et de l’éolien (CPO, 2014a). Mais comme l’association AMORCE l’a relevé en 2012, ce bénéfice pour les entreprises a pu se traduire par un manque à gagner pour les collectivités et par une réduction de leur autonomie fiscale (AMORCE, 2012 ; CPO, 2014b). La réforme de la taxe professionnelle a eu en effet comme incidence une baisse du coût de la fiscalité locale des entreprises de 15 % en euros courants entre 2009 et 2012 (CPO, 2013).[...]
- L’ IFER s’applique à certaines catégories de biens et se décline en neuf composantes (Fig. 1). Si la CFE est fonction de la taille des entreprises, l’IFER dépend quant à lui de leur puissance. Les unités de production d’énergie renouvelable (solaire, éolien et hydroélectricité) d’une puissance supérieure à 100 kW et les unités de production d’origine nucléaire et thermique supérieure à 50 MW sont en effet imposables. Un forfait en euros par kilowatt de puissance installée et par type de production est appliqué. La répartition de l’ IFER entre niveaux de collectivités territoriales et EPCI diffère selon la source d’énergie et la nature du régime fiscal des EPCI (fiscalité additionnelle FA ou fiscalité professionnelle unique FPU) (Fig. 2). [...]
- Ainsi par exemple, un parc solaire EDF EN1 mis en service avant le moratoire2 de décembre 2010 avec un tarif d’achat d’environ 0,30 euros le kWh et d’une puissance de 5 MW ayant produit environ 7 800 MWh en 2013 aura généré environ 885 000 euros de valeur ajoutée3. A la fin de l’exercice 2013, l’ EPCI à fiscalité professionnelle unique où il se situe aura perçu une part de la taxe IFER correspondant à 18 175 euros4 et une part de CVAE correspondant à 3 517 euros5. [...]
- Il faudrait 26 parcs éoliens de 10 MW (soit entre 200 et 300 éoliennes d’une puissance d’environ 1 MW) sur le territoire d’un EPCI pour générer une taxe IFER d’un montant équivalent à celui dû à la présence d’une centrale thermique (Fig. 3).[...]
-Le rapport entre les retombées d’ IFER des énergies renouvelables et le produit de fonctionnement des EPCI montre bien que la fiscalité liée à ces infrastructures a peu d’impact sur les budgets des collectivités (Fig. 3). Si l’un des objectifs de l’ IFER était, comme nous l’avons précédemment dit, de maintenir une forme d’incitation financière à l’accueil d’installations génératrices d’externalités négatives, notamment dans le cas des éoliennes à l’origine de nombreux conflits liés à leur impact paysager (Nadaï, Labussière, 2010), ces observations interrogent sur la capacité réelle du volet fiscal à favoriser l’acceptabilité sociale de ce type d’infrastructure.[...]
- Moins il y a d’habitants et d’activités économiques, plus les apports de richesse fiscale liée à la production énergétique sont élevés. Mais il ne s’agit pas que d’un simple effet algébrique qui pourrait être vrai pour toute autre activité qui s’implanterait, quoi qu’elle produise, car ces surplus de richesse fiscale trouvent naissance dans des espaces peu attractifs pour d’autres types d’activités. En cela, les retombées fiscales des énergies renouvelables constituent un effet d’aubaine qui peut sécuriser les finances locales des territoires d’arrière-pays, mais sans pour autant accroître considérablement leurs chances de développement.[...]
-L’analyse de la fiscalité locale des énergies renouvelables en région PACA montre une contradiction entre un possible renforcement parfois important des recettes fiscales et une certaine fragilité liée au manque de diversification de l’assiette fiscale. Dans les espaces où le tissu économique est fragile ou peu développé, de nouvelles taxes représentent une opportunité certaine pour l’amélioration de la gestion publique locale, mais accroissent dans le même temps une forme de dépendance fiscale à une «mono-activité» peu territorialisée, et sur laquelle les élus locaux ont très peu de pouvoir en termes de fiscalité directe. Nous avons vu que les retombées les plus élevées sont dues à l’ IFER. Or son montant est fixé par décret de l’État. Les élus locaux n’ont aucune marge de manœuvre pour moduler cet impôt. Le montant de la CVAE résulte par ailleurs de la législation nationale liée au tarif d’achat de l’électricité dont dépend directement le chiffre d’affaires des installations de production. En réalité la seule marge de manœuvre des élus locaux en terme de fiscalité sur les installations d’ EnR se situe dans les taux votés pour les impôts fonciers, et nous avons vu que les productions solaire et éolienne sont très faiblement impactées par ces taxes voire, pour certaines, exonérées. Ce manque de gouvernabilité de la fiscalité locale des énergies renouvelables représente bien une limite pour encourager les élus locaux à accueillir ce type d’infrastructure sur leur territoire. Cela introduit de l’incertitude dans les visions de long terme. [...]
-Par ailleurs, certaines collectivités cherchent à tirer directement profit des ressources renouvelables dans une démarche de projet de territoire, encouragée dans le cadre du projet de loi relatif à la transition énergétique pour la croissance verte. Au-delà de l’analyse de la fiscalité locale de l’énergie, on est amené à s’interroger sur la capacité des élus locaux à s’impliquer dans ce type de démarche de projet qui nécessite investissements publics, compétences techniques et mobilisation active, dans la mesure où subsiste la possibilité d’augmenter le niveau de richesse de leur collectivité sans investissement particulier de leur part si ce n’est d’accepter de nouvelles infrastructures de production sur leur territoire.[...]
- Les élus locaux se trouvent à la fois face à des injonctions en termes de développement durable contenues dans les lois Grenelle et de la transition énergétique, et face à des enjeux de développement économique de leurs territoires qui semblent pour l’instant difficilement trouver une réponse dans la «croissance verte». Les EnR ne sont pas mécaniquement un facteur de croissance. Les territoires qui ont des expériences abouties de projet territorial basé sur le développement des EnR témoignent par ailleurs de capacités d’ingénierie, de coordination politique ou d’expériences passées en matière de portage des EnR qui résultent de processus longs et complexes difficiles à reproduire et à généraliser.
C'est le "mensonge admirable" des pro-ENR intermittentes tel que défini par Mallarmé (1842-1898) :
"Je puis donc tout nier de ce qui est pour affirmer ce qui n'est pas"
php
Texte intégral
https://cybergeo.revues.org/27488
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