Naissances prématurées, malformations : les dangers des pesticides sur les nouveau-nés dévoilés…

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par Antoine Puig
31 août 2017 /



S’appuyant pour la première fois sur des données statistiques solides, une étude américaine récemment publiée montre sans équivoque la corrélation entre l’usage intensif de pesticides en Californie et les risques de santé pour les nouveau-nés. Une petite révolution en termes de méthode d’étude sur le sujet, et un argument de plus contre le recours massif aux produits phytosanitaires.

L’importance de la méthode
On commence à connaître la comptine : l’épandage systématiques de pesticides (contre les insectes, les rongeurs, les champignons, les bactéries) sur les cultures met en danger non seulement l’environnement direct (animaux et plantes sauvages, s’il en reste) mais aussi la santé des populations voisines. C’est un constat presque unanime dans l’opinion publique, que nous relayons autant que faire se peut. Pourtant, les études scientifiques incontestables sur le sujet sont rares, et les résultats parfois contradictoires, à la plus grande satisfaction du lobby agro-chimique.

Voir
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Les Pesticides – La Barbe
Une fois n’est pas coutume, une étude publiée dans la revue Nature Communications montre sans équivoque la nocivité des pesticides sur la santé des nouveau-nés en Californie, s’appuyant sur une méthode à toute épreuve. En effet, les travaux scientifiques précédents se classaient en deux catégories : des études à grande échelle utilisant des indicateurs indirects du taux d’utilisation de pesticides (comme la surface agricole dans la région, ou le rendement des récoltes), et des études plus qualitatives, menées en profondeur à l’aide de prélèvement sanguins ; ces dernières, faute de moyens, se cantonnent en général à des échantillons peu représentatifs, de 100 à 2 000 naissances. De plus ces études « de cohorte » doivent impérativement s’effectuer sur une population non contrôlée, car exposer sciemment des femmes enceintes à des substances potentiellement dangereuses est inconcevable.

Échantillon sans précédent
L’étude menée par les trois chercheurs de l’Université de Californie marque donc un progrès remarquable : en effet, elle associe échantillon statistique robuste (692  589 naissances ayant eu lieu entre 1997 et 2011 dans la vallée de San Joaquin) et mesures directes d’utilisation des pesticides, fournies par le Département de régulation des pesticides (DPR) sur la période 1996-2012. Les auteurs se flattent même, en conclusion de leurs travaux :

« Notre étude est actuellement la plus complète, associant la plus grande – et la plus précise – base de données jamais étudiée de naissances et de niveau d’exposition aux pesticides. »

Seul défaut de cette étude, admis dès le préambule : elle ne fait pas de distinction entre les pesticides, au-delà de deux grossières catégories, les forts et les faibles. « Dans la plupart des communautés agricoles, on utilise chaque jour une collection variée de pesticides, compliquant la tâche d’isoler les effets d’un agent toxique en particulier », reconnaissent les scientifiques. Le résultat est donc à prendre de manière indicative globale contre les produits phytosanitaires, mais ne permet pas de distinguer les produits inoffensifs des dangereux.



Risques à la naissance
La conclusion générale, cependant, est sans appel : dans la vallée de San Joaquin, en Californie (État qui représente 30% de la consommation américaine de pesticides avec 85 000 tonnes par an), l’exposition aux pesticides est corrélée avec un risque accru de complications à la naissance pour les bébés. Les trois facteurs (et complications éventuelles) étudiés par les scientifiques sont : la durée de gestation (et éventuelle naissance avant terme), le poids du nouveau-né et l’éventuelle présence de déformation congénitales. Indétectable pour les sujets peu exposés aux pesticides, le risque de complications pour les 5% des mères les plus exposées est significatif (entre 5 et 9% plus élevé), chiffre qui double encore pour les 1% les plus exposées (+11% de risque de naissance avant terme, +20% de risque de poids trop faible).

A l’ouest rien de nouveau
Ces résultats rejoignent d’autres données scientifiques alarmantes sur les conséquences des pesticides, comme les travaux de l’université Davis sur le lien avec l’autisme en Californie (qui touchait un enfant sur 68 en 2014, au lieu d’un sur 150 en 2000), relayés notamment par l’émission Cash Investigation. Dans la même veine, et dans la même région, le chercheur Tyrone Hayes avait en 2007 mis en évidence le lien entre l’utilisation de l 'atrazine (qui entre dans des pesticides commercialisés par Syngenta) et les perturbations endocriniennes, ainsi que le cancer, chez la grenouille. A l’époque, le scientifique avait en conséquence été victime d’attaques personnelles et de tentatives d’intimidation de la part de l’entreprise suisse.



En effet, la pression des lobbies du secteur agro-chimique (qui rassemble Bayer, Monsanto, Syngenta et quelques autres) parvient encore aujourd’hui à minimiser les résultats scientifiques mettant en cause les produits phytosanitaires. L’argument souvent invoqué est celui de la causalité : les études scientifiques ne peuvent pas établir de lien direct, seulement une corrélation, entre maladies et pesticides. Il est donc toujours possible qu’un facteur externe soit responsable (pollution, chaleur, radiations), une chose que les lobbies ne manquent pas de souligner.

Intervenir sur les zones exposées
Même en Europe, où la consommation de pesticides est aussi considérable (la France en répand à peine moins que la Californie, avec 66 000 tonnes annuelles), on peine à reconnaître la nocivité de ces produits, comme en témoigne les atermoiements de la Commission européenne sur l’interdiction du glyphosate (encore autorisé jusqu’en 2018).

Pourtant, comme le souligne l’étude, « des mesures visant les zones les plus exposées pourrait largement éliminer les risques associés aux pesticides », car en-dessous des 5% les plus exposés, ces risques sont quasiment indétectables. Ensuite, une meilleure identification des agents toxiques permettrait d’interdire les pesticides les plus nocifs, en encourageant une agriculture plus respectueuse de l’environnement et de la santé humaine.

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