Par Claude Brasseur, mathématicien astronome, chercheur et fondateur d’un centre de recherche sur les énergies renouvelables
brasseurvossen@skynet.be
17/08/2017
Claude Brasseur
Centrales nucléaires de Tihange : indispensables au-delà de 2025, évidemment, mais on continue à mentir aux Belges. |
Le nucléaire est-il dangereux ? Qu’allons-nous faire des déchets nucléaires ? Claude Brasseur suit les progrès du nucléaire depuis plus de 30 ans et il a enseigné la physique nucléaire. Dans cet article du quotidien Le Peuple, il répond à Greenpeace.
Greenpeace a résumé ses connaissances dans le texte L’énergie nucléaire ? Non merci ! (1). Ce texte m’a inspiré quelques observations à partager. Avec Greenpeace, tout le nucléaire devient « LE nucléaire », Greenpeace ignore superbement les progrès dans ce domaine, toutes les variétés de centrales… la différence entre nucléaire civil et nucléaire militaire. Pour beaucoup de personnes, le nucléaire, c’est Tchernobyl (2) et Greenpeace ne détrompe pas les citoyens.
Les filières nucléaires civiles à eau sous pression Westinghouse et Candu (3) représentent presque tous les réacteurs producteurs d’énergie électrique. Aucun de ces réacteurs n’a causé de mort (4). Il y a encore mieux ! Les progrès récents dans le domaine sont fulgurants, n’ont plus grand-chose de commun avec Westinghouse et Candu, ils nous assurent une énergie éternellement renouvelable, sans le moindre danger quoi qu’il arrive, peu coûteuse… on ne nous en parle guère.
Les réacteurs de demain que réalisent la Belgique (MYRRHA), la Chine (Clear e.a.), la Russie (BN 600, BN 800 et bientôt BN 1200), l’Inde (Kalpakkam) et ceux que les USA et le Canada étudient sont tout à fait différents de ceux d’aujourd’hui ! Ils font partie de ce que l’on appelle la 4e génération. Beaucoup promettent un KWh coûtant 1 à 3 centimes. À l’heure actuelle, le nucléaire revient environ 4 centimes au maximum là où l’éolien monte à plus de 10 centimes (5)...
Précisons que toutes les filières nucléaires de demain – il y en a près de 50 – peuvent compter sur un combustible déjà en stock pour plusieurs milliers d’années.
Tout d’abord, il y a les « déchets » des réacteurs actuels qui peuvent être – entièrement et par étapes – consommés par les réacteurs de 4e génération en « brûlant » leurs constituants à longue durée de vie. Ces constituants sont actuellement des déchets restant radioactifs durant des milliers, si pas des millions d’années. Ils inquiètent – avec raison – les citoyens et Greenpeace prévoit leur enfouissement ! (6).
Ensuite, ces réacteurs de 4e génération disposent d’une énergie 100 % renouvelable à l’échelle de l’humanité : la mer, radioactive, peut nous livrer l’uranium pour l’éternité ! Le prix de cet uranium n’apparaîtra même pas dans les comptes des centrales (7). C’est le renouvelable idéal.
Le pays actuellement le plus décidé à se lancer dans le nucléaire de 4e génération est la Chine. Ce pays tente la production de ces nouvelles centrales en plusieurs variantes. Par exemple :
- La variante « Carlo Rubbia » avec un accélérateur de protons pour activer l’uranium 238 ou le thorium 232. Le cœur de ce réacteur est plongé dans le plomb. En Belgique, le gouvernement a ralenti progressivement la construction de MYRRHA…. MYRRHA qui coûte le prix de quelques éoliennes mais qui est immédiatement rentable (8).
- Une autre voie est celle des « sels fondus », essentiellement un mélange de fluorure d’uranium ou thorium, de récupération ou naturel, et de fluorure de lithium. La sécurité passive totale (9) de ces 2 filières élimine le discours catastrophiste de Greenpeace : aucun accident ou acte terroriste ne risque de répandre le contenu radioactif dans la nature…
- La Chine veut aussi consommer son plutonium 239 en produisant des centaines de petites piles nucléaires qui fonctionneront selon le schéma proposé par l’ingénieur belge Paul Pirson sur base des connaissances disponibles à Mol (Belgique) grâce à l’équipe du professeur Hamid Aït Abderrahim.
- La Chine développe aussi la filière créée par la France dans les années 80 (Phénix et Super Phénix), fermées suite aux violences des « écologistes » mais terminées en Russie qui l’exporte.
Si, aujourd’hui, les Français payent le KWh 15 centimes au lieu de 10 comme aux USA, c’est à cause du renouvelable (barrages exclus). Noyés dans les éoliennes, les Allemands conditionnés sourient en payant 30 centimes et ce prix insupportable n’évite pas la ruine de leurs producteurs d’électricité. La vérité risque d’être que la Chancelière est terrorisée par les « Grünen »...
Bref, « LE nucléaire » n’existe pas : les diverses filières possibles, sûres, s’affrontent et, malheureusement, ici aussi, l’Europe est plus que hors-jeu. Demain, Russie, Inde et Chine nous vendront nos centrales nucléaires.
(1) www.greenpeace.org/belgium/fr/nos-campagnes/climat-energie/defis/energie-nucleaire
(2) Cette centrale avant tout militaire était gérée en dépit du bon sens et ses responsables ont obéi servilement à des ordres politiques stupides, cause de l’incendie.
(3) Imposer la filière nucléaire Candu à l’Iran l’empêchait de justifier toute centrifugeuse, utile alors seulement à faire des armes nucléaires. Le QI de nos « responsables » est très inquiétant...
(4) On peut se demander pourquoi les 20 000 morts par le tsunami au Japon deviennent quelquefois « les morts causées par le nucléaire à Fukushima ». Mieux encore, après le tsunami, le prétexte pour évacuer la population a été une norme de 1 milliSievert par an : toute la population doit donc être évacuée de Belgique car elle en subit naturellement 2,5. Et ne parlons pas du Massif central où on se porte bien avec 20 milliSieverts par an et jusqu’à 80 en Inde.
(5) Ceux qui disent « le vent est gratuit » oublient que le vent ne souffle pas souvent et généralement pas à la bonne vitesse et qu’il faut prévoir en centrales classiques la même puissance que celle installée en éolien. Ajoutons que ces centrales classiques sont très polluantes car au moins en stand-by 100 % du temps…
(6) Régulièrement, des transports de déchets sont attaqués sous la houlette de Greenpeace. Non seulement ces déchets sont parfaitement isolés de l’air ambiant mais quand on sait qu’ils peuvent servir de combustible à de nouvelles centrales, être ainsi neutralisés ET nous offrir une énergie propre, peu coûteuse pour longtemps… il y a de quoi se poser des questions sur les motivations/l’intégrité de certains…
(7) Voir les travaux du prix Nobel Stephen Chu, ministre de l’énergie d’Obama.
(8) À l’heure actuelle, MYRRHA est immédiatement rentable par la production d’isotopes pour la médecine et la technique. La Belgique les fournit à toute la planète...
(9) Quelle que soit la cause de l’arrêt d’un réacteur à sécurité passive, son combustible commence à refroidir sur le champ sans le moindre rejet radioactif dans l’atmosphère. Par contre, plusieurs dispositifs doivent entrer en action pour que le refroidissement d’un réacteur à sécurité active débute. Ainsi, une pompe devait chasser de l’eau dans le réacteur après le tsunami à Fukushima. Elle était en panne et le réacteur a fondu.
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