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17/07/2017
De nouvelles libertés pour organiser et faire fonctionner avec plus de souplesse les collectivités territoriales, un combat contre les normes, un droit facilité en matière d'expérimentation... c'est ce qu'a promis Emmanuel Macron en installant, ce 17 juillet au Sénat, la conférence nationale des territoires, en présence de nombreux parlementaires et représentants des associations d'élus locaux. En échange, l'exécutif a exigé une réduction de 13 milliards d'euros en cinq ans des dépenses publiques locales, un montant que les édiles ont jugé trop élevé. Le président de la République a aussi annoncé une refonte de la fiscalité locale, proposant d'affecter une part de CSG ou de CRDS aux communes.
Suite à l'audit qui avait révélé un "dérapage" du budget de l’État sur 2017, les collectivités locales devront réaliser 13 milliards d'euros d'économies d'ici 2022. Le ministre de l'Action et des Comptes publics l'a annoncé dès le début de la conférence nationale des territoires qui s'est tenue ce 17 juillet au Sénat. C'est 3 milliards d'euros de plus que ce que prévoyait le programme électoral d'Emmanuel Macron.
Au regard des dépenses totales des collectivités territoriales (229 milliards d'euros en 2015), l'effort qui leur est demandé est "important", avait dit un peu plus tôt le Premier ministre. Comme lors du précédent quinquennat, il est proportionnel au poids des administrations publiques locales dans la dépense publique totale (20%).
"Nous ne procéderons pas par baisse brutale des dotations", a précisé le président de la République l'après-midi, dans un discours de près d'une heure. "C'est un pari que nous faisons ensemble. Je vous fais confiance. [...] Les collectivités locales, toutes leurs composantes, feront pour 2018 la part de ce qui leur revient de baisse de dépenses de fonctionnement et d'investissement", a-t-il dit. "Je crois à la logique de confiance, en la capacité que nous avons de procéder à des économies intelligentes", a-t-il par ailleurs affirmé. Mais, a-t-il prévenu, pour "ceux qui ne joueront pas le jeu, il y aura un mécanisme de correction l'année d'après." Le matin, le Premier ministre avait lui aussi averti les élus locaux et les parlementaires que "l'objectif de baisse des dépenses ne sera pas discutable."
Favoriser les expérimentations locales
A la place de la baisse des dotations actionnée sous le précédent quinquennat, qui a conduit à une baisse de la dépense du secteur public local en 2015 (-0,9%) et en 2016 (- 0,8%), Emmanuel Macron propose, dans le cadre de son "pacte financier", que les élus locaux aient la capacité de "produire des économies intelligentes à [leur] main." Ils disposeront à cette fin de plus de libertés pour organiser leurs collectivités, a promis le chef de l’État, en se gardant toutefois de vouloir "un grand soir institutionnel". L’État "n'imposera pas" de regroupements de communes et de départements. Mais, dans le cadre des pactes girondins que le président de la République avait évoqués le 3 juillet devant le Congrès à Versailles, il "accompagnera" les regroupements que les élus locaux mettront en place. A condition toutefois que ces fusions simplifient l'organisation territoriale, permettent des économies et n'accroissent pas les inégalités et les déséquilibres territoriaux, a souligné Emmanuel Macron. Qui entend que la simplification soit l'un des objectifs en particulier du Grand Paris - métropole qui, depuis sa naissance au 1er janvier 2016, "est au milieu du gué en raison d'une structuration trop complexe", a-t-il estimé, en annonçant le lancement à l'automne d'une conférence territoriale du Grand Paris.
Le président de la République veut aussi favoriser les expérimentations locales. Il a promis de lever l'actuelle obligation d'une généralisation des expérimentations sur tout le territoire au bout de deux années, qui constitue un véritable "verrou". Si pour cela une modification de la Constitution est nécessaire, elle trouvera sa place dans le projet de révision du texte fondamental devant le Congrès. Par ailleurs, l’État continuera à déléguer des compétences aux régions qui le souhaitent. "Cette délégation pourra s'accompagner d'un transfert du pouvoir d'adaptation des normes juridiques aux réalités locales", a ajouté Emmanuel Macron.
Réduire le nombre des élus locaux
S'agissant des compétences des collectivités que la loi Notre du 7 août 2015 a redistribuées, il s'est dit ouvert à des "adaptations législatives pour corriger des éléments d'aberration qui remontent du terrain." "Sur l'eau je vous ai entendu", a confié le chef de l’État en particulier à l'attention des sénateurs, lesquels ont adopté en février dernier une proposition de loi revenant sur le transfert obligatoire au 1er janvier 2020 de cette compétence aux communautés de communes. "Sur les transports scolaires, j'ai cru entendre certains d'entre vous", a-t-il par ailleurs glissé, alors que sur ce sujet aussi les sénateurs ont voté (en décembre dernier) une proposition de loi afin de parvenir à des assouplissements.
Emmanuel Macron a confirmé qu'il entend aussi donner plus de libertés aux employeurs publics locaux pour gérer leurs agents, en associant les syndicats de fonctionnaires à ces changements. Alors que ces derniers y sont pour la plupart totalement opposés, Emmanuel Macron a réaffirmé sa volonté de faire évoluer le point d'indice servant au calcul de la rémunération des agents publics différemment selon les versants de la fonction publique. Il a aussi appelé au respect de la durée minimale de travail de 1.607 heures dans toutes les collectivités territoriales, autre sujet sensible. "On ne rend pas service à la fonction publique territoriale en protégeant des archaïsmes", a-t-il lancé.
Toujours parmi les pistes d'économies, le président de la République a cité la réduction du nombre des élus locaux. Après avoir annoncé, le 3 juillet, la réduction d'un tiers du nombre des parlementaires, "nos concitoyens ne comprendraient pas (un) traitement différencié", a-t-il avancé. En ajoutant que les élus locaux seraient certes moins nombreux, mais "mieux protégés, mieux rémunérés et plus libres de leur action."
La révision des valeurs locatives ne sera pas lancée pour les ménages
Enfin, le président de la République s'est dit favorable à une "revue générale des normes" et à la suppression de deux normes existantes lors de l'adoption d'une nouvelle norme. Souhaitant un renforcement du Conseil national d'évaluation des normes (CNEN), il a appelé à ce que l'analyse des coûts induits par les nouvelles normes "puisse être retranscrit" dans les "relations financières" entre l’État et les collectivités territoriales. "Je demande au gouvernement qu'on mette un terme aux transferts de compétences sournois", a-t-il aussi déclaré. "Je pense en particulier au transfert de la responsabilité de la délivrance des titres d'identité aux communes", a-t-il précisé sous les applaudissements des élus locaux.
Evidemment très attendu sur la suppression de la taxe d'habitation, le président de la République s'est engagé à ce que les communes et communautés bénéficient d'une compensation financière - y compris pour les nouveaux habitants - et conservent le pouvoir de fixer le taux de la taxe. En revanche, il a rejeté l'idée d'une révision des valeurs locatives des locaux d'habitation défendue par l'Association des maires de France (AMF). "Je vous propose qu'on gagne collectivement du temps en n'essayant pas de refaire des batailles qui ont déjà été conduites, déjà perdues et qui, objectivement, ne permettent pas de répondre aux défis de nos concitoyens", a plaidé le chef de l’État en prônant une "refonte de la fiscalité locale", comme l'avait fait le Premier ministre à l'ouverture de la conférence. Édouard Philippe avait appelé les élus locaux à "engager une réflexion d‘ensemble sur la fiscalité locale" et "plus généralement sur l’ensemble du système de financement des collectivités territoriales."
Une refonte de la fiscalité locale
"Dès maintenant, je souhaite que nous ouvrions dans le cadre d'une commission de travail qui doit vous associer [...] une réflexion profonde de la refonte de la fiscalité locale, et en particulier en substitution de la taxe d'habitation", a précisé l'après-midi le chef de l'Etat. L'idée serait notamment de remplacer la taxe d'habitation par une nouvelle contribution. "Un impôt qui serait payé par 20% de la population, ce n'est pas un bon impôt", a corroboré Emmanuel Macron.
La commission se réunirait "jusqu'au printemps prochain" afin de formuler des propositions qui devront respecter les principes d'autonomie fiscale et de lien fiscal entre les habitants et la commune. Le président de la République a souhaité que dans ce cadre, "on réfléchisse éventuellement" à l'attribution aux communes d'une part d'impôt national, "qui pourrait être une part de CSG ou de CRDS". C'est-à-dire des impôts proportionnels au revenu de ceux qui les paient. La taxe d'habitation, avait-il dit justement peu de temps avant, "ne regarde pas la capacité contributive des concitoyens" et elle "est plus élevée dans les villes périphériques ou les centres-bourgs de province que dans les grandes villes."
Toujours en matière de finances locales, le président de la République a souhaité que la conférence nationale des territoires débatte jusqu'au printemps prochain de l'évolution du financement du RSA, avec deux pistes possibles : soit la recentralisation et la reprise en main par l’État (option qui a sa préférence), soit l'amélioration de la compensation assortie du renforcement de la péréquation entre les départements. D'ici la réforme, qui intégrera le projet de loi de finances pour 2019, le gouvernement "prendra en compte les situations d'urgence."
Accélération de la couverture numérique du territoire
Au-delà des sujets financiers, sur lesquels le chef de l’État était le plus attendu, ce dernier a fait de nombreuses annonces. La création d'une agence nationale de la cohésion des territoires est non des moindres. L'organisme "créera une logique de guichet unique et de simplification de projets pour les territoires ruraux, les villes moyennes en difficulté." En lien direct avec les régions, elle apportera un appui en matière d'ingénierie publique. Parmi les autres annonces figure celle de la couverture de la France entière "en haut et très haut débit" d'ici "à la fin de l'année 2020", soit avec deux ans d'avance sur le plan de la précédente majorité.
La conférence des territoires qui comprendra des représentants de l’État, des collectivités territoriales et du Parlement sera "une instance d'échanges, de concertation et de décision", a indiqué le président de la République. "De ces négociations émergera un pacte de confiance entre l’État et les territoires définissant pour les cinq prochaines années les engagements respectifs que nous devons prendre", a-t-il promis.
A l'issue de l'installation de la conférence, les responsables des associations d'élus locaux se sont dits satisfaits de la méthode voulue par le chef de l’État, des associations comme Villes de France ou l'Association des maires ruraux de France soulignant même, respectivement, un changement de "manière de faire" et "un changement de paradigme". Régions de France a pour sa part évoqué "une ambiance constructive". Désireuse de négocier rapidement avec le gouvernement sur le sujet du financement du RSA, l'Assemblée des départements de France s'est réjouie de "perspectives intéressantes", mais "qui devront être concrétisées".
Elus locaux : le nouvel effort demandé à leurs collectivités passent mal
"Le pacte financier risque de poser des difficultés sur les aspects financiers", a tempéré André Laignel, président du Comité des finances locales qui participait en fin de journée à un point presse commun des présidents des associations des élus du bloc communal. A l'instar d'autres élus, il a rappelé que sous le précédent quinquennat, les collectivités ont réalisé une part substantielle des économies, ce qu'a confirmé la Cour des comptes. "Comment faire 13 milliards d'économies sans casser de manière durable l'investissement de nos collectivités et sans remettre en cause des services publics essentiels à la population ?", s'est interrogé le premier vice-président délégué de l' AMF. "Nous allons devoir fermer des crèches", a embrayé Philippe Laurent, président du Conseil supérieur de la fonction publique territoriale. A Beauvais, ville dont elle est le maire, Caroline Cayeux, qui préside Villes de France, est "à l'os". "Je ne sais pas comment je vais faire éternellement des économies", a-t-elle confié.
François Baroin, président de l' AMF, a répété qu'il est opposé à la suppression de la taxe d'habitation. "Abandonner la révision des valeurs locatives, c'est renoncer à aller dans le sens de la justice", a poursuivi André Laignel.
Les associations d'élus locaux ont convenu qu'elles ne pourront souscrire un pacte avec l’État que si celui-ci est véritablement un "pacte gagnant-gagnant".
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