Jean Pierre Riou
06/08/2017
Vouloir et pouvoir
Pour respecter les objectifs de la loi sur la transition énergétique et la croissance verte, Nicolas Hulot a annoncé qu'il faudra fermer "Peut être jusqu'à 17" réacteurs nucléaires.
Le flou artistique du "peut être" et du "jusqu'à" ont évoqué un manque de volonté du ministre.
Il ne s'agissait que de sa simple confrontation avec les faits.
Or ceux ci sont têtus.
Deux idées fausses
Car s'il est bien une idée reçue qui fausse le débat public, c'est celle qu'une puissance de production "intermittente" (éolienne ou solaire) serait à même de remplacer ne serait ce qu'une seule centrale "pilotable", c'est à dire disponible en fonction des besoins de la consommation.
Bien que maintes fois reproduit sur ce blog, il semble nécessaire de rappeler le graphique ci dessous qui montre l'impossibilité de l'Allemagne à fermer le moindre moyen pilotable malgré le doublon d'une puissance intermittente supérieure encore à celle de notre parc nucléaire.
Cet échec est valable pour la France comme pour l'Europe en général
La véritable "débauche" de moyens de production qui l'accompagne entraîne une perte considérable de rentabilité des centrales à gaz, pourtant moins polluantes que celles à charbon, en raison des régimes partiels et arrêts qui leur sont imposés par la priorité d'injection donnée aux énergies intermittentes dont le coût marginal est nul, ainsi que le montre le graphique ci dessous qui représente la production du parc allemand à gaz à l'arrêt quasi complet dès que le vent souffle. (Moins d'1 GW effectif pour 25 GW installés)
(Source https://www.energy-charts.de/power.htm?source=gas&week=31&year=2017)
Et contrairement à une 2° idée reçue, ce ne sont pas les exploitants qui refusent de fermer ces centrales mais, bien au contraire, l'administration qui le leur interdit, alors que ceux ci, perdant de l'argent, multiplient les démarches pour en obtenir l'autorisation.
Le Mont Champot avait notamment évoqué le feuilleton judiciaire de l'électricien Eon pour obtenir l'autorisation de fermer sa centrale d'Irsching, pourtant ultramoderne (2010) fierté de la transition énergétique allemande par sa technologie à cycle combiné produisant électricité et chaleur.
L'impossibilité allemande de fermer la moindre centrale
Un nouvel épisode vient d'être publié ce 4 août qui se solde par l'obligation pour celle ci de se maintenir encore 13 mois supplémentaires en réserve du réseau dont l'équilibre ne peut se passer.
L'article précise que de nouvelles centrales à gaz sont prévues pour sécuriser l'approvisionnement du réseau allemand sur la base de nouvelles dispositions contractuelles de subventions qui permettront de couvrir leurs pertes et offrir des taux d'intérêt attractifs à leurs exploitants afin d'inciter les investisseurs. Le tout étant payé par le consommateur.
Le fragile équilibre français
En plus de l'équivalent de 3 réacteurs nucléaires libérés pour la consommation par Georges Besse 2 en 2013, le parc électrique français n'a réduit sa puissance thermique installée d'un petit GW incomplètement compensé par l'augmentation de la biomasse.
Cette réduction, si minime soit elle, participe à la fragilisation de l'approvisionnement lors des pointes de consommation, dont le risque est mis en évidence par l'Entsoe, régulateur du réseau européen.
Le Comité central d'entreprise d'EDF a récemment publié un communiqué de presse montrant que la France était passée, le 25 janvier dernier, à 2 doigts d'une rupture d'approvisionnement.
Soulignons qu'à ce moment crucial, le parc nucléaire fonctionnait avec un facteur de charge de 89,5% (56533 MW pour 63130 MW installés) malgré les nombreux réacteurs en arrêt forcé par les contrôles si médiatisés de l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN), ce qui signifie une disponibilité proche de 100% pour les réacteurs restant.
Les intermittentes de l'énergie affichant 0% pour le solaire et moins de 13% pour l'éolien
Les conséquences d'une telle rupture sont pourtant incalculables, notamment sur la sécurité même de certaines centrales nucléaires.
De la responsabilité de gouverner
Le décret du 24 mai 2017 confère également à Nicolas Hulot la responsabilité de la sécurité industrielle ainsi que celle de la sécurité d'approvisionnement.
"Ferme ta centrale" est un slogan facile, éviter un blackout est un exercice autrement plus difficile.
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