Réduire drastiquement le parc nucléaire français serait une folie

Rémy Prud’homme 
professeur émérite des universités 
18 août 2017 

 

La réduction à 50 % de la part du nucléaire implique de porter à 32 % la part des renouvelables intermittents. Une telle évolution entraînera un quintuple désastre, à la fois économique, social, électrique, environnemental et industriel.


Les rejets de CO2 de l’électricité française sont d’ores et déjà les plus faibles d’Europe. HAMILTON/REA

Fermer 17 centrales nucléaires d’ici à 2025, comme l’annonce le gouvernement, entraînerait un désastre industriel et renchérirait considérablement le coût de l’électricité pour un résultat environnemental plus que discutable. Il faut renoncer à cette idée.

M. Nicolas Hulot, ministre d’État d’un gouvernement qui affiche son ambition nucléaire, s’engage en même temps à fermer 17 centrales nucléaires d’ici à 2025, soit l’équivalent de huit ou neuf Fessenheim. Actuellement, notre électricité provient à 77 % du nucléaire, à 5 % de l’éolien et du solaire, à 18 % d’autres sources, principalement l’hydraulique et le gaz.

Il n’est pratiquement pas possible de diminuer la part de ces autres sources. La demande d’électricité n’augmente pas. La réduction à 50 % de la part du nucléaire implique donc de porter à 32 % la part des renouvelables intermittents. Une telle évolution entraînera un quintuple désastre. 

Un désastre économique d’abord. Cette fermeture de 17 réacteurs économiserait la rénovation de ces réacteurs, soit environ 17 milliards d’euros. Mais cette multiplication par 6 de l’éolien et du solaire implique un investissement d’environ 200 milliards d’euros, en ignorant les coûts indirects. Soit, pour produire la même quantité d’électricité, un surcoût d’au moins 180 milliards, plus (sans doute bien plus) de 26 milliards par an.

Des prix qui seraient triplés
Un désastre social ensuite. L’impact sur les prix de l’électricité serait considérable. Actuellement, en Europe, le prix de l’électricité augmente avec la part des renouvelables intermittents dans le mélange électrique. Peu d’éolien et de solaire : des prix bas. Beaucoup d’éolien et de solaire : des prix très élevés. Danemark et Allemagne, champions des renouvelables, vendent l’électricité deux fois plus cher qu’en France.

Les 32 % de la transition énergétique impliquent au moins un triplement des prix. De plus, cette hausse des prix s’analyse comme un impôt fortement régressif, parce que les ménages pauvres consacrent à l’électricité une part de leur revenu bien plus grande que les riches.

Un désastre électrique surtout. Éolien et solaire ne fonctionnent que lorsque le vent souffle (23 % du temps) ou que le soleil brille (14 % du temps). Pas toujours au moment où l’on en a besoin. Parce qu’ils ne sont pas également mobilisables, les 27 % d’électricité renouvelable en plus ne vaudront pas les 27 % d’électricité nucléaire en moins. Comme on ne sait pas (actuellement) stocker l’électricité, un aussi large recours au solaire et à l’éolien est l’épée de Damoclès d’une dramatique panne généralisée.

Un désastre environnemental aussi. Les éoliennes ont maintenant des mâts de 100 mètres de haut, équipés de pales de 50 mètres. Il n’y a en France que dix cathédrales de plus de 100 mètres de haut (Notre-Dame de Paris culmine par exemple à 96 mètres). Au cours des dix dernières années, les éoliennes ont marqué les paysages de France plus que tous les édifices construits au cours des dix siècles précédents.

La fin du savoir-faire nucléaire
Un désastre industriel enfin. La France est un géant nucléaire et un nain éolien-solaire. Nous avons déjà de la peine à exporter notre considérable savoir-faire nucléaire. La décision de M. Hulot revient à faire une croix sur ce secteur. Qui donc achètera des centrales à un pays qui ferme les siennes, et qui s’en flatte ?

Croire que nous pourrions compenser dans le développement des industries des turbines éoliennes et des panneaux photovoltaïques (industries peu sophistiquées d’ailleurs) est une chimère. Alstom et Areva s’y sont essayés : échec complet (et coûteux).

Ces désastres sont-ils au moins le prix à payer pour « sauver la planète », et réduire les rejets de CO2 ? Non. Le bouleversement promis substitue de l’électricité (renouvelable) décarbonée à de l’électricité (nucléaire) également décarbonée. Les rejets de CO2 de l’électricité française, qui sont heureusement les plus faibles d’Europe, ne diminueront pas d’un kilogramme.

Le gouvernement cherche fréné­tiquement des secteurs où économiser quelques milliards. La transition énergétique en est un, où l’on peut écono­miser au moins 25 milliards d’euros par an - sans affecter le moins du monde les biens et services offerts aux ­Français.

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