"Nature über allers", la nature au-dessus de tout, ou le programme politique écologiste, à faire peur...

"Il n'y aura jamais de révolution sociale sans terreur."
Napoléon Ier 
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Écologisme Radical et Procès du siècle, une analyse par Jean-Paul Oury

Laura Zenou

   Docteur en histoire des sciences et des technologies, Jean Paul Oury est également consultant. Spécialiste en matière d’écologie et sur ses enjeux, toujours plus importants, il écrit en 2020 son dernier ouvrage « Greta a tué Einstein » chez VA Editions dont la vocation est la lutte contre les radicalités. Il envisage une analyse apaisée de l’écologie, pour des solutions plus réfléchies. Après les déclarations du rapporteur public au « Procès du siècle », Jean-Paul Oury a accepté de décrypter avec nous les dangers de l’écologie radicale.

 
 

Pensez-vous que la montée en puissance des associations écologistes pourrait représenter un frein au progrès scientifique ?
  La thèse de "Greta a tué Einstein" est que l’écologisme considéré comme une idéologie politique a fait tomber la vision prométhéenne de son piédestal. En effet, ce sont essentiellement des ONG qui ont porté ces arguments anti-science. Au travers d’actions d’agit-prop, elles ont décrédibilisé les principaux totems de celle-ci. Nous en avons étudié quatre qui ont été des cibles de premier choix : les OGM, le nucléaire, les antennes relais et le glyphosate. Par une série d’actions répétées, souvent symboliques et parfois violentes, les associations qui se réclament de l’écologisme ont mis en scène le risque, pour le faire passer pour un danger avéré imminent et disséminer l’angoisse dans l’opinion publique. On remarquera que pour les quatre technologies citées, l’opinion est dans l’incapacité de constater par elle-même les avantages des technologies en question ; par exemple, si l’agriculteur peut apprécier les bénéfices du recours à un maïs génétiquement modifié, le consommateur, lui, ne voit aucune différence ; de ce fait, toute la confiance repose sur un tiers qui peut aussi bien dénigrer ou tenir un discours favorable à la technologie. Il est évident que la mobilisation des ONG sur ces sujets et leur détermination à démontrer leurs nocivités a entaché l’image du progrès technologique.

Lors de l’audience pour le « procès du siècle », le rapporteur public soutenait qu’il y avait bien une faute de l’État en matière d’écologie. Qu’en pensez-vous ?
  Depuis l’introduction du principe de précaution dans la constitution, l’Etat français ne cesse d’ouvrir grand la porte à l’écologisme en donnant force de loi à toutes ses lubies et en tombant dans chacun de ses pièges. Nous sommes le seul pays à avoir constitutionnalisé ce principe et l’on voit le résultat : notre recherche et développement ne cesse de régresser, notre industrie est totalement paralysée… et ensuite on se plaint du fait que l’Institut Pasteur n’ait pas été en mesure d’apporter son propre vaccin. Mais non content d’avoir réussi à pousser cette exception sur l’échiquier politique, l’écologisme veut désormais que soit adopté dans la loi, un délit d’écocide, comme s’il n’y avait pas suffisamment de textes de loi pour juger et condamner les délits commis à l’égard de l’environnement. Comme je l’ai souligné dans un texte co-signé dans La Tribune avec Gil Rivière Wekstein, cette idée trahit « avant tout une intention idéologique de sanctuariser la nature, au risque de dénigrer le progrès technologique, et plus généralement toutes les actions transformatrices de l’homme sur la nature. »
   Plus on avance, plus l’écologisme veut judiciariser ses causes. Et le procès lancé par l’Affaire du siècle, en est une parfaite illustration. À titre personnel, habituellement, j’apprécie cette idée de contre-pouvoir, sous forme de "class-action" qui s’en prend à l’État. On pourrait très bien imaginer le même genre d’action pour reprocher à l’État de creuser la dette ou encore d’avoir mal géré la pandémie sur toute la ligne. De ce point de vue, dans une société ultra-jacobine comme la nôtre, il est essentiel d’encourager ces initiatives de citoyens contre la technostructure. Voici pour la forme.
   Pour le fond de la cause, je suis par contre beaucoup plus sceptique. Tout d’abord, à cause de l’incohérence des militants de l’Affaire du Siècle. Tout en réclamant le respect des engagements de l’Etat par rapport aux objectifs climatiques, ils sont contre le seul moyen qui permettrait d’atteindre cet objectif, c’est-à-dire l’énergie produite à partir du nucléaire. Faut-il rappeler à ce titre que la France est un bon élève en matière climatique, et ce, grâce à ses centrales nucléaires ? Or, quand on se dit que ce sont les mêmes militants qui ont obtenu de l’État qu’il ferme Fessenheim et aujourd’hui qui accusent ce même État de ne pas respecter ses engagements, on se dit que ces gens sont fous ou schizophrènes.
   Ensuite, il est impératif de mettre un peu de bon sens dans cette histoire de climat et ne pas céder à tout bout de champ aux messages alarmistes. À ce sujet, je vous renvoie à False Alarm, un excellent ouvrage dans lequel l’écologiste Bjorn Lomborg démontre comment les militants écologistes manipulent l’opinion et les politiques par le biais de la cause climatique. D’après lui, quand on lit qu’il nous reste que quelques années pour agir, ce n’est pas ce que nous dit la science, mais ce que nous dit la politique. Ce genre d’affirmation vient du fait que des politiciens ont sollicité les scientifiques en leur demandant ce qu’il faut faire pour atteindre une cible quasiment impossible. Lomborg prend une analogie saisissante : si l’on demandait aux scientifiques quelle action mettre en place pour qu’il y n’y ait aucun mort dans des accidents de voiture, la réponse pourrait être de limiter la vitesse à 5 km/h. Le fait est que la science ne nous dit pas que nous devons rouler à cette vitesse, mais que si nous ne voulons pas avoir de mort dans des accidents de voiture, il faut limiter la vitesse à 5 km/h. De fait, Lomborg démontre au sujet de l’accord de Paris qu’il s’agit de mesures délirantes et qui n’auront, qui plus est, quasiment aucun impact sur le changement climatique. En revanche, elles auront un coût faramineux, difficilement supportable par ceux qui tenteront d’atteindre ces objectifs surtout les plus pauvres dans les pays riches et dans les pays les plus pauvres. Lomborg pense que nos sociétés seraient mieux inspirées de miser sur la R&D et rechercher la prospérité, des mesures qui seront beaucoup plus efficaces pour rendre nos sociétés résilientes par rapport au changement climatique que tous ces objectifs politiques impossibles à atteindre décrétés par les ONG et voulus par les États.
   Personnellement, je souscris totalement à ce point de vue. Cet argument vous montre à quel point une fois de plus l’écologisme est une idéologie nuisible, car, non seulement, elle refuse de se donner les moyens, l’énergie nucléaire, nécessaires pour atteindre ses fins, mais en plus elle ne se pose même pas la question de savoir si ces mêmes fins sont justifiées, fixation arbitraire des objectifs climatiques.
   Enfin, nous ne pouvons nous empêcher de souligner que, si l’on cautionne ce genre d’attitude, on donne crédit à une forme de néo-scientisme, en ce sens qu’il serait possible de déduire des normes juridiques à partir d’études scientifiques, ici les rapports du GIEC), ce qui consiste à mettre le doigt dans un engrenage infernal.

Comment différencier la « deep-ecology », de la « shallow-ecology » ? Sont-elles si différentes l’une de l’autre et avec laquelle des deux est-il plus facile de travailler de façon constructive ?
  Je pense qu’il faut envisager l’écologisme comme un tout, même s’il y a différentes chapelles. Selon moi, cette idéologie a fait une offre publique d'achat sur le concept de Nature pour se l’approprier et l’utiliser comme un levier pour s’imposer sur l’échiquier politique. Cela comprend l’acceptation d’un nouveau paradigme qui recadre l’ensemble de nos actions qui doivent impérativement se plier à sa définition du concept de nature. Ainsi, sur le plan technologique, l’écologisme a identifié des solutions qu’il a labellisées comme étant « made in Nature ». C’est le cas, par exemple, des éoliennes, du bio, des véhicules électriques ou encore de médecines dites naturelles. Ce que j’ai essayé de démontrer c’est qu’une fois qu’elles sont reconnues comme étant « made in Nature » ces solutions sont au-dessus de tous soupçons et plus personne ne se pose de questions à leur sujet. Par exemple, on tient pour acquis que les éoliennes sont une source d’énergie propre, en oubliant qu’elles sont incapables de subvenir à nos besoins en électricité et que pour qu’ils continuent d’être approvisionnés, il faut rallumer les centrales à charbon.
   Le type de démarche qui consiste à promouvoir les énergies renouvelables, participe cependant de ce que l’on appelle la shallow ecology [écologie superficielle] pour répondre à votre question. Mais quand on constate la fragilité des solutions proposées par ladite transition écologique, on aboutit à une vérité imparable : si l’on veut continuer de vivre comme avant, adopter les solutions labellisées « made in Nature » ne suffit pas, il faut également changer de société. Et c’est là qu’intervient la deep ecology [écologie totale], une idéologie radicale qui souhaite contrôler toutes les étapes de notre vie : de la régulation des naissances, certains affirment que faire des enfants c’est contribuer au réchauffement climatique, à l’enterrement par humusation, il faut que notre corps retourne à la terre sans cercueils ni pierre tombale, pour ne pas polluer, en passant par l’abandon des personnes âgées à leurs sorts, ne plus soigner à partir d’un certain âge. Sur les bases de la deep-ecology, on peut fonder un régime totalitaire. On passe du made in Nature, au « Nature über alles », la nature au dessus de tout. Il y a une articulation logique entre les deux et surtout un point commun qui est qu’il faut choisir entre l’homme et la nature qui sont présentés comme étant ennemis. Ma thèse, au contraire, est qu’il y a une continuité homme-nature et qu’on utilise la science pour bien connaître celle-ci et la technologie pour se libérer des déterminismes qu’elle lui impose.
   Il n’y a donc pas de lutte des classes possible entre l’homme et la nature, ou ceux qui prétendent la représenter. Et la deep ecology est une entreprise politique vouée à l’échec. Quant à la shallow-ecology si elle veut réussir, alors il faut qu’elle mette la méthode scientifique avant l’idéologie et non l’inverse.

La crise du coronavirus a fragilisé l’idée selon laquelle l’Homme était tout puissant. L’arrivée des vaccins contre le virus ne permet-elle pas de raviver cette croyance ?
  Certains ont vu dans la pandémie une confirmation de leurs thèses. Nicolas Hulot, par exemple, a parlé d’un ultimatum que la nature envoyait à notre civilisation. La deep ecology comme je viens de l’évoquer, s’en prend à la thèse d’un homme tout puissant qui détruirait une nature sacralisée dans chacune de ses actions. Elle s’appuie pour cela sur les thèses du philosophe allemand Hans Jonas et de son heuristique de la peur, eu égard, la supposée toute-puissance de la technologie humaine et dont on peut voir un aboutissement au travers de Greta Thunberg avec son « je veux que vous ayez peur ». Or comment avoir peur du progrès technologique en pleine pandémie, quand on voit que c’est le « pas assez de connaissances scientifiques et techniques » qui nous condamne à vivre une année dans une mauvaise passe… en attendant la découverte du vaccin. Vous noterez au passage qu’il a fallu très peu de temps pour découvrir et développer celui-ci. Il y a vingt ans, nous n’aurions pas pu le développer si vite.
   Tout cela nous enseigne qu’il est urgent d’en finir avec le mode de penser idéologique de l’écologisme et continuer d’appliquer la méthode scientifique pour observer, connaître et « tenter » de maîtriser le monde. C’est un chantier permanent qui obéit au principe de cas par cas et avance au pas à pas, mais qui consiste toujours à améliorer ce que l’on faisait mal avant. Par exemple, si l’on prend le cas de l’agriculture intelligente, le recours à certains procédés tels que les drones, la blockchain ou encore les capteurs, permet aux agriculteurs de continuer de produire de manière intensive tout en faisant un usage parcimonieux des ressources et des intrants. Un exemple de plus qui nous indique qu’il vaut mieux avoir confiance en la science et ses applications technologiques que d’en avoir peur.

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