Nucléaire : "par le passé, on connait l'avenir"

  Amusant, les gens qui vous reprochent d’espérer une technologie pas encore mûre, la fusion nucléaire, et qui, en même temps, plaident pour qu’on se rende totalement dépendant d’une technologie qui n’existe pas, le stockage à grande échelle, la seule qui permette de surmonter l’intermittence des EnR.

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Le nucléaire a-t-il encore un avenir ?

 Alain Desgranges
 Ingénieur de l’Institut national des sciences et techniques nucléaires (INSTN) en Génie Atomique et cadre dirigeant à la centrale du Blayais de 1986 à 1995

 

 
  Dix ans après l’accident de la centrale de Fukushima au Japon, conséquence d’un tsunami aux effets dévastateurs, on est en droit de s’interroger sur l’avenir du nucléaire dans notre pays.
  Au moment où les effets délétères des crises sanitaires, économiques et sociales se cumulent, le réchauffement climatique reste le plus grand danger qui menace l’espèce humaine. Nous en mesurons les effets tous les jours alors qu’une prise de conscience s’est concrétisée à l‘occasion de l’accord de Paris de 2015 portant sur l’objectif prioritaire de réduction des émissions de gaz à effet de serre dont le CO2 est le principal composant.
  Dans ce cadre, l’énergie reste un facteur majeur pour les émissions de CO2 selon son usage dans les secteurs de l’industrie, du chauffage des habitations, des transports ou de la production d’électricité. La
place consentie au nucléaire fait, encore et toujours, débat…

Le nucléaire est-il un mal nécessaire, un mal tout court ou un produit de première nécessité ?

  De l’avis de nombreux spécialistes, dont ceux du GIEC et de l’ AIE, l‘énergie nucléaire réunit les meilleurs atouts pour répondre aux enjeux de ce siècle. Une énergie qui a fait la preuve de sa capacité à répondre aux besoins des français, en plus de 40 années de fonctionnement sans incidents sérieux sur ses réacteurs.
  La démonstration éclatante que « mettre tous ses œufs dans le même panier », comme le déplore la ministre de la Transition écologique, n’a jamais été une faiblesse pour le parc nucléaire qui a confirmé son aptitude à conserver le niveau de sûreté requis sans altérer la production de ses installations. Un niveau de sûreté en progression constante qui intègre tous les enseignements tirés des accidents de Tchernobyl et de Fukushima.
  On remarquera aussi, que plus le panier est grand plus la part des « œufs atomiques » diminue. Il en va ainsi de la plaque européenne où en vertu des interconnexions entre les différents réseaux de transport de l’électricité, le nucléaire est limité aujourd’hui à moins de 20 %. Une part qui se réduira encore avec la fermeture prochaine des dernières centrales nucléaires allemandes et leur remplacement par des centrales au charbon.
  L’année passée, alors que le système électrique européen était en pleine turbulence en raison de la crise sanitaire et de ses multiples conséquences, le parc nucléaire français s’est adapté pour répondre à tout moment à l’intermittence des énergies renouvelables incapables de produire de l’électricité quand le pays en avait le plus besoin.

La limitation à 50 % du nucléaire dans notre mix énergétique n’a aucune justification…
  On ne peut qu’être surpris de l’obstination du Chef de l’Etat à réduire la part du nucléaire dans le mix énergétique de notre pays après qu’il eut déclaré sa foi en cette énergie dans un discours au Creusot le 8 décembre 2020. Or, Barbara Pompili vient de reconnaître publiquement que cette décision « doit être prise après un débat démocratique basé sur des faits techniques et pas sur des fantasmes ou des idéologies », cette prise de position intervenant en préalable à la remise d’une étude RTE /AIE (1).
  Une position de bon sens de la ministre dont l’application dans la lutte contre le réchauffement climatique et l’atteinte de la neutralité carbone d’ici 2050 nécessite de chasser progressivement les combustibles fossiles, pétrole, charbon, gaz, de notre mix énergétique et donc de nos usages. Des énergies polluantes et directement responsables du réchauffement de la planète qui représentent près de 60% de notre consommation d’énergie.
  Vecteur d’efficacité énergétique multipliant les rendements par 3 à 4 dans le cas du véhicule électrique ou de la pompe à chaleur, l’électricité sera la clé de la réussite pour assurer la transition écologique. À la condition que sa production soit assurée en priorité par le nucléaire et l’hydraulique, facilement pilotables pour répondre aux besoins du réseau à chaque instant, l’éolien et le photovoltaïque venant en complément.
  La répartition entre nucléaire et renouvelables devant alors être déterminée sur des « faits techniques » comme le souhaite la ministre en tenant compte de la compétitivité des différents moyens de production, de leur réelle contribution à la lutte contre le réchauffement climatique et de leur capacité à assurer la sûreté du système électrique et à contribuer à l’indépendance énergétique de la France. Tout le contraire d’un 50 % tiré d’un chapeau !
  L’application de cette règle de bon sens aurait permis de différer l’arrêt de la centrale de Fessenheim que l’on regrette déjà alors que des menaces de coupures ont été révélées, ajoutant aux tourments des français qui n’ont pas besoin de ce souci supplémentaire.
  Elle autoriserait aussi une approche rationnelle de la gestion du renouvellement du parc de nos centrales alors que ce sont 12 autres réacteurs en parfait état de marche qu’il faudrait arrêter avant 2035 pour respecter la LTECV (Loi Transition Energétique pour une Croissance Verte) et sa déclinaison dans la PPE (Programmation Pluriannuelle de l‘Energie).
  Curieusement, la condamnation récente de l’Etat pour « carences fautives » dans la lutte contre le réchauffement climatique dans laquelle il a été démontré son incapacité à tenir ses engagements de
réduction des gaz à effet de serre, pourrait contraindre l’Exécutif à changer sa politique.

On ne peut imposer une énergie contre l’avis de la population
  La part convenue de ces énergies devraient aussi tenir compte de leur acceptabilité par le public. Ce qui est loin d’être le cas de l’éolien terrestre comme l’a rappelé Emmanuel Macron à Pau le 14 janvier 2020. En revanche, la cote d’amour des Français pour le nucléaire progresse si l’on en croit le résultat d’un dernier sondage précisant que 80 % des sondés sont favorables à cette énergie (2).
  Si bien que les Régions Hauts de France, Normandie et Rhône-Alpes ont fait acte de candidature pour accueillir une paire d’ EPR nouvelle génération sur les sites de Gravelines, Penly et Bugey (ou Tricastin). Où il est démontré qu’il vaut mieux évoquer des projets de construction que des perspectives de démantèlements …
  Par ailleurs, la Commission Européenne poursuit avec constance son œuvre de destruction du nucléaire sur le vieux continent sous la pression de nos « amis » Outre-Rhin, en déclassant le nucléaire dans la taxonomie verte qui voie le gaz supplanter l’atome contre toute logique.
  Dans ce bras de fer entre Bruxelles et Paris, le gouvernement français semble déterminé à s’opposer au démantèlement d’EDF qui serait la contrepartie de la révision de l’ ARENH, dispositif caricatural de la concurrence. Un enjeu énorme pour notre pays, EDF étant le chef de file de la filière nucléaire française, troisième filière industrielle avec ses 220 000 emplois derrière l’automobile et l’aéronautique.
  Un appel aux parlementaires de la France pour la révision de notre politique énergétique…
  Dix ans après Fukushima, six ans après la publication de la LTECV et des engagements pris par la France dans le cadre de l’Accord de Paris, force est de constater que les objectifs de la SNBC (Stratégie Nationale Bas Carbone) ne seront pas atteints et que notre pays est engagé dans une impasse lourde de conséquences.
  L’analyse des « faits techniques » démontre le risque inconsidéré d’une limitation à 50 % du nucléaire.  La LTECV est une loi incohérente avec l’objectif de la SNBC, une loi qui confond objectifs et moyens et qui s’attache principalement à l’électricité alors qu’elle ne représente qu’une fraction de l‘énergie consommée en France.
  Il faut donc espérer que des parlementaires, soucieux de l’intérêt général comme de celui de la nation, prennent les initiatives appropriées pour réviser le cadre législatif de ce dossier afin de construire une véritable transition énergétique, cohérente avec les orientations de la SNBC, efficace et durable en excluant toute approche dogmatique qui n’aurait rien à faire dans ce dossier.
  Il en va de la capacité de notre pays à construire de nouveaux réacteurs « 80% made in France » indispensables à notre souveraineté industrielle et au maintien de sa sécurité d’approvisionnement en électricité décarbonée sur le long terme.

  1. BFM TV le 15 décembre 2020. Cette étude conjointe de RTE (Réseau de Transport de l' électricité) et de l’ AIE (Agence Internationale de l’Energie) présente les conditions extrêmes qui limitent la part des énergies renouvelables dans le mix énergétique français.
  2. Une enquête réalisée en décembre 2020 par l’institut Kantar montre que 80% des Français font confiance à EDF pour exploiter les centrales nucléaires en toute sûreté

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