France, présidentielle 2022 : apocalypse écolo?

  "...Puis vient le jour des révélations de l'Apocalypse, où l'on comprend qu'on est maudit, et misérable, et aveugle, et nu et alors, fantôme funeste et dolent, il ne reste qu'à traverser les cauchemar de cette vie
en claquant des dents..."
  Jack Kerouac Sur la route, 1957

TENIR TÊTE, FEDERER, LIBERER

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Hiver 2026 : l’Élysée jette un grand froid

Jean de Kervasdoué
2021 02 14    

  Les premières semaines du mois de février 2026 sont aussi froides que celles de 2021, mais la comparaison s'arrête là, car en 2026 les appartements sont glacials. La température moyenne descend à 12 °C en les calfeutrant, après les quelques heures de chauffage autorisées. Les tenues d'intérieur ressemblent à celles du XVIIIe siècle. Les Français retrouvent mitaines, bonnets et manteaux matelassés pour lire ou regarder leur ordinateur, jusqu'à ce qu'il s'éteigne, faute de capacité suffisante de leur batterie.

 Coupures d'electricite, 5G bannie, mutiples taxes... Quand l'election d'un president ecologiste vire au cauchemar.

  La France a élu en 2022 un président écologiste. Son programme de sortie du nucléaire est, quatre ans plus tard, en 2026 donc, bien avancé : la moitié des centrales ont été fermées, la France avance vers la sortie définitive en 2030, un des premiers engagements électoraux du candidat. Comme, cet hiver-là aussi, les panneaux solaires sont couverts de neige, ils ne fonctionnent plus le jour ; de surcroît, comme cela arrive en hiver, après les chutes de neige, une haute pression est venue de Sibérie et couvre l'Europe de l'Ouest. Les éoliennes, qui en grand nombre marquent la campagne et les côtes françaises,
restent obstinément immobiles, faute de vent.
  Le métro ne marche qu'aux heures de pointe quand on lui octroie de manière préférentielle le courant des centrales nucléaires encore en état de marche et que nos voisins acceptent de vendre à grand prix leur l'électricité.

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Noël sans sapin
  À l'instar de 2021 dans la ville d'Amiens, les bus électriques, généralisés dans toutes les villes de France depuis 2024, tombent en panne. En effet, leur chauffage, qui fonctionne avec un système de pompe à chaleur, n'arrive pas à monter en puissance du fait du froid. Non seulement la température dans les bus ne dépasse pas les 10 °C, mais le système de freinage, qui fonctionne avec des bouteilles d'air, donnait des signes de défaillance. Les musées et les théâtres sont désertés par les visiteurs et les comédiens rebutés par le froid polaire qui y régnait.
  Au nom de la déforestation, Noël tristement sans sapin fut aussi sans bûche, autre que pâtissière, comme le reste de l'année. Il est désormais interdit de rejeter le gaz carbonique séquestré dans son bois. Les brigades écocides de la police nationale pourchassent les délinquants. Le délit établi, promptement jugé, les coupables doivent se racheter en accomplissant des peines de travaux forcés dans les fermes écoresponsables du Larzac et de la Creuse. Pour les déviants qui gagnent l'équivalent de plus de 4 000 euros par mois – les riches – en 2021, la peine se trouve aggravée.

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La semaine de 28 heures
  « L'équivalent » donc, parce que la France, contrainte de sortir de l'euro depuis 2024, frappe de nouveau sa monnaie et est revenue au franc. Les partenaires de la France ont épuisé leur capital de confiance lorsque le débat a porté sur le non-remboursement de la dette, in extremis reporté à plus tard. Non seulement la dette accumulée par la pandémie de Covid a continué à se creuser jusqu'en 2023 mais, comme l'avait suggéré la convention citoyenne sur le climat de 2020, la durée du travail a été fixée à 28 heures. De surcroît, reprenant les propositions de Yannick Jadot lors de la campagne présidentielle de 2017, l'âge de la retraite, pour un nombre significatif de travailleurs, est désormais fixé à 55 ans et, pour faire bonne mesure, un revenu universel est versé à chaque Français le jour de sa naissance. En conséquence, étant tenue d'emprunter chaque mois à des taux beaucoup plus élevés que ses voisins européens, la charge de la dette est devenue le premier poste des dépenses budgétaires et engloutit la totalité de l'impôt sur le revenu.
  Certes, depuis 2024, le nombre de naissances est en chute libre, neuf mois après que le Parlement français, à l'instar de la Chine des décennies plus tôt, a voté une loi « enfant unique » pour limiter les rejets de gaz à effet de serre qu'accompagne le passage sur Terre de tout être humain. Non seulement, toutes les aides sociales cessent alors d'être versées à la naissance du deuxième enfant, mais les parents doivent payer une très lourde taxe et ne peuvent plus inscrire leurs enfants dans les écoles publiques. Il faut dire que, de leur côté, les parents font très attention, car le chômage s'est fortement accru, les allocations sont réduites à la portion congrue et la vie devient chère.

Haro sur la 5G

  Du fait du bannissement du moteur diesel, les grandes entreprises françaises de l'automobile ont déplacé leur production en Afrique du Nord et dans les pays de l'Europe de l'Est. Il en est de même d'Airbus, touché par la crise et particulièrement pénalisé en France. En effet, dès 2021, le gouvernement a interdit les liaisons aériennes intérieures entre deux villes quand elles sont accessibles par train en moins de cinq heures. Comme la 5G est également interdite en France, tous les chercheurs, tous les créateurs, tous les bureaux d'études ont déménagé. Non seulement l'emploi est rare, mais le coût de la vie a fortement augmenté. L'inflation depuis la sortie de l'euro est à plus de deux chiffres.
  L'alimentation est devenue inabordable, car la France a décidé d'interdire l'importation de tous les OGM, dont le soja. Or, les volailles, les porcs et certains bovins requièrent pour leur alimentation un apport de protéines végétales. Certes, il existe des alternatives agronomiques cultivables sous notre climat, pois, fèverole, lupin, colza, tournesol, lin…, mais à l'instar des betteraves en 2020, le rendement de toutes les cultures a baissé de plus de 40 % du fait de l'interdiction par le gouvernement des « pesticides », autrement dit : les produits phytosanitaires. Il est alors devenu difficile pour les cantines de respecter un vieil engagement des écologistes à savoir de s'approvisionner exclusivement chez les producteurs de « l'agriculture paysanne et écologique » tant leurs produits sont onéreux. Le kilo de leur poulet ainsi produit est en effet quatre fois plus onéreux que celui que l'on peut importer de Pologne. Au demeurant, les menus végétariens sont devenus la règle, mais les familles et les enfants, comme au temps de Henri IV, demandent du poulet au moins une fois par semaine.

Une « taxe laine »

  Toujours du fait de l'interdiction des OGM, le coût des importations de coton, à 80 % OGM, a augmenté. La laine n'a pas non plus une bonne presse, car l'on considère que la tonte des moutons est une violence faite à ces pauvres bêtes couvertes d'une chaude toison. Une taxe « laine » a été votée. Le marché noir se développe, comme d'ailleurs celui des tissus synthétiques fabriqués par des dérivés du pétrole. Sur le dark web on trouve des patrons pour les tricoteuses anonymes qui se retrouvent en secret après avoir laissé leur portable à la maison.
  Le zéro pesticide a aussi fait la joie des poux. Ils n'épargnent plus les adultes. Les hommes se rasent, les femmes les plus coquettes tentent, sans succès, des décoctions à base de plantes et sur Internet on trouve des tutoriels dont le fameux : « Comment mieux s'épouiller que les babouins ». La protection des insectes a également permis l'expansion du moustique tigre et, avec lui, la diffusion du chikungunya, remonté à l'ouest et au nord des Alpes-Maritimes où il était jusqu'en 2020 cantonné. Bien que l'on soit en hiver, beaucoup gardent encore sur leur peau des traces de piqûres infectées, à force d'avoir été grattées.

Cannabis pour tout le monde
  Le Tour de France, banni de Lyon par son maire en 2020, a vu cette interdiction s'étendre à la France. Il s'appelle désormais le « Tour d'Allemagne », l'Espagne et l'Italie ayant déjà le leur. Il se déroule toujours au cours du mois de juillet.
  La Marseillaise, trop belliqueuse, a été remplacée par un poème de Greta Thunberg avec, pour fond sonore, une bande reproduisant des cris de dauphins et des chants d'oiseaux.
  Mais heureusement, comme l'avait promis Yannick Jadot durant sa campagne de 2017, le cannabis est autorisé. Toutes ces difficultés se noient donc dans un brouillard psychédélique qui permet d'attendre le printemps.

  Je remercie Christian Anastasy de m'avoir donné l'idée de cette dystopie et d'en avoir imaginé quelques conséquences.

* Auteur, avec Henri Voron, de Les écolos nous mentent – Albin Michel 2021.

 

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