Transports : demain, le voyage "fantastique" pour tous?

"Et pourtant, ajouta Pencroff, qui montra une certaine difficulté à se résigner, le monde est bien savant ! Quel gros livre, monsieur Cyrus, on ferait avec tout ce qu'on sait !
Et quel plus gros livre encore avec tout ce qu'on ne sait pas, » répondit Cyrus Smith.
"
Jules Verne,1828-1905, L'Ile mystérieuse.


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Quel XXIe siècle pour les transports français ?

Pierre Tarissi
15.11.2019 




Les développements des transports des 20 à 50 prochaines années seront très loin d’une prétendue « stagnation » et encore plus de la « décroissance » annoncée par quelques Savonarole du XXIe siècle. Servis par des progrès technologiques fulgurants, déjà largement engagés, ils bouleverseront notre
façon de nous déplacer dans la vie de tous les jours. Il s’agira d’innovations de rupture au moins autant que l’ont été, par exemple, la généralisation du train, de l’automobile ou de l’aviation commerciale dans la période 1850-1970.


L’immortel « anémélectrorécupédalicoupeventombrosoparacloucycle » du non moins immortel savant Cosinus illustre ces propos, mais les évolutions des transports actuellement en cours, largement impulsées par les pouvoirs publics, ont-elles vraiment bien exploré toutes les options pertinentes ? Il ne le semble pas …

Table des matières :
Au commencement, le besoin de transport
Le besoin passager : vitesse sans rupture de charge ni effort physique.
Le besoin fret met la priorité sur le coût et la fiabilité des délais
Que penser des « mobilités douces » ou prétendues telles ?
Les évolutions technologiques et organisationnelles en cours sont foisonnantes et fulgurantes !
L’évolution organisationnelle-clé : le « télétravail ».
Les progrès des technologies de transports convergent …
Le concept de « pollution » évolue au fil du temps
L’autonomie des véhicules à portée de mains
Diminuer le nombre de véhicules autonomes par la location au trajet
Les organisations nécessaires se développent en parallèle ……
Ces nouvelles organisations et techniques changent radicalement la réponse au besoin de transport depuis le métier des opérateurs jusqu’à l’urbanisme des villes
Quel équipement du territoire pour les transports du XXIe siècle ?.
Financer les réseaux de transports et leur entretien essentiellement par l’utilisateur
Les batteries ou la pile à combustible sont-ils concurrentiels par rapport à un système de caténaires au sol ?.
Le transport ferroviaire a besoin d’une grande rupture technologique pour traverser le XXIe siècle !
Subsiste-t-il un espace pour les voies navigables ?.
L’avenir des transports en commun urbains reste peut-être à écrire ……

Nous voulons des gouvernants visionnaires pour susciter ces projets grandioses d’un avenir prospère
!

šIl est très clair que les voies publiques d’une grande ville ne peuvent aujourd’hui accueillir simultanément les véhicules individuels de tous les résidents, professionnels et touristes. On y constate donc des problèmes récurrents d’encombrements divers, sans avoir trop de solutions. L’ INRETS (INstitut de REcherche des TransportS) a des modèles sur ce sujet, établis avec les paramètres des parcs de véhicules existants. L’Institut Paris Région (ex-Institut d’Aménagement et d’Urbanisme Ile de France) travaille aussi sur les répartitions par mode de déplacement, Schéma Directeur avec « Rocade Express » du Grand Paris par exemple. Mais commençons par analyser le besoin de transport.

Au commencement, le besoin de transport
Le besoin de transport d’un individu quelconque est d’aller d’un bâtiment ou lieu « A » à un bâtiment ou lieu « B » aussi rapidement que possible, seul ou avec d’autres, avec bagages et accompagnants – dont jeunes enfants – chaque fois que nécessaire. Cette définition porte évidemment sur le besoin de transport en tant que tel, et non pas sur d’autres besoins éventuellement cumulables, faire du sport, « sauver le climat », etc.. 


Le besoin passager : vitesse sans rupture de charge ni effort physique
Les priorités d’un individu sont la rapidité, la sécurité, le confort et le coût, rejoints depuis peu par des soucis environnementaux, émissions de CO2 par exemple. Voyager ainsi est un besoin légitime de tout humain. L’objectif d’intérêt général à atteindre est donc de le satisfaire sans émissions de CO2, avec le minimum possible de consommation de matières premières et zéro déchet non recyclé. Hors considération de prix, encombrement et pollution, les meilleurs outils répondant aujourd’hui à ce besoin sont, dans l’ordre décroissant, le taxi automobile, ou le VTC – combiné à l’avion sur longue distance, plus de 200-300 km –, puis l’automobile en usage individuel à 100 %, pleine propriété ou LOA, ou partagée, location classique. Les deux roues motorisés, le vélo, électrique ou non, ou autres engins montés genre trottinette sortent des attentes car ne protégeant pas des intempéries. Enfin, tous les moyens de transports en commun, train, bus, tram, métro, trolley, sont lourdement handicapés par leurs trajets fixes, les ruptures de charges et l’inconfort des conditions, position debout courante dans les transports urbains.


Le besoin fret met la priorité sur le coût et la fiabilité des délais
Il existe plusieurs niveaux de transport de marchandises : le transport unitaire d’un objet, et le transport en contenants, eux-mêmes le plus souvent regroupés en palettes ou caisses diverses. Ces palettes ou caisses sont à leur tour regroupées en conteneurs, camions ou wagons. Certains matériaux sont enfin transportés en vrac : l’unité de transport est alors le volume du véhicule, citerne, benne, soute, etc.. La nature de l’émetteur et celle du destinataire définissent ces niveaux : de la mine à l’usine, d’une usine à l’autre, de l’usine à l’entrepôt, de l’entrepôt au magasin, et du magasin au consommateur. La dernière étape, de loin la plus coûteuse, transport unitaire, est le plus souvent laissée aux bons soins du consommateur dans le système de distribution français. Contrairement au transport de passagers, la rupture de charge, passage d’un contenant à un autre, est inhérente au transport de marchandises et n’est pas un inconvénient en soi – mais reste un coût à comprimer.
Dans le transport de marchandises, ce qui compte avant tout est le prix, puis la fiabilité, délais garantis, et dans certains cas le délai, toutefois nettement moins critique que pour les passagers. Dans ce cadre, en France, le meilleur outil reste de loin le transport routier, avec des dizaines de milliers d’acteurs et toutes sortes de véhicules, depuis l’utilitaire léger – voire le vélo du livreur – jusqu’au tracteur routier de 38 tonnes. Dans le monde, le transport maritime tient le haut du pavé en tonnages transportés, suivi par le transport routier, puis le fret aérien. Le fret ferroviaire est très variable selon les pays, en voie d’affaiblissement continu en France malgré l’énormité du réseau ferroviaire, 30 000 km de voies dont 2 500 à « grande vitesse ».


Que penser des « mobilités douces » ou prétendues telles ?
L’approche « décroissante » considère que le besoin de voyager « confortablement installé à l’abri des intempéries … et enfin sans effort physique » n’est pas légitime parce que ses solutions techniques actuelles sont polluantes et encombrantes au sol, qu’il n’est pas possible d’en trouver de non polluantes et non encombrantes, et que la solution « raisonnable » est de se déplacer à pied ou en vélo.
Les moyens de transports de personnes réputés constituer les « mobilités douces » sont les vélos et VAE, vélos à assistance électrique, et en y incluant trottinettes, gyroroues et autres hoverboards. Ils constituent un sujet spécifique. Ils se veulent « écologiques », mais laissent le voyageur, toujours sans colis ni enfants hors solutions adaptées, exposé aux intempéries – et prié de pédaler puis de garer lui-même son vélo : on conçoit en effet mal un vélo ou VAE autonome. Ils ont par ailleurs une composante culturelle marquée. Ils sont omniprésents dans des pays comme le Danemark, à fort niveau de vie mais dont la population est convaincue de leur intérêt et dans lequel les pouvoirs publics ont investi et investissent lourdement dans des aménagements urbains spécifiques. En France, ils sont nettement moins développés mais progressent très rapidement pour le moment, poussés par une minorité très active de partisans et certains pouvoirs publics.
Qu’en est-il objectivement ? Un vélo classique a un encombrement au sol de l’ordre de 1,80 ´ 0,70 m finalement voisin de celui du prototype quadricycle « Peugeot EU Live » , 1 ou 2 places en tandem, 2,40 x 0,85 m, 400 kg. Le vélo classique ne se distingue que par le poids, beaucoup plus faible, de l’ordre de 10 kg, et les grosses limitations du service rendu, confort, vitesse, version autonome problématique. Enfin, développer l’usage du vélo passe aussi par la création de versions nettement plus encombrantes et lourdes destinées à transporter marchandises ou passagers, nommées « vélo cargos ».
Les seuls avantages réels de ces moyens de transport sont aujourd’hui leur faible coût et leur réputation d’être « non polluants », ce qui est exact pour les vélos sans assistance électrique mais nettement moins par exemple pour les trottinettes. Il faut ramasser les trottinettes tous les jours pour les recharger et dont la durée de vie ne semble pas dépasser trois semaines. On peut aussi y ajouter la satisfaction de ceux qui cherchent autre chose qu’un moyen de déplacement : en profiter pour faire du sport, améliorer sa santé, voire exprimer une position militante … En revanche, leurs systèmes de location en « free floating » commencent à ressembler à ce que sera demain un véritable service de véhicules autonomes partagés.


Les évolutions technologiques et organisationnelles en cours sont foisonnantes et fulgurantes !
Si l’on veut aujourd’hui vraiment et massivement réduire gaz à effet de serre et pollution liés au transport, la première mesure qui vient à l’esprit dans les grandes concentrations urbaines est de réduire le besoin de transport. Ce besoin est largement alimenté par les trajets pendulaires circadiens « domicile-travail », nés de la révolution industrielle du XIXe siècle, comme le salariat. Ces deux éléments sont liés à l’organisation centralisée d’une production physique massive, succédant à la production physique agricole, massive mais non centralisée. 


L’évolution organisationnelle-clé : le « télétravail »
Les masses d’ouvriers agricoles non qualifiés – les « brassiers » – représentaient l’immense majorité de la population. Ils subsistaient de plus en plus misérablement dans les fermes et sont venus en quelques décennies travailler collectivement dans les usines et habiter les corons. De leur côté, les vastes ensembles actuels d’immobilier de bureau sont issus des techniques de gestion administrative « primitives » du XIXe siècle. Cette gestion administrative a ensuite explosé en effectifs avec le développement des services financiers – banques et assurances, y compris sociales – rendus utiles puis nécessaires par le développement industriel.
Mais depuis peu, la dématérialisation du travail est de plus en plus poussée. Même dans l’industrie, le nombre de personnes en contact direct avec la matière diminue de jour en jour, le travail se faisant de plus en plus au travers de périphériques informatiques. Dans les activités tertiaires de type banque ou assurance, c’est encore plus flagrant. Parallèlement, les développements des télécoms et des outils de communication – en particulier la réalité virtuelle – permet une transmission à distance de plus en plus facile des données, images et vidéos.
La capacité d’échanger à distance avec un ou plusieurs interlocuteurs est déjà en cours d’acculturation avec les téléconférences qui se développent rapidement. De grands groupes tertiaires et industriels commencent à trouver naturel que leurs salariés pratiquent le télétravail à 40%. Cette évolution est aussi rapide que celle des iméls et téléphones GSM qui ont déjà totalement changé le fonctionnement des entreprises entre 1995 et 2010.
Demain, les progrès de ces techniques faciliteront encore plus le télétravail, et le besoin des transports pendulaires circadiens « domicile-bureau » ou « bureau-bureau » diminuera largement, changeant totalement les besoins immobiliers, surfaces de bureaux, aménagement systématique de postes de travail dans les logements. Les grands ensembles de bureaux perdront donc largement leur sens. Le besoin social d’échanges physiques interpersonnels subsistera, mais leur fréquence quotidienne n’aura rien d’indispensable surtout avec les outils de réalité virtuelle « 3D » de plus en plus aboutis, qui existent dès aujourd’hui. 


Les progrès des technologies de transports convergent …
Les actuels moyens de transport ont remplacé et quasi totalement évincé la traction hippomobile. Dans les débuts, années 1890-1920, les véhicules à moteur étaient considérés comme « propres » par les contemporains de la traction hippomobile qui produisait énormément de pollution visible, les crottins. Entre 1910 et 1920, par exemple, les Champs-Elysées étaient partagés entre voies « propres » réservées aux automobiles et camions et voies pour « moteurs à crottin ». 


Le concept de « pollution » évolue au fil du temps
Les soucis de pollution par les gaz d’échappement ont commencé à se manifester dans les années 1950, conduisant aux actuels moteurs « dépollués » entre 1970 et 2000. Ceux-ci ont réduit drastiquement les émissions de polluants salissants et nuisibles à la santé. Mais ces moteurs dépollués restent toujours émetteurs de CO2, responsable de l’effet de serre climatique. C’est aujourd’hui leur seule pollution significative.
Si les pouvoirs publics veulent lutter efficacement contre la pollution au CO2 dans le domaine des transports, le premier émetteur de CO2 en France, ils doivent porter leur effort vers la décarbonation totale des véhicules « de la mine à la mine ». Cela signifie depuis leur conception et leur fabrication jusqu’à leur recyclage, comme pendant leur utilisation. Ensuite, les efforts s’orienteront utilement vers les véhicules individuels autonomes partagés, à partir du monoplace, et – pourquoi pas – leur ferroutage rapide, 500 km/h et plus, et massif « passagers à bord » pour les déplacements au-delà de 300 km.
En effet, les véhicules terrestres à roues et pneumatiques non guidés, quelle que soit leur technique de propulsion, couvrent les vitesses utiles quasiment de 0 à 150 km/h en pratique. Les véhicules terrestres guidés, surtout sur rail, de 40 à 350 km/h. Les navires sont plutôt dans la gamme des 20-40 km/h et enfin les aéronefs actuels dans la fourchette 500-1 000 km/h. Sur le territoire français métropolitain, la gamme 0-150 km/h est adaptée aux déplacements de courte distance, à combiner au rail pour les déplacements à partir de 200 km. 


L’autonomie des véhicules à portée de mains
Dès aujourd’hui, les véhicules autonomes – sans conducteur – existent déjà au labo, certains sont sur la route ou sur les rails, métros, et les automobiles et utilitaires de série progressent de plus en plus vite vers cette condition. On peut concevoir toute une gamme de véhicules autonomes, depuis le véhicule individuel minimaliste comparable à l’actuel Peugeot EU Live déjà évoqué jusqu’au bus de transport en commun capable de faire évoluer son parcours à la demande et en temps réel pour aller chercher ou déposer des passagers à leur porte, cela commence à exister dans certaines villes chinoises.
Ces véhicules autonomes, communiquant en permanence entre eux, seront capables de se regrouper en « trains » pour des trajets ou des portions de trajets qu’ils se communiqueront également en permanence. Le tout optimisé par leur GPS et leur information continue sur l’état du trafic dans leur environnement. C’est à peine une anticipation, ce type d’outil logiciel est quasiment opérationnel dès aujourd’hui, et les labos actuels sont tout proches de ce genre de véhicule. Il existe même des prototypes réunissant l’ensemble de ces caractéristiques. Par leur mode de fonctionnement, ces engins, pour le même service rendu, consommeront infiniment moins de carburant que les véhicules actuels : optimisation des trajets, beaucoup moins d’accélérations et de freinages, formation en « trains » plus aérodynamiques, temps de parcours nettement plus brefs par limitation des encombrements, etc. 


Diminuer le nombre de véhicules autonomes par la location au trajet
En outre, ces véhicules pourraient être beaucoup moins nombreux en tout. En effet, un véhicule personnel actuel parcourt dans sa vie au plus 200 000 km en 10 ans. A une vitesse moyenne de 50 km/h, cela représente 4 000 heures de fonctionnement, un peu plus d’une heure par jour, soit une durée assez ridicule pour un produit technologique aussi élaboré et aussi cher.
Actuellement, avec un fonctionnement très largement organisé en propriété individuelle des véhicules, on trouve près de 2 milliards d’automobiles de par le monde, c’est très important, mais il y en a nettement moins que de vélos, apparemment. En France, environ 40 millions pour 67 millions d’habitants, ce qui correspond à environ 4,5 milliards pour équiper le monde entier comme la France. C’est la tendance actuelle, à considérer par exemple la production chinoise, actuellement plus de 25 millions d’unités annuelles.
Ces véhicules roulent en moyenne 250 heures par an pour 12 000 km à 50 km/h. En imaginant de les remplacer par des flottes de véhicules partagés roulant 1 000 heures par an, ce qui reste assez faible, cela conduirait potentiellement à un parc de moins d’un milliard de véhicules pour assurer à tous dans le monde entier un service comparable à celui connu en France aujourd’hui. Analyser vraiment ce sujet nécessite une étude sérieuse qui apparemment reste à faire – en particulier sur les « heures de pointe » et l’influence du télétravail sur ces heures de pointe, par exemple.


Les organisations nécessaires se développent en parallèle …
Pour assurer ce partage de véhicules, des organisations nouvelles seront nécessaires. Aujourd’hui, « Autolib’ » – malgré son échec récent mais certainement provisoire à Paris – et autres services de location de vélos ou trottinettes en « free-floating » sont des brouillons technologiques et organisationnels de ces futures structures. Les modèles de covoiturage instantané, genre « Blablacar », ou de VTC pour le moment avec chauffeur, en expansion foudroyante, font partie également de la construction du futur. Le prix du service de location devrait être nettement plus bas pour le client que la possession d’un véhicule personnel.
La conjugaison des trois, « Autolib’ » + véhicule autonome + « Blablacar », poussée dans ces directions et la généralisation des télécoms à très haut débit – et donc de la réalité virtuelle – semble reposer totalement la question des infrastructures de transport des villes, et en particulier des villes importantes – donc l’urbanisme de ces villes. 


Ces nouvelles organisations et techniques changent radicalement la réponse au besoin de transport depuis le métier des opérateurs jusqu’à l’urbanisme des villes
En effet, avec ces techniques généralisées, un particulier peut à tout instant demander et obtenir en quelques dizaines de secondes ou à une heure fixée à l’avance un véhicule autonome pour assurer son transport. Ce véhicule, sous la forme demandée, « capsule » de déplacement individuel genre quadricycle Peugeot EU, véhicule familial, utilitaire, voire bus de transport en commun à circuit et arrêts variables …, vient le récupérer devant chez lui, ou dans une annexe de son logement, puis le conduit à sa destination de façon entièrement automatique. Cela se passant avec quasiment zéro accident, zéro feu rouge et zéro embouteillage. La personne transportée, libérée de tout souci de pilotage, peut durant le trajet continuer ses activités en restant branchée aux réseaux de télécom haut débit.
Dans ces conditions, que deviennent les besoins de transports en commun, et donc de sites propres, de véhicules, de gares, etc. ? De quelle quantité de véhicules autonomes a-t-on besoin ? Et que deviennent les parkings individuels et collectifs ? Les conséquences y afférentes sont potentiellement énormes. En effet, on ne trouve plus de véhicules en en stationnement sur la voie publique, ils sont installés dans des dépôts automatisés qui assurent également leur maintenance, le nombre total de véhicules étant très diminué. Il n’y a plus besoin non plus de feux de circulation ni de ronds-points, et le « débit » des voiries existantes est fortement augmenté.
Des éléments de réponse à ces questions sont intéressants pour approcher les questions de fond touchant l’avenir de nos villes. Tout d’abord, dans quel sens orienter la Recherche et développement sur ces points ? Ensuite, comment évolueront les business models des très nombreux acteurs de ces secteurs ? Enfin, quelles innovations technologiques favoriser en termes de financement d’entreprises ?
Dans un contexte de ce genre, le métier de constructeur automobile évoluera fortement, soit par intégration verticale, avec l’acquisition ou la création de structures louant, entretenant et gérant le parc de véhicules, ou encore les loueurs de véhicules devenant les clients quasi-exclusifs des constructeurs. Dans tous les cas, le but est d’assurer au client un « service complet » : véhicule adapté au besoin arrivant à la demande en quelques dizaines de secondes, ou à l’horaire prévu à l’avance pour le conduire à destination rapidement et en sécurité. 


Quel équipement du territoire pour les transports du XXIe siècle ?
Ces interrogations conduisent à se poser des questions à propos d’options techniques possibles mais que l’on entend rarement évoquées dans le débat public. Exposons-en donc rapidement quelques-unes, qui ne sont pas exhaustives du sujet. 


Financer les réseaux de transports et leur entretien essentiellement par l’utilisateur
Ce point traite des routes mais peut tout aussi bien s’appliquer aux autres infrastructures de transports liées à l’encombrement de l’espace, donc à l’aménagement du territoire : ports, aéroports, voies ferrées, voies navigables …
Aujourd’hui en France, nous avons des autoroutes à péage – concédées à des sociétés privées en position de monopole – et les autres voies sans péage. Est-ce bien pertinent ? Les dépenses « route » représentent environ 15 milliards d’Euros par an, pour des recettes beaucoup plus élevées. D’autre part, les routes constituent un « vrai service public », donc par nature propriété de l’Etat, avec leur entretien et leur construction forcément sous-traités à des entreprises privées de travaux publics.
Le financement des routes peut se faire au choix par l’impôt ou par l’utilisateur. Aujourd’hui, seules les autoroutes et les voies privées sont financées par l’utilisateur. Un financement pertinent pourrait être pour toutes les routes, autoroutes comprises un panachage entre différentes sources de revenus – mais majoritairement financé par l’utilisateur.
Cela pourrait prendre forme d’abord avec une taxe annuelle par véhicule affectée aux routes. Par exemple pour fixer les idées, vélo 0,1, motocycle 0,5, automobile 1, poids lourd de 5 à 50 selon PTAC, un poids lourd « use » beaucoup plus les routes qu’une automobile sans consommation de carburant en proportion, assortie d’un péage pour les seuls véhicules étrangers en transit. Ensuite, une taxe sur les carburants affectée, essence, gazole, GPL, électricité, pour tenir compte de l’usage réel des véhicules. Enfin, un complément par l’impôt, par exemple 10 % ou 20 % du total, le réseau routier bénéficiant in fine à tous …
La qualité de service attendue, état, propreté, services, sera fixée par des cahiers des charges. Cela fonctionne bien aujourd’hui sur les autoroutes, nettement moins bien sur les autres voies. Le tout complété par une vraie réflexion de l’Etat, qui pour le moment n’existe pas, sur l’efficacité globale présente et à long terme du « système d’infrastructures de transport » composé des ports, canaux, routes, autoroutes, voies ferrées, aéroports, ponts, tunnels et autres « ouvrages d’art » inclus, qui sera à terme financé entièrement par ces moyens. 


Les batteries ou la pile à combustible sont-ils concurrentiels par rapport à un système de caténaires au sol ?
Le mode d’alimentation en électricité de ces véhicules pose question. La tendance actuelle est de tenter de les équiper de batteries capables de leur donner une autonomie suffisante, par exemple 500 km pour des véhicules individuels, avec un temps de recharge que l’on cherche à réduire. En parallèle, on attend plus ou moins activement l’émergence d’une future voie « hydrogène + pile à combustible ». L’« empreinte carbone de la mine à la mine » des véhicules 100% électriques à batteries est discutable et dépend très largement des conditions de production de l’électricité qui sert à les recharger. En France, avec l’électricité nucléaire, elle est clairement favorable.
Le poids de batteries, 350 kg par véhicule, durée de vie moins de 10 ans, en fait donnée pour 7 ans mais avec une perte de capacité de l’ordre de 25%, fait réfléchir. Il est certainement inefficace, en termes de consommation de matières premières, de munir des véhicules terrestres d’énormes batteries censées leur assurer une autonomie importante, alors que le taux d’utilisation de ces batteries sera par construction très faible pour la plupart des véhicules. Mais elle les grève en permanence de masses inutiles, fraction de plus en plus importante de leur poids.
On peut remarquer par ailleurs que le réseau routier français comporte environ 1 100 000 km de voies, dont 12 000 km d’autoroutes, 9 000 km de routes nationales et 700 000 km de voies communales pour environ 40 000 000 de véhicules en circulation. Cela signifie que chaque véhicule est « utilisateur » potentiel de moins de 30 mètres de voirie publique. Une 208 électrique de dernière génération embarque une batterie de 50 kWh et 350 kg pour 340 km d’autonomie. Un véhicule roulant en moyenne 15 000 km par an, il circule 300 heures, au maximum, à 50 km/h en moyenne, soit moins de 3,5% du temps total de « présence des routes ».
Il semble au moins utile d’étudier la faisabilité de généraliser un système de caténaires au sol alimentant sur toutes les routes les véhicules automobiles. Des études partielles et même des réalisations, tramway de Bordeaux, ont atteint le niveau industriel. Le coût de cet équipement collectif de 60 m de longueur par véhicule en circulation, l’immense majorité des routes comportant deux voies de circulation, est à considérer par rapport au coût de la voirie, au coût du parc de véhicules et au coût des batteries d’un véhicule pour sept ans. Équiper le réseau routier serait de toutes façons un effort infiniment moins important que la création du réseau routier lui-même. Une étude montrera si ce serait ou non plus simple et efficace que de s’acharner sur l’augmentation très délicate de la capacité des batteries, ou sur le développement tout aussi délicat des piles à combustible. Des milliers de chercheurs s’y échinent en effet depuis des décennies avec des résultats peu probants au moins pour le moment.
Il suffirait que les véhicules, alors à motorisation totalement électrique, soient équipés d’une petite batterie pour les manœuvres de parking, ou les ruptures de caténaires pour travaux ou autres, avec une autonomie par exemple de l’ordre de 10 km à 40 km/h. L’électrification totale des transports routiers demande de toutes façons le renouvellement complet du parc des véhicules, ce qui prend de 10 à 20 ans. En effet, cette électrification nécessite avec des batteries l’installation de bornes de recharges dans des millions de places de parking ou la création ex nihilo d’un réseau de distribution d’hydrogène pour alimenter les piles à combustible des véhicules. L’étude de la solution caténaires prévoira un mode de déploiement assez rapide pour équiper dans la même durée l’ensemble du réseau routier. Par la même occasion, cela transformerait les véhicules en « semi-guidés », ce qui faciliterait leur passage au fonctionnement 100% sans conducteur en facilitant leurs échanges d’informations entre eux. 


Le transport ferroviaire a besoin d’une grande rupture technologique pour traverser le XXIe siècle !
Venons-en ensuite aux évolutions souhaitables du réseau ferré français construit entre 1850 et 1914 pour transporter des gens venant à la gare de la sous-préfecture à pied ou à cheval. C’était à l’époque une « innovation de rupture ». Aujourd’hui, ce réseau est lourdement handicapé par les « ruptures de charge » : aller à l’une des 3 000 (!) gares, faire suivre bagages et enfants, aller de la gare à destination. Il est encore moins adapté au fret par ses ruptures de charge et surtout ses difficultés d’acheminement d’un « wagon isolé » – la SNCF ne prenant quasiment en charge que des « trains complets ».
Dans la situation actuelle, un réseau ferré vraiment adapté serait beaucoup plus court, sans doute 10 000 km, toutes « à grande vitesse », les actuels 2 500 km inclus. Les 7 500 km à construire pourraient utiliser en partie les emprises SNCF existantes Il se contenterait de 200, ou en nombre voisin, immenses gares à construire dans des lieux choisis pour « mailler » efficacement le territoire : au bord des autoroutes proches des grandes métropoles, dans les grands ports, Marseille, Le Havre, Nantes, Bordeaux …, et les grands aéroports internationaux, ainsi qu’aux frontières pour récupérer les poids lourds en transit en France. Ces lignes assureraient entre les différentes gares distantes les unes des autres de 200-300 km le ferroutage massif et ultrarapide de véhicules individuels « passagers à bord » et des containers de fret, avec des structures conçues pour embarquer-débarquer très rapidement véhicules et containers. La navette transmanche actuelle en constitue un précurseur, comme les systèmes de ferroutage suisses.
Au plan technique, cette approche peut commencer avec le TGV actuel, avec ses 320 km/h de vitesse commerciale. Il faut cependant revoir les rames pour ces nouveaux usages. Les voies nouvelles à grande vitesse seront construites selon le principe des autoroutes : voies principales où toutes les rames se déplaceront à la vitesse maxi et bretelles d’accélération-ralentissement pour accéder aux gares. Il est très clair qu’à terme l’immense majorité des 3 000 gares françaises et les 30 000 km de voies ferrées modèle 1850-1914 disparaissent. La plupart des vols commerciaux sur le territoire français et des aéroports disparaissent aussi. Plus tard en suivant, les véhicules autonomes partagés arriveront à un horizon 20-30 ans et s’intégreront au processus, comme le remplaçant du TGV, de la classe « 500 à 1 000 km/h » (« Hyperloop » ou autre).
Ce genre d’évolution est évidemment un « grand projet » sur plusieurs décennies engageant des dizaines de milliards d’euros d’investissements. Il est comparable à la création du réseau ferré (1850-1914) ou du réseau autoroutier (1950-2000), donc très loin d’être hors d’atteinte. Une étude détaillée du sujet est indispensable pour garantir l’efficacité d’un tel système avant de lancer les réalisations.
Aujourd’hui, les « performances à battre » sur Nice-Brest, 1 044 km à vol d’oiseau, sont en voiture, environ 15 heures pour 1 440 km d’autoroute, le trajet se faisant « de porte à porte » sans rupture de charge. En train, on en a pour 10 heures au mieux et deux trajets « de train et gare à porte » à effectuer en taxi ou autre. En avion, c’est une heure trois quarts de vol, et deux trajets « avion et aéroport à porte ». Les conditions concurrentielles avec un véhicule autonome pris en charge par un ferroutage rapide seraient par exemple moins de moins de quatre heures en « voiture sur train » et deux trajets « train à porte », mais sans rupture de charge. Le prix du déplacement restant dans tous les cas inférieur aux prix actuels, avec une « prime de rapidité » par rapport à la solution du véhicule individuel autonome. 


Subsiste-t-il un espace pour les voies navigables ?
Pour être complet, il faut évoquer le sujet des voies navigables, aujourd’hui secteur marginalisé en France, avec à peine 1 000 unités de transport de fret pour 4 000 km de canaux navigables par ces engins, dont seulement 2 000 à des normes « modernes ». Le mode de transport par voie d’eau sur le territoire français est clairement trop lent pour le transport passagers non ludique, à part quelques cas très particuliers. S’il a un avenir dans le domaine du fret, il ne se conçoit qu’intégré aux autres modes de transport, avec des « gares portuaires » permettant des chargements-déchargements ultrarapides des matériaux en vrac et des conteneurs. 


L’avenir des transports en commun urbains reste peut-être à écrire …
Les transports en commun urbains actuels ont peu de chances de résister à ce genre de concurrence. En effet, leur vitesse moyenne, certes intéressante dans l’absolu, est totalement ruinée par les ruptures de charge et les attentes. Il faut aller à l’arrêt fixe, attendre le passage du véhicule – « longtemps » en dehors des « heures de pointe » –, en déplaçant les colis ou bagages d’un moyen de transport à l’autre et en faisant suivre les enfants. Le tout avec des épisodes de marche à pied souvent exposés aux intempéries, certes bons pour la santé mais pas pour le temps de transport. Ajoutons-y l’inconfort absolu des voyages debout. Cette station debout est du reste le principal argument de la « forte capacité en voyageurs » souvent vantée des transports en commun bus ou sur voie ferrée. Ces modes de transport sont réservés sauf exceptions – comme le vélo ou les « mobilités douces » – à des gens en bonne santé, sans bagages ni enfants, et dont le temps de transport n’est pas minuté pour les transports en commun. Evidemment, des militants du vélo illustreront toujours tous les cas de figure extrêmes du « vélo cargo » aux bienfaits du pédalage pour la colonne vertébrale …
Par rapport à un service de transport par véhicules individuels autonomes et partagés travaillant à la demande, seuls des bus capables de modifier leurs trajets pour récupérer et déposer les passagers en « porte à porte » resteront potentiellement compétitifs, à condition de pouvoir afficher un prix adéquat. Comme évoqué ci-dessus, des bus de ce type sont en cours d’expérimentation en Chine. 


Nous voulons des gouvernants visionnaires pour susciter ces projets grandioses d’un avenir prospère !
On n’entend pas vraiment les politiques aborder ces sujets – par exemple quand ils parlent du « grand Paris » – et pourtant notre avenir ressemblera certainement à quelque chose de très différent, mais encore beaucoup plus surprenant que les réponses aux questions évoquées ci-dessus ! Alors, on se met tout de suite à travailler, et c’est certainement plus passionnant que la courbe du chômage ou celle de la croissance. En prime, cela contribuera certainement à les « inverser », comme disent certains politiques. On se rappelle que la France, pays de l’automobile, représentait aussi 50% de la production automobile mondiale de 1907, avant la montée en cadence irrésistible de la Ford « Model T » …
D’abord, tout cela passe par une augmentation radicale des crédits de la Recherche et développement et une augmentation tout aussi radicale de leur performance. Pour recoller au peloton des pays les plus efficaces sur ce plan, il faut passer à 4-4,5% du PIB en investissements de R&D, soit environ 50 milliards annuels de plus, contre moins de 2,25% aujourd’hui, stagnants ou en baisse depuis des décennies. Pour le moment, la Chine, dont quasiment tous les gouvernants sont ingénieurs, et qui diplôme 800 000 nouveaux ingénieurs par an, construit ce qui sera demain le plus important outil de recherche et développement mondial pour ses bientôt 1 500 millions d’habitants.
Nous avons besoin pour cela d’un gouvernement visionnaire et pas seulement de comptables obsédés par un PIB en carton-pâte dopé par la dépense d’ Etat nourrie par la dette, et ayant la « redistribution » comme seul horizon, quitte à étouffer tout le reste !

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