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Haute-Marne, le Pays d'Amance : la balade d'avant la conquête éolienne I
Haute-Marne, le Pays d'Amance : la balade d'avant la conquête éolienne II
Tous les villages que nous verrons aujourd'hui appartiennent à l'actuel canton de Laferté-sur-Amance dont le territoire était, jusqu'au traité de Nimègue en 1678, divisé en deux par la frontière entre la France et l'Empire. La région a en conséquence beaucoup souffert des guerres, en particulier de celle de Trente Ans.
À la veille de la Révolution, ces villages relevaient, au plan civil, de la généralité de Champagne, du bailliage et de l'élection de Langres, ainsi que de la prévôté de Coiffy, et, au plan religieux, du diocèse de Langres et du doyenné de Pierrefaites ; seul Voisey dépendait, d'une part de la généralité de Franche-Comté, du bailliage de Vesoul et de la prévôté de Jussey, d'autre part du diocèse de Besançon et du doyenné de Favernay. Il avait la particularité d'appartenir à la Champagne, tout en relevant du diocèse de Besançon.
Vaux-la-Douce
La première mention de ce lieu, Grangia de Vallibus, remonte à 1140 : il s'agissait alors d'un établissement de chanoines réguliers, qui suivaient la règle de Saint Augustin.
D'après Jacques Laurent et Ferdinand Claudon 5, cet établissement est donné à Clairefontaine 6 entre II38 et II54 par l'évêque de Langres, et Clairefontaine y érige une abbaye cistercienne entre II65 et II72.
Elle prend alors son essor et reçoit des dons des seigneurs, comme les comtes de Champagne ou les seigneurs de Laferté, dont certains se font inhumer dans l'église abbatiale.
Malgré la protection du comte de Champagne, l'établissement est menacé; en effet, les droits accordés par les fondateurs de l' abbaye sont contestés par leurs descendants, maison de Vignory, puis de Choiseul.
La commende survient au XVIe siècle. Alors qu'entre I6I9 et I62I, de nombreuses coupes d'arbres sont réalisées pour " rétablir l'abbaye ", elle est détruite lors de la guerre de Trente ans. L'abbé Pierre II Langlée de Champignelles s'attache à reconstruire les bâtiments entre I709 et I739. D'autres travaux sont encore effectués entre I776 et I770.
Suite à la Révolution, l'abbaye, jugée en mauvais état, est peu à peu pillée, puis démolie.
Vaux-La-Douce, hier.
L'église Saint Barthélémy de Vaux-La-Douce
Construite au XVIIIe siècle par Pierre de Champignelles, elle est d'abord une chapelle destinée aux laïcs, employés au monastère cistercien ou dans les exploitations agricoles voisines.
Au XIXe siècle, elle est convertie en logements, aménagés dans le chœur et la nef, et en école communale, celle-ci prenant place dans le clocher. Du Concordat à I867, l'église paroissiale est celle de Guyonvelle. Les habitants de Vaux-La-Douce participent d'ailleurs à la reconstruction de sa nef en I850. En I867, la chapelle est réaménagée et rendue au culte.
L'église est de plan basilical. Elle est précédée d'un porche surmonté d'un clocher qui a été reconstruit en I876 par l'architecte Girard. Couverte d'une charpente dissimulées par un lambris de bois, elle est éclairée de part et d'autre par trois fenêtres en plein-cintre.
Au-dessus du portail de style classique, une niche abrite une statue en pierre de Saint-Barthélemy, remontant au XVIIIe siècle.
L'église Saint Barthélémy © Google streetview
Soyers
La plus ancienne mention de Soyers est sous la forme de Soeres et remonte à II65, dans une charte concernant Vaux-La-Douce. Ce nom viendrait du roman suteria, élevage de porcs. La seigneurie appartenait au prieuré de Laferté.
Au XIXe siècle, on y exploitait un vin blanc mousseux, dont il reste encore quelques plans : l' arbonne
Sur le territoire, se trouve une mare dite de la Sorcière : la légende veut que son nom date du procès qui aurait eu lieu au XVIIe siècle, d'une femme considérée comme une sorcière. Elle aurait été brûlée vivre entre les villages de Guyonvelle et de Soyers.
Le prieuré
Le prieuré de " Soyers-Laferté " remonte au XIIe siècle et était rattaché à l'abbaye de Luxeuil : le diplôme de Philippe de Souabe pour Luxeuil, I20I, le mentionne parmi les terres priorales de l'abbaye vosgienne. Comme la seigneurie de Soyers était attachée au bénéfice, le prieur est parfois appelé prieur de Soyers.
Il fut construit à Laferté, près de l'église, celle-ci étant à la fois priorale et annexe de la paroissiale 7. À Laferté, il bénéficiait de la protection du château. Il ne comptait que quelques religieux, qui exploitaient les propriétés de Soyers. Il devint rapidement une simple source de revenus.
Laferté-sur-Amance, le château. @ Google streetview
Le manoir du prieuré
L'écusson au-dessus de la porte nous indique qu'il est l’œuvre de Georges Milleton, chanoine à la cathédrale d' Autun, prieur de Laferté entre I680 et I700. Ses armes sont : " d'azur, au chevron d'or, accompagné en chef de deux merlettes d'argent et en pointe d'une cloche de même ". Autour de la cour qui précède le manoir se trouvait les communs.
À la Révolution, le fermier, Jean-Pierre Cosson, en devient propriétaire. L'ensemble est alors décrit comme suit : " une maison composant trois corps de bâtiment qui contiennent huit chaâts, une vinée, une remise et un hangar, dans lequel est construit un pressoir ci-devant banal..." Alors que le cadastre de I840 représente encore les trois corps de bâtiment, un seul subsiste désormais. La fille de Jean-Pierre Cosson épousera Jules Claude Ziegler, originaire de Soyers.
L'église
Elle est dédié à saint Valbert, abbé de Luxeuil au VIIe siècle et auteur de miracles.
L'église, de proportions assez modestes, est de plan basilical. Le nef est précédée d'un porche surmonté d'un clocher. Le portail, surmonté de la date I764, est soigné : chambranle, pilastres, fronton, niche.
Le chœur, en pierre de taille, remonte au Moyen Âge. D' après l'abbé Foissey, Histoire de Soyers I900, les voûtes d'arêtes, en mauvais état, ont été détruites et remplacées au XIXe siècle par le plafond que l'on voit.
Le chœur a une forme rectangulaire. Il est éclairé par deux grandes baies en plein-cintre séparées par un pilastre. Une armoire eucharistique ornée d'un arc en accolade est le seul élément qui atteste le style gothique. De chaque côté du maître autel, des statues remontant au XVIIIe siècle, posées sur des consoles, représentent saint Éloi et saint Valbert.
La nef, élevée en moellons, semble ancienne, mais reste difficilement datable. Un plafond dissimule la charpente. Les murs gouttereaux sont percés de trois petites fenêtres en plein-cintre, à l'exception d'une qui est brisée. Dans le mur sud, à l'extérieur, se dessine une autre baie de forme brisée, plus grandes que les autres, et qui est désormais murée.
Le cimetière renferme la tombe de Jules Claude Ziegler.* Né à Langres en I804, il meurt à Paris en I856, et se fait inhumer dans le village natal de sa mère, où il a passé son enfance, et auquel il est resté très attaché.
Alors que son père le destine au barreau, Jules décide de devenir peintre. Élève d'Ingres, il s’incruste dans les milieux parisiens, en s'imposant quelque peu, ce qui lui vaut d'être considéré comme un arriviste.
Peintre d'histoire et de portraits, il est choisi en I838 par Thiers, pour décorer la coupole de l'église de la Madeleine à Paris, oeuvre qui lui permettra de passer à la postérité.
Église de la Madeleine, Paris @geneanet
Chevalier de la Légion d'honneur, il fréquente Victor Hugo, Théophile Gautier, Gérard de Nerval. Il s'oriente vers la céramique et réalise des poteries. Puis il se remet à la peinture, malgré une réputation amoindrie. En I854, il est nommé directeur de l'école des Beaux-Arts de Dijon.
Son grand-père maternel, Jean-Pierre Cosson, fermier au prieuré, avait acheté la propriété lors de la vente des biens nationaux. Elle est restée dans la famille jusqu'en I893. Elle est ensuite passée à la famille Duprey. Les Ziegler possédaient de nombreux biens à Soyers, notamment la ferme du Romont.
Soyers : la tombe de Jules Claude Ziegler. @geneanet
* " Au début des années I840, il séjourne régulièrement dans la propriété familiale de Haute-Marne, où il s'adonne à la céramique et, parmi les premiers, à la photographie. Il dirige ensuite une manufacture de vases en grès à Voisinlieu, près de Beauvais dans l'Oise. Il revient à la peinture au Salon de I844 et trois ans plus tard peint la célèbre Judith : musée de Lyon. Devenu conservateur du musée de Dijon et directeur de l'école des Beaux-Arts de la ville, Ziegler décède brutalement le 22 décembre I856 à Paris. Il est inhumé dans le petit village de ses ancêtres maternels, à Soyers en Haute-Marne."
Source : geneanet
À suivre...
5. Laurent Jacques, Claudon Ferdinand. Abbayes et prieurés de l'ancienne France, t. I2, Ligugé, Paris, I94I.
6. Abbaye fondée en II33.
7. L'annexe était desservie par les moines du prieuré.
Sandrine Fuselier, Excursion annuelle de la S.H.A.L dans le Pays d'Amance, I5 juin 2003, Société historique et archéologique de Langres, Bulletin trimestriel n°355, imprimerie I.D.G., Langres-Saints-Geosmes, 2004, pp. 374-378.
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