France, électricité : la filière éolienne est-elle efficace contre les émissions de gaz à effet de serre comme le prétend l'ADEME? II

Tanguy
septembre 2019

Comme je ne voulais pas rester sur une critique simple de l’étude de l’ ADEME, j’ai fait quelques recherches afin d’en savoir plus…

Que cela soit pour l’éolien ou le photovoltaïque (PV), il y a eu des études prospectives dans les années 2008-2009 (cf sources) mais je n’ai rien trouvé a posteriori. L’étude “Bilan/Prospective” de l’ ADEME 2015 sur le PV ne contient même pas le terme “CO2”…


En effet, il est très compliqué d’évaluer les émissions évitées par une production car cela suppose d’évaluer les autres moyens qui auraient produit l’électricité à sa place. Le réseau électrique est un système complexe donc difficile à simuler. Mais…

Rappel :
1. la production éolienne, intermittente et variable, est décorrélée de la consommation ;
2. la production fossile, semi-base/pointe, avec émissions, est corrélée à la consommation (cf graphique)

Il est tout à fait possible de comparer les émissions pour une même consommation en fonction du vent.


Une image vaut mille mots”. 

Voici, les émissions moyennes de GES en fonction de la production éolienne et de la consommation par saison/année. On peut voir que pour une consommation donnée les émissions diminuent légèrement avec la production éolienne. On va pouvoir estimer les émissions évitées.

 



J’ai donc réalisé une régression multilinéaire par saison avec l’ensemble des données RTE, 2012-2018. Abracadabra !
Les droites sont les iso-émissions, émissions égales le long d’une droite, calculées à partir des modèles obtenus.

 




Voici le coefficient -βw obtenu qui estime les émissions évitées en moyenne (cf images) par la production éolienne : 15 à 450g CO2eq/kWh. Les années 2014/15 ayant été plus chaudes et avec une bonne disponibilité du nucléaire, ce qui a limité l’usage du fossil et donc a réduit l’impact de l’éolien.








La tendance globale s’explique par :
- la hausse de la production éolienne qui réduit les évictions par unité d' énergie
- la fermeture de centrales au charbon au profit de centrales au gaz moins émettrice.
C’est tout le paradoxe : on émet et les éoliennes sont utiles.

Maintenant que nous avons des coefficients pour chaque saison, calculons les émissions évitées pour chaque année.

Résultat?

27 Mt CO2eq évité pour 141,7 TWh soit environ 200gCO2eq/kWh. Soit 2 à 3 fois moins qu'indiqué par  l’ ADEME !



Mais pourquoi si peu ?

La production fossile produit en pointe et en hiver. La production éolienne, elle, est totalement décorrélée de la consommation. Il est donc assez logique qu’une partie ne permette pas éviter du fossile mais plutôt de booster les exportations et de diminuer les autres moyens de production. Vérifions...

En premier lieu, j’ai séparé les données en 8 catégories :
- 2 saisons et 4 quartiles (25%) de consommation .
- pour chaque catégorie, j’ai classé les pas demi-horaires en fonction de la production éolienne,
- j’ai calculé les variations moyenne de chaque type de production par rapport au cas “peu de vent”.



On remarque que quand le vent souffle

  • une hausse des exportations en été comme en hiver ; 
  • une baisse de la production nucléaire en été lorsque la consommation est basse ; 
  • une baisse de la production fossile quand c’est possible ; 
  • une hausse de la production nucléaire en summer-peak, pic en été, et winter-offpeak, hiver hors pointe : passage en suivi de charge ?
De la même manière, on peut alors comparer les émissions de GES et calculer les variations par kWh éolien produit. Sur l’ensemble des années 2012-2018, on obtient alors une moyenne de 210 g CO2eq/kWh évité. Cohérent avec la méthode précédente.



Bon bah tu vois, tu disais que les EnRi servait à rien ! C’est pas le tout de faire des graphiques à tire-larigot !” 


Je vais te répondre point par point.
 
Le cas du PV. Ce dernier produit majoritairement en été lorsque la production fossile est au plus bas, son impact est donc très limité. En réitérant, la méthode ci-dessus, j’obtiens des émissions évitées de l’ordre 0.5 Mt par an, ≃ 70g CO2eq/kWh.

 

On a donc pour le PV et l'éolien, des émissions évitées en moyenne de ~4,5 Mt CO2eq/an. Je rappelle que ce sont des émissions évitées et pas des réductions. Ce sont des estimations hautes de l’impact des EnRi. Or la France émet ~450 Mt CO2eq de GES / an, le gain est donc de l’ordre de 1%.

 
De plus, d’après la Cour des comptes, la France avait engagé fin 2017 près de 121 Mds € dans la subventions aux EnRi. Elle rappelait que les EnR thermiques avait un coût par tonnes de GES évité bien plus faible. Quel impact aurait pu avoir ces milliards s’ils avaient été utilisé dans le secteur résidentiel ou du transport ou pour, blasphémons😂, financer de nouveaux réacteurs nucléaires ?
Des réponses dans le scénario Negatep de sauvons le climat.

Conclusion

L’impact des EnRi dans la lutte contre le changement climatique est extrêmement limité, voir contre-productif si on prend en compte que :
- l’un de leur objectif est de réduire la part de nucléaire ;
- le coût d’opportunité de l’argent public utilisé.


Épilogue
Arnaud Leroy,* député LREM et PDG de l' ADEME,  a répondu aux nombreuses critiques émises sur l'étude de ses services :
"Ce que l’on sait, c’est que nous avons travaillé sérieusement, selon les standards scientifiques avec un comité de pilotage élargi, ne vous en déplaise. Des faits plutôt que des opinions."

Et plus directement à Tanguy
:
" Cher monsieur, l’ ADEME ne « prend pas de libertés ». Ses publications suivent des règles rigoureuses qui suivent les critères scientifiques."

* "
Militant des Verts jusqu'en 2005, il rejoint le Parti socialiste et est élu député lors des élections législatives de 2012 dans la cinquième circonscription des Français établis hors de France, Espagne, Portugal, Monaco, Andorre. Soutien d'Emmanuel Macron, il est son porte-parole pendant sa campagne présidentielle."

Celui-ci a répondu
:
"Comme ici, vous vous défendez que l'étude suit les critères scientifiques et vous m'invitez à rencontrer les équipes de l’ ADEME. Ce que j'accepte, tout en demandant des éléments complémentaires afin de vérifier mes propres données. [...] Vous m'invitez à vous contactez par mail et vous ajoutez qu'une réunion contradictoire a déjà eu lieu. Je m'exécute, en vous demandant le compte-rendu de la réunion. Vous me répondez que vous étudiez le caractère "publiable" des documents demandées. Drôle de transparence pour une institution publique, vous ne trouvez pas ? [...] Sans réponse de votre part, je vous relance une dernière fois en date du 18 septembre [2019]. Aucune réponse de depuis, il n'est d'ailleurs pas trop tard pour y répondre... L' ADEME aurait-elle des choses à cacher ?
M. Leroy, au dernières nouvelles, les auteurs d'une publication scientifique répondent au critique que suscite leur étude et n'hésitent pas à transmettre des informations complémentaires à leurs interlocuteurs. Me trompe-je ? Donc de part cette expérience, j'en tire la conclusion que les publications de l' ADEME ne remplissent pas les critères des publications scientifiques
."






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