Climat, écologie politique : réduire les émissions de CO2 ou son meilleur allié, le nucléaire?

"Tout ce qui est contraire à la Nature est en effet contraire à la Raison ; et ce qui est contraire à la Raison est absurde et doit en conséquence être rejeté."
Baruch Spinoza, 1632-1677


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CO2 ou nucléaire ? C’est maintenant qu’il faut choisir (Tribune)
Alain Desgranges
 24.02.2020

Tribune du “Collectif d’ingénieurs soucieux du climat

 

Le projet de révision de la PPE 2019 – 2028 est la dernière opportunité qui se présente pour faire le bon choix pour le climat et pour la France. C’est dans cette intention que notre « Collectif d’ingénieurs soucieux du climat » a contribué dès le 20 janvier 2020 à la consultation du public sur ce projet.
Arrivés au terme de cette consultation, nous constatons que la plupart des contributions sont liées à la production de l’électricité qu’il s’agisse de l’intérêt ou non de l’éolien ou de la problématique du nucléaire dans le mix énergétique de notre pays.
Rien d’étonnant à cela, les concepteurs de la LTECV (Loi Transition Énergétique pour une Croissance Verte) ayant fait de cette loi un texte consacré à la transition « électrique » en substitution de la transition « énergétique », confondant moyens et objectifs et destiné pour l’essentiel à la réduction à 50 % de la part de la production nucléaire de notre pays.
Or, le président de la République a lancé un appel à idées aux membres de la Convention citoyenne pour le Climat dans un esprit de justice sociale et de solidarité européenne en faisant de la limitation des émissions de CO2, coupables du réchauffement climatique, un objectif prioritaire.


Démocratie participative ?
Nous répondons à cet appel sans a priori et sans rien nous interdire.
Car l’application des dispositions de la LTECV comme celles de la SNBC (Stratégie Nationale Bas Carbone) soumise aussi à la consultation du public, ne permettra pas l’atteinte de cet objectif prioritaire.
C’est la raison pour laquelle, notre expérience professionnelle nous aura conduit à proposer sept pistes d’actions qui ont l’objectif de contribuer à la réduction des émissions de gaz à effet de serre et d’assurer l’avenir de la production électronucléaire, atout pour le climat et pour la France (1).
Nous recommandons également que les positions de scientifiques et de techniciens comme ceux de l’Académie des Sciences et de l’Académie des Technologies soient entendues au moins au même niveau que ceux des représentants d’organisations animés par une idéologie qui leur est propre (2).
Enfin, nous souhaitons attirer l’attention sur une démarche de la représentation nationale qui, hasard des calendriers oblige, rejoint notre suggestion de moratoire sur le gaspillage insensé de fonds publics au bénéfice d’investisseurs qui profitent de cet effet d’aubaine pour l’implantation d’éoliennes sur notre territoire.
Une démarche déjà faite par l’Espagne et qui vient de faire l’objet dans notre pays d’une proposition de loi à l’initiative d’un groupe de parlementaires (3).
Un moratoire qui s’inscrit dans la suite de la récente prise de position du Président de la République considérant qu’il devra être tenu compte de l’opposition grandissante de la population devant ces projets.
Vient maintenant l’heure des synthèses de ces deux consultations du public.
Mais y aura-t-il seulement une synthèse alors que la présentation des commentaires des participants sur le site du Ministère de la Transition Ecologique et Solidaire est réduite à une simple compilation ?… Elles sont pourtant indispensables à la conclusion de ces consultations du public sous peine de disqualifier définitivement ce type de démocratie participative.


Nos sept pistes d’actions


1. Réviser les deux lois LTECV et « Energie & Climat » afin de revoir la limitation à 50 % de la part du nucléaire dans le mix énergétique de la France, en totale contradiction avec l’objectif prioritaire de réduction des émissions de GES. Cette répartition entre nucléaire et renouvelables devrait être estimée en tenant compte de leur réelle contribution à la lutte contre le réchauffement climatique, de la compétitivité des différents moyens de production, ainsi que de leur capacité à assurer la sécurité du réseau et à garantir une indépendance énergétique optimale,

2. Exploiter les réacteurs actuels aussi longtemps que l’ ASN les y autorisera et qu’ils seront nécessaires à l’Exploitant pour gérer au mieux le renouvellement progressif du parc,

3. Engager un programme de renouvellement du parc nucléaire par 6 EPR, dans les meilleurs délais et sans attendre le démarrage de Flamanville 3, afin d’assurer la continuité de la maîtrise de l’activité de construction nucléaire et de répondre aux besoins du réseau,

4. Décréter un moratoire sur les aides accordées aux investisseurs pour favoriser des implantations d’éoliennes, cette filière de production étant inefficace pour le climat et préjudiciable à la sécurité de l’approvisionnement d’électricité,

5. Relancer le programme ASTRID qui anticipe le développement de la filière RNR. Cette filière, multiplie par plus de 100 les réserves de « combustible » nucléaire et divise par 10 les déchets radioactifs à vie longue. Retarder ce programme condamnerait la France à dépendre des pays plus avancés, Russie, USA et Chine, pour revenir un jour à cette technologie exemplaire en termes de recyclage des combustibles usés et d’élimination des déchets radioactifs,

6. Lancer rapidement le projet CIGEO de stockage géologique profond qui répond à la préoccupation légitime du public et adopter la règlementation européenne sur les déchets de déconstruction très faiblement radioactifs,


7. Proposer à nos partenaires européens une politique communautaire de l’énergie qui tienne compte de la spécificité du produit “électricité, difficilement stockable et relevant d’une mission de service public, dans un cadre de cohérence qui conjugue : réduction des émissions de GES, nouvelle organisation du marché de l’électricité et avantages d’un mix électrique diversifié.


  • Avis de l’Académie des Sciences du 6 janvier 2015 sur la transition énergétique et avis de l’Académie des Technologies du 10 juin 2015 sur la loi relative à la transition énergétique. 
  • Proposition de loi du 14.01.2020 pour un développement responsable et durable de l’énergie éolienne
On notera dans l’exposé des motifs de ce texte que « les sommes d’ores et déjà engagées pour la période 2019-2043 étaient, selon les hypothèses de prix du marché, entre 21 et 25 milliards pour l’éolien terrestre et entre 20 et 23 milliards pour l’éolien en mer. Cela représente, si l’on prend l’estimation la plus basse, une moyenne d’1,7 milliard par an pour la filière éolienne. Et ce, sans même compter les dépenses nouvelles liées aux nouveaux projets nécessaires pour remplir les objectifs de la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE). Celle-ci prévoit de porter la part de l’énergie éolienne à environ 15 % de notre production électrique en 2028. Dans son rapport spécial de juin 2019 sur la mission Écologie, développement et mobilités durables du budget 2018, M. Julien Aubert estimait l’impact budgétaire final du soutien public aux éoliennes, une fois rempli cet objectif, entre 72,7 et 90 milliards d’euros. Une somme colossale, équivalente à ce que la France a dépensé initialement pour se doter de son parc nucléaire, à ceci près que les éoliennes produiront cinq fois moins d’électricité et auront une durée de fonctionnement trois fois inférieure ».

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Collectif d’ingénieurs soucieux du climat
Le collectif, qui rassemble plus de 500 cadres ou ingénieurs, anciens professionnels de l’énergie, souhaite partager sa conviction qu’en l’absence durable de moyens de stockage de masse de l’électricité, le nucléaire sera indispensable pour répondre aux objectifs de neutralité carbone en 2050 dans notre pays. Mais aussi pour obtenir de l’électricité abondante, permanente et peu onéreuse dans les décennies à venir, en France comme dans le reste du monde. Le nucléaire répond ainsi à l’appel du Président de la République en recherche d’une politique de l’énergie capable de contribuer à la réduction des émissions de gaz à effet de serre et de lutter contre le réchauffement climatique dans un esprit de justice sociale.

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