Samuel Johnson, 1709-1784
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Sortie de crise Covid-19 : et le nucléaire ?
Sylvestre Huet10/04/2020
Trois de mes collègues du Monde viennent de publier un article tout à fait bienvenu sur la sortie de crise du Covid-19. Il porte sur un sujet majeur : quels choix à opérer pour la relance économique ? Ils y soulignent qu’après le crise de 2008, la plupart des plans de relance ont contribué à la relance… des émissions de gaz à effet de serre, légèrement déprimées durant la crise financière puis économique. Et posent donc la question qui tue : le climat sera t-il au cœur des plans de relance de l’économie ?
La question est d’autant plus délicate que l’une des conséquences de la crise est la chute vertigineuse du prix du pétrole brut. Le prix du gaz devrait suivre, comme celui charbon, et de la tonne de CO2 émise par les centrales électriques, car les consommations d’électricité sont en baisse avec l’arrêt des usines).
Un document RTE qui montre la chute de la consommation d’électricité due à la crise de la Covid-19.
Autrement dit, l’incitation économique et financière à diminuer les consommations d’énergies fossiles a disparu, et il faudrait pour contrecarrer ce phénomène compenser entièrement cette chute par des taxes de mêmes montants. Or, pour l’instant, aucun gouvernement n’a annoncé une telle intention. A l’inverse, certains semblent déjà disposés à mobiliser des centaines de milliards d’euros ou de dollars pour soutenir le transport aérien dont les émissions de gaz à effet de serre ne cessent de croître.
De manière tout à fait non anecdotique, l’appel de la députée LREM Aurore Bergé à soutenir le marché publicitaire comme outil de sortie de crise signe l’incapacité des dirigeants politiques actuels à penser hors de leur cadre habituel. La publicité commerciale est l’un des moteurs de la frustration de consommation qui ruine toute tentative de construire une société sobre en énergies, objets et matières premières. La réduire afin de libérer les esprits de la pression qu’elle exerce sur les comportements de consommation fait partie des actions nécessaires à toute transition énergétique et climatique, cela fait partie des propositions prioritaires de la Convention citoyenne pour le climat. La sortie de crise pourrait donc se faire avec des outils économiques susceptibles de provoquer non seulement un retour aux niveaux de consommations d’énergies fossiles pré-crise, mais même enclencher une nouvelle augmentation, exactement comme après 2009.
Sortie de crise climato-compatible
L’alternative est ainsi résumée dans l’article par l’économiste Helen Mountford, vice-présidente du World Resources Institute : « Les gouvernements et les entreprises qui échafaudent les mesures de relance ont deux choix : soit ils nous piègent pour encore plusieurs décennies dans un modèle de développement polluant, inefficace, carboné et non soutenable ; soit ils en profitent pour accélérer le basculement vers une énergie et des transports bas carbone, qui apporteront des bénéfices économiques à long terme ».
Mes collègues proposent donc plusieurs pistes de réflexion aux lecteurs et donnent la parole à plusieurs interlocuteurs, Attac, Fatih Birol, le directeur exécutif de l’Agence internationale de l’énergie, le World Ressources Institute, la banque mondiale…. La plupart des idées avancées – soutenir les énergies décarbonées, l’isolation des bâtiments, ne pas créer de nouvelles zones commerciales en limites de zones urbaines, soutenir l’électrification des transports… – correspondent à l’objectif d’une sortie de crise climato-compatible.
Une arlésienne manque pourtant au tableau : l’électro-nucléaire. Cette absence est étrange. Nous sommes en France, où cette source d’électricité est à la base d’un système électrique décarboné à plus de 90% sur la durée, avec des pointes à 99% et des creux à 80%. Conserver cet avantage est donc décisif.
Nous sommes en Europe où le nucléaire représente une importante source d’électricité décarbonée. Une région où les divergences entre pays sur le sujet sont un sujet permanent de conflits dans les enceintes de décisions de l’Union Européenne. Une région où l’Allemagne va bientôt se priver de ses derniers 8 GW de nucléaire mais où la Grande-Bretagne s’est engagée dans le renouvellement de son parc nucléaire avec les projets de Hinckley Point et de Sizewell pour lesquels EDF et les industriels chinois coopèrent. Une région où des réacteurs de troisième génération sont en construction, Grande-Bretagne, Okiluoto en Finlande, Flammanville-3, où la République Tchèque et la Hongrie viennent de s’engager dans de nouveaux projets nucléaires tandis que la Pologne s’y prépare … malgré l’action opposée de l’Autriche.
On peut avoir l’opinion que l’on veut sur le sujet. Être pour ou contre l’utilisation de cette source d’énergie pour générer l’électricité dont on a besoin. Mais il faut bien décider et mesurer les conséquences des décisions : y recourir permet à l’Europe de disposer d’une source d’énergie décarbonée abondante et fiable sur la durée, s’en priver suppose un énorme effort pour la remplacer par des sources tout aussi décarbonées… ou accepter des émissions accrues de gaz à effet de serre par des systèmes électriques consommant du gaz et du charbon. Quant à ceux qui décident d’y recourir, il leur faut aussi répondre aux questions suivantes : combien de réacteurs, lesquels, avec quels combustibles, quelles gestions des déchets nucléaires, quelles politiques et quels moyens pour la sûreté nucléaire et la radioprotection des travailleurs comme des populations ?
La question nucléaire ne peut donc être éludée dans tout programme de sortie de crise du Covid-19 à l’échelle européenne comme à l’échelle française.
- La Convention citoyenne pour le climat vient de publier sa contribution à ce débat, quel plan à la sortie de crise de la Covid-19 ? En soulignant qu’il ne doit pas s’éloigner des objectifs climatiques, écologiques et de durabilité.
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