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Les malveillants répandent que Charette [François Athanase (de) Charette de La Contrie, 1763-1796 ; "... la mort de Charette, à trente-trois ans, frappe les esprits. Parce qu’elle intervient au terme d’une vie d’aventures exceptionnelle ; parce que ses méthodes de combat, associées à ses talents de stratège, avaient fait de lui, parmi les généraux vendéens et chouans, le plus redouté de ses adversaires bleus ; parce qu’il ne fut capturé et exécuté qu’au terme d’une longue traque ; enfin parce qu’il symbolise la fidélité totale à une cause et l’esprit de résistance. Pour toutes ces raisons, la défaite militaire et la disparition tragique du héros chouan n’a pas seulement marqué la fin des guerres de Vendée, mais aussi la naissance d’un mythe." ; source] est encore à la tête de vingt mille rebelles et que la guerre de la Vendée va devenir plus dangereuse que jamais48. " Ce qui vient, disent-ils, à l'appui de cette nouvelle, c'est le désarmement de tous les habitants de ces contrées, demandé par Couthon49. Pourquoi, ajoutent-ils, les représentants du peuple, ou Westermann [François-Joseph, 1751-1794 ; Il prit part, à la tête des Fédérés bretons, à la journée du 10 août 1792, puis se signala en remportant deux écrasantes victoires sur l'armée vendéenne au Mans et à Savenay. Ami des dantonistes, il fut destitué, condamné à mort et exécuté ; Larousse] ont-ils ordonné que les 30 000 fusils qui, dans le cours de cette malheureuse guerre, avaient été pris par les brigands, seraient répartis dans les communes de la Vendée? Pourquoi les a-t-on confiés à des hommes aussi dangereux que les brigands eux-mêmes? Fallait-il mettre le poignard, dont ils vont se servir pour nous percer le sein, dans des mains aussi perfides? Et quel moyen plus sûr pouvait-on prendre pour perpétuer la guerre civile? Ne connaissait-on pas assez le fanatisme qui égarait les habitants des campagnes de ce malheureux pays? Pourquoi leur donner des armes? Etait-ce pour se défendre contre les brigands? Mais les brigands étaient exterminés à cette époque, et ce n'était pas le moment de les craindre50... ".
François Athanase Charette de La Contrie par Paulin Guérin, 1819
François-Joseph Westermann, physionotrace.
La nouvelle51 s'est répandue, dans tous les cafés du Jardin de la Révolution, qu'une grande partie de l'armée française avait passé le Rhin, et qu'elle était jetait déjà l'épouvante dans toute l'Allemagne. On ajoutait qu'elle s'était emparée de Mannheim [ville du Land du Bade-Wurtemberg, au centre de la région Rhin-Neckar au sud-ouest de l'Allemagne].
Un individu appelé Lorimier52 disait, au café du Caveau, que chaque habitant de Bordeaux était réduit dans ce moment à quatre onces de pain [~115g] pour deux jours.
Résistance à l'oppression. C'est le titre d'une affiche53 placardée à profusion par une société, sous le nom de Défenseurs de la République une et indivisible, et séante aux Jacobins. Ce titre insidieux trompe beaucoup de monde qui croit qu'elle est faite par les Jacobins.
Rapport de Jarousseau, W191
Le ci-devant vicomte de Béranger54, 5 rue d' Astorg55, n° 1032, section de la République, est incarcéré avec sa femme dans les prisons d'Amiens ; il y a plusieurs mois la section de la République a posé les scellés.
Le nommé Pernot56, ci-devant brigadier des armées du ci-devant roi, a envoyé chercher le nommé Cellier57, homme de confiance du nommé Béranger, [et] lui [a] dit : " Je te prie de faire attention lorsque l'on ouvrira la secrétaire de son cabinet, il y a un paquet sous enveloppe à mon adresse qui m' appartient, d'inviter les commissaires à le remettre pour me le rendre. "
J'ai été requis, le 22 du courant comme commissaire nommé par le Corps municipal, pour accompagner le commissaire du Département à la visite des papiers que l'on ramasse dans les malles ou cartons, avec les cachets dessus, pour être portés au Département, vérifiés on ne sait quand. J'ai demandé que ledit paquet soit décacheté en ma présence, qu'il pourrait nous découvrir quelque chose. Ledit paquet contient huit pièces, des lettres de Broglie, de Puységur [Amand Marie Jacques de Chastenet, marquis de, 1751-1825 ; créateur du somnambulisme magnétique et maire de Soissons, 1800-1805 ; sous la Terreur, il passe deux années en prison avec sa femme et ses enfants mais évite le pire et n'est pas spolié de ses biens ; source], et de Capet, réponse de Pernot, le tout de juillet 1789, concernant le complot du commandement des troupes qui devaient assiéger Paris.
"... À partir de 1784, dans son domaine de Buzancy dans le Soissonnais, Puységur commence à pratiquer la mesmerisation, une mise en état de transe réputée apporter la guérison, pour soigner les maux du personnel de son château. Ici, l'orme magnétisé du lavoir de Buzancy..."
Le nommé Pernot demeure, suivant la déclaration du citoyen Cellier, rue Jacob. J'ai fait soustraire ledit paquet, pour être paraphé et remis à qui de droit. Si c'est de la compétence du citoyen Ministre, je lui donnerai les renseignements qu'il jugera nécessaire sur ledit paquet.
Premier rapport de Latour-Lamontagne, W 191
On se plaint de la tyrannie qu'exercent certains comités révolutionnaires. On les accuse d'avoir fait arrêter un grand nombre d'excellents patriotes, d'hommes qui, pendant la Révolution, ont constamment donné les preuves les plus éclatantes de leur dévouement à la chose publique.
L'arrestation du citoyen Casimir58, dont le patriote Legendre [Louis, 1752-1797 ; boucher à Paris, membre du club des Cordeliers, il participa à toutes les grandes journées révolutionnaires en particulier à celle du 20 juin 1792. Député montagnard à la Convention (1792), il rompit avec Robespierre (1793) puis dirigea la réaction thermidorienne ; Larousse] a attesté et garanti hier le patriotisme, a donné lieu encore à de nouveaux murmures. " Jusqu'à quand, disait-on au café Manoury, quai de l' Ecole, jusqu'à quand les bons citoyens seront-ils victimes des intrigants et des calomniateurs? "
" Il est temps, a dit un citoyen, que de pareils excès soient réprimés. Je suis du faubourg Saint-Germain, et je puis vous assurer que les nombreuses arrestations qu'on y fait y jettent la désolation. Les pauvres surtout ont poussé les hauts cris en se voyant enlever un homme qu'ils appelaient leur père : c'est Molé Champlâtreux59, ci-devant membre du Parlement de Paris, et connu, même avant la Révolution, pour ses vertus et son amour pour le peuple. il est noble, il est vrai, mais Pelletier [Jacques, 1749-1839 ; député du Cher à la Convention nationale ; "... « Nous sommes arrivés au moment qui doit décider du sort de la République. La Convention vient de donner une preuve bien éclatante de son courage et de sa justice. Le tyran n’est plus, il a trop vécu pour le malheur du peuple français, il était temps que l’on mit un frein à ses forfaits autrement il serait venu à bout de nous faire tous égorger sans en connaître les causes..." , extrait d'une lettre inédite Pelletier Jacques, postée de Paris le 21 janvier 1793, à un ami ; source], mais Hérault-Séchelles [Marie Jean Hérault de Séchelles, 1759-1794 ; magistrat ; député à l'Assemblée législative (1791) puis à la Convention (1792), qu'il présida en 1793, il ne put empêcher l'arrestation des Girondins (2 juin). Membre du Comité de salut public, il fut arrêté et guillotiné à l'instigation de Saint-Just (1794) ; Larousse] mais tant d'autres, ont été nobles, et n'en sont pas pour cela moins bons républicains. Il est riche, il est vrai, mais il ne le fut jamais pour lui seul ; il ne méconnut jamais les droits sacrés que le pauvre a sur le riche. Aussi l'a-t-on vu recueillir le prix honorable de ses vérités, la haine et le mépris des riches et des nobles, qui ne lui pardonnèrent jamais la chaleur avec laquelle il embrassa, des premiers, le parti de la Révolution, et, qui, sans doute, l'eut eussent puni sévèrement si la victoire fût déclarée pour eux.
.
Statue de Marie-Jean Hérault de Séchelles sur des façades de l'Hôtel de ville de Paris. SourceLes sentiments civiques de Molé étaient si connus du peuple, qu'il l'arracha de la prison en 1792, dans les premiers jours de septembre, et, après avoir reconnu son innocence60, le ramena triomphant dans sa maison. Quel scrutin épuratoire! Quel certificat de civisme! Et voilà l'homme que l'on veut désigner aujourd'hui comme suspect! "
Plusieurs personnes, dans le même café, ayant rendu également justice au patriotisme du citoyen Molé, j'ai cru qu'il était de mon devoir de prendre, à cet égard, tous les renseignements possibles. Voici ceux que j'ai recueillis, et que je m'empresse de transmettre.
Legendre a dit hier au soir, en s'élevant contre l'arrestation de Casimir61 : " les vertus privées sont sœurs des vertus publiques ; Casimir consacrait une partie de son revenu au soulagement des veuves et des orphelins des défenseurs de la Patrie, etc. " Ces paroles peuvent s'appliquer au citoyen Molé, d'après le témoignage de plusieurs personnes de la section de Grenelle [n°39 ; section de la la Fontaine-de-Grenelle ; secteur : un bout du faubourg Saint-Germain, entre Seine et la rue de Grenelle et, les rues de Bourgogne et des Saints-Pères ; les réunions se déroulaient en l’église des Jacobins-Saint-Dominique, aujourd'hui Saint-Thomas-d'Aquin, située sur la place du même nom ; en 1811, elle prit le nom de quartier du Faubourg-Saint-Germain, 10e arrondissement de Paris]
Édouard François Mathieu Molé de Champlâtreux, 1760-1794. Guillotiné le jour de Pâques.
En 1788 (sic), Molé donna des drapeaux tricolores aux communes de Bellefontaine, Champlâtreux, etc., et arma leurs habitants de fusils et de sabres. Il donna, dans la suite, 25 livres à ceux qui partirent pour les armées, et, en dernier lieu, à ceux de la première réquisition. Il distribuait chaque année, dans ces communes, des sommes considérables, pour secourir les pauvres. Il a donné à la République huit chevaux, valant entre 9 et 10.000 livres. En septembre 1792, il a habillé et équipé deux volontaires de sa section, et leur a donné à chacun 100 livres pour les frais de route. Il a donné 4000 livres pour la guerre de la Vendée. Il a envoyé, en 1793, pour faire des canons, environ 500 livres de cuivre provenant des plaques des cheminées de sa maison. Il donne annuellement au comité de bienfaisance une somme de 800 livres ; il a payé pour la fête de la Raison [ "... Le culte de la Raison est un des caprices de ce culte civique que les
révolutionnaires ont tenté d'établir d'une manière désordonnée jusqu'à
la création du culte de l'Être suprême
par Robespierre. Le 10 août 1793, la fête de l'Unité et de
l'Indivisibilité fut la première fête purement laïque. Vers le même
moment s'affirmait une véritable dévotion populaire pour les martyrs de
la liberté, Lepeletier, Chalier et surtout Marat.
L'essor du culte de la Raison est lié à la déchristianisation, opérée d'abord en province par les initiatives de représentants en mission à l'automne 1793. [...] Le 20 brumaire [10 novembre 1793], Chaumette fit célébrer dans l'église Notre-Dame une fête
de la liberté, une des manifestations les plus éclatantes du culte de
la Raison. On avait édifié une montagne en carton dans le chœur,
entourée des bustes de Voltaire, de Rousseau et de Franklin. Après les
discours et les hymnes, la Raison sortit de la montagne sous les traits
d'une danseuse de l'Opéra. Notre-Dame resta consacrée au culte de la
Raison. Le 5 frimaire (25 nov. 1795), toutes les églises de Paris
étaient à leur tour consacrées à la Raison... " ; source] 600 livres, et 200 livres pour contribuer à l'équipement d'un cavalier, s'engageant en outre à en équiper deux complément, aussitôt que sa section l'exigerait. On pense que l'article seul du pain qu'il a fait distribuer aux pauvres depuis sept à huit ans, par l'entremise du citoyen Ballu, boulanger, rue du Bac, se monte à plus de 40 000 livres. Sa porte est ouverte à tous les malheureux, et sa femme, aussi bienfaisante que lui, partage ses soins envers les pauvres. On a oublié de dire qu'il s'empressa de fournir, dans le temps, beaucoup de pelles et de pioches pour les travaux du Champ-de-Mars, et qu'il a placé, en dernier lieu, 100.000 livres dans l'emprunt volontaire.
" C'est un bon patriote, disent la plupart des citoyens de la section Grenelle ; il n'a jamais négligé aucun de ses devoirs civiques. Appelé au grade de caporal, il en a rempli les fonctions avec un zèle et une exactitude dignes d'un vrai républicain. On est généralement persuadé que le Comité de sûreté générale ne tardera point à rendre à la République un zélé citoyen, aux pauvres un bon père. "
Dans un décor d'inspiration antique, où disparaît toute référence à la cathédrale Notre-Dame de Paris, quelques jeunes filles, prêtresses de la philosophie, célèbrent le culte à la déesse "Raison", personnifiée par une jeune femme vêtue d'une tunique drapée et d'un bonnet phrygien.
Deuxième rapport de Latour-Lamontagne, W 191
On continue toujours à répandre les nouvelles les plus alarmantes : on persiste à dire que les troupes de la République ont essuyé un échec considérable, sous les murs de Valenciennes62 ; que la Vendée renait de ses cendres, et que le nombre de révoltés s'accroît chaque jour d'une manière effrayante. Ce n'est pas tout, on publie en ce moment que des germes d'insurrection se développent avec rapidité dans nos contrées méridionales. J'ai vu, dans de certains groupes, la terreur peinte sur les visages, et, si, je ne me laisserai pas de le répéter, si on ne sévit vigoureusement contre tous ces fabricateurs et propagateurs de nouvelles désastreuses, il est à craindre qu'on ne parvienne enfin à jeter le découragement dans les esprits et à ralentir cette énergie, cet enthousiasme si nécessaires à un peuple qui combat pour sa liberté.
On a trouvé mauvais, dans un café où l'on lisait à haute voix le journal de Feuillant63, que le général [François Hanriot], pour désigner une autorité constituée, ait employé le terme de représentation nationale, consacré exclusivement à désigner la Convention. Quelqu'un ayant fait observé que ce pouvait être une faute d'impression : " Je remarque souvent, a répondu un citoyen, de ces fautes d'impression dans les rapports en du général . " Il n' a point voulu s'expliquer davantage, malgré l'invitation qui lui en a été faite.
Hanriot, François, 1761-1794. Paris (France) - Place de l'Hôtel de Ville. Source Bibliothèque nationale de France.
Il paraît, depuis quelques jours, un petit ouvrage intitulé : Les Droits de l' Homme mis en vers64. " Les Droits de l'homme mis en vers? s'est écrié un citoyen, au café Maunoury. On en fera bientôt des vaudevilles. Je regarde une pareille entreprise comme un véritable sacrilège. Si ce crime reste impuni, on parviendra ainsi à altérer, à défigurer nos plus saintes lois, et, sous ce prétexte spécieux de propager notre Constitution en lui prêtant les charmes de la poésie, on trouvera bientôt le moyen de nous en donner une nouvelle. " Tout le monde a partagé les craintes et l'indignation de l'orateur.
Premier rapport de Le breton, W 191
J'ai rencontré aujourd'hui un citoyen arrivant d' Orléans, nommé Léger65, ancien danseur de l'Opéra, qui affirme que le bruit court dans cette ville que le général Charette remonte la Loire avec 60.000 hommes. Il ajoutait que cette armée, que l'on croyait tellement détruite, a retrouvé son noyau dans les villes (sic) de Jersey et de Guernesey, où les débris s'étaient réfugiés pour cantonner.
Le peuple, dans les différentes sections de paris, se réjouit sur l'espérance d'un nouveau maximum66 qui doit paraître, suivant ce que l'on dit, et il se plaint vivement de payer tout fort cher, et est consolé par l'espoir de voir tout diminuer.
On met dans le public beaucoup d'empressement à lire le rapport de Robespierre à la Convention67, sur l'état politique de l'intérieur de la République. [Rapport sur les principes de morale politique qui doivent guider la Convention nationale dans l’administration intérieure de la République, fait au nom du Comité de salut public, le 18 pluviôse, l’an 2e de la République, par Maximilien Robespierre ; imprimé par ordre de la Convention nationale, 18 pluviôse an II - 5 février 1794. [...] "... Après avoir marché longtemps au hasard, et comme emportés par le mouvement des factions contraires, les représentants du Peuple français ont enfin montré un caractère et un gouvernement.[...] Il est temps de marquer nettement le but de la révolution, et le terme où nous voulons arriver ; il est temps de nous rendre compte à nous-mêmes, et des obstacles qui nous en éloignent encore, et des moyens que nous devons adopter pour l’atteindre : idée simple et importante qui semble n’avoir jamais été aperçue. Eh ! comment un gouvernement lâche et corrompu aurait-il osé la réaliser ?... " L'intégralité du discours, c'est ICI ]. J'ai entendu donner beaucoup d'éloges à cet écrit.
L'intention des selliers du faubourg Saint-Germain, selon ce que j'ai entendu dire, est de donner des mémoires sur l'anéantissement de leur état.
Deuxième rapport de le Breton, W 191
Je suis allé du côté du Palais de la Révolution, ci-devant Bourbon. J'ai appris qu'il existait une grande rivalité entres les Charrois [" Au début de la Révolution et jusqu’à la naissance des bataillons du train des équipages et de l’artillerie en 1800, les charrois de l’artillerie étaient assurés par des hommes qui n’étaient pas spécifiquement des militaires. Les charretiers étaient des hommes réquisitionnés ou soldés, parfois dans le sein de compagnies privées, agence des charrois, et qui suivirent donc le destin des armées républicaines et de son artillerie. Leur réputation était exécrable dans l’armée, par leur propension en cas de danger de filer à l’anglaise, couper les traits et s’enfuir à bride abattue avec les chevaux, laissant dans leur panique canons, caissons et chariots sur place, à la merci de l’ennemi..." ; source] et l'Administration des relais militaires.
Les charrois militaires 1789-1800. Source
On se dispute les chevaux destinés pour le convoi des armées, et on prétend que le service de la République en souffre.
On disait ce matin, dans la section de la Fontaine-de-Grenelle, que l'on venait de faire une découverte dans le faubourg Saint-Germain de 300.000 livres qui étaient enfouies, sans avoir pu savoir où.
Dans un café de la section des Piques, j'ai entendu dire que Lenoir68 [" Responsable de la police parisienne pendant les dix premières années du règne de Louis XVI (1774-1785), Lenoir rédigea ses «Mémoires » – demeurées inédites dans leur intégralité – lors de son exil de l’époque révolutionnaire et après son retour en France en 1802. Son texte apparaît comme un aboutissement du travail de la police sur elle-même : il s’inscrit dans une série de «mémoires administratifs », textes imprimés ou manuscrits, qui décrivent, définissent ou commentent l’activité de la police. Mais son projet s’écarte de sa stricte perspective administrative lorsque l’activité du mémorialiste au sens littéraire cette fois, vient subvertir son écriture et laisse entrevoir la subjectivité blessée de l’auteur. Malgré cela, la cristallisation de la pensée de Lenoir sous la Révolution permet de s’interroger sur la sédimentation des principes et des conceptions de la police à la fin de l’Ancien Régime... " ; source], ci-devant lieutenant de Police, était à Paris, et ne demeurait même pas loin de ces parages. On doutait de la vérité de ce bruit, et on alléguait, pour contredire cette conservation, tous les risques que courait un pareil individu en restant sur un territoire qui lui convenait si peu.
On ne parle nulle part des affaires de la guerre.
Habit de Monseigneur le Lieutenant général de police dans ses audiences. Gravure anonyme d'après Pierre-Thomas Leclerc ou Le Clerc, vers 1775. Palais Galliera, musée de la Mode de la Ville de Paris.
Rapport de Letassey, W 191
Etant dans un café, rue de Grenelle, une société de citoyens s'entretenaient de tout ce qui se passe pour les marchandises, et disaient : " Il est temps que les accapareurs cachés soient connus, car ils cherchent la perte de tout. Il faut observer, dit l'un d'eux, que nous avons bien des malveillants richards et financiers qui emploient leurs richesses à cela. On sait cela, dit un autre ; mais si l'on veut surveiller et s'entendre, ils perdront toujours. "
Etant à la Convention, plusieurs citoyens des campagnes se plaignent qu'en venant apporter les vœux et l'argenterie de leur commune à la Convention, la plus grande partie se trouvent volés de leur portefeuille. Ils se réunissent à dire qu'ils pourront se souvenir d'être venus en députation. " Il est bon de faire attention, dit un observateur, que cela ne peut venir que des femmes qui restent en bas des escaliers et qui, lorsqu'elles voient passer un citoyen de campagne, se rallient, par un signal, avec un homme qui a ordinairement une redingote de peluche mêlée, dont le pan droit se trouve déchiré ; il porte sur sa figure ce qu'il est. " Cela mérite d'être examiné, pour que les citoyens qui se rendent avec plaisir à la Convention pour entendre nos législateurs de la Montagne [groupe politique de la Révolution française, à la Convention nationale, composé des révolutionnaires les plus radicaux et opposés aux girondins ; ses membres étaient appelés les " Montagnards ", qui siégeaient, à la Convention, sur les gradins les plus élevés ; parmi eux .ses membres dont les plus connus furent Desmoulins, Collot d' Herbois, Billaud-Varenne, Fabre d'Églantine, Legendre, Le Bas, Saint-Just, Fouché, Couthon, etc. ; source] ne se trouvent pas ainsi dévalisés.
Etant dans un café, rue Saint-Martin, une société de citoyens s'entretenaient ensemble et disaient : " Notre voyage devient inutile ; nos frères qui sont détenus au Luxembourg ne peuvent sortir de sitôt. " Un autre dit : " Il faut dire la vérité ; nos comités de surveillance font des arrestations injustes ; quand ils en veulent à quelqu'un, c'est celui-là qu'ils mettent en arrestation, et les ci-devant nobles, et autres gens restent tranquilles. - Oui, dit un autre, ils donnent à boire et à manger ; c'est là ce qui leur donne la faveur qui les met à l'abri de la loi. " j'ai remarqué qu'il fallait que l'observation s'étende avec activité dans les environs, car le département de Seine-et-Oise et le district de Meaux ne sont pas à la hauteur de la Révolution.
Etant à la Halle-au-Blé, quelques personnes assemblées disaient : " Il faut croire que cette nouvelle compagnie69 qui se forme à l'hôtel de Toulouse, et qui coûte très chère à la Nation, ne fait pas mieux que les autres, car nos denrées ne deviennent que plus rares ; si cela continue, nous allons manquer de tout. " Un autre dit : " Si tout le monde veut être maître, cela ira mal ; il faut que votre confiance soit toute entière à la Convention et au Pouvoir exécutif qu'elle a choisi ; sans cela, point de tranquillité ni de ralliement. "
Premier rapport de Mercier, W 191
Des citoyens s’entretenaient aujourd'hui au sujet de la ville de Lyon. Ils disaient que, si nous n'avions pas un grand soin à fortifier cette ville, que nous courions grand risque de voir encore les citoyens de cet endroit nous chercher chicane.
À suivre...
Pierre Caron, Paris pendant la Terreur, rapports des agents secrets du Ministère de l' Intérieur, tome IV - 21 pluviôse an II - 10 Ventôse an II, 9 février 1794 - 28 février 1794, , La Société de l' Histoire de France, Librairie Marcel Didier, Paris, 1949, pp . 20-30.
48. Cf. ci-après, p. 27, note 1.
49. À la Convention, le 22 pluviôse, au nom du Comité de salut public ; c'est lui qui avait soulevé l'affaire des 30.000 fusils, sur laquelle Barère devait revenir deux jours plus tard, cf. le Moniteur, réimp., t. XIX, p. 438-456, et ci-après, p. 27, note 1.
50. Ces points de suspension sont dans le texte.
51. Elle était fausse.
52. Pas de renseignements.
53. Ce doit celle que décrit Tourneux [Maurice, 1849-1917 ; littérateur et bibliographe], Bibliographie, t.II, n. 9841. - sur les " Défenseurs de la République ", voir t. III, p. 340, n. 1.
Source
54. Béranger, Charles de, âgé de 57 ans en l'an II, maréchal de camp en 1870, était effectivement détenu à Amiens, comme suspect, depuis octobre 1793. Le 8 pluviôse [27 janvier 1794], une perquisition avait eu lieu à son domicile, où son homme de confiance Cellier, ci-après nommé, prétendait que l'argenterie était cachée. Béranger recouvra sa liberté un an plus tard, en pluviôse an III [janvier 1795]. Arch. nat., F7 4594, plaq. 7, pièces 4-19.
55. Le texte porte : Actore.
56. Pernot, Nicolas-Rémi de, âgé de 80 ans en l'an II, maréchal de camp en 1870, avait été employé en juillet 1789 dans le rassemblement de troupes formé sous Paris et que commandait le maréchal de Broglie. Arrêté en ventôse an II [mars 1794] par ordre du Comité de sûreté générale, Pernot fut impliqué dans la " conspiration du Luxembourg " [ou "... Les Conspirations des prisons. [...] sont un procédé mis en place sous la Terreur [...] ne désigne ni une rébellion, ni une mutinerie, mais un plan concerté d’élimination physique des prisonniers. [...] inauguré après le procès des dantonistes dans son principe] et condamné à mort par le Tribunal révolutionnaire, le 22 messidor suivant [10 juillet 1794]. Arch. nat., F7 477467, dossier contenant le paquet de lettres dont parle Jarousseau ; W 411, doss. 495.
57. Cellier, Louis-Antoine, Cf. ci-dessus, p. 21, note 5.
58. Pas de renseignements - Pas de renseignements non plus sur une intervention de Legendre le 21 pluviôse, aux Jacobins sans doute?
59. Edouard-François-Mathieu Molé de Champlâtreux, qui devait être condamné à mort, dans la fournée des parlementaires, le 1er floréal [20 avril 1794], Wallon, Hist. du Trib. révol., t. III, p. 286.
60. Exact. Molé avait été innocenté par le tribunal populaire siégeant à l' Abbaye.
61. Cf. ci-dessus, p. 23, note 1.
62. Cf. ci-dessus, p. 8, note 1.
63. Le Journal du Soir, cf. t. II, p. 343, note 2. - L'ordre du jour d' Hanriot [François, 1759-1794 ; ami de Robespierre. Chef d'une section de sans-culottes, nommé commandant provisoire de la garde nationale, mai 1793, il fut chargé par la Commune d'assiéger la Convention, 2 juin, pour que celle-ci livrât les Girondins. Il fut arrêté le 10 thermidor an II et guillotiné ; Larousse] dont il s'agit est reproduit dans le n°506 du Journal ; il est daté du 22 pluviôse.
64. Les Droits de l' Homme et du citoyen, mis en vers français pour la plus grande facilité des jeunes gens qui les apprennent de mémoire... Paris, an II, in-18°, réédité en l'an III.
65. Pas de renseignements - Les renseignements qui lui sont attribués concordent avec les bruits pessimistes qui couraient alors sur l'état de la Vendée et qui déterminèrent une intervention rassurante de Barère à la tribune de la Convention, le 24 pluviôse [12 février 1794], Moniteur, réimp. t. XIX, p. 455.
66. Cf. t. III, p. 315, note 1.
67. Cf, t. III, p. 352, note 2.
68. Jean-Charles-Pierre Lenoir, 1732-1807. Le bruit de sa présence en France était sans fondement : Lenoir était émigré et devait le rester jusqu'en 1802.
69. Lire : la Commission des substances et approvisionnements.
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