Paris pendant la Terreur, rapports des agents secrets du Ministère de l' Intérieur, épisode II

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  La conversation politique des groupes d' aujourd'hui roulait beaucoup sur le sort actuel des Anglais. Le peuple disait que, dans l'ancien régime, ils avaient toujours fait la guerre et gagné des victoires, non pas avec leurs armes, mais avec leurs guinées [pièce de monnaie et une unité de compte, d'abord anglaise puis britannique, en or frappée de 1663 à 1813, puis est simplement restée, jusqu'en 1971, comme unité traditionnelle de compte valant 21 shillings, soit une livre et un shilling d'avant la décimalisation ; source] ; qu'ils avaient fait de même pour la prise de Toulon ["... Déjà, le 23 août, les Toulonnais, avec l'accord du chef de la flotte française de Toulon, l'amiral Jean-Honoré de Trogoff, ont demandé aux flottes étrangères d'occuper la ville et le port. Débarquent alors des troupes anglaises, espagnoles, sardes et napolitaines ; Louis XVII est proclamé roi ; les Anglais se réservent l'exercice de l'autorité., mais qu'il ne sera pas de même à présent..." ; source], mais qu'il n'en sera pas de même à présent ; nous ne somme plus trahis, le Comité de salut public y veille trop bien. Il faut, dit le peuple, faire une descente en Angleterre ce printemps : mais, comme l'observe fort bien le peuple, n'aurons-nous (sic) pas besoin pour cela, car la révolution sera opérée chez eux26 avec ce temps. Georges et son ministre auront la tête coupée, ainsi que quelques lords. Le peuple observe que le peuple anglais aura infiniment moins de mal à se faire une Constitution, puisqu'ils ont un exemple à suivre et qu'ils n'ont qu'à marcher sur les traces des Français ; en six mois, ils peuvent être aussi avancés que nous.

 

Guinée de George I, 1660-1727 ; roi de Grande-Bretagne de 1714 jusqu'à sa mort. Source

Plusieurs personnes se plaignent que les bouchers vont à dix ou douze lieues de Paris [entre 50 et 60 km] au devant des boeufs qui arrivent à Poissy, et que là ils achètent plusieurs boeufs, mais qu'ils n'en font entrer qu'un ou deux, pour dire qu'il n'y en a pas. Il n'est pas de jour où ils ne vendent leur viande 20 et 22 sols, et même 24 sols la livre27, malgré qu'ils donnent plus des trois quarts de réjouissance.
   J'étais de garde hier à la barrière, et il s'est présenté quantité de personnes qui sortaient des denrées de Paris sur certificats ; mais on les a tous arrêtées.
Le peuple se plaint qu'il ne peut plus avoir de chandelle, et qu'on la lui renchérit tous les jours.
Le peuple a vu acquitter avec plaisir cinq citoyens28, dont trois prévenus d'avoir infidèlement jugé une fourniture de souliers pour les armées de la République, et deux fournisseurs. Le peuple a crié : Vive la République! de joie, en les voyant en liberté. Mais, si le peuple fut content de voir ces citoyens acquittés, il ne put aussi dissimuler son mécontentement sur la conduite des administrateurs de toutes ces fournitures. Le peuple voit avec indignation l'insouciance de ces individus, et le peu d'intérêt qu'ils marquent pour que la République ne soit pas trompé, et que ce qui est fourni aux troupes de la République soit de bonne qualité, et c'est à quoi justement ils ne prennent pas garde ; donc, dit le peuple, que ces administrateurs se rendent coupables des mauvaises fournitures qui se font aux armées en recevant indistinctement les bonnes et les mauvaises marchandises qui leur sont livrées, comme ils ont avoué hier au Tribunal révolutionnaire. Aussi les juges ont-ils dit qu'ils en feraient leur rapport à la Convention nationale.
L'on a repris, le même jour, huit religieuses accusées d'avoir reçu des prêtres réfractaires29 chez elles. Ces malheureuses furent si fanatisées par ces prêtres qu'elles ne voulurent point prêter le serment de Liberté et d' Égalité, quelque sort qu'on leur réserve : elles furent condamnées à la déportation.

Moyen de faire prêter serment aux évêques et curés aristocrates, en présence des municipalités suivant le décret de l'Assemblée nationale. estampe, 1791. Gallica / Bibliothèque nationale de France.

  Paris paraît jouir d'un calme assez satisfaisant ; les groupes étaient tranquilles.
  Le peuple dit : " Dans la grande quantité de guillotinés, il ne s'est pas trouvé un seul patriote ; ce sont tous des aristocrates ; l'on ne s'y méprend pas."

Rapport de Rolin, W 191

  Les bouchers sont toujours fournis à l'ordinaire ; toujours mêmes murmures de la part des citoyens.
  J'ai dit hier30 qu'on se plaignait de l'espèce de distinction que portent les citoyens membres des sociétés fraternelles. Aujourd'hui on assure que plusieurs sont vus dans les rues ayant trois et quatre médaillons attachés à leur habit, avec des rubans rouge, bleu, blanc, et d'autres aux trois couleurs, ce qui fait en effet une classe d'hommes à part, et qui, par la suite, pourrait nous attirer quelque accident, car il arrive souvent qu'il plaît à une société de retrancher du nombre de ses membres tel ou tel, lesquels se refusent de remettre le médaillon ; il s'en suivra nécessairement du tapage, outre mile et mille autres malheurs qui peuvent encore résulter de ces distinctions.
  Des malveillants se fourrent dans les foules qui se portent aux ports au vin, et cherchent à machiner des contestations entre les citoyens, ce qui produit souvent des disputes et des batteries. Il y a eu quelques rumeurs dernièrement à l'île Louviers ["...Lorsque la Ville de Paris la rachète en 1700, l’île Louviers est simplement couverte de pâturages. On décide alors de la louer à des marchands de bois qui s’en serviront comme lieu de stockage. ; source] ; on assurait que plusieurs scélérats ont volé.

 ile-louviers-paris

Île Louviers, Plan de Jaillot, 1775. Source

  Au café de Foy, deux citoyens s'entretenaient du citoyen Chabot31. Un disait à l'autre qu'il était victime d'une coalition de contre-révolutionnaires qui, disait-il, ont juré la perte non seulement de Chabot, Basire [Claude, 1764-1794 ; accusé dans l’affaire de la falsification d’un décret de la Convention relatif à la liquidation de la Compagnie des Indes orientales ; reconnu coupable par le Tribunal révolutionnaire, du 13 au 16 germinal, du 2 au 5 avril 1794, il est condamné à mort et guillotiné], Fabre d'Eglantine32, etc., mais encore des Legendre, des Danton, des Couthon [Georges Auguste, 1755-1794 ; "... Ami inséparable de Robespierre, dont il partage les vues politiques et sociales, il est réélu à la Convention, se montre assez modéré dans les débuts, puis il entre le 10 juillet 1793 au Comité de salut public, où il est très écouté. Représentant en mission chargé de rétablir l'ordre républicain à Lyon, en compagnie de Fouché et de Collot d' Herbois, il refuse d'appliquer le décret qui ordonne de raser la ville et il est accusé d'être trop modéré. C'est alors qu'il rédige la plus sévère des lois terroristes : celle du 22 prairial (10 juin 1794) qui réorganise le Tribunal révolutionnaire et supprime défenseurs et témoins. Les 8, 9, 10 thermidor, il partage le sort des robespierristes et monte le premier à l'échafaud..." ; source] des Barère et des Robespierre. " O monstres, s'écriait-il, jusqu'à quand sera-t-elle purgée de votre existence? " je n'ai pu en entendre davantage, vu qu'un troisième étant survenu, on parla d'autres objets ; mais j'ai remarqué que celui-ci avait l'air bien affecté de ces idées.


                                     

Claude Basire, dessiné par Jean Fouquet et gravé par Gilles-Louis Chrétien, 1793

 

 

Caricature de Couthon mené à la guillotine le 28 juillet 1794, 10 thermidor an II ; dessin de Vivant Denon, vers 1794. Metropolitan Museum of Art.

  On assure que beaucoup de citoyens et citoyennes ont le talent de se faire payer leurs pensions, de jouir de leurs biens, en un mot d'éluder la loi touchant les émigrés, quoique leurs épouses, leurs maris, leurs parents soient émigrés, et ce, faute de prendre à leur égard toutes les précautions requises en pareil cas.
  On fait courir le bruit que l'on craint la peste dans le quartier de la Madeleine, vu la quantité de morts qu'on enterre dans ce cimetière.
  On se plaint que certaines sections de Paris se permettent de casser, briser et enlever les boiseries, jeux d'orgues et autres objets attachés aux ci-devant églises de leur arrondissement ; on assure que des chefs-d’œuvre, tant en bois qu'en fer, ont été mis en pièces.

22 Pluviôse an II - 10 février 1794

Rapport de Bacon, W 191
  L'assemblée populaire de la section des Droits-de-l'Homme était extrêmement nombreuse, et peu de femmes aux tribunes. On s'est occupé de très grands intérêts, Carron32, commissaire aux accaparements, a annoncé que la friponnerie était à son comble pour les subsistances et les denrées de première nécessité. Il a dit : " Si nous ne prenons le parti, nous, bons républicains, de marcher sur trois colonnes avec l' Armée révolutionnaire et une guillotine à notre suite, pour faire arriver à Paris ce qu'il faut pour cette grande cité, tout est perdu." Vifs applaudissements. À la première séance cet objet sera à l'ordre du jour. Un membre a aussi dénoncé les prisonniers riches qui se saoulaient et faisaient bombance [faire un repas de fête, Larousse] depuis sept heures du matin jusqu'à onze heures du soir, pendant que les prisonniers pauvres mouraient de faim. Il a été arrêté, à l'unanimité, qu'on enverrait une députation à la Commune pour qu'il n'y eût qu'une nourriture uniforme. Vifs applaudissement. Ledit arrêté sera communiqué aux 47 sociétés populaires. On s'est occupé de différentes dénonciations, et ensuite des certificats de civisme. j'ai trouvé l'esprit public à la hauteur des circonstances.
  L'assemblée populaire de la section de l' Arsenal était assez nombreuse. On s'est occupé des marchands de bois et des marchands de vin. Un membre a dit que, depuis que les marchands de vin savaient qu'il allait sortir un nouveau maximum33 ["... sous la pression populaire née de la disette dans les villes et plus particulièrement à Paris, la Convention doit se résigner à intervenir sur le plan économique. Elle vote une loi contre l'accaparement punissant de mort la spéculation, le 27 juillet 1793. Un peu plus tard, le 29 septembre, elle adopte la loi du maximum général : pour tous les objets de première nécessité est fixé un prix maximum. La fixation n'en est pas uniforme mais varie selon les régions. Elle correspond en général aux prix de 1790 augmentés d'un tiers. Parallèlement est imposé un maximum des salaires : ceux de 1790 augmentés de moitié. La vie du pays est donc en principe sévèrement réglementée. Dans la réalité, le gouvernement révolutionnaire n'applique pas rigoureusement le maximum des denrées qui a d'ailleurs pour effet de vider les boutiques. En revanche, le maximum des salaires connaît une application plus stricte et devient vite impopulaire. Robespierre est salué lors de sa marche vers l'échafaud par des cris de « F... le maximum ! », entendons le maximum des salaires..." ; source], on avait d'eux du vin plus aisément. Un autre membre s'est alors écrié : " Ne voyez-vous pas, frères et amis, que ce sont des loups qui veulent prendre, pour un moment, la peau de l'agneau? ", Bravo! Vifs applaudissements. Il sera de nouveau présenté, par la société, une adresse à la Commune, pour que les femmes qui nourrissent leurs enfants, les vieillards et les malades puissent avoir du bon pain, c'est-à-dire qu'il y ait une farine faite exprès pour eux. On a lu des imprimés sur le bonheur d'un gouvernement démocratique, et on s'est aussi occupé d'autres objets relatifs aux frais faits pour le local qu'occupe la société. L'esprit révolutionnaire.
  La section populaire de la section de l'Indivisibilité s'est occupée de la censure de ses membres, lesquels, d'après mes observations, sont mis dans un creuset vraiment révolutionnaire. L'esprit public vraiment excellent.
  Vers les trois heures, au café de la société, près Nicolet34, on a annoncé la mort subite de Delaunay35, très connu de la section du Temple, et l'ennemi de Talbot36 [Jean-Baptiste Crépin, 1735/1736-1794 ; entrepreneur en maçonnerie ; représentant de la section du Temple à la Commune de Paris ; lors de la chute de Robespierre, le 9 thermidor an II [27 juillet 1794], la section du Temple resta fidèle à la Convention nationale. Jean-Baptiste Talbot prêta serment à la Commune de Paris et fut guillotiné le 11 thermidor an II [29 juillet 1794]. On disait : " Quel dommage pour la section d'avoir perdu Delaunay, si bon patriote, et un bon bougre en état de confondre tous les aristocrates! " On a ensuite parlé des membres du comité révolutionnaire de cette section. Comme il y avait à ce café quelques hommes que je connaissais, j'ai demandé si tous les membres de ce comité étaient bons patriotes, et si, dans leurs arrestations, les haines ne dirigeaient pas quelquefois leurs vues. On ne m'a rien répondu. J'ai alors dit à l'oreille du maître du café : " Que penses-tu de ce que je viens de dire? - Rien...37 et tu as raison, car Mallais38, coiffeur, qui reste au Temple, lequel est membre du comité révolutionnaire, passe, ici et ailleurs, pour faire jouer ses passions, qui parlent toujours plutôt que son patriotisme." AVIS AUX MAGISTRATS.
  Je dénonce ici un grand abus, d'après ce que j'ai appris ce matin, à la barrière du Trône [ou barrière de Vincennes, 12 eme arrondissement ; à partir de 1785, une enceinte fiscale, dit enceinte des Fermiers généraux, encercle la capitale afin de soumettre à l’octroi les marchandises importées. 47 barrières sont construites entre 1784 et 1790 sur les dessins de l’architecte Claude-Nicolas Ledoux, 1736-1806 ; elle est constituée de 2 pavillons d'octroi encadrés par 2 colonnes monumentales. ; source]. Toutes les femmes des campagnes, ou au moins une grande partie, au lieu de porter leurs œufs et leur beurre à la Halle, ont soin de les porter chez des hommes qui les leur payent le double, qui en font mauvais usage, et, par là s'arrangent de manière que le peuple, manquant de ces objets, pourra se soulever. Quel abus! Voilà pourquoi les marchés sont au dépourvu. 

La barrière du Trône

La barrière du Trône, aujourd'hui. Source

La barrière du Trône : l'un des deux pavillons d'octroi
L'un des 2 pavillons d'octroi, aujourd'hui. Source

  Je cours beaucoup, je vois le petit peuple toujours facile à croire, et je dis ici, d'après mes observations, qu'il y a une faction cachée qui travaille. Tels sont mes aperçus. Cependant les endroits que j'ai parcourus m'ont paru assez tranquilles.

Rapport de Beraud, W 191
  Plusieurs officiers et volontaires des armées notamment du 2e bataillon des tirailleurs39, faisant route en ce moment pour Péronne [département de la Somme], se plaignent de ce qu'on ne leur fait point de décompte lorsqu'ils ont fait quelque route, et que leurs chefs les envoient promener lorsqu'ils le demandent.
  " Encore une Vendée, disait-on dans un groupe près de la Convention ; les généraux qui nous ont dit qu'il n'y en avait plus, et dont les lettres ont été mises dans les journaux sont donc des imposteurs? Il faudrait les punir pour leur apprendre à en imposer au peuple. Dans les circonstances présentes, un imposteur est aussi dangereux qu'un calomniateur, lorsqu'il est revêtu de la confiance de ses concitoyens. "
  On entendait dire, ces jours derniers, dans le faubourg Saint-Antoine : " Il faut marcher en masse vers la Convention pour lui demander de faire punir les marchands qui, malgré le maximum40, vendent comme par le passé. " Mais le calme a reparu, dans l'espoir que le décret relatif aux objets de première nécessité sera suivi de point en point, que les commissaires de police et comités révolutionnaires qui s'attachent à incarcérer celui qui leur déplaît, quoiqu'il ne le mérite pas, seront plus exacts à le faire exécuter. Voilà ce qu'on pense et ce qu'on dit dans plusieurs quartiers de ce faubourg. L'esprit y est généralement bon, et les conversations ne roulent que sur les denrées.
  La maison de la nommée Blondi41, sur le boulevard, faisant le coin de la rue de la Lune, comme ci-devant pour être un repaire de débauche, est, à ce qu'il paraît, le refuge de gens suspects : le soir on y voit sortir et entrer des individus qu'il serait bon de surveiller. Le jour, chaque Laïs [femme galante], et surtout à la sortie des spectacles, y conduit sa dupe.

Rapport de Charmont, W 191
  Faire et défaire, c'est toujours travailler. C'est ce que vient de faire la section ci-devant Beaurepaire42. L'assemblée générale qui a  eu lieu avant-hier en est un exemple. Un membre demande la parole pour dénoncer le ci-devant Beaurepaire comme un aristocrate qui aurait mérité cent fois la guillotine s'il ne fût pas tué ; sans articuler aucun fait contre lui, il conclut à ce que la section ne porte plus son nom. Alors, d'un mouvement spontané, l'assemblée se lève toute entière, et arrête à l'unanimité qu'elle ne portera plus le nom de Beaurepaire. Ensuite, il s'agit de trouver un patron qui soit plus digne de la section que le précédent. On ouvre l'histoire, on trouve le jeune Bara [Joseph, 1779-1793 ; "... Alors que ses deux frères aînés, engagés dans les armées républicaines, sont envoyés aux frontières, Joseph, lui, part en Vendée et sert, tambour ? hussard ? ordonnance ?, sous les ordres du général Desmarres. Le 7 décembre 1793, il trouve la mort dans une embuscade près de Jallais dans les Mauges. Selon la légende, encerclé par des Vendéens qui le sommaient de crier Vive le roi, il aurait répondu Vive la République !..." ; source] Le voilà celui qui doit remplacer Beaurepaire !


Mort de Joseph Bara. DAVID, 1748-1825. © Photo RMN-Grand Palais - H. Lewandowski

" Prenez garde, dit un autre citoyen, Bara n'est pas un homme que l'on doive admirer ; ce n'est qu'un accès de bravoure, bien beau, sans doute, qui en lui-même n'est rien, attendu que tous les républicains doivent en faire autant." Alors on décide que Bara ne sera point celui que l'on prendra pour patron. Il faut cependant un grand homme, qui soit reconnu depuis le 12 Prairial [31 mai 1793] et jours suivants. Enfin, après avoir bien cherché, on a adopté Chalier [Marie Joseph, 1747-1793 ; officier municipal de Lyon, 1790 ; président du tribunal de District, 1792 ; arrêté avec ses partisans, jugé et guillotiné, 1793] pour cinquième patron depuis la Révolution. L'assemblée populaire voulait hier qu'on fasse en sorte de faire rapporter l'arrêté, pour ne prendre qu'un seul numéro pour nom comme à Marseille. Cette motion a été ajournée à deux jours. Voilà le résultat de deux séances, et il y a deux mois que l'on a déjà encore changé.


Joseph Chalier, emprisonné dans une prison à Lyon, Rhône, condamné à la guillotine le 16 juillet 1793. Caresme, Jacques-Philippe , 1734 -1796, dessinateur, vers 1794. Source

  Les boucheries n'ont pas ouvert aujourd'hui ; cela a indisposé beaucoup de citoyens. On craint, à la fin, que la disette ne se fasse nécessairement sentir. Quantité de malades ont été (sic) depuis deux jours. Bien des chirurgiens craignent que l'on supprime le veau, qui entre beaucoup dans le traitement des malades pour un des aliments les plus essentiels.
  Dans plusieurs sociétés, on se plaint très fort de ce que l'on ne fait pas le rapport sur l'affaire du citoyen Chabot43. On se plaint des longueurs que cette affaire occasionne, et de ce que l'on ne montre pas au peuple quels sont ceux qui sont coupables ou non. " Et pourquoi aussi, dit-on, que la Convention ne se fait pas faire un rapport général sur tous les députés mis en état d'arrestation ou autrement? Il faut absolument que la Convention déploie un grand caractère, et qu'elle fasse livrer au glaive de la loi ceux qui sont coupables, et que ceux qui ne le sont pas soient mis en liberté."
  Le discours de Brichet44, aux Jacobins, a fait, dans plusieurs sociétés populaires, une vive sensation. Dans la société populaire de la Section Révolutionnaire45, un membre y assurait que, si on exécutait ce qui est contenu dans ce discours, la France serait tout à fait sauvée.
  On est inquiet de savoir de ce qu'est devenue l'armée du Rhin. on craint beaucoup qu'il ne lui soit arrivé quelques revers46. Et pourquoi l'armée du Nord est dans l'inaction, c'est ce qui étonne. Il paraît que depuis plusieurs jours on cherche à insinuer au peuple ces craintes afin de l'exciter à quelques excès.
  Dans plusieurs cafés, on a reçu la loi47 sur les secours à accorder aux familles de ceux qui combattent les ennemis. Une seule chose a été observée, c'est de savoir comment est-ce que fera le malheureux vieillard pour recevoir sa rente, s'il ne pas (sic) pas recevoir des nouvelles des siens qui sont aux frontières. Car il en est beaucoup dont les pères, et les mères ou parents ne peuvent avoir de nouvelles, même dans les bureaux du ministre de la Guerre ; il y a des corps à l'armée, dont il y très longtemps qu'ils n'ont envoyé l'état aperçu de leurs corps, dont il faudrait nécessairement que la Convention se rende compte afin de se faire faire un rapport à ce sujet.

Rapport de Dugas, W 191

  À suivre...

  Pierre Caron, Paris pendant la Terreur, rapports des agents secrets du Ministère de l' Intérieur, tome IV - 21 pluviôse an II - 10 Ventôse an II, 9 février 1794 - 28 février 1794, , La Société de l' Histoire de France, Librairie Marcel Didier, Paris, 1949, pp . 10-20.



26. Cf. t. II, p. 136, note 1.
27. La taxe officielle était de 16 sols.
28. Tous cordonniers et tous de Rethel, acquittés le 21 pluviôse, Arch. nat., W 321, doss., 492.
29. Sept carmélites et une visitandine, arrêtées le 10 frimaire [30 novembre 1793] ; leur jugement et condamnation sont bien du 21 pluviôse [9 février 1794]. Arch. nat., W 321, doss. 491 ; Wallon, Hist. du Trib. révol., t. II, p. 415-421, 573-580.
30. Cf. t. III, p. 400.
31. Alors en arrestation, ainsi que Basire, depuis le 27 brumaire [17 novembre 1793], cf. t. Ier, p. 309, note 2, et t. II, p. 13, note 6.
32. Carron, Jean-Pierre, maçon, sera arrêté par ordre du Comité de sûreté générale le 28 pluviôse an III [16 février 1795], pour avoir violemment protesté contre l'exécution du décret de la Convention du 20 qui entraînait l'enlèvement de tous les lieux publics des bustes de Marat ; mis en liberté le 18 floréal [7 mai 1795], il sera réincarcéré le 4 prairial [23 mai 1795], et sera, semble-t-il, de nouveau relâché à la fin de messidor [juin 1795]. Il était effectivement, en l'an II, commissaire aux accaparements pour la section des Droits-de-l'Homme. Arch. nat., F7 4634, doss. 3 ; H. Calvet, L'accaparement à Paris sous la Terreur, Paris, 1933, in-8°, p. 54.
33. Cf. t. III. p. 315, note 1.
34. Boulevard du Temple.
35. Cf. t. III, p. 388, note 3.
36. Cf. t. III, p. 359, note 1.
37. Ces points de suspension sont dans le texte.
38. Cf. t. Ier, p. 389, note 1.
39. Nous n'avons pu identifier cette unité.
40. Voté le 29 septembre 1793.
41. Pas de renseignements.
42. Ancienne section des Thermes-de-Julien. Sur ses changements successifs de nom, cf, E. Mellié, Les sections de Paris, Paris, 1898, in -8°, p. 39, note 1.
43. Cf. ci-dessus, p. 13, note 2.
44. Celui qui lui valut, le 19 pluviôse, l'attaque de Robespierre et l'expulsion, cf. ci-dessus, p. 7.
45. Ancienne section Henri IV, puis du Pont-Neuf.
46. Tous ces bruits relatifs aux armées étaient controversés, cf. t. II, p. 200, note 3.
47. Décret du 21 pluviôse an II. 

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