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L'essentiel de l'éducation se faisait sur place, dans la maison familial. La petite enfance avait une tonalité preque exclusivement féminine, puis, vers 7 ou 8 ans, le jeune garçon recevait de son père les apprentissages conformes à son sexe et à sa condition : il apprenait à travailler s'il était fils de paysan, à manier les armes, à combattre, à chasser, à aller à cheval s'il était noble. Les filles apprenaient de leur mère les travaux propres aux femmes : tenir la maison, préparer les repas, tisser et fabriquer les vêtements, les fromages, soigner les bêtes, recevoir les hôtes. On les initiait également aux rituels de paix, par lesquels les groupes maintenaient leurs liens, même si chez les Francs la femme ne passait pas la coupe dans laquelle chacun buvait autour de la table des banquets. À l'âge de l'adolescence, le garçon pouvait être envoyé chez un "père nourricier" où il terminait son éducation avec d'autres jeunes de son âge. Nombre de jeunes nobles furent ainsi envoyés à la cour royale pour y être "nourris" puis y servir le roi.
3. Parenté et voisinage
Le voisinage jouait un rôle d'encadrement important. Il n'est plus question de plaquer sur les sociétés du très haut Moyen Âge l'image des communautés germaniques égalitaires, mais il n'est plus certain que les paysans-guerriers aient partout et toujours constitué de véritables communautés, capables d'affirmer leur identité face aux étrangers, aux autorités et à l'aristocratie.
L'identité d'une communauté rurale passe d'abord par l'attachement à un lieu défini par un toponyme. Certains toponymes sont très anciens et ont constitué un facteur identitaire important, mais l'étude d'un ensemble de toponymes rapporté à la chronologie des fondations montre que les communautés rurales du très haut Moyen Âge ne se sont pas toujours identifiées à un territoire spécifique. En revanche, la fixation est en cours à la fin de la période, le développement des systèmes domaniaux ayant certainement contribué à lier davantage la communauté à son territoire.
L'identité communautaire se fonde aussi dans le sacré, dans la possession de biens communs, inaliénables. On a qualifié la culture du très haut Moyen Âge de "culture des cimetières rangés", ce qui n'a guère de sens. Il n'empêche que le cimetière de plein champ à rangées a certainement rempli une fonction identitaire importante en Europe du Nord-Ouest, pendant une première phase. On admet qu'à chaque cimetière de ce type correspondait une communauté rurale. Les nécropoles de plein champ ont généralement été abandonnées à la fin du VIIe siècle en Gaule, au VIIIe siècle en Germanie intérieure, dans le cadre de la christianisation. L'identité s'est alors ancrée dans les oratoires et les églises rurales qui se sont multipliées partout. Pour les petites communautés devenues chrétiennes, l'église est devenue le point fixe où se fondait et se sacralisait l'identité locale.La nécropole du haut Moyen Âge de Noisy-le-Grand (93) se distingue par le nombre de sépultures, 765 sur 1200 m² et l’excellent état de conservation des ossements et des vestiges malgré sa situation en plein centre-ville. Source
En dehors du Pactus legis salicae qui traite de la responsabilité collective des vicini à l'égard du roi, on n'a pas de trace d'institutionnalisation des communautés rurales au haut Moyen Âge, mais on décèle des indices d'une organisation collective de plus en plus poussée en avançant dans le temps. Les déplacements de l'habitat s'inscrivaient en effet dans une continuité territoriale qui s'est vraisemblablement très vite doublée d'une continuité fonctionnelle : là où dominait l'exploitation individuelle, les déplacements impliquaient une redistribution collective des terres. La présence d'infrastructures villageoises communes traduit parfois l'existence d'activités collectives. L'article de loi rappelant qu'en matière d'héritage les droits des "voisins" passaient après ceux des parents montre la force des liens de voisinage.
À l'échelon local, parenté et voisinage se recouvraient largement. La circulation de la terre, apparemment si dangereuse pour les patrimoines, consolidait en fait les communautés résidentielles locales, dans la mesure où l'imbrication des parcelles, le maintien de certaines terres en indivision, les impératifs de la co-exploitation ou du devenir du patrimoine renforçaient les communautés de voisins. Les "témoins légitimes" qui validaient les actes de donations et qui étaient normalement choisis parmi les pagenses du comté ["notables et fermiers du fisc durant le haut moyen âge, [...] Les chroniqueurs mérovingiens ne parlent de pagenses que dans des récits d'action militaire, si bien qu'il est difficile de se faire une idée exacte de leur rang social et de leur fonction.[...] ainsi, quand les pagenses adressent au roi une petitio au sujet, vraisemblablement, de l'un d'entre eux qui a perdu en raison d'une guerre ou d'un incendie, la formule envisage les deux cas, l'ensemble de ses titres, chartes royales et actes privés, ils se présentent eux-mêmes comme des assujettis du roi, a servis vestris paginsibus, et présentent la victime, elle aussi, comme un servus du roi semis vester Me, (12) [...] Les pagenses ont en l'occurrence joué le rôle de témoins, de garants et de notaires, puisqu'ils ont dressé la notice qui sert de base à l'établissement des nouveaux titres. À la différence de la procédure suivie dans le Formulaire de Marculf pour un cas similaire, le roi n'intervient pas ici : la curie de la cité en tient lieu. Mais le rôle des pagenses est identique..." ; source] représentaient la communauté qui contrôlait les équilibres locaux. La communauté vicinale était d'autant plus forte qu'elle s'identifiait en partie aux cohéritiers, par suite des renouvellements et croisements d'alliance. Les donations croisées des possesseurs aux mêmes églises renforcèrent à partir du VIIIe siècle cette conscience collective qui permit à l'Eglise de s'insérer dans les communautés locales par le biais de la memoria à un moment où les communautés paroissiales n'existaient pas encore. Il y eut donc une grande convergence d'intérêt entre les diverses formes de communautés locales, puisque donateurs et bénéficiaires s"inséraient dans de multiples réseaux qui se superposaient et se croisaient : communautés de voisins, communautés de cohéritiers, communautés spirituelles.
Les parentèles...
III. - L'amitié et les groupements jurés d'amis
L'amitié est un lien qui met les partenaires sur un plan d'égalité. Elle se fonde d'abord dans une communauté d'esprit : "Les sages anciens enseignent que deux amis ont une seule âme", écrivait à la fin du Ve siècle l'évêque de Limoges Ruricius [né vers 440- après 507 ; évêque vers 485 et jusqu’à son décès ; vers l’an 500, il s’occupe d’élever une église à Limoges ; il peut s’agir de l’édifice devenu ultérieurement l’abbaye de Saint-Augustin-lès-Limoges, au nord-est de l’actuelle cathédrale ; particularité : son petit-fils Rurice II lui succèdera dès sa mort]. Cette définition de l'amitié se rattache à la tradition philosophique grecque, reprise par Cicéron [106-43 avant J.C. ; orateur et homme politique romain], Pline [23 après J.C.-79 ; naturaliste et écrivain latin] et Sénèque [2 av. J.-C. – 65 apr. J.-C ; écrivain latin], puis intégrée et christianisée par les Pères de l' Eglise au IVe siècle, en particulier par Ambroise [vers 340-397 ; Père et docteur de l'Église latine ; saint Ambroise de Milan] et Augustin [354-430 ; Docteur de l'Église latine ; saint Augustin]. Elle répond aux besoins vitaux d'affection, de confiance, de soutien, de compagnonnage dans une intimité librement choisie. Saint Ambroise en prière. Miniature extraite d'un manuscrit de l'école normande ; fin du XIe-début du XIIe siècle. Bibliothèque nationale de France, Paris. Ph. Coll. Archives Larbor
Les récits des temps mérovingiens mettent en avant l'amitié politique prenant la forme d'un pacte entre deux hommes. On citera l'amitié entre Gontran de Bourgogne et Childebert d'Austrasie, entre Pépin Ier et Arnoul de Metz. On aurait tendance à réduire cette amitié politique à une amitié formelle et intéressée, mais l'expression des sentiments est elle-même une véritable construction sociale, et le lien d'amitié, par son caractère contractuel et réciproque, portait en lui une force intégrative qui conduisait de la relation personnelle et bilatérale à l'intégration dans des groupements qu'unissaient des buts communs et une même culture de groupe.
L'analyse des collections de lettres, qui jouent un grand rôle dans l' Antiquité tardive et au début de l'époque mérovingienne, témoigne de l'importance des sentiments dans le rapport d'amitié. Dans une lettre écrite vers 580 à un ami, le duc austrasien Dynamius dit se souvenir des douces prouesses de son affection et ne cesser de manifester par des soupirs es désirs de son coeur. Le vocabulaire appliqué aux amis, très cher, très doux, met en lumière les relations entre le champ lexical de l'amitié et celui de la parenté.
Cette "affection" était elle-même entretenue par des rituels codifiés qui nécessitaient normalement la proximité, les amis devaient se rencontrer, se voir, participer à des banquets communs, échanger des cadeaux d'amitié, de nature très diverse, qui sanctionnaient la conclusion des pactes et qui entretenaient publiquement et symboliquement le lien. L'absence devait être compensée par l'échange de messages, de nouvelles et de cadeaux. Banquets et cadeaux constituaient des engagements impliquant qu'à l'avenir on renonce à tout acte d'inimitié.
L'amitié garantissait donc la sécurité et la paix. Entre les partenaires, elle créait des obligations qui s'évaluaient toujours en termes de réciprocité, sous forme de cadeaux ou de "bienfaits", d'assistance en cas de difficultés matérielles, de vengeance ou de défense en justice, elles s'exprimaient par la défense, l'entremise pour accéder au roi, obtenir ses faveurs ou celles d'un puissant ou encore des marques de considération. L'amitié donnait donc forme autres liens sociaux, qu'il s'agisse de liens de parenté, de fidélité ou de clientèle, puisqu'elles transcendaient la hiérarchie des élites. Enfin, elle soutenait de véritables réseaux qui ne se superposaient pas exactement aux groupements de parenté ni aux groupements de fidélité.
Dans l'aristocratie de l' Antiquité tardive, le lien se nouait entre gens du même monde, il se fondait dans l'ancienneté de la relation et était soutenu par la parenté, le voisinage, la même culture, les mêmes intérêts. Ruricius de Limoges et son ami Celsius avaient reçu l'amitié de leurs parents, elle leur avait aussi été enseignée par leurs maîtres et confirmée par la vie commune, elle conduisait à cette identité de jugement que Cicéron définissait comme l'amitié véritable. Devenue chrétienne, l'amitié est restée un signe de reconnaissance entre aristocrates romains, et leurs échanges amicaux, en particulier épistolaires, servaient à entretenir des communautés, qui étaient autant de réseaux de pouvoir.
L'amitié confortait donc la domination des élites. Au début du VIIe siècle, les lettres de Didier de Cahors [fin du VIè siècle-655 ; évêque de Cahors 630-655 ; saint Didier ; (...) " Peu après son arrivée, il fait construire auprès de sa cathédrale (ecclesia mater) un palais en pierres de taille, comprenant deux ailes avec oratoires, portiques et escaliers, le tout admirablement agencé et dominant d'une grande hauteur la rive droite du Lot dans un site magnifique5. Il s'agit évidemment d'une nouvelle domus ecclesiœ, résidence de l'évêque et de ses clercs, mais plus importante que la domus primitive tombée en ruines. Bientôt après, il fait bâtir sur l'autre rive une belle basilique6, qu'il pouvait contempler de sa demeure, en l'honneur de saint Pierre, à l'endroit même où son frère et prédécesseur, Rustique, avait été assassiné..." ; source] s’inscrivent encore dans la tradition épistolaire de l' Antiquité tardive. Cependant les plus proches amis de Didier n'appartenaient plus à ce milieu. C'était des hommes qu'il avait connu à la cour du roi Clotaire II, où ils avaient vécu familièrement et fraternellement comme nourris et qui, bien que venus d'horizons différents, y avaient noués des liens d'amitié, autour du jeune Dagobert. Le réseau de Didier semble donc à priori bien différent de celui de Sidoine Appolinaire [431 ou 432-487 ou 489 ; fils d'un préfet du prétoire, il épousa (452) la fille d' Avitus, empereur en 455-456. Il devint préfet de Rome. Élu évêque de Clermont, 471 ou 472, il défendit l'Auvergne contre les Wisigoths. Son œuvre littéraire est une source importante pour l'histoire du Ve siècle ; saint Sidoine Appolinaire ; Larousse] ou de Ruricius de Limoges. Le groupe était hétérogène, par l'origine culturelle, Gallos-Romains et Francs, et par le niveau social de ses membres, Éloi n'appartient pas au milieu de la haute aristocratie, il n'était pas l'expression d'une solidarité de classe. Mais s'il recoupait divers groupes de parenté, il semble bien aussi que tous aient fait partie, plus ou moins directement, du groupe agilolfingien [appartenance à la première dynastie des ducs de Bavière, qui aurait été fondée par un certain Agilulf vers 530 ; Larousse]. L'amitié forgée dans le contubernium [tente commune] royal transcendait donc les inégalités, les différences socioculturelles, mais il reposait sur des affinités et des liens préexistants. Enfin le groupe avait un caractère hiérarchique puisqu'il s'est créé autour du jeune Dagobert qui assura ensuite à ses amis de brillantes carrières, Régine Le Jan.
Les groupes d'amis prenaient parfois la forme de clientèles, de confraternités monastiques, ils pouvaient aussi se fonder sur le serment. Le pacte d'amitié supposait en effet la prestation d'un serment entre des partenaires désignés. Le serment entre amis soutient des groupements jurés horizontaux ou à faible dominante hiérarchique qui étaient à l'époque la réponse d'une société à l'incapacité des autorités centrales à assurer l'ordre et la protection, ils constituaient avec la parenté la trame du tissu social.
Les conjurations politiques sont une autre forme de groupement horizontal fondé sur le contrat juré, entre des individus qui prêtaient serment de rester unis jusqu'à la réussite de leur entreprise, autour d'un chef. Elles avaient donc nécessairement une certaine dimension hiérarchique. La révolte de Gundovald [?-585]. Aventurier, il se prétendait le fils du roi Clotaire Ier qui n'avait pas voulu le reconnaître. Après de nombreuses péripéties [(...) " Le bâtard mérovingien Gondovald, ou Gondoald appelé par les Francs Ballomer, ce qui voudrait dire « faux roi », apparaît comme un fils de Clotaire Ier. et d'une concubine (1). Son père ne veut pas le reconnaître, l'enfant est tondu. Sa mère lé conduit à son oncle Charibert qui l'adopte. Emprisonné dans les prisons de Cologne par son frère Sigebert, il s'échappe et s'enfuit en Italie (2) ; et c'est ici que pour là première fois la diplomatie byzantine entre en scène. Dans ce pauvre hère, qui occupe ses loisirs et gagne sa vie à peindre les murs des cloîtres et des églises, Byzance voit sans doute un fils de roi, qui peut plus tard servir sa politique. est caractéristiques des révoltes mérovingiennes..." ; source], il s'enfuit à Constantinople d'où il revient poussé par le duc austrasien Gontran Boson [Saint Gontran], et il réussit à soulever de nombreux aristocrates aquitains avant de mourir assiégé dans Saint-Bertrand-de-Comminges par le roi Gontran en 585. Gondovald avait tenté sa chance en profitant des longues luttes entre Neustriens et Austrasiens, il avait échoué.
Saint-Bertrand-de-Comminges en Haute-Garonne en région Occitanie. Source
ANNEXES
Les Mérovingiens
FIN
Régine Le Jan, Les Mérovingiens, Que sais-je?, PUF, Troisième édition, 2015, pp . 109-121
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