Pendant combien de temps encore les Français vont-ils accepter de payer toujours plus ce " suicide " énergétique?

  La politique énergétique de la France, menée depuis plusieurs décennies, sous l'influence des écologistes français et sous l'emprise de l' Allemagne, est la chronique de la mort annoncée, à plus ou moins long terme, de son indépendance énergétique, avec les conséquences désastreuses que l'on devine, économiques, sanitaires, environnementales,..., pour la population, l'industrie et les entreprises, et... le climat.
  Pendant combien de temps encore les Français vont-ils accepter de payer toujours plus ce " suicide " énergétique?
  Va savoir, Charles! 

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Indépendance énergétique : des ordres de grandeur pour éclairer une voie étroite


Jean-Pierre Riou
2021 10 21

  La question énergétique ne saurait se réduire à la production d’électricité. Pour autant, avec 45,1% de la capacité installée du seul secteur de l’électricité, notre parc nucléaire a produit en 2020 40% de la consommation française d’énergie primaire, charbon, pétrole et gaz compris. Par delà le défi climatique, l’envolée des cours et les tensions sur les matières premières premières, liées à l’explosion des besoins mondiaux, exigent qu’on prenne la pleine mesure de quelques ordres de grandeur. Si les économies de consommation d’énergies représentent assurément un objectif consensuel et pertinent, un rappel de ces grandeur semble indispensable pour éclairer les alternatives de production d’énergie qui seront bientôt débattues entre candidats à l’élection présidentielle. Car la voie est plus étroite qu’il n’y paraît.

                                                        
 

France-Norvège : pour une idée des chiffres

France
  Depuis la fin de l’exploitation du gaz de Lacq en 2013, la production gazière française est anecdotique, notamment au sein d’anciens bassins miniers de Lorraine ou du Pas de Calais et chiffrée à 0bcm par Enerdata, l’unité étant le milliard de m3.
  Depuis 2006, la France ne produit plus de charbon.
  Dans le cadre du plan Climat, la loi du 19 décembre 2017 a mis fin à l’exploration et l’exploitation d’hydrocarbures dans le sous-sol français, qui représente aujourd’hui 1% de la consommation de pétrole.
  Du moins son texte limite-t-il leur prolongation à 2040, sauf, pour le bénéficiaire d’un permis, à démontrer que ce délai n’aurait pas permis « de couvrir ses coûts de recherche et d’exploitation ».
  En tout état de cause, avec à peine 1Mt en 2020, selon Enerdata, cette production de pétrole, bien qu’insignifiante reste notre unique production d’énergie fossile.

Norvège
  La Norvège est 3ème exportateur mondial de gaz derrière la Russie et l’Australie, 7ème exportateur de pétrole brut avec 79,5Mt en 2020 et 4ème exportateur mondial d’une électricité provenant à 96% de ses barrages hydrauliques.
  C’est ainsi que la Norvège a consommé 27Mtep d’une énergie produite sur son sol en 2020 et exporté 181Mtep, ou million de tonnes équivalent pétrole. 1 tep = 11,6 MWh.

L’indépendance en question

  Mais contrairement à une idée largement répandue, l’absence quasi-totale de ressource énergétique sur le sol français, n’empêche pas la France d’être moins dépendante de ses importations énergétiques, seulement 46% de sa consommation énergétique est importée, que la moyenne européenne. La France en est notamment moins dépendante que l’Allemagne, 61,9% d’import, qui continue pourtant à éventrer ses campagne et raser ses villages pour étendre ses mines de lignite à ciel ouvert et à recouvrir son territoire d’éoliennes et de panneaux solaires, ainsi que l’établit la comparaison des documents par pays de la Commission européenne.
  Celui de la France, reproduit ci-dessous, montre la part importante du nucléaire, en violet, surmonté des renouvelables en vert et de l’incinération des déchets en orange.
  Pour autant, les renouvelables électriques, éolien et photovoltaïque, représentent une part infime de cette rubrique « renouvelables », ainsi qu’il sera détaillé plus bas.


  Cette importance du rôle accordé au nucléaire dans l’indépendance énergétique de la France demande d’assimiler 2 précisions :

  • La compréhension des liens entre énergie primaire, qui représente l’énergie disponible, et énergie finale, qui est l’énergie réellement consommée,
  • La différence entre une dépendance aux importations de gaz et à celle d’uranium.

  Car la commission européenne ne tient pas compte du besoin d’importer de l’uranium et chiffre ses comparaisons en énergie primaire.
  Libre à chacun de compter autrement, ce dont personne ne se prive, d’ailleurs, dès lors qu’il s’agit de minimiser la dette que nous avons envers notre nucléaire.
  Mais à l’heure où l’approvisionnement en énergie devient problématique, il est important de comprendre les raisons qui ont amené la Commission européenne, pourtant hostile au nucléaire, à avoir retenu ce mode de calcul.

Énergie primaire et énergie finale
  Les chiffres précédents, ainsi exprimés en énergie primaire multiplient par 3 l’énergie nucléaire réellement consommée, en énergie finale, ainsi d’ailleurs que c’est le cas pour toute production thermique d’électricité. Pour autant, les 2/3 d’énergie perdue en chaleur peuvent être récupérés, notamment par cogénération, y compris par cogénération nucléaire ainsi que le pratique l’Europe de l’Est : la Russie, l’Ukraine, la Bulgarie, la Hongrie, la Roumanie, la Slovaquie ou la République tchèque mais aussi la Suisse.
  C’est pourquoi, la Commission européenne compare l’indépendance énergétique de chacun de ses membres en énergie primaire, car c’est d’elle que nous disposons, et non en termes d’efficacité sur la manière de l’utiliser.

Importations d’uranium
  L’uranium représente une part insignifiante du coût de chaque MWh nucléaire produit.
  Avec une fourchette comprise entre 500millions et 1Md€ par an d’achat de combustible estimés en 2017, le coût de l’uranium représente notamment moins de 3€ pour chaque MWh produit selon un coût maximum de 1Md’€ pour ses importations et une production minimum de 335TWh, en 2020.
  Nous l’avions chiffré plus précisément à 1,14€/MWh en 2016 en recoupant les données des 548 611 k€ consacrés à l’achat des 9000 tonnes d’uranium naturel, pour les 384TWh produits cette année là.
  Ce coût variant, bien entendu, avec le cours de l’uranium et rythme du stockage permettant notamment de disposer aujourd’hui de plusieurs années de réserves sur le territoire.
  Ce qui met la production nucléaire à l’abri de toute variation des cours ou tension géopolitique, avec d’autant plus d’assurance que la France, via ORANO, détient plusieurs actifs miniers dans divers pays, qui ont produit en 2020 plus de 10 % des besoins mondiaux.
  Et c’est donc bien de l’énergie nucléaire primaire que nous disposons avant d’envisager d’en optimiser les applications.
  Tandis que la France a dû importer l’intégralité de sa consommation en gaz charbon et surtout de pétrole pour satisfaire les 2571 TWh d’énergie primaire consommés en 2020, elle se trouve aujourd’hui confrontée à l’explosion des prix des matières premières, notamment de celui du gaz et du baril de pétrole. Et cette situation contraint déjà des industriels français à réduire leur production et miser sur une baisse d’activité.

Perspectives nucléaires : un rapport de l’OCDE
  L’utilisation de l’énergie nucléaire peut largement être optimisée par des applications hors électricité. Alors que « Techniquement, les réacteurs nucléaires de fission, qu’ils soient en service ou en cours de construction, peuvent fournir des produits autres que l’électricité », l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) et la Nuclear energy agency (NEA) ont dressé un bilan et des prospectives à long terme concernant ces applications, « pour le chauffage urbain, le dessalement d’eau de mer, la chaleur industrielle, l’hydrogène ou la propulsion ».
  Et le rapport s’interroge : « Quel est le rôle des pouvoirs publics ? Examinent-ils sérieusement toutes les options nucléaires dans le cadre de leur politique énergétique nationale en faveur de la réduction des gaz à effet de serre et de la sécurité d’approvisionnement en énergie ? »

Dépendance des EnR

  Les énergies renouvelables intermittentes nécessitent pour leur construction et leur renouvellement, d’importantes quantités de minéraux dont l’explosion de la demande mondiale annonce la crise imminente. Mais surtout, ne disposant pas de la souplesse de production du nucléaire, elles entraînent le besoin de la multiplication des interconnexions et renforcement du réseau et des infrastructures de stockage. Et, plus encore, ne peuvent s’affranchir de la nécessité du secours de leur intermittence par des centrales thermiques, qui fonctionnent au gaz dans le meilleur des cas, comme le montre, pour l’Allemagne, le doublement de la capacité de ses centrales pilotables prévu à horizon 2050 dans le scénario de référence de l’Institut Fraunhofer.

Tensions stratégiques sur l’énergie
  Alors qu’elle vient elle-même de réitérer sa menace de réduire ses livraisons d’électricité à l’île de Jersey si le différend sur la pêche avec le Royaume uni n’était pas réglé, la France ne peut ignorer ce que dépendance énergétique signifie.
  Les rapports entre l’U.E et la Russie se sont crispés au sujet du gaz. Certains, en Europe comme aux États-Unis, accusant V. Poutine d’avoir volontairement limité le flux de remplissage des stocks avant l’hiver, tandis que le Maitre du Kremlin rejette la faute sur les Européens qui ont voulu diversifier leur approvisionnement au détriment de contrats de long terme avec Moscou. Et affirme que les Européens ne doivent s’en prendre qu’à eux-mêmes si les prix du gaz ont atteint des records 10 fois supérieurs à la moyenne de l’an dernier.
  Selon les mêmes observateurs, les restrictions russes seraient pourtant délibérées, notamment en tant qu’avertissement à Berlin.
  En tout état de cause, la formation de la nouvelle coalition allemande ne pourra se passer de la caution des verts. Or ceux-ci sont farouchement opposés au gazoduc Nord Stream 2 qui divise l’Europe.
  Or les importations allemandes dépendent particulièrement de la Russie et, tandis que les stocks européens connaissent un taux de remplissage historiquement bas, la situation, variable selon les pays, est particulièrement préoccupante pour l’Allemagne à l’approche de l’hiver.
  L’illustration ci-dessous provient de l’excellent site AGSI [Aggregated Gas Storage Inventory] et montre notamment, en noir, la capacité maximum du stockage de gaz en Allemagne et, en bleu, le remplissage annuel de ces stocks depuis 2011. Le graphique s’arrête aujourd’hui à la date correspondant à celle du remplissage maximum de chaque année, avant l’hiver.


  Ce parallèle entre la menace française sur la fourniture d’électricité, assumée publiquement par le secrétaire d’État aux affaires européennes, et la menace sur le gaz, réelle ou non, qui sous-tend les décisions politiques de l’Allemagne, n’a pas pour objet de donner un quelconque crédit aux soupçons de chantage russe. Mais de rappeler la différence géostratégique entre l’approvisionnement en gaz et celui en uranium, particulièrement quand les actifs de son exploitation sont détenus par Orano.

Les EnR en question
  C’est avec ce recul qu’il faut interpréter l’illustration ci-dessous de la production d’énergie primaire française publiée par le Ministère dans l’édition 2021 de ses « Chiffres clés de l’énergie ».
  On ne sera donc pas surpris de l’importance de la production nucléaire, qui a largement compensé la disparition progressive du charbon, du pétrole et du gaz. On le sera peut être davantage de voir la part non négligeable des énergies renouvelables thermiques, bois, biocarburants, pompes à chaleur, solaire thermique…, et déchets.
  Et plus encore de ne même pas voir figurer l’éolien ni le photovoltaïque, trop insignifiants pour ne pas être inclus dans la petite bande bleue dont l’hydraulique représente plus de la moitié, 53,3% au pro rata de la décomposition de la production primaire d’énergies renouvelables, page 68, l’éolien 35% de cette petite bande bleue et le photovoltaïque 11,6%.
  Soit 2,8% de cette production totale pour l’éolien et moins de 1% pour le photovoltaïque.


  Il est regrettable que l’insignifiance de ces 2 totems de la Transition énergétique ne soit pas représentée dans cette infographie du Ministère, par l’épaisseur d’un trait au sein de la bande bleue qu’ils partagent avec l’hydraulique.
  Pour illustrer le caractère encore purement anecdotique de leur production.
  Anecdotique et de surcroît intermittent, pour répondre aux besoins de la consommation française d’énergie primaire qui était de 2 571 TWh en 2020.

Nucléaire et CO2 : on ne nous dit pas tout

  Avec 45,8 millions de tonnes d’équivalent CO2, le secteur de l’industrie de l’énergie représentait à peine 10% des émissions totales en 2019, selon le « Panorama » 2021 du Ministère.
  On ignore généralement que son sous-secteur de production d’électricité ne représente même pas la moitié du secteur de l’énergie, 46% en 2018 *,  ainsi que l’illustre ci dessous le Citepa [Centre interprofessionnel technique d'études de la pollution atmosphérique], organisme auquel le Ministère se réfère pour toute diffusion d’émissions de CO2.
  Soit moins de 5% du total des émissions pour la production d’électricité.


Perspectives et bilan
  En raison de l’explosion de la demande mondiale, l’Europe doit s’attendre aux plus grandes difficultés pour s’approvisionner en matières premières, y compris alimentaires et énergétiques.
  Dans un rapport de mai 2021, l’Agence internationale de l’énergie (IEA) a alerté sur la crise imminente sur les minéraux nécessaires au modèle actuel de transition énergétique.
  Dans ce contexte, seul un modèle de densité énergétique reste réellement durable et non un modèle réclamant une débauche d’espace et de matériaux.
  Tandis que la France dispose déjà de deux mille à trois mille ans de combustible pour des réacteurs de 4ème génération de type Phénix ou Superphénix en France, ou BN 600 et BN 800 en Russie. Les projets français ont d’ailleurs été abandonnés au prétexte que la fourniture d’uranium n’était pas un problème imminent.
  À l’échelle du siècle, elle ne l’est effectivement pas.
  Mais on ne peut, dans le même temps, s’inquiéter sur la disponibilité du combustible nucléaire et préconiser l’arrêt de la recherche française sur les réacteurs à neutrons rapides au nom de “l’abondance d’une ressource bon marché en uranium ”.

Densité énergétique

  Avec 61,3 GW installés, le nucléaire représente moins de la moitié, 45,1% selon le Bilan RTE 2020, des capacités du seul secteur de production d’électricité.
  Le caractère intensif de sa production lui a permis de fournir 1027 TWh des 2571 TWh consommés en France en 2020, Chiffres clés, p74, soit 40% de toute la consommation d’énergie primaire, pétrole et gaz compris.
  Le tour de force du plan Messmer qui a doté la France d’un tel parc de production en un temps record confère à la France un avantage envié, tant sur le plan climatique que sur celui de la sécurité d’approvisionnement énergétique.
  Or, non seulement on n’a pas cherché à tirer parti des 2/3 de sa production perdue stérilement en chaleur, non seulement on ne l’a pas renouvelé depuis 30 ans, mais on imagine désormais le réduire pour le remplacer par des machines qui exigent l’importation de minéraux désormais rares et sont grandes consommatrices d’espace naturel.

Des alternatives limitées

  Il importe d’ailleurs de prendre conscience que les biocarburants, ou autres bioénergies thermiques, impliquent également une grande emprise sur des terres agricoles dont la surface est contrainte et la vocation de nourrir l’humanité. Au même titre d’ailleurs que l’inondation de vallées pour de nouveaux barrages hydroélectriques.
  Et de rappeler que si l’hydrogène peut être un excellent vecteur pour transférer vers la mobilité une énergie électrique ou thermique qui ne serait pas carbonée elle-même, l’énergie est nécessaire pour produire l’hydrogène avec un rendement forcément inférieur à 1. Les réacteurs nucléaires étant d’autant mieux indiqués pour produire de l’« hydrogène vert » que les 2 principaux procédés permettant un rendement important nécessitent de « disposer de chaleur décarbonée à haute température, cogénérée avec de l’électricité elle-aussi décarbonée ».
  Sauf à perdre de vue toute échelle de grandeur, sans le nucléaire, c’est quasiment toute sa consommation d’énergie que la France devrait importer.

La condamnation d’une Stratégie nationale bas carbone
  Ces ordres de grandeur doivent interpeller d’autant plus fortement quant à la pertinence de la stratégie nationale bas carbone (SNBC) qui engage l’essentiel des fonds publics à tenter, sans succès, de décarboner ces moins de 5% des émissions nationales.
  En mars 2019, 4 ONG : Oxfam France, Notre Affaire à tous, Fondation pour la Nature et l’Homme et Greenpeace France, portaient plainte contre l’État pour inaction climatique.
  En épilogue à cette « Affaire du siècle », ce 14 octobre 2021, le Tribunal administratif de Paris vient de condamner la France a compenser au 31 décembre 2022 le retard de 15Mt de CO2(eq) pris sur ses engagements de SNBC, sous réserve d’un ajustement des données par le Citepa.
  Il est plaisant de constater que ces mêmes ONG qui ont porté l’affaire devant la justice, militent en même temps pour la fermeture des réacteurs nucléaires, dont le faible niveau des émissions complètes (ACV) est le principal atout de la décarbonation de notre économie, avec moins de 6gCO2/kWh, soit moins que tout autre moyen de production, éolien compris.
  Par delà le défi climatique et l’envolée prévisible des coûts du pétrole et du gaz, l’indépendance stratégique de la France exige de produire elle-même la plus large part de sa consommation d’énergie.
  Les ordres de grandeur précédemment évoqués éclairent une voie étroite que le manque de résolution politique à long terme est de nature à condamner.

* Selon la nomenclature du Citepa, le secteur « Industrie de l’énergie » regroupe « les activités de combustion de combustibles dans diverses installations, les procédés énergétiques comme le raffinage du pétrole ou les cokeries, les activités d’extraction de combustibles solides, liquides, gazeux ou autres, e.g., la géothermie, les activités de distribution de ces combustibles, e.g., pipelines, stations-services, etc., et les consommations de carbonates utilisés pour la désulfuration. Les émissions des usines d’incinération de déchets non dangereux avec récupération d’énergie pourraient être supposées dans la catégorie « Déchets » mais sont bien incluses dans l’Industrie de l’énergie ».

  Image par Daniel Kirsch de Pixabay

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