Suite au "mariage" du réseau électrique et des énergies renouvelables intermittentes (EnRi),
comment le gestionnaire de réseau, en France Réseau de transport d'électricité (RTE), assure la SÛRETÉ du réseau?
Le gestionnaire du réseau doit se prémunir de quatre phénomènes :
- les surcharges en cascade ;
- la rupture de synchronisme ;
- l’écroulement de tension ;
- l’écroulement de fréquence qui sont à l’origine d’incident de grande ampleur.
Tout d'abord, quelques rappels. L’électricité est un flux d’électrons dans un conducteur donc... elle n’est pas stockable par définition. On peut juste la convertir vers une autre forme d' énergie, type chimique ou mécanique. Je vous renvoie à la vidéo : Stockage de l'énergie sous forme mécanique: STEP, volant d'inertie et air comprimé - Énergie
Cette contrainte oblige le gestionnaire du réseau à constamment assurer l’équilibre entre la production et la consommation. Il doit en outre s'assurer que le courant suit la norme du réseau : en Europe, courant alternatif avec une tension de 230V et une fréquence de 50Hz.
“Attends, Tanguy, mais du coup, quand j’allume une lampe, un moyen de production doit se mettre en route ?”
“Exactement, ou un autre consommateur arrêter de consommer”
“Et qu’est ce qu’il se passe si c’est pas le cas ?”
“Le courant va commencer à se dégrader... “
Un des indicateurs de l’équilibre entre la production et la consommation, est la fréquence. Comme le montre ce schéma, lorsque la consommation est supérieure à la production, la fréquence baisse et vice versa. Les limites ultimes pour ne pas dégrader les installations ou prendre le risque d’ écrouler le réseau, est de l’ordre de 1Hz.
Le réseau est soumis à différents types d’aléas, comme la consommation, mais aussi la météo, les pannes et... les erreurs humaines. Outre la prévention, qui permet de réduire la probabilité d'occurrence des aléas, la protection permet de réduire leur gravité. Le risque est égal à la probabilité x la gravité.
Afin de se protéger contre l’écroulement de fréquence dû par exemple à la perte subite d’un moyen de production, le gestionnaire de réseau possède plusieurs réserves de production : primaire, secondaire et tertiaire. Ces dernières ont différents rôles, délais d'action et puissances.
Lors d’une variation brusque de puissance injectée sur le réseau, ce dernier va entrer dans une première phase dite "transitoire" ou "dynamique" où la fréquence n’est plus constante et va former un premier creux d’autant plus faible que l’inertie des moyens de production sont grands.
“L’inertie mais c’est quoi encore ce truc ?”
“Tu vas voir, c’est pas compliqué”
La majorité de l’électricité est produite aujourd'hui en faisant bouillir de l’eau, qu’on passe dans une turbine qui fait tourner un alternateur et ainsi nait l’électricité.
Hors un alternateur est une “machine tournante” qui peut peser plusieurs tonnes et dont la vitesse de rotation est couplé à la fréquence du réseau. L'inertie de cette masse en rotation permet de “freiner” la chute de tension contribuant ainsi à la stabilité du réseau.
Ces mêmes systèmes turbine-alternateur possède de plus une boucle de rétroaction. Un capteur va mesurer via la rotation, la chute de fréquence et va immédiatement donner l’ordre d’admettre plus vapeur/eau dans la turbine, fournissant ainsi une puissance supplémentaire au réseau.
C’est ce qu’on appelle la réserve primaire. Très réactive, elle permet de stabiliser la fréquence en quelques secondes et ainsi gagner du temps pour la réserve secondaire. En Europe, cette réserve équivaut à K = 15GW/Hz. La perte d’un réacteur de 1,3GW correspond à une chute de 65mHz.
La réserve primaire a réussi à stabiliser la fréquence. La réserve secondaire va la ramener à 50Hz via des télé-réglages émis depuis le centre de dispatching. La réserve tertiaire prendra ensuite le relai afin de reconstituer les premières et prévenir d’un prochain aléa.
”Ok, c’est pas simple mais je crois avoir compris. Mais attend, les panneaux photovoltaïques, ils ont pas de turbine, ni d’alternateur, ils font comment ?”
”En effet ! Et, c’est un problème...”
Le photovoltaïque (PV) ne fournit pas d’inertie au système. Mais, il pourrait constituer une réserve en sous utilisant une ZI de panneaux. L’éolienne a un alternateur. Mais ce dernier n’est pas synchrone avec le réseau car sa vitesse de rotation dépend de la force du vent. Elle ne fournit donc pas d’inertie au réseau. Certaines technologies électroniques permettrait de créer de l’inertie synthétique. D’autre part, la variation de l’inclinaison des pales pourrait aussi constituer une réserve de puissance avec une bonne réactivité.
Néanmoins, aujourd’hui les EnRi, de part leur faible taille et leur variabilité, ne participent que très peu aux services systèmes, stabilisation de la fréquence et de la tension. Dans le bilan de sûreté 2017 de RTE, ce dernier alerte sur les hausses de fréquence dû au PV. Il alerte aussi de l’impact de l’arrivée massive des EnRi “rendant le réseau de plus en plus complexe à anticiper et à exploiter en sûreté”. La conclusion du rapport relève de manière claire les défis à venir. J’ajoute quelques éléments quantitatifs : RTE, Bilan 2017
Ce bilan vient s’ajouter à l’analyse réalisée par EDF R&D : des simulations de réseau avec un taux de pénétration des EnRi entre 35 et 38%. Cette dernière conclut que des chutes de fréquence critiques proche de 49Hz pourrait survenir : TECHNICAL AND ECONOMIC ANALYSIS OF THE EUROPEAN ELECTRICITY SYSTEM WITH 60% RES
Cette étude ajoutait que lorsque la demande était faible, il faudrait restreindre la production d’ EnRi, afin de garder des moyens de production garantissant la stabilité du réseau.
Le développement actuel des EnRi ne rendent pas les mêmes services réseau comme le font les autres moyens de production. Il faut donc prendre en compte cet différence avant de vouloir les comparer.
Enfin pour terminer, je vous laisse sur ce petit site de simulation des coûts économiques d’un blackout, coupure générale d’électricité, dans différentes régions d’Europe… Energie Institut
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