Cour européenne des droits de l' homme et ONG : que la lumière soit

Le rapport : http://media.aclj.org/pdf/1-Rapport-ECLJ,-Les-ONG-et-les-juges-de-la-CEDH,-2009---2019,-f%C3%A9vrier-2020,-version-imprimable.pdf

"Le site Conspiracy Watch critique la méthodologie de ce rapport et met en cause sa neutralité, estimant que ce rapport évoque à plusieurs reprises des situations pouvant possiblement relever du conflit d'intérêts, mais sans jamais détailler un cas en particulier. Conspiracy Watch accuse également l' ECLJ d'être "un pseudopode d’un groupe fondamentaliste chrétien américain"
Source :  https://www.conspiracywatch.info/soros-ce-que-valeurs-actuelles-ne-vous-dit-pas.html

"Selon Martin Scheinin, répondant à un article publié par Grégor Puppinck sur le site du European Journal of International Law, ce rapport, malgré une apparente neutralité, est en réalité un plaidoyer politique. Certains liens rapportés entre les juges et l'Open Society Fondation sont ridicules, par exemple le fait que deux juges aient enseigné dans une université par un accord entre les gouvernements suédois et lettons, et l'Open Society Fondation. Martin Scheinin affirme également que la Cour Européenne des Droits de l'Homme connaît déjà un biais en faveur des Etats, dans la mesure où le juge de l'Etat concerné, nommé par celui-ci, a un rôle central dans chaque litige. D'après lui, le fait que certains juges aient des liens avec des ONG permettrait de rétablir une forme d'équilibre. Il rappelle enfin que les Etats n'ont jamais évoqué le fait que l'absence de récusation de certains juges aurait pu poser un problème"
https://www.ejiltalk.org/ngos-and-judges-at-the-ecthr-a-need-for-clarification/

Chacun sera son propre juge. 
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ONG et juges à la Cour européenne des droits de l'homme : un besoin de clarification

Grégor Puppinck
07/03/2020
publié ici avec sa permission

  Quelles sont les relations entre les juges de la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) et les principales organisations non gouvernementales, et que devrait faire la Cour à leur sujet, en particulier dans les cas où des doutes quant à l'impartialité des juges pourraient surgir? C'est le sujet de cet article, qui mérite d'être examiné et qui doit être abordé, et d'un récent rapport de recherche de l' ECLJ sur «Les ONG et les juges de la CEDH, 2009–2019».

  Les relations entre certains juges et les ONG ne se limitent pas aux moyens d'action formels des ONG auprès de la Cour, mais sont également beaucoup plus profondes, car la Cour est composée, dans une proportion importante, d'anciens employés ou associés d'ONG. La lecture du curriculum vitae des juges, publiés sur le site Internet de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe et de la Cour, en fonction depuis dix ans permet d'identifier sept ONG actives au la Cour et comptent parmi leurs anciens associés au moins une personne qui a siégé en tant que juge permanent de la  CEDH. Sur les 100 juges permanents qui ont siégé au cours de cette période, il semble que 22 aient été administrateurs, employés ou associés dans une ou plusieurs de ces sept organisations.
L'Open Society Foundations (OSF) se distingue par le nombre de juges qui y ont exercé de telles fonctions (12) et par le fait qu'elle finance les six autres organisations mentionnées dans ce rapport, AIRE Center, Amnesty International, Comités d'Helsinki, Human Rights Watch, la Commission internationale de juristes et Interights. Par exemple, parmi les anciens associés de l' OSF, six juges étaient membres du conseil d'administration des fondations nationales de l'Open Society ou de l'Open Society Justice Initiative à New York.
   Cette implication des avocats dans les ONG est, bien entendu, parfaitement légitime et utile. Cette situation résulte, entre autres, du fait que dans certains pays, des avocats à la fois expérimentés en matière de droits de l'homme et ayant une certaine indépendance vis-à-vis du gouvernement se retrouvent principalement au sein des ONG.

Problèmes potentiels d'impartialité
   Un problème se pose lorsqu'un juge est confronté à une affaire impliquant la participation de «son» ancienne ONG, en tant que demandeur, représentant ou tiers. Il ressort de l'examen des 185 affaires dans lesquelles ces sept ONG ont visiblement agi devant la CEDH au cours des dix dernières années que, à 88 reprises, des juges ont siégé dans des affaires portées ou soutenues par «leur» ONG.
  Cette situation remet en cause l'impartialité des juges, qui est requise par les articles 21 de la Convention et 28§2 du règlement de la Cour. Selon cette dernière disposition, aucun juge ne peut participer à l'examen d'une affaire si, entre autres, "pour toute autre raison, son indépendance ou son impartialité peut être légitimement mise en doute". La Cour a précisé que l'impartialité du tribunal, impliquée par le droit à un procès équitable, est définie par l'absence de tout préjugé ou parti pris de la part des juges, voir notamment CEDH, Nicholas c. Chypre, n° 63246/10, 9 janvier 2018, §49. Il peut être apprécié subjectivement, en cherchant à " déterminer la conviction personnelle ou l'intérêt d'un juge donné dans une affaire donnée ", et objectivement, en déterminant si le juge " offrait des garanties suffisantes pour exclure tout doute légitime à cet égard ", Morice c. France [GC], no 29369/10, 23 avril 2015, § 73.

Ainsi, selon la Cour, dans l'affaire Castillo Algar c. Espagne, n° 28194/95, 28 octobre 1998, § 45 :
"il faut déterminer si, indépendamment de la conduite personnelle du juge, il existe des faits vérifiables qui peuvent faire douter de son impartialité. À cet égard, même les apparences peuvent avoir une certaine importance. (...) En conséquence, tout juge à l'égard duquel il existe une raison légitime de craindre un manque d'impartialité doit se retirer. Pour décider si, dans un cas donné, il y a une raison légitime de craindre qu'un juge particulier manque d'impartialité, le point de vue de l'accusé est important mais pas décisif. Ce qui est décisif, c'est de savoir si cette crainte peut être considérée comme objectivement justifiée".
  Comme la Cour l'a encore rappelé il y a quelques jours, "la justice ne doit pas seulement être rendue, elle doit aussi être perçue comme telle", Sigríður Elín Sigfúsdóttir c. Islande, n° 41382/17, 25 février 2020, § 49. Le fait qu'un juge siège avec d'autres juges au sein d'une chambre, et non comme juge unique, ne suffit pas à lever le doute sur son impartialité puisque, comme l'a relevé la Cour, en raison du secret des délibérations, il est impossible de connaître son influence réelle, Morice c. France, [GC], op. cit., § 89.
  Afin d'appliquer le critère d'impartialité de la Cour à ses propres juges, on peut prendre l'exemple de M. Yonko Grozev, l'actuel juge bulgare. Il a été auparavant le membre fondateur du Comité Helsinki de Bulgarie (1992-2013), ainsi que membre du conseil d'administration de l'Open Society Institute de Sofia (2001-2004) puis de l'Open Society Justice Initiative (New-York) de 2011 jusqu'à son élection à la Cour. En cette qualité, il a porté plusieurs affaires devant la Cour européenne des droits de l'homme, comme la célèbre "Émeute des chattes", Mariya Alekhina et autres c. Russie, n° 38004/12, 17 juillet 2018, qui était toujours en cours lorsqu'il est devenu juge en avril 2015.
  Il est évident qu'un tel avocat a une solide expérience du système des droits de l'homme. Mais un problème se pose lorsque l'on observe qu'une fois élu juge, il a statué dans des affaires introduites en 2014 et 2015 par le Comité Helsinki de Bulgarie, voir D.L. c. Bulgarie, n° 7472/14, 19 mai 2016.    Aneva et autres c. Bulgarie, n° 66997/13, 77760/14 et 50240/15, 6 avril 2017. Il ne fait aucun doute qu'une telle situation soulève un problème d'impartialité et que le juge aurait dû se retirer. Dans une autre affaire, toujours pendante, il a siégé pendant que l'Open Society Justice Initiative intervenait en qualité de tierce partie dans l'affaire, voir la procédure devant la Grande Chambre de Big Brother Watch et autres c. Royaume-Uni, n° 58170/13.
  L'objet de la présente affaire est simplement illustratif, et ne vise pas à isoler M. Grozev, car 18 des 22 juges concernés ont eu le même comportement. Il n'est pas non plus question ici de savoir si le juge Grozev a fait preuve d'un véritable parti pris à l'égard de l'une des parties, mais on peut dire que l'apparence d'un tel parti pris existe.
   On peut se demander si le risque d'impartialité existe également lorsque l'ONG n'est pas un demandeur, mais un tiers. Pour répondre à cette question, on peut considérer le fait que les ONG interviennent presque toujours pour soutenir l'une des parties, généralement le demandeur, et que leurs interventions peuvent avoir un poids réel dans la décision finale. Le risque de partialité des juges en raison des interventions de tiers existe également. Il convient de noter à cet égard que, dans ses dispositions relatives aux incompatibilités, le règlement de procédure de la Cour ne fait pas de distinction entre les deux modes d'action et interdit à tout ancien juge de "représenter une partie ou un tiers à quelque titre que ce soit dans une procédure devant la Cour" avant l'expiration d'un délai de deux ans après la fin de son mandat (article 4).
  C'est précisément ce qui s'est passé dans le précédent britannique de Lord Hoffmann dans la célèbre affaire Pinochet. Après que la Chambre des Lords eut décidé, en novembre 1998, que M. Pinochet ne pouvait pas bénéficier de l'immunité de poursuites, à laquelle Lord Hoffmann avait participé, il est apparu que Lord Hoffmann était un directeur non rémunéré d'Amnesty International Charity Ltd, alors qu'Amnesty International était intervenu dans l'affaire pour soutenir l'extradition de M. Pinochet. L'épouse de Lord Hoffmann était également employée par le groupe depuis 20 ans. Suite à cette révélation, le jugement a été annulé par la Chambre des Lords, R v Bow Street Metropolitan Stipendiary Magistrate, ex parte Pinochet Ugarte (No 2). Finalement, l'affaire a été jugée à nouveau par d'autres juges, qui ont rendu un jugement différent du premier jugement. Lord Browne-Wilkinson a expliqué qu'"une fois qu'il est démontré que le juge est lui-même partie à la cause, ou qu'il a un intérêt pertinent dans son objet, il est disqualifié sans qu'aucune enquête ne soit menée pour déterminer s'il y avait une probabilité ou un soupçon de partialité. Le simple fait de son intérêt est suffisant pour le disqualifier, à moins qu'il n'ait fait une divulgation suffisante". Appliquant ces principes à la situation en cause, il a déclaré que "dans les circonstances particulières de cette affaire, notamment le fait qu'Amnesty International a été jointe en tant qu'intervenante et a comparu en qualité d'avocat devant le comité d'appel, Lord Hoffmann, qui n'a pas révélé ses liens avec Amnesty International, a été déchu de ses fonctions".
  Une autre situation problématique survient lorsque d'anciens administrateurs du FSO ont siégé dans des affaires portées par l'une des nombreuses ONG financées par cette même organisation. Selon le FSO, la relation établie avec ses bénéficiaires n'est pas seulement financière mais vise à établir "des alliances dans la poursuite de parties cruciales de l'agenda de la société ouverte". Une telle relation entre un juge et une partie, bien qu'elle soit indirecte, peut donner à l'autre partie une raison de craindre un manque d'impartialité.

Seul un petit nombre de retraits
  On peut donc se demander pourquoi il y a si peu de retraits dans de tels cas. En effet, au cours des 10 dernières années, sur les 313 retraits mentionnés dans les affaires, seuls 12 se sont produits alors que les juges concernés étaient en relation avec une ONG impliquée dans l'affaire. Les raisons des retraits ne sont jamais mentionnées dans les arrêts ; il n'est donc pas possible de savoir, d'après les arrêts, qui l'a demandé, et pourquoi. Il n'y a également que trois mentions de demandes de retrait infructueuses, deux formulées par les demandeurs et une par un État. Il n'est pas possible de savoir, sans consulter directement les dossiers, quelle procédure la Cour applique à ces demandes, et si elle justifie ses décisions à cet égard.
  Une des raisons de ce faible nombre de retraits réside dans le fait qu'il n'existe pas de procédure formelle de retrait au sein de la Cour européenne (CEDH), contrairement à la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) (article 38 du protocole n° 3 sur le statut de la CJUE). Le règlement de la Cour européenne des droits de l'homme prévoit seulement l'obligation pour un juge de se retirer, de sa propre initiative, en cas de doute sur son indépendance ou son impartialité.
  Une "Résolution sur l'éthique judiciaire" adoptée par la Cour européenne le 23 juin 2008 clarifie quelque peu les obligations des juges. Elle stipule que "En cas de doute sur l'application de ces principes dans une situation donnée, un juge peut demander l'avis du Président de la Cour". Le juge européen n'a donc aucune obligation d'informer son président. Le document ajoute en outre que, "si nécessaire", le président "peut consulter le Bureau" et "faire rapport à la Cour plénière sur l'application de ces principes". Il s'agit d'une procédure très légère qui laisse au juge concerné le soin de prendre la décision finale sur son retrait et d'en informer le président. Ce dernier a toutefois le droit de modifier "exceptionnellement" la composition des sections "si les circonstances l'exigent" (article 25 § 4 du règlement de la Cour). Ce pouvoir est nécessaire, mais il ne peut être exercé en temps utile que si le président est informé par les juges de l'existence de situations susceptibles de mettre en cause leur impartialité.
  Une autre raison pratique réside dans le fait que les parties ne sont presque jamais informées à l'avance de la composition de la Cour qui va statuer sur leur affaire, sauf en cas d'audience publique. Par conséquent, une partie ne peut généralement pas demander efficacement le retrait d'un juge. Toutefois, le fait que les parties n'aient pas demandé la récusation du juge ne le libère pas de l'obligation de prendre lui-même les mesures nécessaires, selon la jurisprudence de la Cour (Škrlj c. Croatie, n° 32953/13, 11 juillet 2019, § 45).
  Une dernière raison, plus subjective, peut s'appuyer sur le fait que la Cour européenne des droits de l'homme et ces ONG partagent en grande partie le même système de valeurs, par conséquent, il peut ne pas être évident pour les juges concernés de voir des conflits d'intérêts avec des organisations ayant en grande partie les mêmes intérêts.

Un besoin de solutions
  Quant à l'avenir, plusieurs mesures pourraient être mises en œuvre afin de remédier à cette situation, après ce qui a été fait dans d'autres instances européennes et nationales. Elles sont présentées dans le rapport de la CJCE ; la première étape serait que la CJCE s'applique à elle-même les mêmes règles qu'elle impose aux juridictions nationales, entre autres pour formaliser les procédures de retrait et de récusation.
  Cela nécessiterait d'établir une obligation pour les juges, et non plus seulement une option, d'informer le président de la Cour en cas de conflit d'intérêts potentiel. La Cour aurait également le devoir de justifier ses décisions de refus de récusation, conformément aux exigences de sa propre jurisprudence (Harabin c. Slovaquie, n° 58688/11, 20 novembre 2012, §136

  Il reste à voir ce que la Cour européenne des droits de l'homme devrait faire de ses arrêts passés les plus problématiques. Selon sa propre jurisprudence, ces affaires devraient être jugées à nouveau, en suivant l'exemple de la Chambre des Lords dans l'affaire Pinochet. Cela devrait être le cas, en particulier si une partie demande la révision d'un tel arrêt, conformément à la règle 80 du règlement de la Cour.

Programmation Pluriannuelle de l’Energie (PPE) : l' Etat, l'éolien et... les "idiots utiles"

"La comparaison des chiffres des deux moutures de la PPE montre que la diminution des objectifs en matière d’éolien terrestre n’est qu’un leurre [...] Notre Président de la République a ainsi pu, dans le même temps, expliquer aux ruraux et aux associations qu’il freinait le développement de l’éolien terrestre, tout en annonçant à la filière qu’il augmentait globalement les objectifs d’implantation. [...]  la Synthèse du résultat de la consultation montre que plus de 70% des contributions étaient « défavorables aux EnRi, éolien notamment » [...] Les décrets Lecornu du 29 novembre 2018 (voir ici) et de Rugy du 24 décembre 2018 (voir ici) – rejetées à 95 et 93 % au moment de leurs consultations "
Les "idiots utiles" comptons-nous!

  Devant la surdité continue et la marche en avant des autorités piétinant l'expression et le vote démocratiques, le temps n'est-il pas venu de repenser la stratégie pour STOPPER le fléau éolien, pour mieux protéger la santé des êtres vivants, volants ou non, l'environnement et le patrimoine?, ou à "mourir" en rase campagne, aux pieds des éoliennes... 

ZERO EOLIENNE ET BASTA!
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« Monde d’après » : les décrets sur la PPE et les dérogations préfectorales préparent la multiplication des éoliennes et la destruction du patrimoine

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Julien Lacaze, président de Sites & Monuments

28 avril 2020 


L’éolien toujours au centre de la PPE

  La Programmation Pluriannuelle de l’Energie (PPE), déterminant les choix énergétiques de la Nation, et notamment la part allouée à l’énergie éolienne, a fait l’objet d’une première mouture dévoilée le 25 janvier 2019 (voir ici).
  Celle-ci était particulièrement intéressante et concrète. Sa synthèse indiquait que « Le développement de l’éolien se fera en partie par des rénovations de parcs existants arrivant en fin de vie, ce qui permet d’augmenter l’énergie produite tout en conservant un nombre de mats identique ou inférieur. Au total, le passage de 15 GW en 2018 à 34,1 GW en 2028 conduira à faire passer le parc éolien de 8000 mâts fin 2018 à environ 14 500 en 2028, soit une augmentation de 6 500 mâts ».
  Cette annonce, faite en janvier 2019, a évidemment été mal accueillie par les associations concernées, constatant déjà les dégâts occasionnés par les 8 000 éoliennes existantes, celles en projet faisant l’objet de contentieux, de protestations diverses, voire de manifestations.

Un nouveau discours politique contredit par le décret sur la PPE
  D’où un infléchissement du discours à l’occasion d’une nouvelle mouture de la PPE présentée en janvier 2020. L’exécutif explique désormais qu’il privilégie l’éolien en mer, tout en prenant soin, sur terre, d’éviter les erreurs d’implantation du passé. 


 

Motifs du décret du 21 avril 2020 sur la PPE

  Les motifs de la décision conduisant au décret du 21 avril 2020 relatif à la PPE (voir ici) expliquent ainsi que « certains ajustements avaient été effectués entre le projet de PPE publié en janvier 2019 et celui mis en consultation : les objectifs de l’éolien en mer avaient été relevés concomitamment à une légère réduction des objectifs pour l’éolien terrestre ». Par ailleurs, ils indiquent que « les enjeux et difficultés posées par [le] développement [de l'éolien terrestre] sur le terrain ont bien été identifiés. Le gouvernement a ainsi mis en place ou prévu des mesures visant à mieux répartir l’éolien terrestre sur le territoire national » (voir ci-dessous). D’où aussi les déclarations du Président de la République du 14 janvier 2020 et de sa ministre de la Transition écologique du 18 février 2020 (voir ici) reconnaissant, pour la première fois, le défaut d’acceptabilité des éoliennes. 


 
Tableau comparatif des PPE de janvier 2019 et avril 2020

  Pourtant, la comparaison des chiffres des deux moutures de la PPE montre que la diminution des objectifs en matière d’éolien terrestre n’est qu’un leurre. Ainsi, entre janvier 2019 et janvier 2020, la puissance installée prévue en 2028 pour l’éolien terrestre passe d’une fourchette de 34,1/35,6 GW à une fourchette de 33,2/34,7 GW, soit une diminution de 1,5 GW (voir tableau ci-dessus). Pourtant, malgré cette baisse des objectifs, le nombre estimé des nouveaux mâts a été maintenu à 6500 (voir comparatif ci-dessous), signe de sa sous-évaluation en janvier 2019. 


 

Centrale hydro-éolienne d’ El Hierro dans l’archipel des Canaries

  Le Gouvernement ne retient en outre que son hypothèse basse, oubliant celle haute, correspondant à 35,6 GW implantés, qui nécessiterait 300 autres éoliennes, soit un total de 6 800 nouvelles machines en 2028 (voir ci-dessus). Ces chiffres, probablement très optimistes, sont au demeurant donnés à titre indicatif, seule la multiplication par 2,25 de la puissance actuellement installée, passant de 15 GW à une fourchette comprise entre 33,2 et 34,7 GW, faisant foi. Et il n’est pas précisé que la rénovation des parcs les plus anciens, repowering, conduit presque systématiquement à doubler leur hauteur (voir ici). De même, engager « des projets de stockage sous forme de stations de transfert d’électricité par pompage, en vue d’un développement de 1,5 GW de capacités entre 2030 et 2035 » (voir ici) porterait à nouveau atteinte aux paysages afin de compenser l’intermittence du fonctionnement de machines les défigurant. Une double peine, en quelque sorte, même si la capacité des réservoirs prévus est, pour l’heure, très limitée.
  Quant à la fourchette haute globale de la puissance éolienne installable, elle augmente même, si l’on cumule l’éolien terrestre et maritime, passant ainsi de 40,8 GW en janvier 2019 à 40,9 GW un an plus tard (voir tableau ci-dessus) ! Notre Président de la République a ainsi pu, dans le même temps, expliquer aux ruraux et aux associations qu’il freinait le développement de l’éolien terrestre, tout en annonçant à la filière qu’il augmentait globalement les objectifs d’implantation. 


 
Comparaison PPE de janvier 2019 et d’avril 2020

Le droit de participation aux décisions environnementales bafoué
  La Charte de l’environnement, intégrée en 2005 au préambule de la Constitution (voir ici), prévoit que « Toute personne a le droit, dans les conditions et les limites définies par la loi, [...] de participer à l’élaboration des décisions publiques ayant une incidence sur l’environnement. » C’est en application de ce texte que l’article L. 123-19-1 du code de l’Environnement (voir ici) prévoit les modalités de consultation du public mises en œuvre pour élaborer le décret PPE.



  

Triptyque montrant : 1. Le projet de décret PPE de janvier 2020 ; 2. Le résultat des contributions à la consultation, à plus de 70% défavorables à l’éolien ; 3. Le décret PPE du 21 avril 2020 strictement identique au projet de janvier 2020.

  Obligés de composer avec cette obligation, les motifs du décret du 21 avril 2020 expliquent que « la consultation a enregistré de nombreuses expressions de particuliers et d’associations locales en défaveur de l’éolien terrestre en particulier. [Mais que] Ces observations ne sont cependant pas consensuelles, de nombreuses autres observations ayant été enregistrées en soutien au développement des ENR et de l’éolien notamment. »
  Pourtant, la Synthèse du résultat de la consultation montre que plus de 70% des contributions étaient « défavorables aux EnRi, éolien notamment » (voir graphique ci-dessus).
  Vient alors le discrédit porté sur les chiffres : « Il convient de noter que cette consultation a été marquée par la mobilisation forte de certaines associations conduisant à de très nombreux commentaires identiques. Ainsi, le nombre de commentaires par sujet indiqué dans cette synthèse doit être pris avec précaution. » C’est oublier que les associations agissent dans le contexte d’une opinion largement conditionnée, sans disposer des moyens financiers ou médiatiques de la filière éolienne.

Un nouveau mécanisme de dérégulation favorisant l’implantation des éoliennes et la destruction du patrimoine
  Les décrets Lecornu du 29 novembre 2018 (voir ici) et de Rugy du 24 décembre 2018 (voir ici) – rejetées à 95 et 93 % au moment de leurs consultations (voir ici) – avaient commencé à déréguler l’implantation des éoliennes. Ainsi, le décret de Rugy expérimente dans 2 régions le remplacement de l’enquête publique avec commissaire-enquêteur par une « participation électronique » (voir ici).
Dans la continuité de ces mesures, le récent décret du 8 avril 2020 relatif au droit de dérogation reconnu au préfet (voir ici) – généralisant une expérimentation issue d’un décret du 29 décembre 2017 (voir ici) – permet désormais au préfet d’implanter un parc sans enquête publique ni étude d’impact !
  Le décret prévoit ainsi que « Le préfet de région ou de département peut déroger à des normes arrêtées par l’administration de l’Etat pour prendre des décisions non réglementaires relevant de sa compétence dans les matières suivantes : 1° Subventions [...] des associations et des collectivités territoriales ; 2° Aménagement du territoire et politique de la ville ; 3° Environnement, agriculture et forêts ; 4° Construction, logement et urbanisme ; […] 6° Protection et mise en valeur du patrimoine culturel ; […] » à la condition d’« Avoir pour effet d’alléger les démarches administratives, de réduire les délais de procédure » et de « Ne pas porter […] une atteinte disproportionnée aux objectifs poursuivis par les dispositions auxquelles il est dérogé.» (voir ici).
  La protection du patrimoine bâti, perçue encore et toujours comme entravant l’activité, est également concernée par ces dérogations. On peut notamment imaginer un préfet de Région désavouant un ABF sans recueillir préalablement l’avis de la Commission Régionale du Patrimoine et des Sites (CRPS).


  

Illustration de l’article de Reporterre du 22 avril 2020 (voir ici)

Le site Reporterre (voir ici), exhumant le rapport d’information des sénateurs Jean-Marie Bockel et Mathieu Darnaud du 11 juin 2019, Session 2018-2019, n°560, intitulé « Réduire le poids des normes : interprétation facilitatrice et pouvoir de dérogation aux normes », révèle que l’expérimentation a bien touché l’implantation d’un parc éolien : « Le préfet de Vendée signale qu’une dérogation accordée pour un projet de parc éolien, qui a évité la réalisation d’une étude d’impact et d’une enquête publique, a sans doute permis au porteur du projet d’être en mesure de respecter les délais de l’appel d’offre de la Commission de régulation de l’énergie (CRE) qui fixe le tarif de rachat de l’énergie produite, et d’assurer ainsi l’équilibre financier du projet. »
  Le préfet de Vendée indique dans quel état d’esprit il a abordé ce pouvoir de déroger : « j’ai essayé de le considérer [ce projet d'expérimentation] comme un merveilleux cadeau de Noël en décembre 2017. Le but était d’en faire un outil de résolution de blocages rencontrés sur des dossiers à enjeux. Pour ce faire, les dimensions culturelle et managériale de l’utilisation de cet outil doivent être soulignées. Tout d’abord, d’un point de vue culturel, cet outil nécessite de demander à des fonctionnaires d’aller à l’encontre de leur nature, compte tenu de leur rapport à la loi. Ce décentrage n’est pas dans notre culture de la fonction publique. En outre, d’un point de vue managérial, le chef de l’État nous a exhortés à une nouvelle approche, en nous demandant, voilà deux ans, de nous comporter comme des entrepreneurs de l’État, ce qui induit de substituer à une logique de moyens une logique de projets et d’objectifs, l’atteinte des objectifs passant par le droit de dérogation pour surmonter des blocages jusqu’ici difficiles, voire impossibles, à dépasser. Cette novation n’a pas soulevé un immense enthousiasme au niveau local, mais bien des craintes. » Voir rapport ci-dessous, p. 26, 88, 89. Ainsi, l’éolien est conçu comme a priori positif alors que l’enquête publique doit précisément déterminer si ses inconvénients ne sont pas prépondérants.
  Il s’agit d’une atteinte très grave à des règles fondamentales, mettant notamment en cause l’égalité des territoires devant la norme. Bien que planifiée de longue date, cette nouvelle dérégulation est aujourd’hui justifiée au nom du coronavirus : selon le communiqué du ministère de l’Intérieur, ces dérogations seraient « un outil utile pour faciliter la reprise de notre pays. » (voir ici).

  Ainsi, alors que de nombreuses voix demandent la fin de la politique ruineuse et nuisible favorable aux énergies intermittentes, en particulier éolienne (voir ici), notre électricité étant déjà décarbonée à 95%, le gouvernement accélère ce mouvement délétère… Sites & Monuments se réserve évidemment la possibilité de contester les décrets des 8 et 21 avril 2020 devant le Conseil d’État.


Synthèse de la Programmation Pluriannuelle de l’Energie 2019-2028

Synthèse des avis du public dans le cadre de la consultation publique

Motifs de la décision suite aux observations de la consultation publique

Rapport d’information des sénateurs Jean-Marie Bockel et Mathieu Darnaud du 11 juin 2019

Suède, étude : pour un sommeil de qualité, exit la proximité d'éoliennes!

"Le sommeil paradoxal, connu également comme le sommeil REM (Rapid Eye Movement), fait suite au sommeil lent (« sommeil à ondes lentes » désignant les stades 3 et 4), et constitue le cinquième et dernier stade d'un cycle du sommeil. Une « nuit » comprend de trois à six cycles successifs d'une durée chacun de 90 à 120 minutes. Chez une personne normale, la durée du sommeil paradoxal occupe environ 25 % de la durée d'une nuit, et s'accroît à chaque cycle jusqu'au réveil"
Source : https://fr.wikipedia.org/wiki/Sommeil_paradoxal


  Encore une étude scientifique dénonçant la mise en danger, bruit, infrasons, de la santé des riverains, plus ou moins proches de zones industrielles d'aérogénérateurs. Pour l'association Les vues imprenables, c'est le péril des périls! : le sacrifice humain orchestré méthodiquement par les autorités, de tous bords politiques.
  Et pendant ce temps là, la Ministre de la Transition écologique et solidaire, droite dans ses escarpins, fait comme-ci de rien n'était :
" En 2008, la crise avait ralenti la transition écologique. En 2020, la donne a changé, l’économie verte est mûre : les constructeurs ont investi des milliards pour faire des voitures électriques, les énergies renouvelables coûtent 3 à 7 fois moins chers qu’il y a 10 ans. [...] Il ne peut pas y avoir de pause en matière de transition écologique, même en temps de crise. Nous n'avons pas à choisir entre la protection des emplois et celle de la planète : il faut faire les deux."
Source : Europe1, 27 avril.

Et pendant ce temps là, que fait la majorité des Français?


« Les besoins d'un être humain sont sacrés. Leur satisfaction ne peut être subordonnée ni à la Raison d’État, ni à aucune considération soit d'argent, soit de nationalité, soit de race, soit de couleur, ni à la valeur morale ou autre attribuée à la personne considérée, ni à aucune condition quelle qu'elle soit."
Simone Weil, l'enracinement 1949


ZERO EOLIENNE ET BASTA!
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Le bruit des éoliennes affecte le sommeil paradoxal

Medezin.doc

  Le bruit des éoliennes raccourcit-il le temps du sommeil paradoxal? Le bruit des éoliennes affecte la perception qu'ont les gens des effets régénérateurs du sommeil et a également un impact faible mais significatif sur le sommeil REM (Rapid Eye Movement), également connu sous le nom de sommeil paradoxal.


  Une nuit perturbée par le bruit d'éoliennes provoque chez l'homme un retard et un raccourcissement du sommeil paradoxal. C'est le résultat d'une étude de l'Université de Göteborg, en Suède, publiée dans la revue scientifique Sleep.
  Sur les 50 personnes qui ont participé à l'étude, 24 personnes vivaient à moins d'un kilomètre d'une ou plusieurs éoliennes depuis au moins un an. Les 26 autres sujets, groupe témoin, ne vivaient pas à proximité d'éoliennes.
  Les chercheurs voulaient savoir si les personnes exposées au bruit d'éoliennes deviennent plus sensibles avec le temps ou s'habituent au bruit des éoliennes.
  Pour ce faire, les participants ont passé trois nuits dans un laboratoire d'environnement sonore : 

- une nuit d'acclimatation, 
puis, dans un ordre aléatoire :
- une nuit calme et ,
- une nuit avec quatre phases de bruit d'éolienne. 
  Les bruits utilisés ont été modélisés sur la base de mesures effectuées à l'extérieur sur plusieurs éoliennes et filtrés pour correspondre à l'isolation acoustique d'une maison en bois suédoise typique. L'exposition au bruit a été conçue pour correspondre au fait de dormir avec la fenêtre fermée ou en s'appuyant contre la fenêtre.
  Les niveaux sonores ont été choisis pour représenter des conditions relativement défavorables, avec un niveau sonore moyen extérieur légèrement plus élevé que ce qui est actuellement autorisé en Suède. Ce niveau correspondait toutefois à un faible niveau de bruit intérieur - inférieur aux niveaux auxquels le sommeil était auparavant perturbé par le bruit de la circulation, par exemple.

  Pendant la nuit avec le bruit des éoliennes, des mesures physiologiques ont montré que :

- les participants avaient, en moyenne, 11,1 minutes de sommeil paradoxal en moins
- qu'ils débutaient celui-ci avec 16,8 minutes de retard par rapport aux conditions d'une nuit calme,
 - que sa durée était de 18,8 % pendant la nuit avec le bruit des éoliennes contre 20,6 % pendant la nuit calme. 

Une différence faible mais statistiquement significative, qui était également indépendante de toute accoutumance au bruit des éoliennes.
  Aucune différence statistiquement significative n'a été observée pour les autres paramètres du sommeil, tels que le nombre de phases d'éveil, la durée totale du sommeil, le temps passé dans les phases de sommeil profond, non-REM, ou la fragmentation du sommeil profond et la fréquence cardiaque. Cependant, les fluctuations rythmiques du bruit semblent perturber le sommeil, surtout lorsque les fenêtres sont fermées.
  En plus des mesures physiologiques, les participants ont rempli un questionnaire sur la qualité de leur sommeil et ont précisé leur niveau de fatigue ou de repos. Toutefois, les deux groupes d'étude ont rapporté qu'ils dormaient moins bien pendant les nuits où le bruit des éoliennes était présent.

  La présente étude ne donne aucune indication d'un effet d'accoutumance ou d'une sensibilité accrue chez les participants qui ont été exposés à des éoliennes dans leur milieu de vie. Cependant, le groupe vivant près des éoliennes a rapporté un sommeil moins réparateur, même pendant une nuit calme. L'auteur de l'étude est Kerstin Persson Waye, professeur de médecine environnementale à l'Académie Sahlgrenska, Université de Göteborg.


  Recommandation de l'OMS sur le bruit des éoliennes : les éoliennes sont à l'origine d'un bruit qui, selon une directive de l'Organisation mondiale de la santé (OMS) ne devrait pas dépasser 45 décibels en moyenne pendant la journée. Selon le rapport, le bruit des éoliennes et des parcs éoliens au-delà de cette limite est nocif pour la santé.
Source : Sleep / Université de Göteborg

Haute-Marne : il était une fois la ville de Fayl-Billot et des villages du canton, Épisode IV

Précédemment
Haute-Marne : il était une fois la ville de Fayl-Billot et des villages du canton, Épisode I
Haute-Marne : il était une fois la ville de Fayl-Billot et des villages du canton, Épisode II
Haute-Marne : il était une fois la ville de Fayl-Billot et des villages du canton, Épisode III

Claude-Jules Briffaut est né à Vicq, le 25 août 1830. Ordonné prêtre à Langres le 3 mars 1855, il fut nommé vicaire à Fayl-Billot le 16 mars de la même année et occupa cette fonction jusqu'au 1er septembre 1866, date à laquelle il devint curé de Pierrefaites-Montesson. Le 17 février il fut nommé curé de Bussières-les-Belmont. Sous une apparence sévère, il se dévoua toute sa vie pour les pauvres et les malheureux, allant même jusqu'à créer un hôpital. La paralysie qui le frappa deux ans avant sa mort, survenue le 7 avril 1897, à Bussières-les-Belmont, lui interdit ensuite toute activité, à son plus grand désarroi.

   Après cette expédition il revint et prit ses quartiers d'hiver à Torcenay [au sud-est de Langres] et aux environs , où il demeura jusqu'au 15 décembre. La peste avait infecté son armée, et plusieurs habitants en furent victimes. Ses soldats commettaient autant d'exactions que les ennemis ; il serait difficile de dire de quelle armée on avait le plus à souffrir.
   Les malheureux qui avaient abandonné Fayl-Billot, et que la mort avait épargnés, y retournèrent en 1637, dans l'espérance d'y trouver un asile. Mais de nouveaux désastres les attendaient. "Le dix-huitièsme juillet de la dicte année, les collonels Bornival et Mercy des trouppes impériales qui estoient à Jonvelle, firent course dans le dict lieu du Fayl, y enlevèrent soixante-dix-sept prisonniers avec tout le bestail qui pouvoit estre audict Fay, tuèrent plus de quinze habitants et furent cause que les grains non recueillis demeurèrent en la campagne sans en pouvoir estre enlevez "
(7).
   Les soldats conduisirent à Jonvelle [ aujourd'hui en Haute-Saône] ces soixante-dix-sept infortunés, parmi lesquels était M. Gaspard Carbollot, curé de la paroisse. Ce vénérable pasteur mourut, quelque temps après, par suite des mauvais traitements qu'il avait éprouvés. La garnison de cette place était cruelle à l'égard de ses prisonniers. Quelquefois on les entassait pêle-mêle dans des cachots où il n' y avait ni air ni lumière, on leur bandait la tête avec une corde nouée, on leur donnait l'estrapade, on leur faisait manger de l'herbe crue, en un mot on les soumettait à des tortures affreuses, que Mâcheret n'a osé rapporter en français (8).
   Après avoir répandu la désolation à Fayl-Billot, les ennemis allèrent à Corgirnon et à Torcenay où ils prirent également plusieurs personnes. Etant ensuite descendus à Chaudenay [au nord-est de Torcenay], ils menacèrent de le brûler si on ne leur donnait cent pistoles. Les seigneurs du lieu n'ayant pu immédiatement fournir cette somme, ils mirent le feu au village qui fut ruiné de fond en comble. Deux maisons seulement échappèrent à cet incendie. En passant à Rosoy [à 4 Km au nord de Chaudenay], ils firent prisonniers, le curé, nommé Simon Parisel, et son neveu, Simon Millot, qu'ils emmenèrent avec eux à Jonvelle. M. le curé de Rosoy y demeura six semaines, et paya soixante pistoles pour sa rançon et huit pour sa nourriture (9).
   L'année suivante, Louis XIII, à la vue des calamités qui affligeaient ses sujets, eut l'heureuse pensée de mettre sa personne et son royaume sous la protection spéciale de la très-sainte Vierge. Il en informa Monseigneur l' Évêque de Langres par une lettre circulaire datée de Compiègne le 2 mai 1638. Il exprimait le désir que tous les ans, au jour de la glorieuse Assomption de la Mère de Dieu, l'on fît, avec toute la solennité possible, une procession générale à laquelle assisteraient tous les magistrats aussi bien que le peuple (10). Ce fut une consolation pour nos pères que frappaient dans ce temps malheureux tous les fléaux du ciel.
   Souvent les garnisons des différentes places de Franche-Comté faisaient des incursions dans nos contrées. Les soldats qui étaient à Gray [ Hauts-Saône, située à mi-chemin entre Dijon au sud-ouest et Vesoul au nord-est] et aux environs, ayant appris que le capitaine d'Yver, gouverneur du château de Pressigny, était allé à Dijon par ordre de Sa Majesté, profitèrent de la circonstance pour venir piller le village. Ils y prirent, le 29 septembre 1640, beaucoup de chevaux, vaches et autres bestiaux. Ils y revinrent le 5 février suivant. Mais alors le gouverneur était là ; il les battit, en massacra une partie et fit prisonniers ceux qui n'eurent pas le temps de prendre la fuite. Le 8 mars, d'autres ennemis voulurent dresser une embuscade à la garnison de Pressigny. S'étant pour cela emparés de l'église de Savigny [ située à 3 km au sud], ils s'y fortifièrent. Mais nos soldats, qui s'en étaient aperçu, les cernèrent et leur tuèrent neuf hommes. Ils n'eurent de leur côté que deux morts et trois blessés.
   Le 13 du même mois, des soldats de la garnison de Suaucourt [aujourd'hui La Roche-Morey, Haute-Saône], prirent à Torcenay, trois hommes, dont un de Fayl-Billot et un autre de Bize, qui s'y trouvaient pour affaires. Ils volèrent en même temps aux habitants une partie de leur bétail. D'autres ennemis, sous la conduite du sieur Daboncourt, marquis de Chauvirey, [ au nord de Pressigny, Haute-Saône] vinrent également, le 23 juillet, leur prendre quarante-trois animaux, tant chevaux que vaches.
   La même chose avait lieu dans tout le voisinage, de sorte que les pauvres laboureurs étaient épuisés et désolés. Ce qu'ils avaient récolté à la sueur de leur front, l'ennemi le leur prenait ; ce qui se trouvait dans les champs était ravagé. Le cheval, le bœuf et tous les animaux propres au labourage leur étaient ravis. Les sillons restaient incultes, et par conséquent improductifs. Dans cette détresse générale, des hommes prirent le parti de s'atteler à la charrue et de la trainer comme des bêtes de somme. C'est ce que l'on vit surtout à Fayl-Billot et à Torcenay, en 1641.
   Le 29 juillet de la même année, deux cent-cinquante fantassins et cent cavaliers des garnisons de Gray, Ray, Suaucourt, Chauvirey et Jonvelle, sous les ordres du sieur Daboncourt, après avoir traversé Fayl-Billot pendant la nuit, arrivèrent aux faubourgs de Langres à six heures du matin. Ayant trouvé là plusieurs troupeaux de moutons et d'autres bestiaux appartenant aux bouchers de la ville et à divers particuliers, ils s'en emparèrent et les dirigèrent vers la Franche-Comté. La garnison de Langres en ayant été informée, tira, du haut de la tour Saint Fergeux, quelques coups de canon, et les ennemis prirent la fuite. Les Langrois se mirent à les poursuivre et les atteignirent au village de Rougeux. Alors on en vint aux mains, et les Comtois vaincus furent obligés de rendre leur proie. Ils n'avaient blessé qu'un Français, et avaient vu tomber dans la mêlée leur chef, le marquis de Chauvirey. La veille du départ, l'épouse de ce seigneur s'était jetée à ses genoux pour le détourner de son dessein. Il lui avait répondu qu'il ne pouvait se dispenser de partir encore cette fois, lui promettant, pour la consoler, que c'était la dernière, et que désormais il n'irait plus attaquer les Français. Il avait dit vrai sans le savoir.

 

@geoportail

   Pendant ce temps-là, nos troupes, qui avaient déjà pris, les années précédentes, Champlitte et Montreuil-sur-Saône se préparaient à envahir de nouveau la Franche-Comté. Le 15 septembre 1641, le général Du Haillier (11), gouverneur pour le roi en Lorraine, et plusieurs seigneurs, entre autres le comte de Grancey, allèrent à la tête d'une nombreuse armée assiéger Jonvelle. Le lendemain ils l'emportèrent d'assaut, firent prisonnier le gouverneur, du Magny, et passèrent au fil de l'épée la garnison toute entière. Ensuite ils démolirent la grande tour du château et mirent le feu à tous les quartiers de la ville (12). Le 23, après avoir tiré environ quarante coups de canon, ils s'emparèrent de Chauvirey. Les soldats furent désarmés ; le capitaine, qui avait trop tardé à ses rendre, fut pendu, et la forteresse démantelée. Deux jours après, le château de Suaucourt fut également pris. Avant d'en sortir, la garnison avait apprêté, dans la grande salle, une table chargée de pain, de vin et de viandes rôties.    C'était un piège ; les Français ne s'y laissèrent pas prendre. Il fut expressément défendu de toucher à ces mets, et l'on en donna à des chiens qui ne tardèrent pas à périr. Alors on mit le feu au manoir, et la place fut ruinée. Le 26, nos soldats prirent encore le château d' Artaufontaine (13), qui fut conservé, et l'on mis une garnison sous le commandement du marquis de Francières, gouverneur de Langres.


Le château d' Artaufontaine :"On peut imaginer, par les plans du cadastre napoléonien et les descriptions faites ( 4 tours, un donjon, des douves, un pont levis, que le château pouvait ressembler à celui-ci qui se trouve à Posanges en Côte d'Or."
Source : chronique de nos villages saonois

  Le lendemain, le comte de Grancey somma la ville de Vesoul de se rendre. Elle capitula moyennant trente-six mille livres. En attendant le paiement de cette somme, le comte reçu en otage douze des principaux habitants, qui furent conduits au château de Grancey.


Château, dans son état actuel, date du début du 18e siècle. Il conserve des vestiges du château antérieur médiéval (cheminées du grand salon). Certaines parties de fortifications remontent au 11e siècle. L'enceinte a été renforcée aux 13e et 15e siècles. La collégiale (1367) a été restaurée par l'architecte Sagot au 19e siècle (porche néo-gothique sur la façade ouest). Vitraux posés en 1880. Photo : @GOOSSE Jean Marie
Source : château de Grancey

  Le 2 octobre, on s'empara de la forteresse de Scey-sur-Saône. Le baron de Saint-Clair en fut nommé capitaine, et on lui donna une garnison pour la défendre, et pour garder le pont de pierre au moyen duquel on pouvait facilement traverser la Saône pour inquiéter les Comtois au-delà de cette rivière. Le château de Ray se rendit, le 3, et le capitaine d'Yver y resta en garnison avec les soldats qu'il commandait. On remporta encore d'autres avantages, et bientôt toutes les places principales de cette contrée, excepté Gray, furent au pouvoir des Français.


Le château de Ray-sur-Saône de nos jours.
Source : entre Saône et Salon

À suivre...

L'abbé Briffaut, Histoire de la ville de FAYL-BILLOT et notices sur les villages du canton, 1860, pp. 61-66, Monographies des villes et villages de France, Le Livre d'histoire-Lorisse, Paris 2012.

Lire sur le même sujet
Histoire de Jonvelle et de ses environs

7. Archives de la ville, art, 1er, n°22- Mâcheret rapporte le même fait en ces termes : "Le jeudy 9 du présent mois de juillet 1637, le capitaine Bornival assisté de plusieurs Croates, Comtois et Lorrains, se transportèrent au Fayl-Billot environ une demi heure avant le jour, et ayant gaignié l'église du dict lieu sonnèrent le tocsin et alarme, et les peuples du dict village pensant se retirer en la dicte église furent prins jusqu'au nombre de six vingt personnes entre lesquelles estoit le sieur curé appelé messire Gaspard Carbollot, et furent envoyés à Jonvelle par une partie des soldats." Mss., fol.22.

8. Nempe quôd duarum mulierum vulvas, post ciolentam oppressionem, aperientes, easque tormentario pulvere adimplentes, et, adhibito igne, tali supplicio eas de medio sustulerunt. Mss., fol.48.

9. Au mois de mai 1638, des Lorrains et des Croates, conduits par le même capitaine Bornival, prélevèrent à Bourbonne 800 pistoles, brûlèrent totalement ou en partie Coiffy-le-Haut, Coiffy-le-Bas, Laneuvelle, Lavernoy, Varennes, Chézeaux et Arbigny-sous-Varennes, massacrèrent plusieurs habitants de ces villages, et en emmenèrent d'autres à Jonvelle.

10. Cette procession se fait encore de nos jour, mais avec moins d'empressement et de piété que dans ces temps de foi.

11. Nommé depuis Maréchal de l' Hôpital.

12. Les Jonvellois avaient détruit en France plus de dix mille maisons et dépeuplé les frontières de la Champagne et de la Bourgogne.

13. Artaufontaine ou les Barrières était une forteresse construite sur le territoire de Cornot, canton de Combeaufontaine. On voit encore l'emplacement. 


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Electricité, blackout : l'ignorance marche toujours accompagnée de la vanité et de l'orgueil (proverbe persan)

 Faut-il que tous ces décideurs de l' avenir électrique de la France depuis ces dernières années, personnel politique, fonctionnaire et "civil ", ait donc des vies à ce point sans relief ou des obsessions de... gloire posthume, tout le monde ne peut pas être amené à devenir le Sauveur de la Nation lors d' un conflit mondial et, c'est tant mieux, pour avoir créé artificiellement un problème électrique, nucléaire, là où tout fonctionnait parfaitement depuis des décennies. Pour convaincre l'opinion publique et enfiler définitivement le costume de super héro, ils viennent étaler dans les médias cette vanité en expliquant que les citoyens ne peuvent imaginer, oh combien, le nombre d'"exploits" qu' ils sont obligés de réaliser pour éviter... leur Blackout. Des héros de la Nation qu'on vous dit!
Si la justice ne les juge pas, espérons que l' Histoire le fera.
"De surcroît la politique est, on le sait, le domaine par élection des apparences trompeuses et des illusions entretenues. C'est une de fonctions du langage politique que de dissimuler ou de travestir".
René Rémond, Les droites en France, p.17, Aubier, Collection historique, 1982. 

ZERO EOLIENNE ET BASTA
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« Comment la France a échappé de peu à un blackout électrique ? »
Jean Pierre Riou

Les 49,8959 Hz du 10 janvier ont fait la une de la presse
Les 49,8801 Hz du 23 avril ont fait profil bas


   Le 10 janvier dernier*, une baisse de fréquence du réseau incitait la presse à relater l’incident sous ce titre évoquant le blackout.
A 21 heures 02 et 10 secondes, cette fréquence était effectivement tombée sous les 49,9 Hz : à 49,8959 Hz très précisément, comme permettent de le vérifier les données complètes de RTE.
Une marge restait pourtant disponible, grâce notamment à un mécanisme immédiatement activé pour la première fois depuis sa création, l’interruption de fourniture aux industriels rémunérés à cet effet, qui a permis de soulager le réseau de plus de 1500 MW, soit l’équivalent du concours de 2 réacteurs nucléaires supplémentaires.
   D’une façon générale, en plus de cette flexibilité de la consommation, les grosses machines tournantes des générateurs des centrales électriques conventionnelles confèrent une grande inertie au réseau en fonctionnant de façon synchrone à 50 Hz, et absorbent ainsi les écarts de tension en stockant ou injectant leur énergie cinétique sur le réseau.
   Les gestionnaires de réseaux sont chargés d’assurer le contrôle de l’amplitude de variation de la fréquence, ou Rate of Change of Frequency (RoCoF)
   Dans son rapport sur la question, le gestionnaire du réseau européen Entsoe, considère que « Par son inertie, la génération synchrone limite le RoCoF et lui donne plus de temps pour rétablir l'équilibre de puissance. » et que « Le gradient de la fréquence (RoCoF) est inversement proportionnel à l'inertie globale du système. »
Les énergies renouvelables n'étant pas synchrones, plus leur part augmente et plus cette inertie globale diminue.
   
   En cas d’incident, le réseau européen doit être séparé en plusieurs îlots pour éviter la panne générale. La diminution de l’inertie de chaque nouveau sous-système aggravant alors la situation du ou des îlots déséquilibrés.
   C’est la raison pour laquelle le Directeur exécutif de l’ AIE, Fatih Birol a attiré l’attention sur le risque électrique dans une période de crise comme aujourd’hui en raison de la double menace d’absence de la flexibilité de la consommation industrielle et de la diminution de l’inertie du système lié à la priorité d’injection des énergies renouvelables dans un contexte de moindre consommation.
   C'est pourquoi, alors même qu'il n'y avait pas de soutirage notable de la consommation, un écart supérieur à celui du 10 janvier n’a pas manqué de se produire le 23 avril avec une fréquence descendue à 49, 8801 Hz à 10 heures et 10 secondes.
   Au micro de BFM Business, François Brottes Président du Directoire de RTE a évoqué
"une sorte de nouveau sport" consistant à "éviter les surtensions" en raison du "risque d'écroulement". Ajoutant que "Cette situation a amené quelques surprises car on n'avait jamais connu une telle profondeur".
   La sécurité de notre système électrique ne saurait être « une sorte de nouveau sport »

C’est ce contexte qui a inspiré la rédaction de ma tribune :

https://www.europeanscientist.com/fr/redactions-choice-fr/covid-19-et-le-risque-de-black-out-energetique/

* RTE avait communiqué sur l'incident du 10 janvier en évoquant une chute à 49,2 Hz.

Mais dans ses relevés au pas de 10 secondes, il n'y a aucune trace inférieure à 49,8959 Hz.Une partie de incorruptibilité peut être actionnée en quelques secondes, on peut supposer que le plus fort de la baisse est passé entre 2 relevés et que le creux du 10 janvier puisse rester supérieur à celui du 23 avril. D'après l'Entsoe la chute aurait duré 9 seconde, le creux serait alors tombé entre 2 relevés.

Grèce : 1967, coup d'Etat ; hommage à Périclès Korovessis, résistant

"... Mais ils ne touchent pas l’électeur-consommateur moyen, qui suit généralement ses penchants obsessionnels et pense que sa propre colombe est la bonne. Si nous examinons la mobilité de l’électorat, en dehors du noyau dur de chaque parti, nous verrons qu’il vote en fonction de l’offre proposée, tout comme dans les supermarchés. Nous l’avons vu avec [le PASOK d’] Andreas Papandréou et, sous sa forme renouvelée, avec Alexis Tsipras.[...] Le concept de « peuple souverain » signifie en fait que le peuple dispose du pouvoir de choisir des oligarques, mais rien pour lui-même. En substance, les élections sont un phénomène messianique. Vous choisissez le Messie, puis vous rentrez chez vous et attendez le miracle qui ne vient jamais. Vous devenez croyant, mais pas citoyen. En d’autres termes, vous choisissez votre non-existence et la considérez comme constituant votre personnalité, par le truchement du Messie. [...] Il s’agit en substance de créer un « extrême centre », tel que celui qui gouverne dans la plupart des pays de l’Union européenne."
Periclès Korovessis, 201
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53 ans après le coup d’État des colonels grecs. Hommage à Periclès Korovessis
Stathis Kouvélakis et Antonis Ntavanellos 
21 avril 2020

 
Les étudiants de Polytechnique manifestent contre la dictature des colonels en novembre 1973. Rue des Archives/©Rue des Archives/RDA.
 
  Après Manolis Glezos, parti le 30 mars, la gauche grecque a perdu avec Periclès Korovessis, qui s’est éteint le 11 avril, « une deuxième de ses boussoles tout à la fois morales et politiques », comme le dit plus bas Stathis Kouvélakis. Contretemps lui rend hommage en publiant un texte de Bernard Dreano, qui revient sur sa rencontre au début des années 1970 et sa relation au long cours avec celui qui fut notamment une figure de la lutte contre la dictature des colonels.
  Dans les deux textes ci-dessous, Stathis Kouvélakis et Antonis Ntavanellos restituent le contexte historique et politique dans lequel cette dictature s’est installée et le rôle qu’a joué Périclès Korovessis dans la résistance démocratique puis dans la reconstruction de la gauche grecque. Nous proposons enfin, pour conclure cet hommage, un texte de Périclès Korovessis lui-même datant de septembre 2015, dans lequel il analysait les logiques de la capitulation de Tsipras seulement quelques semaines auparavant. 


La Grèce comme laboratoire de la contre-révolution
  Il y a très exactement cinquante-trois ans, le 21 avril 1967, des chars s’élançaient dans les rues d’Athènes et d’autres villes grecques et prenaient le contrôle des points stratégiques du pays. Le coup d’État « des colonels » – c’étaient en effet des officiers de rang intermédiaires qui en avait pris la direction – accouchera d’une dictature militaire qui durera un peu plus de sept ans et s’effondrera face à la tragédie de Chypre en juillet 1974 – un coup d’État d’extrême-droite, manigancé depuis Athènes, qui se soldera par un fiasco sanglant et offrira à l’armée turque le prétexte dont elle rêvait pour intervenir et occuper 40% de l’île. Avec le recul, on peut dire que, plutôt qu’une rupture, la dictature des colonels était l’aboutissement d’une longue séquence contre-révolutionnaire dont les racines plongent dans les années de la guerre civile qui a déchiré le pays entre 1944 et 1949 et s’est soldée par l’écrasement des forces de la gauche communiste.

Une contre-révolution implacable
  Le coup d’État à proprement parler n’avait en effet rien d’un coup de tonnerre dans un ciel serein. Les rumeurs bruissaient depuis un bon moment à propos de la préparation d’une action de l’armée destinée à empêcher les élections prévues pour le mois de mai 1967, et dont le résultat prédit d’avance confirmerait la défaite de la droite anticommuniste et monarchiste qui gouvernait quasiment sans interruption le pays depuis la fin de la guerre civile. En réalité, même s’il a pris de court le personnel politique traditionnel, le coup d’État était l’ultime spasme de l’édifice de terreur et de répression qui s’était érigé dans la foulée de la victoire militaire du camp bourgeois, bénéficiant de l’appui illimité des britanniques, puis des États-Unis, au cours de la « décennie révolutionnaire » 1940. Malgré sa bestialité, la répression mise en œuvre par le régime des colonels n’était qu’une reprise atténuée de la violence contre-révolutionnaire extrême qui s’était abattue sur la gauche communiste à partir de 1944 : exécutions en masse, qui se poursuivront même après la fin de la guerre civile, exactions systématiques perpétrées par des milices, anciennement collaborationnistes, dans les villes et, davantage encore, dans les campagnes, déportations et emprisonnement qui briseront tout une génération, près de 70 mille déportés pour le seul bagne de Makronissos, dont l’évocation du seul nom suffit à distiller l’horreur, mise hors la loi du parti communiste et des organisations, suspectées d’être, liées à lui, interdiction qui durera jusqu’en septembre 1974, régime de discrimination institutionnalisée à l’encontre des citoyens en défaut de « convictions nationales ». Pendant des décennies, la non-obtention du fameux « certificat de civisme, or il suffisait qu’un membre de la famille proche ait participé aux organisations de résistance dirigée par les communistes pour se le voir refuser, signifiait que l’accès à la fonction publique, aux études universitaires, et même au permis de conduire, était barré.
  Rappelons également que c’est en Grèce, sous la houlette des conseillers britanniques et, surtout, étatsuniens de l’armée monarchiste, que furent expérimentées pour la première fois à grande échelle les techniques « contre-insurrectionnelles » qui se généraliseront par la suite en Asie, en Afrique et en Amérique latine : actions coordonnées de l’armée régulière et des milices chargées du, plus, « sale boulot », évacuation planifiée des campagnes de leur population pour « vider l’eau du bocal » et couper les partisans de leur base logistique, techniques de torture de masse déjà appliquées dans les colonies, usage de bombes incendiaires de nouveau type, napalm,  dans des environnements non-urbains, rafles d’enfants dans les zones de conflit et placement dans des institutions de formatage idéologique, création de lieux de déportation pouvant accueillir des dizaines de milliers de détenus dans des zones difficilement accessibles du territoires, les îles les plus arides étaient toutes désignées à cet usage. Entre 1947 et le milieu des années 1950, la Grèce offre un cas d’univers carcéral et, surtout, concentrationnaire unique par son ampleur et sa brutalité en Europe occidentale.

Vers le coup d’État
  Malgré l’écrasement de la guerre civile, ce régime de répression féroce est rapidement confronté à une résistance acharnée. En 1958, neuf ans à peine après que la chute des derniers bastions des partisans de l’Armée Démocratique, la Gauche Grecque Démocratique (EDA), forme d’existence légale de la gauche communiste, devient avec près de 25% des voix la principale force d’opposition et se place en tête à Athènes et dans la plupart des villes du pays. Il faudra un recours à la fraude massive dans les urnes et un redoublement de la répression pour permettre à la droite monarchiste de garder le pouvoir. L’assassinat en mai 1963 du député de l’ EDA, et figure de proue du mouvement pacifiste grec, Grigoris Lambrakis, immortalisé par le roman Z de Vassilis Vassilikos, adapté au cinéma par Costa Gavras, s’inscrit dans ce contexte d’extrême tension. Et pourtant, aux élections qui suivent de peu l’assassinat de Lambrakis, la droite est largement battue dans les urnes. Georges Papandréou, un politicien bourgeois au passé anticommuniste, devient premier ministre à la tête d’un parti hétéroclite, l’Union du Centre, qui compte dans ses rangs à la fois des notables conservateurs et une aile gauche socialisante dirigée par son fils, et futur fondateur du PASOK, Andréas Papandreou. Il vide les prisons des derniers détenus politiques et s’engage dans une démocratisation contrôlée mais réelle de la vie politique qui redonne confiance aux mobilisations ouvrières, paysannes et estudiantines. Étouffée depuis des décennies par la répression et une censure tatillonne, la vie culturelle explose. C’en est décidément trop pour le « triangle », selon l’expression de l’époque, où se concentrait le vrai pouvoir : l’armée, pilier d’un régime fondé sur la victoire militaire de 1949, la monarchie, véritable centre politique du camp bourgeois bien plus que le personnel politique parlementaire, et l’ambassade étatsunienne, dont l’approbation constitue un préalable à toute décision politique. Georges Papandréou est renversé en juillet 1965 par un coup d’État parlementaire fomenté par le « triangle », qui s’appuie sur une minorité de députés centristes qui font défection, les « apostats » selon l’expression consacrée, avec à leur tête l’ancien premier ministre Konstantinos Mitsotakis, et père de l’actuel, Kyriakos Mitsotakis, contre espèces sonnantes et trébuchantes.
  La riposte populaire ne tarde guère. Tout au long du mois de juillet 1965 un véritable soulèvement populaire déferle dans les rues d’Athènes et des grandes villes du pays. A sa tête, la jeunesse étudiante, les secteurs combatifs du mouvement ouvrier, en particulier les ouvriers du bâtiment, la base sociale de la gauche et de l’ensemble des forces démocratiques. Le grand romancier Stratis Tsirkas a dépeint de façon inoubliable ce moment dans son récit au titre évocateur Le printemps perdu[1]. On a pu parler, à juste titre, de « mai 68 » par anticipation. C’est malheureusement vrai aussi pour son issue : privé de perspectives politiques, confronté à la pusillanimité légaliste de la gauche et de Georges Papandréou, le mouvement s’éteint et se résigne à la perspective de nouvelles élections, finalement fixées pour mai 1967. Un raz-de-marée anti-droite était attendu avec certitude. Mais le « triangle » du pouvoir réel était déterminé à annuler leur tenue.

Traquer la résistance
  Largement attendu, le coup d’État surprend toutefois les forces de la gauche dans un état d’impréparation totale, malgré leur longue expérience de la clandestinité et de la répression. Il faut dire aussi que les plans de riposte envisagés, lieux de repli, manifestations, mise en place de planques,  ont d’emblée été neutralisés par la mise en œuvre d’une nouvelle technique de contre-insurrection. Pour paralyser préventivement toute tentative de résistance populaire, les militants et, surtout, les cadres sont arrêtés au petit matin, rassemblés dans des stades et acheminés vers des lieux de déportation. Dans le cas grec cette tâche était grandement facilitée par le fait que, suite aux décennies de répression, la totalité des militants, et même des simples sympathisants, de la gauche étaient repérés grâce au système de fichage policier de l’ensemble de la population mis en place dès les années 1940 et soigneusement entretenu par un système de strict quadrillage policier s’appuyant sur une armée d’informateurs peuplant chaque recoin de la vie sociale.
  Ainsi, au matin du 21 avril 1967 des milliers de militants se trouvent pris dans le gigantesque coup de filet, la plupart du temps en pyjama. Pour la plupart, ils reprennent le chemin déjà familier du bagne et de la prison, avec la rage de ne même pas avoir été en mesure d’agir. Certains réussissent pourtant à s’échapper et passent, ou repassent, dans la clandestinité. Dans les semaines qui suivent le coup d’État sont ainsi créées les premières organisations de résistance. Les principales seront, du côté de la gauche communiste, le Front Patriotique (PAM) et, parmi les jeunes, l’organisation « Rigas Féréos », du nom du fervent patriote républicain assassiné par les Ottomans en 1797, et du côté de l’aile gauche des centristes, la Défense Démocratique, puis le Mouvement Panhellénique de Libération (PAK), animé de l’étranger par Andréas Papandréou. De nombreux autres noyaux de résistance se créent, couvrant une très large part du spectre politique, de l’extrême-gauche encore balbutiante à la droite libérale, y compris au sein des forces armées, par des officiers certes conservateurs, voire monarchistes, mais opposés au coup d’État.
  L’action de ces réseaux sera essentiellement symbolique : lâchage de tracts, presse clandestine, attentats à la bombe visant des cibles matérielles, souvent liées à la présence étatsunienne. Exception à cette règle, Alekos Panagoulis, agissant quasiment en solitaire, échouera dans son attentat contre le dirigeant du régime, Georgios Papadopoulos, le 13 août 1968. Ces noyaux de résistance ne résisteront pas longtemps à la traque de la police, leurs militants et leur appuis logistiques étant, nous l’avons vu, pour la quasi-totalité déjà repérés par la police. Leur démantèlement s’opère entre 1967 et 1969, entraînant des milliers d’arrestations et de condamnations à de lourdes peines de déportation et de prison par les tribunaux militaires, en général précédées par des séjours dans les locaux de la sécurité et/ou de la police militaire où se déchaîne la sauvagerie des tortionnaires.
  Malgré son échec sur le plan opérationnel, cette première phase de la résistance intérieure est toutefois décisive pour ce qui suivra. D’un point de vue moral, elle permet, dans un contexte qui n’offre guère de possibilités concrètes d’action de masse, de montrer que des forces existent qui rendent visible l’opposition largement majoritaire de la population au régime. Au niveau proprement politique, c’est dans cette constellation mouvante que se posent pour la première fois un questionnement stratégique, en particulier au sein de la gauche communiste, sur les raisons qui ont conduit à l’impuissance face à une menace imminent et prévisible. Ce questionnement se combine aux soubresauts de la déstalinisation, qu’exacerbe l’intervention des armées du pacte de Varsovie contre le « printemps de Prague », et conduit à la scission du Parti Communiste Grec (KKE) en 1968 entre une aile entièrement alignée sur l’URSS et une partie qui s’engage dans la voie de ce qu’on appellera par la suite l’« eurocommunisme ». Enfin, au niveau international, l’existence de cette résistance intérieure permet au mouvement international de solidarité de déployer sa campagne de dénonciation du régime et de ses protecteurs étatsuniens, épaulée par la nombreuse diaspora grecque, dont les rangs grossissent par la venue de toutes celles et ceux, directement ou non en prise avec la répression, pour qui la vie est devenue impossible dans un pays devenu une vaste prison à ciel ouvert.

Korovessis, acteur d’une nouvelle période
  Le texte qui suit, et celui de Bernard Dreano, portent sur un acteur important de cette période, Périclès Korovessis, décédé le 11 avril dernier à Athènes. Après Manolis Glezos, parti le 30 mars, la gauche grecque a perdu une deuxième de ses boussoles tout à la fois morales et politiques[2]. Son rôle, à ce tournant des années 1960-1970, se situe en effet au croisement des trois plans que nous venons d’évoquer. Jeune comédien militant dans les rangs de l’ EDA, Korovessis prend activement part à la constitution des premiers noyaux de résistance, affiliés au Front Patriotique, et se jette dans une clandestinité inédite pour lui et quasiment désespérée, qui prendra fin au bout de cinq mois. Cette expérience le conduira à s’engager avec non moins de force dans les remises en cause qui affectent la gauche communiste et l’amèneront par la suite à explorer les voies du nouveau radicalisme qui se déploie sous le signe de la révolte mondiale des années 68. Arrêté en octobre 1967 et sauvagement torturé, il parvient à s’échapper à l’étranger et se transforme en accusateur implacable du régime. Son ouvrage Oi Anthropofylakes [Les gardiens d’humains] provoque un choc dans l’opinion publique internationale. Il est rapidement traduit dans une dizaine de langues, et tout d’abord en français[3]. Son témoignage bouleversant, aux côtés de celui d’une autre militante du Front Patriotique, l’actrice Kitty Arseni, auprès du conseil de l’Europe joue un rôle décisif dans l’expulsion de la Grèce de cet organisme, en décembre 1969. Son action stimule l’élan mondial de solidarité avec la résistance intérieure, qui remporte sa première victoire politique. Malgré l’appui obstiné de son protecteur étatsunien, le régime ne parviendra jamais à se remettre de ce camouflet.
  Après une brève éclipse, les forces de la résistance se réorganiseront à partir de 1971-1972, en reprenant pied dans la jeunesse étudiante, puis en opérant la jonction avec la jeunesse ouvrière qui se met en mouvement à partir du printemps 1973. Dans cette effervescence émergeait également un nouveau paysage politique dans la gauche, marqué par le radicalisme impétueux de cette période. Se dessinait la voie qui allait conduire au soulèvement de novembre 1973, et qui, malgré la sanglante répression qui le brisa, allait sonner la fin du régime. La chape de plomb des trois décennies contre-révolutionnaires s’était enfin fracturée.
  De retour en Grèce, Korovessis ne cessera d’explorer des voies nouvelles dans le combat pour l’émancipation à sa façon intensément singulière, le plus souvent en tant que « franc-tireur », par moments dans les formes de la politique organisée, dans les rangs de l’extrême-gauche, puis, entre 2004 et 2009, de Syriza. Le portrait qu’en dressent les textes d’ Antonis Ntavanelos et de Bernard Dreano restitue la vitalité et la richesse de sa personnalité. Nous y avons ajouté, ci-dessous, la traduction de l’une de ses chroniques hebdomadaires qu’il a tenues pendant de longues années dans la presse de gauche grecque, celle où avec lucidité et hauteur il analyse « à chaud » les raisons qui ont conduit à la honteuse capitulation d’Alexis Tsipras et de son gouvernement face à la Troïka en juillet 2015. Elle se termine en annonçant des années de « chaos et de catastrophe ». Il ne s’est pas trompé, même si cette catastrophe s’est déroulée sur un mode muet, dans une société brisée et privée de ses repères fondamentaux. Même dans ces conditions, Korovessis est resté debout jusqu’au dernier souffle, l’aiguille de sa boussole toujours orientée vers le combat pour la révolution et l’émancipation humaine.
Stathis Kouvélakis
Paris, le 21 avril 2020.


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 Le coup d’État invisible – Un texte de Periclès Korovessis
Chronique publiée dans Efymerida Syntakton du 12 septembre 2015 – traduction Stathis Kouvélakis.
  Il était une fois, dans les temps anciens de la lointaine Chine, un sage enseignant, peintre de profession, qui peignait une colombe si parfaite que chaque matin ses élèves allaient à l’école pour voir si elle avait volé. La tâche des étudiants était de copier cette colombe aussi fidèlement que possible. Les élèves sont à leur tour devenus des enseignants, ils ont formé de nouveaux enseignants et le sujet enseigné a toujours été la colombe parfaite du fondateur de l’école. Un beau jour, un jeune étudiant a regardé par la fenêtre et a vu une vraie colombe. Il en a été ébloui et s’est rendu compte que le volatile était complètement différent de ce qu’ils peignaient. Et il a dessiné sa propre colombe. La conséquence fut qu’on lui a refusé son diplôme.
  Depuis ce temps, de nombreux siècles se sont écoulés dans le fleuve de l’histoire et le même phénomène est réapparu. Quiconque a vu une autre réalité que celle qui était permise l’a payé de sa personne. Aujourd’hui, en Europe, on ne coupe pas la tête. Mais on se débarrasse des idées alternatives et on fait en sorte qu’elles ne puissent atteindre leur but.
  Il existe toutefois de nombreux foyers de Lumières et de résistance, ainsi que divers réseaux de toutes sortes, qui font un travail précieux. Mais ils ne touchent pas l’électeur-consommateur moyen, qui suit généralement ses penchants obsessionnels et pense que sa propre colombe est la bonne. Si nous examinons la mobilité de l’électorat, en dehors du noyau dur de chaque parti, nous verrons qu’il vote en fonction de l’offre proposée, tout comme dans les supermarchés. Nous l’avons vu avec [le PASOK d’] Andreas Papandréou et, sous sa forme renouvelée, avec Alexis Tsipras.
  Le concept de « peuple souverain » signifie en fait que le peuple dispose du pouvoir de choisir des oligarques, mais rien pour lui-même. En substance, les élections sont un phénomène messianique. Vous choisissez le Messie, puis vous rentrez chez vous et attendez le miracle qui ne vient jamais. Vous devenez croyant, mais pas citoyen. En d’autres termes, vous choisissez votre non-existence et la considérez comme constituant votre personnalité, par le truchement du Messie.
  Alors de quelle politique parlons-nous quand tout le pouvoir est dans des partis de ce type ? Les anciens camarades de Tsipras l’ont accusé de trahison. C’est une lourde accusation. Mais elle est objectivement juste. Tsipras a fait exactement le contraire du programme de Syriza et, grâce à un coup d’État parlementaire, il a fait passer un accord [le 3e mémorandum signé en juillet 2015 et approuvé au parlement grec en août 2015] qui place la Grèce sous la tutelle de la Troïka.

  J’ai de mon côté une approche différente du phénomène. Dans cette chronique, à un moment insoupçonné, j’ai constaté que Syriza était une social-démocratie de droite, avec une aile forte de gauche, avec une structure centrée sur le leader qui n’avait pas besoin d’un parti et d’organisations, mais de marionnettes, de propagandistes et de mécanismes de soutien. Ses cadres dirigeants ont donc quitté le parti pour s’installer dans l’appareil d’État.
  La social-démocratie de droite cherchait à retrouver sa famille, qui n’était rien d’autre que l’ancien système politique, en déroute depuis des années, et à lui redonner vie. Mais elle devait d’abord passer des examens pour gagner l’approbation vrais centres de pouvoir. Tsipras s’en est donc allé portant des cadeaux et a promis à Schäuble de geler le programme de Thessalonique[7]. Il a également expliqué à Mme Merkel que la demande d’indemnisation des dommages de guerre causés par l’Allemagne était purement morale. Et, évidemment, il attendait quelque chose en retour, peut-être une saucisse de Francfort, pour montrer que nous avons également gagné quelque chose et pour le présenter aux indigènes comme un triomphe de la diplomatie grecque.
  Varoufakis a admis par la suite que le seul but de ces « négociations » était d’humilier la délégation grecque. Et, dans cette voie, il est entendu que sans accepter un mémorandum, vous ne pouvez pas être premier ministre. De plus, c’était une bonne occasion pour Tsipras de mener Syriza à la scission, afin de se débarrasser de sa gênante aile gauche. Son autre atout était que sa popularité en tant que leader était élevée et que grâce à un nouveau scrutin, mené dans la précipitation, il pourrait même gagner une majorité absolue au parlement.
  Tout montre qu’aucun parti ne peut gagner une telle majorité[8]. Et divers scénarios sont envisagés. Il s’agit en substance de créer un « extrême centre », tel que celui qui gouverne dans la plupart des pays de l’Union européenne. L’accord signé par la Grèce le 12 juillet 2015, selon Tariq Ali, deviendra aussi détesté que le 21 avril 1967. Nous ne l’avons pas encore vu mis en œuvre. Ce qui nous attend c’est la catastrophe et chaos.

Notes

[1] Traduction française : Stratis Tsirkas, Le printemps perdu, Paris, Seuil, 1982.

[2] Sur Manolis Glezos cf. sur ce site le texte d’hommage de Panagiotis Sotiris contretemps.eu/manolis-glezos-present/

[3] Traduction française : Periclès Korovessis, La filière. Témoignage sur la torture, Paris, Seuil, 1969.

[4] Organisation de gauche, constituée principalement d’étudiants mais aussi de travailleurs de la diaspora, qui s’est formée en 1969, principalement à Londres, mais aussi dans d’autres villes d’Europe occidentale, autour des revues Mami, « accoucheuse », en référence aux formulations de Marx et d’Engels sur la violence comme accoucheuse de l’histoire, et Révolution. Rejetant la stratégie « étapiste » du parti communiste orthodoxe KKE, elle proclamait le caractère socialiste de la révolution en Grèce. Parmi ses principaux dirigeants figuraient Georges Votsis, Periclès Korovessis, Panos Garganas, Maria Stylou et d’autres. Une partie de ESO, animée notamment par Garganas, Stylou et Antonis Ntavanelos, créera en 1972 l’Organisation Révolution Socialiste (OSE), affiliée au courant international IST? dirigé par le SWP britannique? et qui deviendra en 1997 le Parti Socialiste Ouvrier (SEK), toujours actif (NdT).

[5] SEP fut une organisation trotskisante fondée dans la clandestinité, en Grèce, en 1970. Elle s’est implantée principalement parmi les jeunes travailleurs et a pris une part active au soulèvement contre la dictature de novembre 1973. Elle s’est dissoute au début de 1975 et plusieurs de ses membres ont participé à la fondation de ELEK, tandis que d’autres ont rejoint OSE. Les « Bolcheviks », organisation de type « mao-spontex », fut fondée en 1972 et participa à la création de ELEK en 1975, organisation dont Korovessis fut l’une des principales figures et qui s’est dissoute en 1977 (NdT).

[6] A cette époque, la Coalition de la gauche et du progrès (Synaspismos tis Aristeras kai tis proodou) était une simple coalition électorale formée au printemps 1989 par le parti communiste grec (KKE) et l’aile droite issue de l’eurocommunisme (Gauche grecque – EAR). A l’issue des élections de 1989, elle s’est alliée à la droite (Nouvelle Démocratie – ND) pour constituer un gouvernement commun (avec à sa tête Tzanis Tzanetakis, un dirigeant de ND) chargé de juger les dirigeants du PASOK (parti socialiste), y compris Andréas Papandréou, accusés d’être mêlés à des scandales. Cette coalition contre-nature a été sanctionnée par l’électorat au cours des scrutins qui ont suivi (Synaspismos passant de 13,5% en 1989 à 10,2% en 1990) et conduit à son éclatement, au cours d’une période où le KKE subit de plein fouet le choc de l’effondrement de l’URSS. En 1991, la majorité du KKE se retire de Synaspismos, qui devient un parti distinct. Il sera par la suite la principale composante de Syriza, fondé en 2004 (NdT).

[7] C’est le programme anti-austérité et anti-Troïka grâce auquel Syriza avait remporté les élections de janvier 2015 (NdT).

[8] En effet, bien qu’arrivant en tête du scrutin, Syriza n’arrive pas à former de majorité absolue. Il reconduira son alliance avec le petit parti de la droite souverainiste ANEL et bénéficiera en cours de la mandature de l’apport de députés issus de formations « centristes » (NdT).

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