Lettre ouverte des «connards de climatosceptiques» à Madame Kosciusko-Morizet

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Par Anne de Marcillac 
16/10/2015



(Crédits : DR)Anne de Marcillac, ingénieur agronome, fait valoir son droit de réponse à Nathalie Kosciusko-Morizet qui sur Canal Plus a déclaré que « les climato-sceptiques sont des connards ».


Madame la Ministre,

« C'est très clair dans ma tête », avez-vous dit sur le plateau du Grand Journal de Canal plus le 5 octobre, « les climato-sceptiques sont des connards ». Cela fait beaucoup de monde ! Sachant les contributions remarquables de beaucoup de ces « connards » à la science, qu'elle soit ou non climatique, vous avez poussé le bouchon très loin.

Souvenez vous. En octobre 1989, le Dr Stephen Schneider, climatologue alors « lead author » pour le premier rapport du GIEC expliquait à Discover : « D'un côté, en tant que scientifiques, nous sommes éthiquement liés à la méthode scientifique, ce qui signifie dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité, et indiquer aussi les doutes, les mises en garde, les conditions de validité. D'un autre côté, nous sommes des êtres humains. Et, comme la plupart des êtres humains, nous souhaiterions un monde meilleur, ce qui dans ce contexte signifie réduire le risque d'un changement climatique potentiellement désastreux. Pour ce faire, nous avons besoin du soutien d'une base élargie, de capter l'attention du public. Ceci passe bien sûr par une bonne couverture médiatique. Nous devons donc présenter des scénarios effrayants, faire des déclarations spectaculaires, simplifiées, en taisant les doutes que nous pourrions avoir. La résolution de cette double contrainte éthique dans laquelle nous nous trouvons n'est pas simple. Chacun de nous doit décider ce qui est le juste équilibre entre être honnête et être efficace. J'espère qu'il est possible d'être les deux » (J. Schell, Discover, pp. 45-48, Oct. 1989).

Cela ne signifiait pas, a-t-il précisé plus tard, que la fin justifiait les moyens, et, en 1989, la température mondiale augmentait de fait assez rapidement.

Et pourtant, elles stagnent !

Mais il se trouve que depuis 1998 et selon les quatre référentiels utilisés par les chercheurs, les températures évoluent à un rythme très ralenti, de l'ordre de quelques millièmes de degré par an. Jean Jouzel, Vice-président du GIEC, a reconnu cette quasi-stagnation dans « Le défi climatique - Objectif +2°c » (Dunod -2014) et, plus récemment, sur France inter le 21 août 2015. Les modèles sur ordinateur utilisés par le GIEC n'avaient pas prévu ce ralentissement ni ne sont capables de le reproduire (H. von Storch and al. « Can climate model explain the recent stagnation in the global warming? »).

C'est un fait. Nous sommes, aujourd'hui, plus bas que la fourchette basse des projections du GIEC. Ces modèles ont montré leur limite, et l'on ne peut aujourd'hui accorder qu'un faible crédit aux « prévisions » qui en résultent.

C'est un fait aussi que les océans ne montent pas de plus de 3 mm par an, que la glace arctique semble se reconstituer (voir ici notamment, pour la surface de le glace arctique), qu'il n'y a aucune augmentation de la fréquence des catastrophes climatiques, ni, d'ailleurs, rien qui prouverait de façon sûre un lien entre cette fréquence et l'évolution des gaz à effet de serre, contrairement à ce que vous avez affirmé. C'est le GIEC même qui l'indique (GIEC, AR5,-2013, groupe de travail I, chapitre 2) et sa conclusion est identique quant à la survenue d'éventuels évènements brutaux (GIEC, AR5-2013, groupe de travail I, tableau 12-4, page 1115). Il n'y a pas péril en la demeure, s'agissant du climat, et nous pouvons aujourd'hui réintroduire sereinement un peu plus de rationalité dans ce débat.

La jeunesse de la science climatique autorise le débat

La science climatique est encore jeune, et elle s'est apparemment en partie fourvoyée. C'est une évolution scientifique courante, sinon normale. Ce qui serait aujourd'hui foncièrement malhonnête, voire irresponsable, serait de poursuivre dans cette voie comme si de rien n'était, compte tenu des conséquences économiques d'une telle approche.

Il y a urgence aujourd'hui à développer une recherche climatologique qui puisse tenir compte de toutes les hypothèses, liées à l'activité humaine et naturelles, de façon à pouvoir les pondérer, et donc réaliser des projections plus fiables. Cette recherche, qui échappe par construction au scope du GIEC (lequel doit par mandat s'en tenir à l'hypothèse de la responsabilité humaine) trouve évidemment du mal à se financer, voire à passer le cap de la publication. C'est une vraie question éthique que de permettre à ces scientifiques non mainstream de pouvoir s'exprimer aussi, y compris dans les médias, et de tenir compte de leurs travaux.

Oui, mais le principe de précaution, direz vous ? Dans l'esprit de ses concepteurs, le principe de précaution ne devait s'abstraire ni de la réalité de la menace, ni des incertitudes scientifiques, ni des contraintes économiques et financières. Il était un principe d'action, et non pas un frein.

Le principe de précaution aujourd'hui au niveau mondial devrait bien sûr conduire à mettre les populations les plus vulnérables à l'abri des catastrophes naturelles prévisibles, mais aussi à permettre à d'autres d'accéder à l'électricité et à l'eau potable. Ce qui est autrement plus important et urgent que d'instaurer une très inefficace et coûteuse police du carbone, à contrainte financière donnée. Il devrait conduire aussi, indépendamment de toute problématique climatique, à aborder sérieusement la question de la pollution.

Il sera bien sûr douloureux d'entreprendre ce nécessaire rétropédalage, tant se sont agrégés d'intérêts sur ce marché de la maîtrise du carbone artificiellement créé, tant il est aussi politiquement commode de fixer l'attention de la population sur des peurs virtuelles, plutôt que d'aborder de front ses craintes réelles.

Mais, le jour où nous parviendrons à amorcer ce virage, les climato-sceptiques pourront ne pas avoir à rougir. C'est assez clair dans ma tête.

Je vous prie de croire, Madame la Ministre, à ma respectueuse considération.

Anne de Marcillac
Ingénieur agronome
Twitter : @AnnedeMarcillac


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