C'est une envie de partager avec vous ce texte que m'a écrit Juliette Keating pour des photographies prises en été 1972 et en hiver 1973 à Conques. Un village de l'Aveyron regardé par un photographe de 27 ans...
Conques - Aveyron -1972 © Gilles Walusinski
Humble beauté
Tout près du sol: Parfum d'humus, d'herbe assoiffée. Une fine poussière lève sous les pas de qui s'approche et se penche. Terre abritée sous les feuilles basses: Elles s'étirent en quête de lumière. Les arbustes puis, au bout des troncs, les ramures déployées mangent le ciel et ne laissent que l'ombre au royaume du dessous. La fougère déroule ses tentacules de dentelle, lèche l'aumône de quelques sous de soleil. Tout près du sol, il fait frais.La glèbe, il faut la gratter pour qu'elle donne. Dos cassé, paume épaissie serrée sur la bêche. Le chapeau attend sur un pieu le retour du travailleur à la verticalité. Sous un chêne: Le poulailler où trois grâces emplumées conversent. Un coup de patte, un coup de bec, elles griffent le sol, gobent leurs repas d'insectes et d'invisibles vers. Des oies somnolent près du fumier. Le jour s'écoule. Pluie d'or des abeilles. On entend les coups d'un marteau sur du fer, un tas de planches qu'on remue dans une ferme et le murmure entêtant d'un moteur lointain. La binette cogne contre un caillou qu'on jette, avec les autres, sur le tas.
Murs de pierre et vastes toits de lauzes: Les maisons comme des cavernes, tièdes dedans, sous la neige. Les doigts gèlent et les pas résonnent dans les ruelles ; on rêve du feu doux d'un verre de bon vin en voyant fumer les cheminées. Le silence est une couette de brume étendue sur la nudité des vergers. Mais déjà, ça suinte, ça s'écoule en rigoles argentées sur le pavé de schiste, ça glougloute et la terre éponge avec la mousse l'eau que le soleil ne sèche pas. L'été, la fraîcheur sourd des murets où percent capillaires et ruines-de-Rome. Des grillons courbent les fétuques. On cherche l'ombre au creux du village serré comme un poing posé à flanc de colline. Et l'on répète son nom de coquille, tel un appel.
Au pied de l'abbatiale Sainte-Foy, les visiteurs lèvent le menton. Mais c'est trop inhumain, l'indicible terreur du jugement dernier. Ici-bas, la mesure du temps se perd dans la démesure du cheminement de l'escargot. On vit, réjouis de la terrestre contemplation des nuages glissant par-dessus le vallon de roches et de forêts touffues qui descendent, des racines creusant pour s'abreuver au Dourdou. La lumière changeante éclaire le miracle toujours renouvelé de la nature et des simples bâtisses dressées par les mains des hommes. Nul caillou ni brin d'herbe semblable. Nulle ombre pareille. L'identique n'est pas de ce monde pour qui sait en voir l'humble beauté et, par son regard, la révèle.
Conques - Aveyron -1972 © Gilles Walusinski
Conques - Aveyron -1972 © Gilles Walusinski
Conques - Aveyron -1972 © Gilles Walusinski
Conques - Aveyron -1972 © Gilles Walusinski
Conques - Aveyron -1972 © Gilles Walusinski
Conques - Aveyron -1972 © Gilles Walusinski
Roger Lapeyre à Conques Aveyron - 1972 © Gilles Walusinski
Conques - Aveyron -1972 © Gilles Walusinski
Conques - Aveyron -1972 © Gilles Walusinski
Conques - Aveyron -1972 © Gilles Walusinski
Conques - Aveyron -1973 © Gilles Walusinski
Conques - Aveyron -1972 © Gilles Walusinski
Conques - Aveyron -1972 © Gilles Walusinski
Conques - Aveyron -1972 © Gilles Walusinski
Conques - Aveyron -1972 © Gilles Walusinski
Conques - Aveyron -1972 © Gilles Walusinski
Conques - Aveyron -1972 © Gilles Walusinski
Conques - Aveyron -1972 © Gilles Walusinski
Conques - Aveyron -1972 © Gilles Walusinski
Conques - Aveyron -1972 © Gilles Walusinski
Conques - Aveyron -1972 © Gilles Walusinski
Conques - Aveyron -1972 © Gilles Walusinski
Conques - Aveyron -1973 © Gilles Walusinski
php
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire