Par : Aline Robert
23 mai 2017
Une forêt de chênes dans le Perche
Ambitieuse en apparence sur son ambition climatique, la France joue un jeu trouble sur le rôle des forêts face au changement climatique.
Alors que les négociations pour les objectifs climatiques 2030 battent leur plein, certains pays dont la France fait partie semblent tirer vers le bas l’ambition de l’Union européenne sur le mode de comptabilisation des puits de carbone que sont les massifs forestiers. Pour la France, la forêt n’est pas un petit sujet : en métropole, 30 % du territoire en est couvert, soit 16,7 millions d’hectares.
Or, selon des données compilées par l’ONG Fern, la France pousse au sein des négociations entre États membres pour que les émissions liées à l’exploitation des forêts soient comptabilisées a minima, à l’instar d’autres pays très concernés par le sujet, comme la Finlande par exemple.
Dans la loi de transition énergétique, le bois-énergie tient une bonne place : il doit contribuer à porter l’objectif de consommation de renouvelables de 23 % en 2020 à 32 % en 2030.
Les pays gros consommateurs de bois ont donc plaidé auprès de la présidence maltaise pour que la position initiale soit édulcorée, ce qui est le cas de la proposition sur la table, consultée par Euractiv, et qui doit faire l’objet de discussion mardi 23 mai à Bruxelles lors d’une réunion d’experts. La décision sera arbitrée le 19 juin en conseil des ministres de l’environnement.
Coupes forestières
La France souhaite que les émissions de CO2 liées à des coupes forestières, d’ici 2030, ne soient pas comptabilisées – alors qu’elles augmentent de facto les émissions de CO2. Une position aussi défendue par l’Autriche, la Finlande et la Suède, qui ont tous un enjeu important sur les forêts. La France avance aussi qu’une gestion optimale des forêts nécessite des coupes régulières pour que le CO2 capté soit optimal.
Selon le texte en discussion, l’article 8 de la proposition du Conseil suggère qu’elles ne soient comptabilisées qu’à moitié pour satisfaire les différentes parties. « C’est un compromis de compromis, ce qui n’est pas satisfaisant » regrette Hannah Mowat, chargé des sujet forêt et climat chez Fern. « Et l’argument de la gestion optimale des forêts n’est pas cohérent avec l’urgence climatique : c’est dans les 20 prochaines années qu’il faut réduire sérieusement le taux de CO2 dans l’atmosphère. Après, il sera trop tard en terme de réchauffement » prévient-t-elle.
En septembre 2018, le GIEC doit publier un rapport sur les pistes pour limiter le réchauffement climatique à +1,5 °. Très attendu, le rapport devrait mettre l’accent sur l’urgence de favoriser les puits de carbone naturels.
Pour les autres pays, le paysage que dessine l’étude diffusée par Fern a comme un air de déjà vu : sans surprise, l’Allemagne se retrouve au premier rang de l’ambition, alors que la Pologne pointe en bon dernier. Dans le classement établi par Fern, la France se classe 16 sur 28.
L'UE piétine sur la réforme du marché du carbone
Après plus d’un an de négociations, les États membres ne trouvent pas de terrain d’entente pour mettre en musique l’accord de Paris en réformant le marché du carbone.
Le compromis pourrait toutefois être adopté, principalement en raison du calendrier : les ministres ont de nombreux textes à avaliser, notamment sur la gouvernance de l’Union de l’énergie ou sur les énergies renouvelables. Des réglementations pour lesquelles tout retard risque, aussi, de s’avérer pénalisant pour le climat. A moins que l’arrivée de Nicolas Hulot à la tête du ministère de l’Écologie en France ne change la donne.
L'UE fait l'impasse sur la forêt dans sa politique climatique
Faut-il comptabiliser, ou non, le CO2 capté par les arbres ? Le débat fait l’objet d’une négociation délicate au sein des pays de l’UE. Il risque de remettre en cause le rôle d’avant-garde dont se targue l’UE sur le climat.
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