par François Cordelle
Publié le 8 mai 2017
L'objectif prioritaire étant de lutter contre le réchauffement climatique, il est indispensable, avant de se préoccuper de la politique tarifaire de l'électricité, de préciser la politique de taxation des émissions de gaz à effet de serre (GES), gaz pouvant provenir de la production de l'énergie électrique.
Cette taxation, demandée à cor et à cris depuis longtemps, devra être d'un niveau significatif pour être efficace : objectif immédiat d'au moins 50 €/tonne équivalente d'émission de CO², suivi d'une augmentation annuelle suffisamment importante pour qu'elle atteigne rapidement une valeur à plus long terme d'au moins 100 €/tCO², puis jusqu'à 200 €/tCO² ou même au delà (certains parlent même de 300 €/tCO²).
Une fois définies les modalités de cette taxation, il sera alors possible de préciser l'évolution nécessaire du parc de production et du réseau de transport et d'interconnexion pour permettre l'alimentation des usagers de l'électricité et les échanges éventuels d'énergie entre les pays de l'Union Européenne. La situation de chaque pays au regard de ses moyens de production (ressources du sol ou potentiel hydraulique exploitable) n'étant pas la même pour tous, la consistance de chaque parc de production doit être adaptée, mais le réseau d'interconnexion, lui, doit être étudié en concertation, pour garantir une bonne stabilité en cas d'incidents fortuits (déclenchements d'unités, ruptures de lignes...) tels que la panne du 4 novembre 2006 qui a affecté toute l'Europe occidentale.
Il faut bien voir que le recours aux énergies renouvelables est un des moyens de produire l'électricité dont on a besoin, au même titre que les autres sources possibles, compte tenu de leurs spécificités, bonnes ou moins bonnes, et de leur coût.
Les résultats obtenus à ce jour des réalisations d'éoliennes et de panneaux solaires, tant en énergie produite qu'en délais de réalisation et en coûts d'exploitation et d'investissements (y compris les raccordements au réseau et les intérêts intercalaires) doivent permettre d'établir un plan quantitatif prévisionnel global de mises en service compte tenu des besoins estimés à court (5 ans) et long terme (10 et 20 ans), chiffrés de manière précise, prenant en compte les progrès réalisé depuis le début des réalisations dans ce domaine.
On devrait maintenant pouvoir estimer les véritables prix de revient de l'électricité, sans oublier de tenir compte éventuellement des coûts des subventions ou obligations d'achat à prix prédéterminé.
Actuellement, la tarification de l'électricité me semble être une jungle où l'on se perd, alors qu'on aurait pu espérer définir une politique tarifaire cohérente, comme l'a fait, au cours des premières années d'EDF, le service commercial créé à cet effet. La sagesse serait de ne se baser que sur la vérité des prix, en fonction de la puissance souscrite, de la tension de livraison, de l'importance et la nature de l'usage, et des possibilités éventuelles d'effacement (1) en cas de difficultés à la production d'électricité. Toute dérogation à l'application de cette tarification ne pourrait être qu'exceptionnelle et temporaire, et justifiée et chiffrée (aide humanitaire par exemple) ; on saurait ainsi son coût, ce qui permettrait de faire des calculs économiques exacts.
Il ne faut pas croire que ce sera facile, car la gestion actuelle de l'énergie dans l'Europe est devenue progressivement très incohérente :
- Le développement des sources d'énergies renouvelables s'est faite sans programme, au gré d'initiatives privées alléchées par des conditions financières trop attractives engageant l'avenir pour 20 années, aux frais de l’État c'est-à-dire les habitants, et d'EDF dont les clients payent des taxes telles la CSPE dans leur facture d'électricité.
- Il a été imposé à EDF de vendre une part très importante d'électricité (garantie) en provenance de ses centrales nucléaires à un tarif très bas, inférieur au tarif d'achat d'énergies renouvelables qui lui est imposé (photo-voltaïque, non garanti).
- Des établissements sont créés pour regrouper des clients en vue de leur fournir de l'électricité moins cher qu'EDF alors que cette énergie leur est fournie par… EDF ! Je pose la question : qu'apporte la création d'un intermédiaire, qui le paye et quelle en est la justification ?
Les nationalisations voulues par le général de Gaulle en 1945 avaient réussi à regrouper de vastes ensembles industriels, tels l'électricité et le gaz (qui de plus avaient en commun deux services très importants : la distribution, et le gestion du personnel) ; Cela a été un réussite parfaite, qui a permis la mise en œuvre de tous les aménagements hydrauliques du territoire, le développement du parc de centrales thermiques à flamme (charbon jusqu'à épuisement de nos mines et d'importation, et fioul) et l'extension du réseau d'interconnexion. Enfin, en 1974, pour assurer notre indépendance énergétique et réduire le coût de notre énergie, il fut décidé de développer un parc important de centrales nucléaires. Non seulement nos importations ont été réduites d'autant, mais il en est résulté aussi la réduction quasi totale des émissions de GES de nos centrales.
De ce fait, lorsque la lutte contre le réchauffement climatique a été engagée, la France s'est trouvée, comme la Suède et la Suisse, dans une situation très satisfaisante puisque, parmi les trois principales causes d'émissions de GES, les bâtiments, les transports et l'électricité, le nécessaire a déjà été fait pour la dernière.
Cette situation explique que, bien que la France fasse peu pour le développement des énergies renouvelables car on n'en a pas besoin, ce qui lui est régulièrement reproché, elle est parmi les pays sinon le pays, qui émet le moins de GES par habitant.
Cela veut dire enfin, que, en France, la lutte pour le climat n'est pas à rechercher dans l'énergie électrique, mais principalement dans les deux autres domaines où il y a beaucoup à faire :
- Les transports, pour réduire les usages du pétrole et du gaz en développant les véhicules électriques.
- Le bâtiment, par l'isolement thermique et le remplacement du gaz par de l'électricité (abrogation de la loi en vigueur).
Je ne crois pas inutile de rappeler l'ordre dans lequel doit être faite l'étude de l'avenir de l'énergie électrique, en particulier en France :
1 - Estimation des besoins (en puissance et en énergie) à court, moyen et long terme. Ne pas sous-estimer les délais (formalités, études, commandes, durée des chantiers) : Viser trop, trop tôt, ne coûte rien, au contraire ; viser pas assez, et/ou, trop tard, coûte toujours très cher, ou, plus grave, un manque de production.
2 - Compte tenu des installations existantes, planification des ouvrages à mettre en œuvre, production et transport, en s'imposant de réduire en tant que possible les émissions de CO², des points de vue de l'indépendance, de la technique, de la sûreté, des délais et des coûts, sans négliger ce qui a si bien réussi, les séries d'unités identiques, l'intérêt de ne pas étendre inutilement la durée d'un chantier. Ne pas omettre de compter la taxe carbone dans les évaluations comparatives.
L'objectif est de garantir la réponse à la demande d'énergie électrique sans émettre de CO², en complétant et/ou modifiant les installations existantes par le moyen des choix des types et dimensions des outils de production et du réseau d'interconnexion, optimisés économiquement.
(1) Contrats à un tarif avantageux en échange de l'acceptation par le client (particulier ou industriel) d'accepter de réduire la puissance qu'il utilise pendant un certain total d'heures à l'intérieur d' une période déterminée de l'année (généralement une période froide).
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