Question au Gouvernement de Mme la sénatrice A.C.Loisier : précisions concernant la réponse de Mme la ministre

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Jean Pierre Riou

Le 28/07/2016, Mme la sénatrice A.C.Loisier interrogeait Mme la ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer sur les raisons de la dispense du code de la santé publique accordée aux éoliennes et sur l’autorité sanitaire qui aurait été consultée sur la pertinence de cette dispense.

Le Sénat a publié la réponse de Mme la ministre le 04/05/2017
(http://www.senat.fr/basile/visio.do?id=qSEQ160722904)

Cette réponse appelle plusieurs remarques
Depuis 2011 les éoliennes sont classées dans la rubrique ICPE, ou installation classée pour la protection de l'environnement. Ce classement concerne une installation « qui peut présenter des dangers ou des inconvénients pour la commodité des riverains, la santé, la sécurité, la salubrité publique, l’agriculture, la protection de la nature et de l’environnement, la conservation des sites et des monuments »
A ce titre, leur fonctionnement est encadré par des limites réglementaires spécifiques.

Cependant, Mme la ministre répond que les éoliennes seraient « soumises à des limites réglementaires semblables à celles qui encadrent les autres ICPE et ont de ce fait été exclues du champ d'application du code de la santé publique ».

Bien au contraire, Mme la ministre ne peut ignorer que l’arrêté du 23 janvier 1997 qui régit les ICPE précise:
« Le présent arrêté fixe les dispositions relatives aux émissions sonores des installations classées pour la protection de l'environnement soumises à autorisation, à l'exclusion :
(……..)
- des installations de production d'électricité utilisant l'énergie mécanique du vent soumises à autorisation au titre de la rubrique 2980 mentionnées par l'arrêté du 26 août 2011 …»

C’est ainsi que les éoliennes ont donc été exclues du champ d’application du code de la santé publique à l’occasion de leur classement parmi les installations pouvant présenter des dangers ou des inconvénients pour la commodité des riverains, la santé ou la sécurité et non de façon automatique du fait de leur classement, comme l’écrit la Ministre.

D’autre part que l’arrêté du 23 janvier 1997 qui régit la plupart des autres ICPE prévoit des dispositions protectrices pour les riverains telles que :
- Le bénéfice d’une marge de 2dB lors de vérifications par la méthode dite « de contrôle »
- L’arrêté préfectoral qui accompagne au cas par cas le seuil maximum de bruit autorisé en limite de propriété ICPE
- La présence d’un terme correctif abaissant l’émergence autorisée le dimanche et les jours fériés.
Ces différentes dispositions ne bénéficiant pas aux riverains d'éoliennes

Et tandis que contrairement aux autres ICPE, les éoliennes ne sont pas soumises à ces contraintes, elles bénéficient, de surcroît d’un terme correctif de 1 à 3 dB d’émergence supplémentaire si la durée d’apparition de leur bruit n’est pas permanente.

Nous prenons acte du fait que la Mme la ministre ne conteste pas que le projet de texte sur lequel se sont prononcés les différents services de l’État, afin d’encadrer le fonctionnement des éoliennes en tant qu’ICPE, prévoyait bien de respecter le seuil maximum de 30 dBA ainsi que les autres prescriptions du code de la santé publique ni le fait que c’est notamment à la demande du Syndicat des énergies renouvelables, moins d’1 mois avant la signature de l’arrêté définitif, le 26 août 2011, que ce seuil a été porté à 35 dBA.

Nous prenons également acte du fait que Mme la ministre ne répond pas à notre question concernant l’autorité sanitaire qui se serait prononcée sur la pertinence de la suppression du code de la santé publique pour les éoliennes.
Ce qui ne peut d’ailleurs surprendre puisque celles ci avaient été consultées sur un texte qui mentionnait encore son respect.
L'exposition permanente à leurs émissions sonores, mais également à leur intrusion visuelle et à leurs flashs lumineux représentant un trouble significatif de voisinage sur lequel nul ne se sera ainsi prononcé, tandis que l'avis de l'Anses évoqué s'attache d'avantage à évaluer le niveau de preuve scientifique concernant le lien entre certaines caractéristiques du bruit et les symptômes déplorés par les riverains.

Rapport de l’Anses
Ce rapport de l’Anses devait d'ailleurs se prononcer sur les seuls effets sanitaires des basses fréquences et infrasons des parcs éoliens.

Ses conclusions appellent de nouvelles observations
Alors que ce rapport ne remet en cause à aucun moment le nombre ni la gravité des symptômes déplorés par les riverains d’éoliennes du monde entier, il s’efforce principalement de minimiser les niveaux de preuve des publications scientifiques qui en décrivent les mécanismes.
Et compile notamment en vain des études recherchant un lien dont on sait qu’il n’existe pas : celui entre le niveau de gène rapportée par les riverains et le niveau de bruit ambiant mesuré à travers la pondération A (dBA).
Donnant ainsi le prétexte d’évoquer des symptômes imaginaires provoqués par un « effet nocebo ».

On sait, au contraire, que l’émergence du bruit éolien est d’autant plus intrusive que le bruit de fond est faible et que cette émergence est riche en bruit de basse fréquence, que les dBA minorent considérablement, et que la présence de bruits de plus hautes fréquences en diminue la perception.
Ces 2 critères (zone calmes et basses fréquences) sont d’ailleurs clairement identifiés comme facteurs aggravants par la Directive européenne sur le bruit 2002/49/CE dans son annexe 1, tandis que l’Organisation mondiale de la santé (OMS) préconise (Guidelines for community noise), un seuil inférieur à 30 dBA pour éviter des perturbations du sommeil et considère que ce seuil doit être inférieur encore lorsque le bruit est riche en basses fréquences. Caractéristique que reconnait l’Anses pour les éoliennes (« La campagne de mesure réalisée par l’Anses : confirme que les éoliennes sont des sources de bruit dont la part des infrasons et basses fréquences sonores prédomine dans le spectre d’émission sonore ».)

Confirmant les travaux de A.Salt sur les effets des infrasons en dessous du seuil de l’audition, l’Anses mentionne la réglementation danoise de la Danish Environmental Protection Agency (DEPA) qui « recommande que les niveaux d’exposition des citoyens soient inférieurs de 10 dB au seuil d’audibilité des infrasons ».

Alors que l’Anses se contente du niveau de l’audition en rapportant que les résultats de ses propres « mesures de niveaux sonores à 500 m et 900 m (en façade des habitations) des parcs éoliens confirment les tendances observées dans la littérature scientifique pour 2 sites sur les 3 explorés. Aucun dépassement des seuils d’audibilité dans les domaines des infrasons et basses fréquences n’a été constaté (< 50 Hz).
Mais cite pourtant l’étude de B.Zajamsek et al 2016 en omettant de mentionner que les résultats de leurs mesures sont bien supérieures, pour ces fréquences, au seuil de l’audition, à l’intérieur d’une habitation située à 4 km de l’éolienne la plus proche, dans sa figure 6.

Mais surtout, on peut s’étonner que l’Anses préconise de renforcer le mesurage du bruit en limite de propriété alors que cette mesure avait été dénoncée par le Conseil national du bruit (rapport annuel page 3) qui la considérait comme inutile et trompeuse dans la mesure où elle n’avait pas été assortie d’un arrêté préfectoral, ainsi que nous l’avons précédemment évoqué.
Toutes les éoliennes actuelles respectant quasiment automatiquement cette mesure de protection trompeuse.

Deux affirmations de l’Anses interpellent fortement :
- Celle que les dBA seraient pertinents pour évaluer la gène, que l’on sait pourtant provoquée par les basses fréquences, pour la raison que ces fréquences seraient proportionnelles au niveau mesuré en dBA.
Or rien n’est moins vrai, les règles de propagation de chaque fréquence diffèrent fondamentalement en fonction de la distance, de la topographie, des conditions atmosphériques et des structures mêmes de l’habitation. L’extrapolation de la valeur des basses fréquences à partir des seules mesures en dBA restent extrêmement hypothétique.

- Après avoir compilé les règlementations de différents pays qui s’appliquent à caractériser quantité de critères de gène tels que les basses fréquences, la modulation d’amplitude, le caractère impulsionnel, les vibrations solidiennes, les infrasons et appliqué différents termes de correction en fonction des caractéristiques du bruit, l’Anses considère que la réglementation française, qui ne retient aucun de ces critères, serait suffisante pour appréhender la réalité des nuisances et garantir la protection sanitaire des riverains.

Rappelons enfin que l’Anses écrit : « En termes d'évaluation de la gêne également, qui s'attache plus à quantifier l'émergence d'un son gênant qu'à son niveau d'énergie, la notion temporelle est essentielle (durée ou nombre d'occurrences).
Donner l'un des paramètres sans l'autre n'a donc aucune valeur ».

Alors qu’à aucun moment le caractère permanent de l’exposition des riverains n’est pris en compte.

Appendice
La revue « Science », vient de publier une étude montrant les effets en cascade du bruit d’origine anthropique sur l’écosystème et alerte sur la menace que ce bruit fait peser sur les espèces protégées.
http://www.lemonde.fr/biodiversite/article/2017/05/04/le-bruit-de-l-homme-affecte-les-especes-jusque-dans-les-aires-protegees_5122479_1652692.html

Concernant l’homme, l’Anses s’est contenté d’en mettre en doute le niveau de preuve.

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