Sylvestre Huet
Les optimistes avaient tort. Ils ont cru, sur la foi des bilans énergétiques et d’émissions de CO2 de 2014 à 2016 que le monde s’était engagé dans une voie vertueuse. Moins d’appétit énergétique, moins d’émissions de gaz à effet de serre bousculant le climat. Les chiffres du bilan énergétique 2017 du G20 – les 20 pays les plus puissants et représentant 80% de la consommation d’énergie dans le monde (1) – viennent d’être publiés par le cabinet Enerdata, en avance sur les institutions officielles. Ils montrent que les pessimistes avaient raison. La tendance des trois années n’était qu’un épisode, brutalement terminé par une contre-tendance : plus d’énergie, et surtout plus de charbon, de gaz et de pétrole, et donc plus d’émissions de CO2. Revue de détail en graphiques (tous fournis par Enerdata).
Les optimistes avaient tort. Ils ont cru, sur la foi des bilans énergétiques et d’émissions de CO2 de 2014 à 2016 que le monde s’était engagé dans une voie vertueuse. Moins d’appétit énergétique, moins d’émissions de gaz à effet de serre bousculant le climat. Les chiffres du bilan énergétique 2017 du G20 – les 20 pays les plus puissants et représentant 80% de la consommation d’énergie dans le monde (1) – viennent d’être publiés par le cabinet Enerdata, en avance sur les institutions officielles. Ils montrent que les pessimistes avaient raison. La tendance des trois années n’était qu’un épisode, brutalement terminé par une contre-tendance : plus d’énergie, et surtout plus de charbon, de gaz et de pétrole, et donc plus d’émissions de CO2. Revue de détail en graphiques (tous fournis par Enerdata).
La
croissance du PIB est repartie vivement avec 3,5%. La consommation
d’énergie a grimpé de 2,1%… et les émissions de CO2 liés à cette énergie
de 2%. Oubliée la modération énergétique, oublié le découplage
croissance économique mesurée par le PIB et énergie, oublié la
décarbonation de l’énergie… oublié l’Accord de Paris sur le climat.
Cet
Accord de Paris, déjà très insuffisant pour limiter la hausse de la
température moyenne planétaire aux 2°C visés, supposait en effet une
réduction annuelle de 2,9% des émissions à partir de 2015 et jusqu’en
2050 pour le G20. Rien que les trois années qui viennent de s’écouler,
avec trois hausses dont la plus forte en 2017, font monter cette
réduction annuelle à 3,5% d’ici 2050. L’objectif s’éloigne…
Le géant Indien succède au géant Chinois
Une vision plus précise, par pays et pour l’Union Européenne, montre que les tendances à l’œuvre vont se poursuivre :
Si
la croissance de la consommation d’énergie du géant chinois se
ralentit, elle demeure forte… et le géant indien a pris la succession.
Les pays de l’Union Européenne, censés être les plus « vertueux » ne
parviennent même pas à stabiliser leurs consommations, alors même que
leurs démographies stabilisées, leur niveau de vie élevés et la
faiblesse de leurs productions d’hydrocarbures constituent autant de
facteurs favorables à cet objectif.
Même la décarbonation des économies et systèmes énergétiques marque le pas, comme le montre la hausse des émissions de CO2 :
Le
seul pays qui diminue les siennes est… les Etats-Unis d’Amérique. Ce
qui n’est pas si glorieux que cela car les émissions par habitant du
pays de Donald Trump demeurent à un niveau très élevé, avec 15,6 tonnes
par an, près de trois fois celles d’un Chinois ou d’un Européen,
désormais similaires à 6,4 tonnes par an. Une diminution obtenue ces
dernières années pour l’essentiel par le recours accru au gaz pour
générer de l’électricité au détriment du charbon.
L’incapacité
des pays du G20 à décarboner leurs systèmes énergétiques malgré l’essor
considérable des énergies renouvelables est probablement l’un des
signaux les plus négatifs de cette évolution. Surtout que les prix du
charbon, du gaz et du pétrole ont augmenté en 2017, ce qui aurait du
pousser à modérer leurs usages. Or, on observe le contraire.
La consommation de pétrole est ainsi
boostée par la croissance rapide du parc automobile en Chine, en Inde,
et, même si elle est plus lente, en Europe. Le modèle de mobilité par la
voiture et du camion pour fret routier, les deux utilisant des moteurs
thermiques, continue de dominer les esprits et les politiques
d’aménagement d’infrastructures de transport. La rupture avec ce modèle,
ou la disponibilité de moteurs électriques et d’une électricité
décarbonée apparaissant comme une des conditions sine qua non de la mise en oeuvre de l’Accord de Paris.
La consommation de gaz montre une vive
croissance, tant pour l’électricité que pour les usages domestiques
(chauffage et cuisson). L’exploitation des gaz de roches-mères (dit
aussi de schiste) aux Etats-Unis contribue à cette expansion rapide. Les
USA sont d’ailleurs devenu un acteur significatif de l’exportation de
gaz sous forme liquide par navires, une activité boostée en 2017 par une
légère diminution de la production d’électricité au gaz.
Le paradoxe de l’électricité
La production d’électricité illustre un
paradoxe : malgré la progression spectaculaire des ENR (éolien et
solaire), elle continue d’alimenter la croissance des émissions de CO2. Un paradoxe expliqué par le graphique suivant :
Ce
graphique montre une croissance spectaculaire des renouvelables (le
détail suit)… mais si l’usage du pétrole, déjà modeste, pour générer de
l’électricité, continue de faiblir, ceux du charbon et du gaz continent
d’augmenter, avec une domination écrasante du charbon. Autrement dit,
l’appétit d’électricité augmente plus vite que la croissance pourtant
rapide des volumes d’électricité d’origine éolienne, solaire ou
hydraulique.
L’éolien
et le solaire ont entamé une vive croissance depuis une dizaine
d’années, avec un effet particulièrement spectaculaire : la Chine tient
désormais le deuxième rang mondial pour l’éolien, derrière l’Union
Européenne avec 300 TWh en 2017. Et s’est hissé au premier rang mondial
pour le solaire : elle atteint les près de 140 TWh en 2017 contre 120
TWh pour l’Union Européenne.
Quelques chiffres sur l’évolution des mix électriques ces dernières années permettent de saisir les raisons de ce paradoxe :
Ces
pourcentages pourraient laisser croire que les mix électriques
contribuent à une décarbonation… mais cela n’est vrai que pour des
volumes produits en stagnation ou en diminution. La vive croissance en
Chine montre ainsi que l’on peut diminuer la part de son mix électrique
carboné… et pourtant augmenter ses émissions.
Un
zoom en Europe montre aussi que les évolutions sont dominées par la
base existante. Ainsi, la Grande-Bretagne peut afficher une évolution
très favorable de son mix… et de ses émissions de CO2 en raison d’un
point de départ très carboné, puis de l’éviction rapide du charbon ces
dernières années sous la montée des renouvelables et le maintien de son
nucléaire.
En
revanche, l’Allemagne affiche un résultat positif mais moins
intéressant, malgré un effort beaucoup plus considérable sur les
renouvelables. La part du charbon n’a baissé que de 4 points de
pourcentage depuis 2010 alors que celle des renouvelables a grimpé de 16
points. Mais comme le nucléaire a diminué de 10 points les émissions
n’ont pas diminué autant que ce que l’on pouvait espérer. En outre,
l’arrêt définitif du nucléaire d’ici 2022 va faire disparaître cette
production décarbonée et pilotable du mix électrique ce qui devrait
faire, au mieux, stagner les émissions à cette échéance.
De
son côté, la France affiche un bon et déjà ancien résultat pour la
décarbonation de son mix électrique, mais avec un très faible potentiel
d’évolution puisque le charbon a presque disparu (les derniers 3 000 MW
installés devraient être fermés d’ici la fin du quinquennat) et que le
gaz occupe une place modeste, mais très utile au pilotage de l’équilibre
offre/demande, dans le total.
(1) 20 membres (19 Etats et l’Union européenne) : Afrique du Sud, Allemagne, Arabie Saoudite, Argentine, Australie, Brésil, Canada, Chine, Corée du Sud, États-Unis, France, Inde, Indonésie, Italie, Japon, Mexique, Royaume-Uni, Russie, Turquie, Union européenne. Ses Etats membres représentent 85% du PIB mondial, deux tiers de la population mondiale, 75% du commerce mondial, 80% de l’investissement global, 92% des dépenses mondiales en R&D.
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