Déboiser l’équivalent de 2 161 terrains de football pour extraire de l’or. Le gouvernement français dit oui !

Laurie Debove 

 
  Crédit Photo : Henn Photography / Cultura Creative


La mobilisation populaire contre le projet minier Montagne d’Or en Guyane continue. Alors que le débat public est ouvert jusqu’au 7 juillet 2018, de nombreux mouvements citoyens et ONG, comme Greenpeace et WWF France, alertent le grand public sur les arguments fallacieux prônés par les constructeurs.
Un projet titanesque énergivore qui menace la forêt amazonienne 
Le projet Montagne d’Or est porté par le consortium russo-canadien NordGold/Columbus Gold. Avec un gisement s’étendant sur 190 km2, une fosse de 2,5 km de long, de 500 m de large et de 400 m de profondeur, Montagne d’Or deviendrait la plus grande mine d’or jamais exploitée sur le territoire français dans la seule forêt tropicale humide de l’Union européenne. Cette fosse engloutira au minimum 2 000 hectares de forêts tropicales primaires, soit le volume de 32 Stades de France. Pour alimenter ce projet titanesque en énergie, soit 20% de la consommation de Cayenne, l’installation de lignes à haute tension nécessite de raser des forêts sur 120 km. Les routes seront élargies pour permettre le transport des explosifs, du cyanure et des carburants, au détriment des arbres qui les bordent. Pour toute l’installation, WWF France estime que la surface à déboiser est grande comme 2 161 terrains de football !

Voir
 https://youtu.be/0HcDU2PIihI

Doit-on vraiment le rappeler ? Les forêts primaires, comme celles de Guyane, jouent un rôle essentiel dans la régulation du climat. Ce sont les poumons verts de la planète qui produisent du dioxygène et stockent le CO2 atmosphérique grâce à la photosynthèse. Par sa localisation, la Guyane concentre 50% de la biodiversité française : 1 700 espèces d’arbres, 710 espèces d’oiseaux, 480 espèces poissons d’eau douce et 197 espèces de mammifères terrestres. Greenpeace précise que 80% des espèces de cet écosystème restent encore à découvrir !

Débat ou os à ronger ?
Un débat public sur le projet a été lancé le 7 mars 2018, il se terminera le 7 juillet. Géré par la Commission Nationale du Débat Public (CNDP), ce « débat » sert surtout aux constructeurs à prendre la température des habitants qui sont touchés par le projet de mine, comme en atteste le site web officiel de la CNDP dans ses objectifs : informer le public, permettre au public de s’exprimer, et éclairer le maître d’ouvrage du projet. La Commission précise bien que ce débat public « n’est ni un référendum ni un sondage d’opinion, il permet l’expression de points de vue argumentés et leur prise en compte par l’ensemble des participants. »
Cerise sur le gâteau : À la fin du débat public, une commission particulière (qui se veut neutre) rédige un compte rendu et la CNDP dresse un bilan. « Elles émettent des recommandations sur la poursuite de la participation du public mais ne donnent pas d’avis sur le projet. » Vous avez bien lu, cette commission ne va donc pas émettre des recommandations sur la pertinence du projet, mais seulement indiquer si les citoyens ont le droit de continuer à s’exprimer sur le sujet.

Risques sanitaires démesurés : vers un Fukushima guyanais ?
Ledit débat fait l’objet de prises de position vives et passionnées et les réunions publiques ont généré beaucoup de frustrations, selon Roland Peylet, Président de la commission particulière. Et pour cause, le collectif « Or de question », qui regroupe 18 associations opposées au projet, a dû réclamer à de très nombreuses reprises un bilan chiffré du volume global et des teneurs en métaux lourds issus des roches non aurifères (stériles), mais surtout des résidus miniers à l’issue des 12 ans de ce projet. En effet, l’environnement et la santé des habitants alentours ne sont pas seulement menacés par la déforestation, mais aussi par la pollution engendrée par les intrants chimiques nécessaires à l’extraction de l’or, comme le cyanure dont 8 à 10 tonnes sera utilisée chaque jour ! 
« Dans ces mines d’or industrielles, trois phénomènes récurrents et concernant la gestion des déchets sont à signaler : le drainage minier acide des roches extraites, les ruptures de digues et l’apport de quantités importantes d’intrants chimiques. » Or de question
Le rapport provisoire intitulé « Etat initial sur le milieu physique », mis en ligne sur le site du débat public, n’a pas rassuré les inquiétudes du collectif, loin de là. « Or de question » met en lumière des risques sanitaires démesurés :
1. Dans le Dossier du Maitre d’Ouvrage (DMO), aucune mention n’est faite des différents métaux lourds présents dans la roche mère et de leur proportion dans les collines de résidus miniers
2. La quantité pharaonique de déchets miniers soit 300 millions de tonnes de roches dites « stériles » (sans or mais non exemptes de roches sulfurées et métaux lourds).
3. A cela s’ajoute 50 millions de tonnes de roches réduites en poudre, pour en extraire la teneur en or (env. 1,6 gr par tonne). Les déchets miniers de ces dernières roches sont les plus toxiques car le broyage qu’ils ont subi favorise la percolation des métaux lourds par l’air et l’eau (DMA).
Au total, c’est donc 350 millions de tonnes de déchets industriels qui seront répandues sur près de 400 hectares, isolées des nappes phréatiques par une simple géomembrane, et retenues, en partie, par une digue de saprolite (roche meuble) de 57 m de haut et 1900 m de long.
Le Bureau de recherches géologiques et minières rappelle que 25 ruptures de digue accidentelles ont eu lieu dans le monde depuis 2000. Au Brésil, 650 km des rives du fleuve Rio Docé ont été ravagées lorsque le barrage de rétention de déchets Fundão a rompu en 2015. 19 personnes ont été tuées dans l’accident qui a causé des dommages économiques, environnementaux et sociaux sans précédent dans toute la région. Cet accident a été qualifié de « Fukushima brésilien ».

Extraire de l’or : une aberration industrielle 
Les différentes ONG dénoncent également le manque de cohérence dans les « opportunités économiques » avancées par les défenseurs du projet. Sa raison-même d’être, extraire de l’or, est questionnée par les associations de défense de l’environnement et des droits de l’homme. En effet, seulement 8% de l’or extrait chaque année sert à l’industrie, et 35% est destiné au secteur bancaire. Le reste est transformé en bijoux et lingots d’or qui dorment dans des coffres-forts. En 2016, on estimait ainsi qu’environ 20% de tout l’or que l’Homme a extrait se trouve dans les banques centrales. En 2015, la filière du recyclage a fourni 3 fois plus d’or que les besoins industriels, alors qu’elle est sous-développée en France.
Encore une fois, bien que le Président de la République Emmanuel Macron prenne oralement des positions fortes en faveur de l’environnement sur la scène internationale, et que le gouvernement élabore actuellement une stratégie nationale visant à éliminer la déforestation importée, ce projet va totalement à l’encontre des mesures à prendre pour éviter une catastrophe climatique aux effets mortifères.
Les ONG exhortent donc Emmanuel Macron à montrer l’exemple sur le territoire français en adoptant un moratoire sur la méga-exploitation minière industrielle et en arrêtant immédiatement tous les projets de ce type déjà engagés. Leur pétition a déjà recueilli plus de 230 000 signatures.

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