Climathon, semaine 47: La vraie cause du terrorisme

Publié le 25 novembre 2015 dans Environnement
Par Benoît Rittaud  (et le jury du Climathon)




La Cop21 se rapproche ! La propagande climatique abandonne ses dernières réserves déontologiques !





Ah, quel beau final pour le Climathon ! Quel plaisir de voir, pour l’avant-dernière semaine, la propagande climatique se libérer enfin des derniers lambeaux de déontologie qui l’encombraient encore ! Déchaînés par les attentats du 13 novembre, les propagandistes ont donné le meilleur d’eux-mêmes, sans hésiter à se vautrer dans la récupération la plus abjecte des attentats. Un seul mot : splendide.

Il faut rendre grâce à notre Commandeur des Croyants, Nicolas Hulot, pour avoir ouvert la voie la semaine dernière en exploitant sans vergogne le sang à peine sec des victimes des attentats du 13 novembre pour promouvoir la Sainte Cause des Témoins de Céhodeux. Les autres compétiteurs avaient alors accusé le coup (le jury aussi, d’ailleurs), mais ils se sont désormais bien rattrapés, faisant de cette semaine 47 un concours à part, sur le thème exclusif « CO2 = terrorisme ».

Comme toute égalité mathématique, celle-ci peut se démontrer de plusieurs façons, qui ont chacune leur beauté propre. L’esthétique dans l’indécence du n’importe quoi a été le criterium du jury pour départager les compétiteurs d’une course qui, en réalité, ne méritait pas de vaincu. Après une photo finish qu’il a fallu analyser en détail, c’est finalement Anne Souyris et David Belliard qui l’emportent sur le fil, pour une tribune dans le JDD qui mérite de faire date dans l’histoire pourtant riche du Climathon. Cette tribune, qui fait coup double en dénonçant aussi l’interdiction de la fiesta manifestation pour sauver la Galaxie le 29 novembre, explique en effet que :

« Combattre le changement climatique, c’est aussi mettre en œuvre des solutions aux crises géopolitiques que nous traversons et dont les attentats du 13 novembre sont un sanglant symptôme ».

C’est bien connu en effet: Pour régler un problème, il suffit d’essayer d’en régler un autre, de préférence imaginaire (une solution plus ancienne consiste à créer une commission). La démonstration de nos vainqueurs est imparable:

« N’oublions pas que Daech se finance en partie par le pétrole de contrebande. Or, c’est bien la fin du tout pétrole et des énergies fossiles qui est visée avec la conférence sur le climat, via une plus grande autonomie énergétique des États permises par les performances toujours plus grandes des énergies renouvelables ».

On ignorait jusque-là que les principaux pays émetteurs de Céhodeux que sont la Chine, les États-Unis, l’Inde ou la Russie achetaient leur pétrole à Daech. Mais ce n’est pas là la seule info décoiffante de la tribune. En effet, nous apprenons aussi que la COP21 n’aura pas que pour fonction d’empêcher les pays émergents d’émerger de bannir le vilain Céhodeux: Elle va aussi régler le reste des problèmes du monde. Guérir les écrouelles et sauver le scarabée pique-prune, bien sûr, mais pas seulement:

« Et que dire de la lutte contre les paradis fiscaux, places financières opaques ou transitent les flux financiers des réseaux mafieux et terroristes, et permettent leur blanchissement ?

La conférence sur le climat intègre des discussions autour de l’assainissement des circuits financiers internationaux. Là encore, il s’agit de lutter pour le climat et contre les groupes terroristes qui en usent. L’enjeu est d’importance ! Si des engagements en ce sens sont pris dans la déclaration des États à l’issue de la COP, les collectivités et les entreprises du monde seront invitées à les rejoindre pour ne plus être, indirectement, les complices de nos bourreaux ».

Il a peut-être manqué à nos lauréats de cette semaine une touche de poésie pour mettre en balance les flux de gaz satanique avec les flux de l’argent sale. Ou pour dresser le parallèle entre réseaux électriques exploitant des centrales à charbon et réseaux mafieux et terroristes exploitant le fondamentalisme. Mais ne nous laissons pas emporter par le lyrisme : après avoir lu cette tribune, frappée au coin de la science et de la géopolitique de comptoir bon sens, la seule chose à ajouter est: CQFD.


Les accessits de la semaine

Rue89 n’est pas passé loin d’emporter le titre de cette semaine avec son article signé Thibaut Schepman. On apprend dans cet article la véritable tragédie qui se cache derrière les attentats, tragédie qui n’a en fait qu’un rapport assez lointain, pour ne pas dire nul, avec la négligeable centaine de morts à déplorer:

« C’est probablement ce qui pouvait arriver de pire pour la coalition de dizaines d’associations, ONG et mouvements qui organisaient depuis des mois la mobilisation citoyenne pendant la COP21.

Les attentats du 13 novembre ont entraîné une foultitude d’impacts dramatiques, l’un d’eux est la sortie de la crise climatique de l’agenda politique et médiatique. Pire, les marches qui devaient constituer le point d’orgue de la pression populaire sur les dirigeants et négociateurs ont été interdites ».

On appréciera le « foultitude », néologisme en général utilisé dans un cadre joyeusement décalé ; le mot est sans doute là pour nous faire supporter toute l’horreur des attentats de l’annulation de la manif. On dégustera aussi la photo de nos deux co-sauveurs de climat dont la joyeuse complicité est là en tête d’article pour rassurer ceux qui douteraient de la franche entente entre ces pieux ministres (que leurs noms soient inscrits en lettre d’or au firmament et que le Très-Haut les ait en Sa sainte garde).



Il faut croire que ces deux-là avaient gardé un souvenir ému de leur manif de New York avec Ban Ki-moon l’an passé à New York. En titrant sur les « pistes pour manifester quand même », Rue89 veut peut-être tout simplement les aider à recommencer. C’est gentil, non ?



L’association 350.org, notre championne d’été qui l’avait emporté en semaine 35 pour son immortel « appel pour en finir avec les crimes climatiques », s’est illustrée elle aussi. Pour faire face à l’urgence, son chargé de communication appelle tout simplement à la désobéissance civile et à la résistance « pas seulement autour de cacahuètes et de bières, mais autour de la crise climatique ». Les actions envisagées restent encore mystérieuses mais pourraient « viser principalement les personnes les plus touchées par le changement climatique, c’est-à-dire les quartiers populaires comme il y en a autour du Bourget ». Hélas nous n’en saurons pas plus sur ces événements climatiques dévastateurs qui frappent les quartiers populaires autour du Bourget tout en épargnant les classes bourgeoises situées à proximité. Sont-ils victimes d’ouragans localisés particulièrement virulents ? Les jardins ouvriers du Bourget connaissent-ils une baisse de leurs rendements agricoles du fait de la sécheresse ? L’augmentation dramatique du niveau de la Seine (à cause du réchauffement bien sûr) va-t-elle provoquer une crue impactant en priorité ces quartiers ? Pas de réponse pour l’instant, mais la lutte social-climatique est en marche.

Certains, tels les « désobéissants », affichent leur intention de braver les interdits, pour marcher coûte que coûte le 29 novembre. Leur appel à la désobéissance civile se justifie ainsi:

« Nous venons de payer le prix du sang parce que notre dépendance au pétrole, qui produit justement le réchauffement climatique, a plus que jamais besoin de la guerre pour maintenir son approvisionnement en pétrole bon marché. Et que la guerre, en semant le désespoir, alimente la haine et finalement le terrorisme, jusqu’au cœur de nos villes».

Les lecteurs les plus subtils auront peut-être remarqué quelques ressemblances avec la tribune de nos vainqueurs de la semaine. Le jury tient à faire savoir que s’il était prouvé que les uns ont copié sur les autres, des sanctions pour triche seraient bien entendu prises.

Nicolas Vannier, grand sillonneur de planète devant l’éternel, a fait une percée en amateur dans Sud Ouest, nous proposant sa fine analyse géostratégique des attentats. Pour lui aussi, ils sont la conséquence directe du réchauffement climatique. En effet, « On oublie aussi que la crise climatique avec ses conséquences sur l’agriculture, l’élevage et la sécurité alimentaire des populations, est l’une des origines de la guerre en Syrie et dans la zone où Daesh s’est implanté ». Notre explorateur nous gratifie de quelques envolées pseudo philosophiques lyriques: « Il faut conjuguer davantage le verbe « être » et un peu moins le verbe « avoir », dont on mesure aujourd’hui les limites ». Lancé tombeau ouvert dans ses démonstrations, se hasardant à jongler avec force concepts, une certaine impréparation est hélas à l’origine de sa sortie de route finale: « C’est comme une automobile trop vieille, il arrive un moment où il faut arrêter d’essayer de la réparer, il faut en changer ». Oublier les grands principes de l’économie circulaire, les bases du recyclage et prôner cyniquement le consumérisme le plus abject… attention, Nicolas Vannier: L’amateurisme n’excuse pas tout.

D’autres compétiteurs ont, eux, repris timidement la campagne de catastrophisme climatique qui battait son plein juste avant les attentats. Ainsi d’une étude particulièrement opportune de l’Organisation Mondiale de la Santé, dont les accents dramatiques font le bonheur du Figaro et deChallenges, qui tous deux sonnent le tocsin sur le thème « le changement climatique menace aussi la santé ». Il faut dire que l’OMS n’y va pas avec le dos de la cuillère, en annonçant quand même plus de 250 000 décès supplémentaires par an entre 2030 et 2050 du fait de la malnutrition, de la pollution mais aussi du « stress lié à la chaleur ». Car, ne riez pas, les conséquences potentielles du réchauffement climatique engendrent « des risques sur la santé mentale des populations ». Bon, c’est vrai que quand on voit comment conduisent les Marseillais…

Les artistes ne sont pas en reste. Le Point rapporte ainsi une initiative d’un géologue et d’un artiste danois qui ont méthodiquement découpé plus de 100 tonnes d’un iceberg du Groenland pour l’exposer sur la place de la République afin d’en faire une grosse horloge fondante, qui a pour vocation de rappeler, dans un symbolisme très léger, que l’heure tourne. « C’est une façon de rendre les chiffres concrets et les faits accessibles à nos émotions».  Le jury du Climathon salue la performance artistique mais regrette que Le Point ne se penche pas plus sur les aspects logistiques, notamment sur le bilan carbone d’une opération au cours de laquelle des blocs de glace ont été emmenés jusqu’au Danemark par bateau, puis transportés en camion jusqu’à Paris. Mais ne chipotons pas: Les Parisiens seront sans nul doute sensibles à cet indispensable happening, qui leur permettra de constater de visu que, sous nos latitudes, la glace (provînt-elle du Grand Nord) a tendance à fondre. Il faut espérer que, contrairement aux prophéties du Référendum maudit (qui avait correctement annoncé la défaite de l’équipe de France face à l’Angleterre), nulle vague de froid ne s’approche de Paris au début de la COP21, ce qui obligerait les organisateurs à attaquer les blocs au chalumeau pour que leur horloge glacière ne prenne pas de retard. Quoi qu’il en soit, le sillon artistique est à creuser: Replanter quelques hectares de la forêt amazonienne sur les Champs Élysées (sans les arroser, pour montrer les effets de la sécheresse), enchaîner quelques ours blancs sur la place de la Bastille pendant la canicule pour illustrer leur souffrance… Faisons confiance à l’imagination fertile de nos artistes engagés.


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