Jean-Baptiste Comby 20 mai 2017
Jean-Baptiste Comby est sociologue et maître de conférences à l’université Paris 2.
Commentaire: (...) L'impératif catégorique de la morale marxienne: fais ce que tu es - afin que tu sois ce que tu fais. [...] La raison fondamentale de notre aliénation, c'est cet ordre économique et social, car dans ce monde-ci, insérés dans sa praxis, il nous est impossible, avec la meilleure volonté du monde, de vouloir au nom de la liberté ce que nous faisons en fait - quelle que soit notre intention, simplement parce que nous avons assumé, par le simple choix de vivre, cette condition sociale, incarnation d'une praxis à l'égard de laquelle l'abstention n'est pas possible. L'homme est impossible dans ce monde-ci ,
donc, c'est ce monde qu'il faut changer, impérativement; il est la raison déterminante et
dernière de l'impossibilité de l'homme.
Extrait de "Le traître", André Gorz, Éditions du Seuil, 1958.
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La nomination de Nicolas Hulot illustre combien l’élection d’Emmanuel Macron parachève la dépolitisation de la vie collective, dont celles des enjeux écologiques, explique l’auteur de cette tribune. Or, rappelle-t-il, « le défi écologique est hautement politique et inévitablement clivant ». Il fallait avoir les œillères idéologiques bien accrochées pour croire qu’Emmanuel Macron est de droite et de gauche. Il n’a fallu que quelques heures et la nomination de
son Premier ministre pour s’apercevoir qu’il était politiquement à droite, c’est-à-dire socialement du côté des puissants et de ceux qui détruisent docilement, mais sûrement la planète. Son programme, ses soutiens, son gouvernement, ses premiers actes, tout indique que la « révolution » qu’il prétend incarner sera conservatrice
tant elle accentuera la subordination des structures sociales (éducation, santé, immobilier, travail, administrations publiques…) aux logiques néolibérales.
La présente tribune n’insistera donc pas sur la manière, probablement autoritaire, dont il poursuivra l’emprise des logiciels managériaux, gestionnaires et comptables sur un spectre toujours plus large d’activités sociales. Il ne s’agira pas non plus de commenter la façon dont il pousse toujours plus loin les ressorts monarchiques, le culte de la personnalité et les recettes marketing de la vie politique sous la Ve République. Ces deux réalités constituent deux dimensions d’un processus plus large de dépolitisation de la vie collective.
En fait, l’élection de Macron peut se lire comme la consécration voire l’aboutissement de ce processus qui depuis une trentaine d’années malmène la délibération et le pluralisme démocratique.