par Yanarthus.
publié le 26 septembre 2017
L’incroyable nouvelle a été annoncée par Mathieu Vidard dans l’émission La Tête au carré sur France Inter, le 20 septembre 2017 (ici, très brièvement, à partir de 10’, il faut bien viser) :
"Maintenir le réchauffement climatique en dessous de 1,5°C, c’est encore possible, c’est l’objectif qui avait été fixé par les Accords de Paris à l’issue de la COP 21. La bonne nouvelle vient d’une équipe de recherche internationale. D’après leurs analyses, l’ampleur du réchauffement climatique qui a déjà eu lieu a été surestimée et la quantité de carbone que l’humanité peut émettre à partir de 2015 en restant en-dessous de ce seuil de 1,5°C serait trois fois supérieure à ce qui avait été annoncé."
Comme ça, l’air de rien, un journaliste d’un des médias les plus fidèles au carbocentrisme vient de dire que la terrible apocalypse climatique a été surestimée. Au point que l’humanité pourrait même s’en sortir à bon compte ! Il n’y a vraiment de chance que pour la canaille.
Sur le coup, cet extrait m’a vaguement fait penser à l’annonce de la chute du mur de Berlin en novembre 1989, brièvement racontée par exemple ici, où le porte-parole du gouvernement est-allemand avait présenté la liberté de voyage à l’étranger de ses concitoyens comme une décision parfaitement anodine.
Intrigué par l’affaire, j’ai essayé de voir si cette saisissante nouvelle avait été relayée ailleurs dans la « grande presse » française. Il m’a fallu bien chercher. Le Journalderéférence, qui attendait certainement avec gourmandise la prochaine calamité climatique, a fait l’impasse. Je n’en ai trouvé de trace que dans L’Express et dans Ouest-France. Et dans les deux cas, strictement aucune mention à des observations en contradiction avec les modèles, juste une information sans aucune justification. C’est vrai, quoi, il ne faudrait pas embrouiller la tête des lecteurs (qui, comme chacun sait, ne comprennent rien) avec des explications du genre « la boule de cristal est encore plus déréglée que le climat ». Au contraire, l’article de L’Express est l’occasion de rappeler que 2016 a été l’année la plus chaude de l’histoire de la Voie Lactée.
Un site plus confidentiel mais parfaitement climatiquement correct s’est aussi fait l’écho de l’affaire, osant même donner un lien vers cette page qui présente ce graphique stupéfiant :
Un démon crypto-sceptique s’est caché dans cette figure, saurez-vous le retrouver ?
La lecture est simple : pour un cumul d’émissions de 545 Gt de carbone (valeur admise en 2015) depuis le milieu du XIXe siècle, le plus optimiste scénario giecquien (« RCP2.6 ») de réduction des émissions de gaz satanique prévoit une hausse de température de 1,2 °C (toujours par rapport au niveau pré-industriel) alors que les observations de 2015 donnent seulement 0,9 °C, les modèles surestiment donc de 0,3 °C la température observée !
Bon, évidemment, dans la publication originelle de Nature Geoscience, ce n’est pas dit de façon aussi claire. Certes, les auteurs signalent – timidement – les problèmes :
"in the mean CMIP5 response (coloured lines) cumulative emissions do not reach 545 GtC until after 2020, by which time the CMIP5 ensemble-mean human-induced warming is over 0.3 °C warmer than the central estimate for human-induced warming to 2015 (…) the discrepancy in warming between Earth System Models and observations emerges only after 2000."
["La moyenne des réponses des modèles CMIP5 (lignes colorées) n’atteignent 545 GtC qu’après 2020, à un moment où la moyenne du réchauffement causé par l’homme selon CIMP5 est plus de 0,3 °C plus chaude que celle de 2015 (…) L’écart entre les modèles et les observations n’apparaît qu’après 2000."]
Toutefois, d’une part le graphique ci-dessus n’est pas présenté tel quel (la fatidique flèche rouge n’y est pas !), d’autre part, la suite de la publication ne remet pas du tout en cause les dogmes climatologiques.
Dans n’importe quel domaine scientifique, un grand écart entre modèles et observations remet sérieusement en cause la fiabilité desdits modèles, mais il est vrai qu’en climatologie, il n’est pas toujours question de science. Le reste de l’article consiste à compter les gigatonnes de gaz satanique encore émettables avant d’atteindre la hausse de 1,5 °C par rapport aux niveaux préindustriels, tout en restant sagement dans le cadre des divinations du GIEC, en gros simplement en tenant compte d’un offset de -0,3 °C en 2015, simple rustine sur les modèles actuels mis en défaut.
Mais cette publication est tout de même un trop gros pavé dans la mare et les flics du climat sont aussitôt intervenus avec vigueur pour remettre l’Église de climatologie au centre du village global.
Traduction libre : « Discrepancy ? Où ça, discrepancy ? Quelle discrepancy ? Tout ça est unsupported. La courbe rouge, elle dit bien 1,2 °C épicétou. » L’occasion de revenir aux bases de la culture :
Se rendant compte de la gravité des
conséquences de leur publication, les impudents auteurs ont bien été
obligés de renouveler leur allégeance carbocentriste dans un rétropédalage collectif particulièrement humiliant :
"A number of media reports have asserted that our recent study in Nature Geoscience indicates that global temperatures are not rising as fast as predicted by the Intergovernmental Panel on Climate Change (IPCC), and hence that action to reduce greenhouse gas emissions is no longer urgent. Both assertions are false. Our results are entirely in line with the IPCC’s 2013 prediction that temperatures in the 2020s would be 0.9-1.3 degrees above pre-industrial."
["Nombre de médias ont affirmé que notre récente étude dans Nature Geoscience indiquait que les températures globales n’augmentaient pas aussi vite que prévu par le GIEC, et donc que les actions pour réduire les émissions de gaz à effet de serre n’ont plus rien d’urgent. Ces deux affirmations sont fausses. Nos résultats sont entièrement en ligne avec la prédiction du GIEC de 2013 que les températures dans les années 2020 seront de 0,9 à 1,3 degrés au-dessus de l’ère préindustrielle."]
Ouf, « en ligne avec la prédiction du GIEC » : pas de discrepancy.
Tout va bien en climatologie : le débat est ouvert, les voix contradictoires s’élèvent en toute liberté. On peut continuer d’annoncer des cataclysmes et les vaches sont bien gardées.
php
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