Déserts médicaux : une première cartographie

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8 août 2017

8 % des Français vivent dans une commune « sous-dense » en médecins généralistes. Parmi eux, 300 000 personnes sont également éloignées d’un service d’urgence et résident à plus de 10 minutes d’une pharmacie.
L’analyse de Xavier Molénat, extrait d’Alternatives Économiques.

Les « déserts médicaux », on en parle souvent… Sans nécessairement savoir de quoi il est précisément question. C’est pour tenter d’y voir plus clair que le ministère de la Santé vient de réaliser un premier travail de repérage des inégalités d’accès spatial à la médecine généraliste [1]. Selon Noémie ­Vergier et Hélène Chaput, les deux auteures, la simple distance à l’offre de soins (mesurée par le temps d’accès) qui vient spontanément à l’esprit pour caractériser ces espaces, est un critère nécessaire, mais loin d’être suffisant. Il ne dit rien de la disponibilité des médecins, qui ne travaillent pas nécessairement à plein-temps dans leur cabinet. Il reste par ailleurs silencieux sur les besoins de la population, qui évoluent notamment selon sa structure d’âge (on consulte davantage à 75 ans qu’à 25 ans).

Mise au point d’un indicateur
C’est pourquoi les auteures ont conjointement mis au point et calculé pour chaque commune un « indicateur d’accessibilité potentielle localisée » (APL) tenant compte de ces trois dimensions (distance spatiale, nombre d’actes annuels réellement effectués, âge des habitants) en les pondérant. Par exemple, un cabinet médical, situé à 15 minutes en voiture dans une commune voisine, est accessible, mais moins facilement qu’un cabinet situé à 5 minutes du domicile. Noémie Vergier et Hélène Chaput pondèrent donc le nombre de consultations accessibles par la distance à laquelle elles se situent. Pour les habitants d’une commune donnée, 3 consultations qui se trouvent à moins de 10 minutes valent 3, mais seulement 2 si elles sont situées entre 10 et 15 minutes de trajet, et 1 entre 15 et 20 minutes de trajet. Au-delà, la consultation est considérée comme inaccessible.

De même, chaque habitant est affecté d’un poids qui dépend de la consommation moyenne de médecine générale observée de sa tranche d’âge : environ 1 pour les 50-54 ans, 0,74 pour les 25-29 ans, 1,9 pour les 75-79 ans... Autrement dit : on tient compte du fait qu’une personne dans la tranche d’âge 75-79 ans « consomme » en moyenne presque deux fois plus de consultations de médecine généraliste qu’un individu ayant 50-54 ans, dont la consommation est proche de la moyenne de la population générale tous âges confondus. L’activité des médecins, enfin, est mesurée par le nombre d’actes réels effectués au cours de l’année 2015. L’indice ainsi obtenu pour chaque commune permet d’établir une première carte des « déserts médicaux » ou, du moins, une cartographie de l’accès plus ou moins aisé à la médecine générale en France métropolitaine.

Nombre de consultations de médecine généraliste accessibles par personne et par an, selon les communes, en 2015




Source : Ministère de la santé

À cette aune, 8 % de la population vivrait dans une commune « sous-dense » en médecine générale, soit dans une commune où, d’après les paramètres retenus, chaque habitant a accès à moins de 2,5 consultations par an. Si l’on porte ce seuil à trois consultations, c’est alors 18,4 % de la population qui est susceptible de rencontrer des difficultés à consulter un généraliste. Sur l’ensemble du territoire, l’accessibilité moyenne est de 4,1 consultations par habitant et par an. Dans les centres-villes des grandes métropoles, cette valeur oscille généralement entre cinq et six.

Les zones urbaines sont également touchées

Outre les DOM, la sous-densité touche particulièrement, quel que soit le seuil retenu, les régions Centre-Val-de-Loire, Auvergne-Rhône-Alpes, Bourgogne-France Comté, ainsi que la Corse et L’Ile-de-France. Au sein de cette dernière, 10 % de la population vit dans une commune sous-dense, ce qui représente 22,5 % de l’ensemble des Français ayant un accès difficile à la médecine généraliste. Les habitants des zones rurales sont les plus fréquemment touchés, mais ils sont loin d’être les seuls concernés.

Noémie Vergier et Hélène Chaput montrent par ailleurs qu’un quart des personnes accédant difficilement à un médecin généraliste ont également des difficultés d’accès aux urgences (plus de 30 minutes de trajet) et 9 % sont éloignées de la première pharmacie (plus de 10 minutes de trajet). Le cumul de ces trois difficultés est cependant très rare, puisqu’il ne concerne que 0,5 % de la population (environ 300 000 personnes), habitant souvent les zones montagneuses des régions d’Auvergne-Rhône-Alpes, de Provence-Alpes-Côte-d’Azur et de Corse.

Les inégalités spatiales d’accès à la médecine « de premier contact » restent donc globalement « limitées », selon les deux chercheuses. D’une part, « 98 % de la population réside à moins de 10 minutes de route d’un médecin généraliste ». D’autre part, « un rapport de 1 à 3 distingue les 10 % de la population ayant le meilleur accès aux soins des 10 % de la population ayant l’accès le plus faible », alors que ce rapport varie de 1 à 6 à 1 à 19 pour les diverses spécialités médicales.

Attention aux départs
Reste que les médecins présents dans les zones sous-denses sont globalement plus âgés (moyenne d’âge de 54,7 ans contre 53,4 ans sur l’ensemble du territoire). La proportion de médecins généralistes de plus de 60 ans, notamment, y est plus élevée. Les départs à la retraite plus nombreux dans les années à venir, combinés au déclin en cours de l’exercice libéral de la médecine au profit du salariat, de l’exercice de groupe et du remplacement, pourraient contribuer à aggraver ces inégalités.

Resterait à appliquer la même démarche de repérage aux autres acteurs de la santé (spécialistes en accès direct ou non, professions paramédicales…), et à inclure d’autres critères (tarifs de la consultation, données socio-économiques...) pour avoir une mesure plus complète des situations de difficultés spatiales d’accès aux soins. Mesure dont ce premier travail, et ce n’est pas le moindre de ses mérites, laisse entrevoir la complexité.

Extrait de « "Déserts médicaux" : une première cartographie », Xavier Molénat, Alternatives Economiques, 28 juin 2017.

Photo / Carola Vahldiek - Fotolia
Notes
[1] « Déserts médicaux : comment les définir ? Comment les mesurer ? », Noémie Vergier et Hélène Chaput, en collaboration avec Ingrid Lefebvre-Hoang, in Les Dossiers de la Drees n° 17, ministère de la Santé, mai 2017.

Date de rédaction le 8 août 2017
Dernière révision le 21 août 2017


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