par Hartmut Lauer,
membre de la société allemande d’énergie nucléaire (KTG)
12/09/2017
Commentaire : Concernant son approvisionnement en électricité et cette volonté affichée de réduire la part du nucléaire et de fortement développer les ENR intermittentes (solaire et éolien), l'UE fait penser à ce fumeur qui sachant qu'il a de fortes probabilités de choper un cancer des poumons, continue de...fumer! Jusqu'au bout de la nuit...
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"Dark-doldrums", traduction anglaise du mot allemand "Dunkelflaute" désigne un épisode prolongé de production éolienne et solaire quasi nulle, combiné à une demande d’électricité accrue en fin d’automne ou en hiver. L’hiver 2016/2017 a été marqué par deux épisodes de ce type - une situation qui se répète régulièrement et qui peut durer jusqu’à deux semaines. L’approvisionnement en électricité était à la limite de ses capacités et, selon toute apparence, un black-out n’a été évité que grâce au parc conventionnel, notamment nucléaire.
L’expression « il y a toujours du vent quelque part » relève certes d’un solide bon sens populaire mais le fameux « foisonnement éolien », soit la vertu de lisser considérablement la production éolienne totale d’un pays ou d’un continent [1], n’existe ni en Allemagne ni en Europe.
Cet hiver, il y a eu deux longs épisodes avec une production d’ EnR intermittentes (éolien, solaire) quasiment nulle.
En particulier, la situation d’approvisionnement du 24 janvier 2017 a été marquée par une forte défaillance des EnR intermittentes, malgré une capacité installée de plus de 90 GW. Selon RWE [2] un black-out n’a été évité ce jour-là que grâce au parc conventionnel en back-up et notamment grâce à une production élevée des centrales nucléaires allemandes.
Le gestionnaire de réseau Amprion, responsable d'une grande partie de l’ouest de l’Allemagne, confirme lui aussi que le réseau de transport aurait atteint ses limites cet hiver [3].
Compte tenu des difficultés éprouvées à l'hiver 2016/2017, l’agence fédérale de réseau a l’intention de contracter 10,4 GW de capacité de réserve de centrales pilotables pour l’hiver 2017/2018 dont une partie à l’étranger [4]. C’est un aveu implicite que la situation d’approvisionnement marquée par une défaillance des EnR intermittentes sur de longues périodes hivernales était tendue et le besoin en capacités de réserve sous-estimé.
La production éolienne ne garantit pas un approvisionnement sûr
L’association internationale des producteurs d’électricité VGB PowerTech a publié en juin 2017 une étude sur la performance des éoliennes en Allemagne [5]. En dépit d’un doublement de la capacité installée depuis 2010 à actuellement 50 GW, la capacité garantie n’a guère évolué et elle est, avec 150 MW, toujours inférieure à 1 % de capacité installée.
Le résultat des études sur la fréquence des épisodes de production d’éolien et de solaire quasi nulle montre entre 2010 et 2016 environ 160 épisodes de 5 jours avec une production éolienne inférieure à 5 GW et que chaque année se produit un épisode de 10 à 14 jours de vents faibles. Cela montre bien que même un développement massif de l’éolien, tel que prévu par le gouvernement allemand, ne résoudra pas le problème. La production sera toujours quasiment nulle les nuits sans vent [6].
Le lissage de la production éolienne sur le plan européen demeure également limité dans des conditions d'anticyclone majeur. Selon VGB Power Tech, la production éolienne dans 18 pays européens peut temporairement baisser à ~ 4% (6,5 GW) de la puissance installée (150 GW en 2016).
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La solution : stockage à grande échelle d’électricité. Mais en attendant ?
Les ingénieurs du VGB ont calculé qu’il faudrait, en supprimant le parc thermique en support, une capacité de stockage de 21 TWh pour assurer l'approvisionnement lors d’un épisode de deux semaines de vents faibles. L’Allemagne dispose actuellement d'une capacité de stockage d'environ 0,05 TWh sous forme de STEP (station de transfert d’énergie par pompage turbinage). La plus grande STEP allemande située en Thuringe a une capacité de 1060 MW et peut fournir l’électricité en cas de besoin pendant 8 heures, soit 0,009 TWh. Il faudrait donc installer plus de 2300 STEP de cette capacité, une idée abstruse.
Energy Brainpool a publié fin juin 2017 pour le compte de Greenpeace une étude sur les épisodes de production éolienne et solaire quasi nulle. Il confirme les résultats des experts de VGB [7] et présente en même temps une solution sur la base de power to gas. Pour garantir la sécurité d’approvisionnement en cas d’épisode prolongé avec vent faible en hiver, il faudrait installer dans un mix électrique 100 % renouvelables 67 GW de centrales à gaz et 42,7 GW d’électrolyseurs... donc une "usine à gaz", un gigantesque backup de 114 GW pour une consommation de pointe de 84 GW.
En absence de preuve sur la faisabilité technique et économique de ces nouvelles solutions de stockage, il est pour l’instant moins coûteux de s’offrir le luxe de deux parcs de production, un parc à base d’ EnR dans l’espoir de trouver des solutions aux problèmes d’intermittence, et un parc conventionnel pour assurer l’approvisionnement en électricité en toute situation. Aux décideurs français d’en tirer une éventuelle leçon...
Crédit photo : EDF - Bruno Conty
1.Flocard, Hubert; Pervès, Jean- Pierre; Hulot, Jean- Paul: "Électricité : intermittence et foisonnement des énergies renouvelables" publié le 10/10/2014 en Technique de l'Ingénieur.
2.RWE Company Presentation, 2017 http://www.rwe.com/web/cms/mediablob/de/3707752/data/2495606/6/rwe/inves...
3.Amprion setzt auf Innovation für den Netzausbau; communiqué de presse du 8 juin 2017; https://www.amprion.net/Presse/Presse-Detailseite_9280.html
4.Bundesnetzagentur: Netzreservebedarf für die kommenden zwei Jahre; communiqué de presse du 2.5.2017; https://www.bundesnetzagentur.de/SharedDocs/Pressemitteilungen/DE/2017/0...
5.VGB-Studie: Windenergie in Deutschland und Europa, 27.6.2017, https://www.vgb.org/studie_windenergie_deutschland_europa_teil1.html
6.Lauer, Hartmut, Safa, Henri; Guidez, Joël : Bilan d’étape de la transition énergétique allemande; RGN 2017 , N°1 , Pages 56 - 60
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